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LA LITURGIE LATINE AVANT CIIAULKMAGNE

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L'abbé L. DUCHESNE

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ERNEST THORIN, ÉDITEUR

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DES ÉCOLES FRANÇAISES u'aTHÈNKS ET DE ROME

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ORIGINES

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préface: ,

Ce volume contient la description et Texplica- ;:ion des principales cérémonies du culte catholi- que, telles qu'on les célébrait, du quatrième au neuvième siècle, dans les églises de l'Occident la- lin. 11 porte un titre un peu ambitieux, qui nest pas tout à fait celui que j'aurais voulu. Mais je xî'8.i pas cru devoir repousser les suggestions de îrAon éditeur et je me suis contenté de reléguer au i^viii^:^ titre l'étiquette que j'avais rêvée.

Au tond, il n y a ici que des notes de tours. J'ai traité ce sujet à deux ou trois reprises dans mon enseignement de Tlnstitut catholique. Mes élèves et quelques autres personnes ont désiré avoir mes leçons par écrit : je les leur donne.

C'est peu de chose, assurément, et je n'ai pas la prétention de comparer ce petit livre aux grands travaux des liturgistes français et étrangers, qui, depuis le dix-septième siècle, ont approtondi toutes les parties de cet immense domaine. Mais les pe- tits livres ont leur utilité. Les commençants , qui ont besoin de s'orienter, les personnes pressées, absorbées par des études qui côtoient celles -ci et qui désirent se mettre vite au courant, me feront

il PRÉFACÉ.

peut-être bon accueil. Du reste, grâce aux limites assez étroites je me suis renfermé , il m'a été possible de travailler toujours de première main, sur les textes originaux.

vSi peu que Ton dépasse le temps de Charlema- gne pour TOccident et une limite à peu près équi- valente pour rOrient, on se trouve en présence d'une telle quantité de livres liturgiques qu'il fau- drait avoir devant soi plusieurs vies pour les étu- dier et les classer convenablement. Les grands ou- vrages, si méritoires, de Renaudot et de Martène ne donnent qu'une faible idée de l'appareil con- servé dans les bibliothèques de manuscrits. Mais si Ton remonte au delà du neuvième siècle, les li- vres liturgiques sont incomparablement plus ra- res : il n'est pas impossible de les étudier tous et même de les éclairer par des rapprochements em- pruntés aux autres documents historiques. C'est ce que j'ai essayé de faire, sans recourir, il est vrai, aux manuscrits, malheureusement fort dis- persés , et en m'en tenant aux textes publiés par Tommasi, Mabillon, Martène, Muratori, etc. Ce dernier a réuni les pièces principales dans les deux volumes de sa Liiurgia Romana vetus^ qui forme comme un Corpus^ incomplet sans doute, mais fort commode , des anciens livres liturgiques latins.

C'est de la liturgie latine que je me suis occupé surtout, ne cherchant dans les usages grecs ou orien- taux que des termes de comparaison. Notre vieille liturgie gallicane, celle de saint Césaire d'Arles, de saint Germain de Paris, de saint Grégoire de Tours, celle à laquelle les histoires et les conciles des temps mérovingiens font à chaque instant al-

PRÉFACE. III

lusîon , méritait d'être mise en relief, comme un vénérable monument de nos antiquités religieuses. Je crois avoir ajouté quelques observations nou- velles aux conclusions de Mabillon et de Martène, surtout en ce qui regarde le rituel de Tordination et celui de la dédicace. Mais c'est surtout vers la liturgie romaine que j'ai dirigé mes recherches. C'est évidemment celle dont l'histoire est le plus intéressante pour nous, puisque elle est, depuis des siècles, la seule liturgie de l'Occident.

Bien que je ne me sois pas interdit, quand cela m'a semblé possible, de remonter au delà du qua- trième siècle, je me suis tenu cependant le plus souvent dans une région chronologique moins re- culée. On peut relever des faits liturgiques très in- téressants dans les documents antérieurs à Cons- tantin ; mais ces faits sont isolés , ces documents sont rares et rarement explicites. La conjecture a vraiment trop à faire pour ces temps-là. Mieux vaut descendre un peu plus bas ;et procéder sur des renseignements à la fois sûrs et abondants.

Je n'ai pas dit sur ces origines liturgiques tout ce que l'on en voudrait savoir , ni sans doute tout ce que l'on en pourrait savoir. Mon érudition a des limites. D'autre part, je n'ai pas voulu, encore une fois, faire un gros livre, mais un petit livre. C'est pour cela que je me suis abstenu systémati- quement de raccorder par des explications l'usage présent avec l'usage ancien. Ces explications eus- sent été interminables. J'en dis autant des ques- tions théologiques ou confinant à la théologie qui se posent à propos de certains rites , par exemple de l'épiclèse de la messe , de la réconciliation des

IV PREFACE

pénitents, de Tordination. Ces questions ont été traitées avec soin par des savants spéciaux, mais dans des livres dont Tampleur, justifiée par Tim- portance du sujet, est hors de toute proportion avec mon cadre. Si quelquefois, dans l'enseigne- ment oral, devant un auditoire très bien préparé, j'ai pu indiquer brièvement les solutions , en me contentant de quelques explications techniques et de quelques renvois aux auteurs, ce sont des épisodes dont je dois m'abstenir ici , ne pouvant leur donner par écrit le développement qui serait indispensable au commun des lecteurs.

Du moment je me restreignais entièrement, obstinément, dans le domaine historique, il m'a semblé qu'il était de mon devoir d'écarter la ter- minologie spéciale de la théologie. Ce n'est pas que je l'ignore ou que j'en méconnaisse l'utilité. Mais, décrivant des usages très anciens et n'ayant pas d'autre but que de les montrer tels qu'ils étaient pratiqués du quatrième siècle au huitième, je n'ai pas cru devoir en parler dans une langue plus pré- cise que celle qui était employée alors.

Beaucoup de travaux analogues au mien se renferment dans Tétude de la liturgie proprement dite, de la liturgie eucharistique. J'ai adopté un cadre plus large et j'ai étendu mes recherches à d'autres cérémonies. Ici, il devenait nécessaire de faire un choix entre les innombrables manifesta- tions de la vie religieuse dans le christianisme. Quelques rites, comme ceux de l'initiation et de l'ordination, sont tellement essentiels qu'ils s'im- posaient tout d'abord. Au delà, le choix était plus difficile. J'avais pensé d'abord aux sept sacrements.

PRÉFACE. y

Mais cette distribution, si importante pour la théo- logie et même pour l'histoire de temps moins éloi- gnés, ne m'a pas paru correspondre aux exigen- ces chronologiques de mon plan. Les sept sacrements se retrouvent dans ce livre, mais comme ils se retrouvent dans l'antiquité chrétienne, un peu épars et avec des diflFérences de relief. J'ai donc suivi un autre système. J'ai choisi les cérémonies qui ont, à un degré un peu marqué, le caractère d'actes collectifs, ecclésiastiques au vrai sens du mot, celles qui intéressent directement la vie et le développement de l'église locale. Elles se recon- naissent presque toujours à ce qu'elles sont cé- lébrées, en règle générale, dans une assemblée de toute l'église, sous la présidence de l'évêque en- touré de tout son clergé. C'est pour cela que l'on ne trouvera rien ici sur le rituel funéraire, qui est d'ordre absolument privé et qui, du reste, en dehors des formules spéciales de la messe, n'offre aucune particularité très ancienne. Pour la même raison j'ai écarté tout ce qui concerne l'assistance des mourants, le baptême et la pénitence in extre- mis^ Tadministration de l'extrême-onction , les prières pour les agonisants. Tous ces rites, célé- brés nécessairement en dehors des réunions ecclé- siastiques, sont dépourvus de cette publicité qui est la condition ordinaire, régulière, du baptême, par exemple, et de l'ordination. Si j'ai admis le ma- riage, qui a plutôt l'apparence d'une cérémonie de famille que l'aspect d'un acte ecclésiastique, c'est parce que le mariage comporte une publicité qui dépasse le cercle familial et embrasse la commu- nauté chrétienne locale dans toute son étendue.

yi PRÉFAGB.

C'est devant TEglise qu'on se marie, non pas seu- lement devant Dieu, sa famille et ses amis. Il m'a fallu exclure aussi toutes les formes du culte des saints, des reliques, des images, les bénédictions de maisons, de prémices, etc. C'est un autre livre qu'il faudrait pour étudier avec quelque soin tant de manifestations diverses de la piété privée et popu- laire, protégées, encouragées par l'Eglise, sans cependant avoir été élevées par elle à la dignité de ces grands rites qui sont de véritables actes de la magistrature ecclésiastique, du sacerdoce chré- tien. Dans ce livre on ne trouvera jamais le fidèle seul devant Dieu et l'honorant en forme privée. On sera toujours à l'église, à l'assemblée chré- tienne. La prière aura toujours un caractère col- lectif, dans quelque mesure que les divers mem- bres de la réunion s'associent à son expression extérieure,

A cette première limitation se joint celle de la chronologie. Comme je n'ai pas voulu dépasser le huitième siècle, j'ai négliger certaines cérémo- nies, même très imposantes, qui ne se sont introdui- tes que plus tard, ou dont le rituel ne nous est par- venu que sous une forme trop éloignée de l'état primitif. Ici j'ai surtout on vue l'inauguration des souverains, cet acte si important, au point de vue politique aussi bien qu'au point de vue religieux. En France elle ne remonte pas au delà de l'avène- ment des Carolingiens. Si nous avons lieu de croire qu'elle fut pratiquée un peu plus tôt dans les Iles-Britanniques et en Espagne, il ne nous reste aucun document qui nous permette de dire ce qu'elle pouvait être, dans le détail, à cette époque

PRÉFACE. VU

ancienne. Les rituels du sacre de Tempereur, dans la basilique de Saint-Pierre de Rome, ont été clas- sés récemment : aucun, à mon avis, ne remonte même au neuvième siècle.

Tel est le cadre de ce travail. J'ai tenu à m'en expliquer, afin qu'on ne cherche pas dans mon li- vre ce que je n'ai ni pu ni voulu y mettre. Il me reste à dire que j'ai entendu faire œuvre d'histo- rien, d'antiquaire si l'on veut, sans qu'il y ait dans mon esprit la moindre idée de protester con- tre les changements que les siècles ou les déci- sions de l'autorité compétente ont introduits dans les usages liturgiques. On peut porter intérêt à l'histoire des Mérovingiens sans être soupçonné d'entretenir de secrètes rancunes contre Pépin d'Héristal et Hugues Capet.

Je n'ai pas non plus visé à l'édification directe. Ce livre n'est sûrement pas tel qu'on puisse l'em- porter à l'église pour y suivre comme il convient les cérémonies du culte. Il y en a un qui a été écrit à cette fin et qui s'y trouve admirablement appro- prié : c'est V Année liturgique de dom Guéranger. Cependant si mon livre n'est qu'un livre d'étude, je ne pense pas que sa lecture ait pour effet de dimi- nuer chez qui que ce soit le respect, le pieux at- tachement, auquel ont droit les rites vénérables de notre vieille mère l'Eglise catholique. Si quel- que part l'expression avait trahi ma pensée au point qu'il en pût être autrement, je le regrette- rais du fond du cœur. Ces vieux rites sont double- ment sacrés : ils nous viennent de Dieu par le Christ et par l'Eglise ; mais ils n'auraient pas à nos yeux cette auréole, qu'ils seraient encore sanc-

VIII PRÉFACE.

tiflés par la piété de cent générations. Depuis tant de siècles on a prié ainsi ! Tant d'émotions , tant de joies, tant d'afifections, tant de larmes, ont passé sur ces livres, sur ces rites, sur ces formu- mules ! Oui vraiment, je suis heureux d'avoir tra- vaillé à mettre en meilleure lumière une antiquité si sainte, et je répète volontiers, avec le néocore d'Euripide :

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ORIGINES

DU

CULTE CHRÉTIEN

CHAPITRE PREMIER.

LES CIRCONSCRIPTIONS ECCLÉSIASTIQUES.

§ 1. Juiveries et Chrétientés,

L'Eglise chrétienne est sortie du judaïsme. C'est à Jérusalem que la propagande évangélique eut son premier point de départ ; c'est en passant par les com- munautés juives de Tcmpire romain qu'elle atteignit les populations païennes.

Ces juiveries remontaient aux successeurs d'Alexan- dre (i). Les Séleucides et les Ptolémées, qui ont tant fait pour helléniser l'Orient, ont travaillé avec non moins de succès à faire sortir le judaïsme de son con- finement national. Ces deux entreprises étaient corré- latives. Il fallait du monde pour peupler et faire pros-

(1) Sur tout ceci, voy. Mommsen, Rômischen Geschichte, t. V, p. 489 et suiv.

1

2 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

pérer les villes neuves dont on semait TOrient. Or les Juifs s'étaient beaucoup multipliés depuis Texil. Des colons pouvaient être recrutés parmi eux. Déjà plusieurs dynasties de monarques asiatiques, assy- riens , babyloniens , mèdes et perses , avaient fait répreuve de la docilité dlsraël , de son détachement de tout rôle politique, de son loyalisme indifférent et résigné. Un souverain ne pouvait rêver de plus fidè- les sujets, pourvu qu'il s'arrangeât de manière à ce qu'ils ne fussent pas troublés dans leurs habitudes religieuses. Ceci était un point capital. Les Juifs pouvaient être amenés à vivre parmi les Grecs, à par- ler grec, et même à oublier l'hébreu; mais les con- vertir au polythéisme, c'est à quoi il ne fallait pas songer. Antiochus Epiphane, qui l'essaya, n'eut pas à se louer de ses efforts. D'autre part , en dehors de l'assimilation religieuse , il était impossible de faire d'un Juif un véritable Grec, un citoyen d'une ville hellénique. Il y avait donc un obstacle. On le tourna en s'abstenant d'introduire les colons juifs dans le corps des citoyens, et en se bornant à leur donner , parmi les non-citoyens , une situation privi- légiée. Ils eurent, ce que n'avaient point, par exem- ' pie, les Syriens à Antioche et les Egyptiens à Alexan- drie, une organisation administrative et judiciaire tout à fait à part. La communauté juive obéissait à des chefs spéciaux, choisis parmi ses membres ; c'était comme une cité de second ordre, intermédiaire entre la cité hellénique et la population sujette. De plus , il fut prescrit de respecter leurs scrupules religieux : on ne put les contraindre à violer le sabbat , par exemple, pour comparaître en justice ; on les exempta de certaines charges qui leur répugnaient, comme le service militaire.

Et ce n'est pas seulement dans les villes neuves que l'on constitua des colonies juives; ou en trouve

LES CIRCONSCRIPTIONS ECCLÉSIASTIQUES. 3

aussi , et de bonne heure, dans les cités grecques de la mer Egée. encore, elles avaient leur rôle parmi les « instruments de règne » à Tusage des dynasties macédoniennes. A côté de ces populations remuantes, travaillées de temps en temps par le souvenir de Tin- dépendance antique, les Juifs introduisaient un élé- ment calme et dévoué au régime établi.

Une fois fondées , ces colonies juives se dévelop- pèrent vite , par le progrès naturel des naissances , par l'immigration spontanée des Juifs de Palestine ou de Babylonie, enfin par le prosélytisme. Le prosély- tisme était favorisé alors par Taffaiblissement , géné- ral en Grèce, des croyances religieuses. Les idées des Juifs sur la divinité , si elles difl'éraient beaucoup de celles du vulgaire polythéiste, se rapprochaient de celles des philosophes grecs , très répandues dans les classes instruites. En ces temps abaissés, dans ces villes nouvelles la décadence grecque s'alliait si tristement à la vieille corruption de TOrient, les âmes élevées pouvaient être, par réaction morale, attirées vers le judaïsme. Celui-ci, du reste, loin de Jérusalem et du Temple, n'avait rien d'étroit ou d'ex- clusif; il entrait volontiers dans les voies de la pro- pagande. Beaucoup de livres juifs circulaient, le plus souvent sous des noms supposés , prêchant le mono- théisme et le culte pur. L'allégorisme, hardiment pratiqué , effaçait de l'histoire hébraïque les traits qui eussent froissé par trop le sens esthétique des Grecs et les transformait en enseignements philo- sophiques à la mode du temps. Philon d'Alexandrie fut la plus grande célébrité de ce genre. La principale des difficultés que rencontrait cette propagande, c'est qu'on ne pouvait guère se convertir sans changer de nationalité. Si délayé que fût le judaïsme de Philon , c'était cependant la religion spéciale d'une nation étrangère ; il fallait se faire juif pour adorer le dieu

4 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

des Juifs. D'autre part, Topinion grecque conciliait depuis longtemps le respect des cérémonies du culte avec les idées les plus larges sur leur eflBcacité et même sur la nature des dieux. On pouvait philoso- pher à Taise sans abandonner la religion nationale. Cette situation était, en somme, peu propre à favo- riser la propagande juive au milieu des véritables po- pulations helléniques. Il y a lieu de croire que son succès vint plutôt d'un autre côté, du côté de ces popu- lations sujettes, sans patrie, légalement en dehors de la cité, pour lesquelles l'agrégation à la communauté juive était un progrès politique, en même temps que leur initiation au culte du Seigneur était un progrès religieux.

Quoi qu'il en soit, il demeure certain que les com- munautés juives avaient acquis, en Orient et en Grèce, un développement considérable au moment ces pays passèrent sous la domination romaine. Les Romains acceptèrent cette situation : ils maintinrent et défendirent les privilèges accordés aux Juifs par les monarchies macédoniennes. Cette organisation était un rouage politique : ils se gardèrent bien de la dé- truire. Cependant ils s'abstinrent de la transporter en Occident. Il y eut sans doute, et d'assez bonne heure, une colonie juive à. Rome ; mais elle n'avait pas de situation privilégiée. A diverses reprises, sous Tibère, en 19, sous Claude, en 54, elle fut dissoute et ses membres furent chassés d'Italie. Rome, d'ailleurs, était une ville à moitié grecque. C'est dans sa population de langue grecque que se rencontraient les Juifs : leur épigraphie funéraire, entièrement grecque, en fait foi; jamais les Juifs ne traduisirent la Bible en latin. Leur propagation dans l'Occident est postérieure aux pre- miers temps du christianisme.

Défendues extérieurement par leurs privilèges , pourvues d'une organisation reconnue , les juiveries

LES CIRCONSCRIPTIONS ECCLÉSIASTIQUES. 5

des pays grecs ne se rattachaient entre elles par aucun lien extérieur. Jamais elles n'eurent quoi que ce soit à voir avec les autorités politiques de Jérusalem, même pendant la courte période les Macchabées firent de la ville sainte la capitale d*un petit royaume indépendant. Mais elles se sentaient étroitement unies par les liens les plus puissants, la communauté de religion, un sentiment national très vif, désintéressé, pour le moment, de toute revendication politique, mais alimenté par de mystérieuses espérances. Jéru- salem, quels que fussent ses maîtres temporels, de- meurait comme le centre idéal, le pôle de toute la dispersion juive. On s*y rattachait par le tribut du di- drachme, que tout fils d'Israël payait au temple du Seigneur, et aussi par le pèlerinage que Ton tenait à accomplir au moins une fois dans sa vie.

En face de cette cité sainte, Rome prit bientôt, pour un œil juif, la situation de métropole du monde païen. Les royaumes grecs disparus, les vieilles cités réduites à rien , c'est sur elle que s'orien- tait tout l'hellénisme. L'opposition fut bientôt aper- çue. Depuis les persécutions d'Epiphane, Israël était travaillé par une haine sourde contre le paganisme grec, contre l'hellénisme tout entier, ses institutions, son art, son culte. C'est de Jérusalem que ce vent soufflait. On y sentait, on y prêchait qu'il ne pouvait y avoir de paix entre l'empire de l'erreur et du mal qui trônait désormais dans la grande Babylone de l'Occident et le règne de Dieu que le Messie allait bientôt inaugurer dans la sainte cité de David.

On sait comment ces espérances furent déconcer- tées. Une lutte ouverte finit par s'établir, à l'ombre du Temple, entre les chefs du sacerdoce et les me- neurs des masses fanatiques. Le triomphe de celles-ci fut bientôt payé par la ruine de Jérusalem et de son sanctuaire. Des tentatives de revanche, sous Trajan

6 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

et SOUS Hadrien, furent promptement réprimées. A la suite de ces catastrophes, les Juifs de Tempire ro- main se confinèrent dans une horreur de plus en plus grande pour le monde au milieu duquel ils vi- vaient. S*isolant chaque jour davantage, ils abandon- nèrent aux chrétiens la propagande monothéiste. Sans doute, ils continuèrent à former une nation, et môme plus caractérisée que jamais ; ils conservèrent même, après la destruction du Temple, un centre, fort théo- rique il est vrai , dans le groupe talmudiste de Tibé- riade. Mais il devint bientôt clair que l'avenir, au moins l'avenir immédiat, n'était point à eux, pas plus en religion qu'en politique.

Cependant, leurs privilèges d'autrefois furent main- tenus. A cet égard, leur situation était bien plus forte que celle des communautés chrétiennes qui s'étaient séparées d'eux.

Cette séparation, c'est la fondation de l'Eglise. Je n'ai point à en faire l'histoire. Le fait général est bien connu. Les apôtres chrétiens, aussitôt arrivés dans une localité, se mettaient en rapport avec la communauté juive ; ils prêchaient à la synagogue, exposaient le sujet de leur mission. On ne voit pas qu'ils aient eu jamais un succès complet, que toute la colonie juive ait accepté l'Evangile. Le plus sou- vent, après avoir recruté un certain nombre d'adhé- rents, ils étaient, eux et leurs disciples, excommuniés par les chefs de la synagogue. Alors ils fondaient un groupe nouveau, schismatique par rapport à l'ancien, avec ses réunions à part, son esprit, sa doctrine, ses directeurs spéciaux. Ainsi se fonda la chrétienté lo- cale, la corporation des fidèles de Jésus-Christ, l'église.

Détachées une à une des communautés juives, dé- veloppées rapidement par une propagande active au

LES CIRCONSCRIPTIONS ECCLÉSIASTIQUES. 7

milieu des païens, les églises chrétiennes se sentaient aussitôt unies par un même sentiment de foi, de cha- rité et d'espérance. Plus elles se répandaient et se fortifiaient, plus ce sentiment se manifestait. C'était une autre fraternité religieuse, une autre nationalité supérieure, idéale, qui attendait aussi sa réalisation dans un avenir peu éloigné. Sur la terre et dans le monde réel, ce n'était pas l'épanouissement d'une race , ce n'était pas une nation établie ; nulle part on n'y trouve un centre religieux local, analogue à Jéru- salem et à son temple. Ce dernier trait, qui accuse si nettement la différence entre juifs et chrétiens, ne tarda pas, il est vrai , à disparaître. Le triomphe de Titus accrut un instant la ressemblance entre ces deux nations religieuses vivant au sein de l'empire , et, à plusieurs égards, en opposition avec lui.

Cependant , s'il y a ressemblance et parenté , c'est la ressemblance et la parenté de deux frères ennemis. La question des privilèges le fît bien voir, dès la pre- mière heure. Les communautés juives étaient recon- nues ; les communautés chrétiennes ne l'étaient pas. Leur existence était en contradiction avec la loi ; leur développement fut bientôt considéré comme entière- ment incompatible avec la constitution, le tempérament même de l'empire. De ce régime d'insécurité, quel- quefois de terreur, sous lequel elles vécurent jusqu'à Constantin.

J'ai tenu à mettre en relief le lien historique qui rattache les premières églises chrétiennes aux com- munautés juives répandues dans le monde grec. Une parenté aussi étroite ne put manquer d'exercer une sérieuse influence sur l'organisation du gouvernement ecclésiastique et du culte.

Dans les documents les plus anciens, les églises chrétiennes nous apparaissent ayant à leur tête im

8 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

personnel hiérarchique distribué en deux ou trois de- grés. Le degré inférieur est celui des ministres, frères servants, chargés des soins matériels et des fonctions inférieures du culte. Ce sont les diacres. Au-dessus d'eux, il y a des « anciens », presbtjteri, prêtres, ou des « inspecteurs », episcopi, évéques. Aux premiers temps, on relève quelque variété dans Tusage qui est fait de ces termes, et aussi dans la distribution des fonctions entre les personnes qu'ils désignent. Il est sûr, en tout cas, que les prêtres ou évêques qui diri- gent la communauté locale reconnaissent Tautorité supérieure des apôtres de divers ordres, fondateurs et 'maîtres spirituels, non pas seulement d'une chrétienté isolée, mais soit de toutes les chrétientés en général, soit de celles de certaines régions. A mesure que dis- paraissent ces grands chefs, on voit apparaître la hié- rarchie définitive. Dans chaque ville, tous les chré- tiens et tous leurs directeurs, presbyteri, episcopi, sont groupés autour d'un évêque en chef, auquel ce nom d'évêque ne tarde pas à être réservé exclusivement. Autour de lui et formant collège avec lui, le conseil des prêtres ; au-dessous , les diacres, qui , dans leurs fonctions, devenues de plus en plus nombreuses et diverses, seront bientôt assistés par tout un personnel de ministres inférieurs.

On s'est demandé dans quelle mesure cette organi- sation procédait de celle des communautés juives. Il me semble qu'elle procède, avant tout, de la nature des choses. Il est difiBcile, en effet, de concevoir une communauté du genre de celles dont il s'agit, sans un conseil, un personnel de fonctionnaires actifs et un chef qui puisse agir et diriger (1). C'est la hié- rarchie dont les apôtres dotèrent, dès les premières

(1) C'est un élément essentiel dans la constitution des corporations, teÙe que la définit le droit romain. Dig,^ III, 4, 1.

LES CIRCONSCRIPTIONS ECCLÉSIASTIQUES. 9

années du christianisme, Téglise de Jérusalem, la première en date de toutes les églises chrétiennes, et la mieux placée, en ces temps d'origines, pour servir d'exemple. Dès lors, la question posée perd beaucoup de son intérêt. Elle est , de plus , assez dif- ficile à traiter avec quelque précision , vu la pénurie des renseignements sur l'organisation des commu- nautés juives de la « dispersion ». Il y avait des si- tuations très différentes. Quelquefois, la population juive étant très considérable, on trouvait, dans la même ville, plusieurs synagogues, bien que la communauté nationale eût à sa tête un chef unique. C'était le cas à Alexandrie, les Juifs étaient administrés par leur ethnarque. A Smyrne, une inscription (i) mentionne « la nation des Juifs » ; mais elle ne dit pas si , aussi , il y avait un ethnarque ou un magistrat analogue. Si, de l'organisation des communautés en corps de na- tion , nous passons à celle des synagogues , qui , en bien des cas, devait servir aux deux fins, les données sont encore plus incertaines. Les Evangiles, les Actes des apôtres, parlent assez souvent des chefs de syna- gogue ; mais ils sont rarement assez précis pour que l'on puisse distinguer s'il y a , par synagogue , un ou plusieurs chefs. Quand, par extraordinaire, ils ont la précision voulue, leurs données ne permettent pas de conclure à l'existence d'un type unique et universel- lement admis. Dans la localité de Galilée eut lieu la résurrection de la fille de Jaïre, il y avait plusieurs « chefs de synagogue (2) ». Dans celle fut guérie la femme courbée (3) , il n'y en avait qu'un. La même variété se retrouve en dehors de la Palestine : à An-

Ci) U s'agit d'une amende à payer, en cas de violation de sépulture, < T$ êOvei xûv louSaCttv. » Cette inscription a été publiée par M. Sal. Reinach, dans la Revue des études juives, 1883, p. 161.

(2) Marc, V, 22.

(3) Luc, XIII, 10.

10 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

tioche de Pisidie, plusieurs « chefs de synagogue », un seul à Corinthe (1). Il ne serait pas impossible qu'une telle diversité d'usages eût concouru à engendrer cette fluctuation dans les termes ou ces différences réelles dont témoignent les documents chrétiens les plus an- ciens, quand ils viennent à parler de la hiérarchie des églises nouvellement fondées (2). Les différences réelles ont pu être très grandes ; les églises primi- tives ne pratiquaient pas toutes la vie sociale avec le même degré d'intensité. A Jérusalem, on était allé, dans cette voie, jusqu'à la communauté de biens ; en général, on demeura fort en deçà.

L'institution des Sept, dans la même église, servit plus tard de point d'appui à la tradition de ne pas dépasser, pour les diacres, le chiffre de sept. En d'autres églises, les services étaient moins com- pliqués, on dut se contenter, en fait de servants, d'un personnel moins nombreux. Les synagogues avaient des employés de cet ordre ; dans l'Evangile, ils sont appelés simplement ôTnip^Tat (serviteurs).

En somme, soit par imitation des synagogues, soit par la simple influence des besoins essentiels à toute communauté, les premières chrétientés se trouvèrent bientôt pourvues d'une hiérarchie à trois degrés. Cette hiérarchie tenait ses pouvoirs, directement ou indi- rectement, des apôtres eux-mêmes. La communauté désignait ordinairement les personnes ; mais l'inves-

(1) Actes, XIII, 15; XVIII, 8. 17.

(2) Sur cette question, voir le mémoire du P. Ch. de Smedt, L'or- ganisation des églises chrétiennes ^ dans la Revue des questions historiques d'octobre 1888. On me permettra de ne pas prendre au sérieux les systèmes imaginés dans ces derniers temps en Allemagne et en Angleterre, pour rattacher l'organisation des églises chré- tiennes à celle des confréries païennes. L'idée que les premiers chré- tiens aient pu chercher des modèles, pour quoi que ce soit, dans des institutions qu'ils avaient en horreur, n'est pas de nature à faire honneur aux têtes dans lesquelles elle peut entrer.

LES CIRCONSCRIPTIONS ECCLÉSIASTIQUES. 11

titure leur venait, soit de Tévêque local, soit, quand il s'agissait de cette fonction elle-même, de Tautorité ecclésiastique supérieure , représentant la succession des apôtres.

§ 2. Eglises locales^ diocèses épiscopauœ.

Le groupe ecclésiastique local s'est d'abord con- stitué et organisé sur le modèle offert par les commu- nautés juives, ou, à tout le moins, sous l'influence de nécessités semblables à celles les communautés juives s'étaient elles-mêmes développées et réglemen- tées. Grâce aux progrès incessants de la propagande chrétienne, il vint un temps où, comme dit un très ancien auteur; « les enfants de la femme stérile sur- passèrent en nombre ceux de la femme féconde (1). » La population chrétienne s'éleva, dans chaque ville, de la situation de minorité imperceptible à celle de minorité respectable ; elle devint ensuite la majorité, puis l'unanimité. Ces phases diverses furent attein- tes, suivant les lieux, à des dates très différentes. La Phrygie était à peu près chrétienne que la Gaule ne comptait encore qu'un très petit nombre d'églises organisées. Le quatrième siècle vit un peu partout les derniers actes de cette transformation , au moins en ce qui regarde les masses populaires des villes. Cet énorme développement ne modifia que très peu l'organisme hiérarchique des églises. Le nombre des ministres sacrés augmenta ; quelques changements , quelques spécialisations de pouvoirs se produisirent ; mais le gouvernement demeura monarchique ; il le devint même de plus en plus. Les prêtres continuè- rent d'être les conseillers, les suppléants, les auxi- liaires de l'évêque ; les diacres et autres ministres

(1) II Clem., 2.

12 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

inférieurs, de s'occuper des services temporels, de Tassistance charitable , des détails secondaires du culte.

Les institutions municipales, les curies, les duum- virs , les curateurs ne furent Tobjet d'aucune imita- tion. C'est même à tort que l'on a cru discerner, dans les documents du quatrième et du cinquième siècle, une participation de l'évêque au gouvernement de la cité. Le clergé fondu avec la curie, l'évêque, sous le titre de defensor civitatis, prenant place parmi les magistrats municipaux, ce sont des choses non seulement indémontrables, mais absolument incom- patibles avec le droit ecclésiastique du temps dont il s'agit. Qu'il y ait eu une influence morale, que les chefs religieux aient exercé indirectement une cer- taine action sur le gouvernement des villes, au qua- trième et au cinquième siècle, cela ne fait aucun doute. Mais, en droit et en fait, l'église et la cité, le clergé et la curie , l'évêque et les magistrats munici- paux continuèrent à respecter la distinction de leurs domaines.

En un point seulement, et très important, l'organi- sation administrative de l'empire exerça une influence réelle sur le développement des institutions ecclésias- tiques. Je veux parler des circonscriptions munici- pales, provinciales et autres.

A l'origine, on ne s'était posé aucune question de limites. Les colonies juives étaient toujours dans les villes : il en fut de même des premières chrétientés. A mesure que le christianisme se répandit dans les pe- tites villes et dans les campagnes, on sentit le besoin de savoir commençait, finissait le territoire de chaque église. Les cités de l'empire, avec leurs terri- toires nettement définis par le cadastre, offrirent ici des limites toutes tracées, contre lesquelles aucune raison de l'ordre religieux ne pouvait être soulevée. On ad-

"\

LBS CIRCONSCRIPTIONS ECCLÉSIASTIQUES. 13

mit, en général, que toute cité devait avoir son évo- que, que sa population devait former une église spé- ciale. Ces circonscriptions, il est vrai, étaient très inégales. En certains pays, c'étaient de véritables provinces : la cité de Poitiers, par exemple, celle du Mans et bien d'autres en Gaule. En Afrique, au con- traire , dans ritalie méridionale , dans l'Asie Mineure occidentale, les villes, très rapprochées, n'avaient guère qu'une étroite banlieue. Il y avait des pays, comme la Cappadoce , les institutions municipales ne s'introduisirent que fort tard ; en Egypte, elles demeurèrent à peu près inconnues ; ces provinces étaient subdivisées autrement, en nomes ou en stra- tégies (1). Ailleurs, on trouvait, entre les circonscrip- tions de cités, d'immenses propriétés domaniales, nullius civitatis, dont la population rurale était régie par des procurateurs relevant directement des gouver- neurs de province. Cependant la cité était le cas gé- néral, et la règle d'un évêque par cité ou par circon- scription équivalente fut appliquée presque partout, au quatrième siècle et depuis.

§ 3. Provinces ecclésiastiques.

Mais il y avait d'autres relations chrétiennes que celles qui reliaient entre eux les membres d'une même église, établis sur le territoire de la môme cité. Dès l'origine , les chrétiens de tout pays , de toute race et de toute condition s'étaient sentis frères les uns des autres. En dehors des liens qu'établissait la commu- nauté de foi et d'espérances, en dehors des incessan- tes relations de charité dont témoignent les premiè-

(1) Je n'entends pas dire qu'il y ait eu des cvéquos de nomes , do stractégies, de sallus. L'étude de ces cas particuliers n'a pas encore été faite, et ce n'est pas ici le lieu de présenter ce que je puis avoir réuni, à ce propos, de textes, d'observations et de conjectures.

t <k

14 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

res pages de la littérature chrétienne , il y avait aux premiers temps une perpétuelle circulation d'apôtres, de missionnaires, de prophètes, de docteurs (1), dont le ministère n'avait rien de local ni de fixe, qui al- laient et venaient d'une chrétienté à l'autre, rayon- naient dans toutes les directions pour porter l'Evan- gile là il n'avait pas pénétré , pour encourager , instruire, défendre, les communautés naissantes, et peu affermies.

Les premiers temps passés, une fois disparu tout ce personnel itinérant, ubiquiste, il ne resta plus que les organisations ecclésiastiques locales. C'est de celles-ci que devait sortir l'expression hiérarchique de l'unité de l'Eglise en même temps que les or- ganes de son gouvernement œcuménique et provin- cial.

Jérusalem n'existait plus que comme souvenir. Après la catastrophe du temps de Titus, il put s'y reformer un petit groupe de chrétiens , mais qui de- meura longtemps obscur et sans importance. Il était clair que la ville sainte n'était point prédestinée à de- venir la métropole du christianisme. C'est à la grande Babylone de l'Occident, tant maudite des prophètes juifs, que ce rôle était échu. Bien que située à l'ex- trémité et même en dehors du monde grec, Rome était cependant le centre vers lequel tout ce monde gravitait. Du moment le christianisme aspirait à embrasser VOrhis Romanus tout entier, il ne pouvait avoir d'autre capitale. Elle était d'ailleurs comme consacrée par la prédication et le martyre des deux plus grands apôtres. De ceux-là le souvenir était resté vivant. Les autres apôtres missionnaires, à la seule

(1) Docteurs est un bien gros mot. Je le prends dans Ti terme grec, StfiàoxaXot, qui serait peut-être mieux ren<] chistes.

'acception du rendu par caté- chistes.

LBS CIRCONSCRIPTIONS ECCLÉSIASTIQUES. 15

exception de saint Jean , avaient disparu sans laisser de souvenirs précis. La légende, qui s'empara bientôt d'eux, parait l'avoir fait avec d'autant plus de liberté qu'elle ne se heurtait qu'à des traditions très fugiti- ves. Rome, capitale de l'empire, siège de saint Pierre, lieu sacré des apôtres, devint sans conteste la métro- pole de l'Eglise. Les Asiatiques eux-mêmes, malgré le long séjour que l'apôtre Jean avait fait parmi eux, ne firent pas diflBculté de la reconnaître. A la fin du * premier siècle, Clément Romain écrit déjà comme un pape et intervient avec une imposante autorité dans les conflits intérieurs de l'église de Corinthe, pourtant fondée, elle aussi, par les apôtres. Hermas, peu après , écrit son Pasteur pour toutes les églises ; le martyr Ignace, évêque d'Antioche, relève la préé- minence de l'église de Rome. Au deuxième siècle tout le christianisme y afflue, docteurs hérétiques, voyageurs orthodoxes , apologistes , évéques , Asiati- ques, Syriens, gens du Pont, de Palestine, d'Egypte; elle est le centre visible de tout le mouvement chré- tien, authentique ou hétérodoxe. Les grandes métro- poles qui firent plus tard quelque figure, Carthago, Alexandrie , Antioche , n'ont encore aucun relief. L'Asie seule peut compter pour quelque chose. En- core son importance était-elle secondaire, comme on le vit très bien dans le conflit de la fin du deuxième siècle à propos de la Pâque.

Cependant cette prééminence hiérarchique, cette di- rection générale qui avait son siège à Rome, fut exercée sans que l'on songeât à créer un personnel spécial. C'est avec les prêtres , les diacres , les secré- taires {notarii) de son église que l'évêque de Rome traitait les affaires qui se présentaient ou pourvoyait aux soins temporels et spirituels des églises qu'il croyait devoir assister.

Parmi celles-ci, celles de la Basse-Italie, déjà fort

16 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

nombreuses au troisième siècle (1), se rattachaient plus étroitement à Rome, d'où, bien évidemment, elles avaient reçu leurs premiers apôtres et leur or- ganisation. Métropole du christianisme tout entier, Rome était encore le centre de ce que Ton pourrait appeler déjà un gouvernement provincial, une pro- vince ecclésiastique. Des relations de ce genre s'étaient formées, et pour les mêmes raisons, en d'au- tres pays, autour de certaines grandes villes. Car- thage, par exemple, fut toujours considérée comme le centre du christianisme africain, de Tévangélisation et de l'organisation. Dès le commencement du troi- sième siècle, son évêque était déjà comme un primat ou un patriarche (2). Il en était de même à Alexan- drie, et, quoique à un moindre degré, à Antioche, la doyenne des chrétientés en pays grec, le centre des plus anciennes missions dans la Syrie du nord, l'île de Chypre, l'Asie Mineure, la Mésopotamie et la Perse. En Asie les foyers de rayonnement étaient plus nombreux et les influences se balançaient. Il y avait trop de villes illustres, rivales depuis les temps fabuleux. Ephèse n'eut jamais qu'une primauté d'honneur sur des églises comme celles de Smyrne, Sardes, Pergame et autres.

Ces relations ecclésiastiques correspondent assez exactement à certaines institutions de l'empire. On peut comparer les évoques de Carthage, d'Alexandrie, d'Antioche , au proconsul d'Afrique , au préfet d'E- gypte, au légat de Syrie. Mais il est sûr qu'il n'y a eu aucune imitation. Les grands gouvernements en question procèdent des exigences géographiques et de certaines relations historiques, qui elles-mêmes

(1) Eusèbe, H. E., VI, 43.

(2) Cependant cette autorité locale était alors moins sentie en Afrique que l'autorité supérieure de Téglise romaine. On le voit, en particulier, par les écrits de TertuUien.

LB8 CIRCONSCRIPTIONS BCCLÉ8IA8TIQUBS. 17

sont la conséquence des premières. Il en est de même des primaties chrétiennes. L'évêque de Carthage est devenu le supérieur des évoques d'Afrique, parce que c'est de l'église de Carthage que sont sortis les fon- dateurs des églises d'Afrique, et ils en sont sortis parce que la disposition géographique du pays veut que tout y procède de Carthage. On en peut dire au- tant des autres métropoles naturelles, qui sont les plus anciennes de toutes.

du reste s'arrête , pour les temps antérieurs à la fin du troisième siècle, l'assimilation entre les mé- tropoles ecclésiastiques et la distribution de l'empire en provinces. Le peu que nous savons sur les con- ciles tenus en ces temps reculés suffit à prouver qu'on n'avait encore aucun souci de grouper les églises par provinces civiles.

Ces conciles , dont les plus anciens remontent aux dernières années du deuxième siècle , sont une ex- pression très remarquable des relations ecclésiasti- ques interdiocésaines. Au temps TertuUien écri- * vait son De ieiuniis (vers 220) , ils étaient encore inconnus en Afrique; dans les pays grecs, au con- traire, ils formaient déjà une institution établie (1). Bien peu de temps après, on voit les évêques de Carthage , Agrippinus , Donat , Cyprien , réunir au- tour d'eux des évêques venus de toutes les provin- ces africaines. La Mauritanie , au temps de saint Cyprien , ne relevait pas du proconsul de Carthage ; il est maintenant démontré que la Numidie , quoique rattachée à l'Afrique par certains liens spéciaux , par exemple par une ligne commune de douanes provin-

(1) « Aguntur per Graecias illa certis in locis concilia ex universis ecclesiis, per quao et altiora quaeque in commune tractantur et ipsa repraesentatio totius nominis christiani magna veneratione célébra- tur. » De ieiuniis^ 13.

2

18 ORiaiNBS DU GULTB CHRÉTIEN.

ciales, avait cependant son gouverneur particulier. Néanmoins les évoques de toutes les provinces afri- caines se groupent autour de Tévêque de Carthage , sans que l'on distingue encore aucune autre réparti- tion. Les primats de Numidie, par exemple, n'ont été institués que plus tard.

En Egypte , Ton ne voit pas encore de conciles, Tévêque d*Alexandrie intervient, non seulement dans les affaires des églises de sa province (1), mais aussi dans celles de la Pentapole lybienne , qui , à cette époque , est rattachée administrativement à Tile de Crète (2).

En Syrie , vers la fin du deuxième siècle , un con- cile à propos de la querelle pascale groupe les évo- ques de Césarée, d'iElia, de Ptolémaïs, de Tyr et quelques autres dont on ignore les sièges (3). Or, Tyr et Ptolémaïs appartenaient alors à la province de Syrie (bientôt après à la nouvelle province de Phéni- cie) , tandis qu'^Elia et Césarée étaient dans la pro- vince de Palestine. Ce groupement est donc con- traire à la distribution des provinces. Il est purement géographique. Les évêques de la côte méridionale , au-dessous du Liban , sont plus rapprochés de Césa- rée que d'Antioche : ils viennent à Césarée. Il est à noter aussi que , dans leur lettre synodale , dont Eusèbe nous a conservé un fragment, ils déclarent qu'ils ont Thabitude de s'entendre avec l'évêque d'A- lexandrie pour fixer la date de Pâques. Aucune trace de relations avec la métropole de la Syrie.

Celle-ci, de son côté, rayonne en dehors de la pro- vince de Syrie. Vers la fin du deuxième siècle, Séra- pion , évoque d'Antioche , fait acte de ministère pas-

(1) Par exemple, à Arsinoé, près de Suez (Eusèbe, H, E., VII, 24).

(2) Eusèbe, H. E., VII, 68.

(3) Eusèbe, H. E., V, 23, 25.

LES CIRCONSCRIPTIONS BCGLÉ8IA8TIQUB8. 19

toral à Rhossos, ville située en Cilicie (1). D'après la tradition de l'église d'Edesse (2) , ce même Sérapion aurait ordonné Palout, troisième titulaire du siège mésopotamien. Or au temps de Sérapion et de Pa- lout , la ville d'Edesse n'avait pas encore été incorpo- rée à l'empire romain.

En Asie Mineure, nous trouvons, vers le milieu du troisième siècle, un concile d'Iconium, se réunis- sent des évêques de provinces fort différentes, de Cappadoce, de Galatie, de Cilicie, d'autres encore (3).

En somme, il n'y a encore aucune trace d'une ten- dance à modeler les provinces ecclésiastiques sur les provinces civiles. Mais il y a çà et des groupe- ments ecclésiastiques locaux, soit autour des métro- poles naturelles, soit en conciles régionaux d'une éten- due plus ou moins grande, suivant les circonstan- ces (4).

En ce dernier genre, il faut signaler celui qui se produit autour d'Antioche, depuis le milieu du troi- sième siècle. A diverses reprises on y voit réunis

(1) Eusèbe, H. E., VI, 12.

(2) Cette tradition est consignée tant dans la Doctrine d'Addai que dans les actes de saint Barsamya (Tixeront, Les origines de l'église d'Edesse, p. 140).

(3) Cypr, ep. , LXXV, 7. Iconium et la Lycaonie étaient alors rat- tachés à la province de Cilicie. Voy. Bulletin de corresp. helléni- que, t. VII, p. 290; t. XI, p. 351.

(4) On a dit assez souvent, dans ces derniers temps, que la hié- rarchie chrétienne des évéques et des métropolitains dérive de la hiérarchie du sacerdoce municipal et provincial de Rome et d'Au- guste. Il est difficile d'imaginer une conception plus fausse et plus en contradiction, tant avec les documents qu'avec la nature même des institutions que l'on rapproche ainsi. Ceux qui ont produit cette idée singulière se sont laissé séduire par une vaine apparence ; ils se sont d'ailleurs abstenus de donner des preuves et même d'étudier sérieusement la question. En face d'une affirmation aussi gratuite, je crois devoir -me borner ici à signaler charitablement l'impasse oii aboutit cette voie trop et trop bien fréquentée.

20 ORIGINES DU GULTB GHjlÉTIBN.

les évoques de toute la Syrie et de TAsie Mineure orientale , de ce qui sera bientôt le diocèse de Pont. Dès Tannée 251 , nous avons connaissance d'un sy- node qui devait se tenir à Antioche, l'évêque de cette ville , Fabius , paraissant incliner au novatianisme. Les promoteurs de cette réunion étaient les évéques de Tarse, de Césarée en Palestine et de Césarée en Cappadoce (1). Quelques années après, en 256, Denys d'Alexandrie (2) , passant en revue les églises d'Orient qui avaient été agitées par ce conflit, nomme celles d'Antioche , Césarée de Palestine , iElia (Jérusalem) , Tyr, Laodicée de Syrie, Tarse et Césarée de Cappa- doce. Un peu plus tard, de 264 à 268, l'affaire de Paul de Samosate occasionna plusieurs réunions d'évêques à Antioche et dans l'intérêt de cette église. Ils viennent toujours des mêmes provinces, depuis le Pont Polémoniaque (Néocésarée) et la Lycaonie (Ico- nium), jusqu'à l'Arabie (Bostra) et à la Palestine (Césarée , iElia). Au lendemain de la persécution de Galère et de Maximin, un concile célébré à Ancyre, sous la présidence de l'évêque d'Antioche, réunit une quinzaine d'évêques, des mêmes pays encore; cette fois-ci, les provinces de Galatie, de Bithynie, de Phrygie , de Pamphylie , sont représentées ; mais l'Asie proprement dite reste encore en dehors du groupe.

Ce groupe, c'est comme le noyau de ce qui s'ap- pelle, au quatrième siècle, l'épiscopat à! Orient^ sans cesse en lutte , à propos de personnes et de formules, avec les évêques d'Occident et d'Egypte. La désigna- tion qu'il porte lui vient de son chef incontesté, l'évo- que d'Antioche, de cette grande ville qui était alors la capitale du grand diocèse d'Orient, la résidence

(1) Eusèbe, H. JE., VI, 46.

(2) /5id., VII, 5.

LES CIRCONSCRIPTIONS ECCLÉSIASTIQUES. 21

du cornes Orientis et de l'empereur d'Orient lui-même, depuis Constance. Nicomédie avait eu naguère ce der- nier privilège ; de hautes destinées furent ménagées par Constantin à sa nouvelle Rome, mais elle dut les attendre quelque temps encore. Jusqu'à Théodose, Antioche demeura la reine de TOrient , le centre de gravité de Tempire grec et sa principale métropole ecclésiastique. Les vieilles églises d'Asie, les chré- tientés du diocèse de Thrace, furent entraînées dans cette orbite. Alexandrie s'y refusa. L'opposition d'Atha- nase aux conciles orientaux fut chaudement soute- nue par les Egyptiens. Leurs rancunes contre la Sy- rie remontaient presque à l'origine du monde. On les avait rangés dans Pobédience du comte d'Orient. Il fallut se résigner à leur accorder un dignitaire du même degré : le préfet Augustal fait son apparition sous Théodose. On avait prétendu leur imposer des évéques venus d'Antioche et ordonnés par le métro- politain de cette ville. Ils s'obstinèrent et finirent par avoir raison, sur ce point encore, de toutes les résis- tances impériales.

Ces considérations m'ont entraîné un peu loin du troisième siècle ; mais elles peuvent servir à montrer que plus le christianisme se répandait, plus ses ca- dres se dessinaient sous les mêmes influences géogra- phiques et historiques qui avaient déterminé ceux de l'empire. Une assimilation entre les deux ne pouvait manquer de se produire. On y arriva beaucoup plus vite en Orient qu'en Occident, par la raison que les chrétiens étaient incomparablement plus nombreux en Orient qu'en Occident. Au concile de Nicée (1), le groupement des évéques par provinces et leur subor- dination à l'évéque de la métropole civile sont déjà

(1) Canons 4-7.

22 ORiaiMES DU CULTE CHRÉTIEN.

choses acquises. On part de pour légiférer sur les ordinations et les jugements ecclésiastiques, ainsi que pour régler certaines situations spéciales. Les pro- vinces visées par le concile sont celles du temps , celles que Dioclétien avait formées en subdivisant les anciennes (1). Ce n*est pas le concile de Nicée qui a institué les provinces ecclésiastiques : elles existaient avant lui en Orient. En Occident, il n*y avait encore rien de semblable, si ce n'est peut-être en Afrique, les évoques de la province de Numidie avaient un doyen ou primat spécial , dès le temps de Dioclétien et de Maxence (2). Mais toutes les provinces d'Afrique n'en étaient pas là. Celle de Mauritanie Sitiflenne fit corps avec la Numidie jusqu'au concile d'Hippone tenu en 393 (3). Encore ces primats africains doi- vent-ils être distingués des métropolitains propre- ment dits. Il n'y avait pas de métropole ecclésias- tique, en Afrique, si ce n'est à Carthage. Le primat provincial était simplement le doyen des évêques de la province, quel que fût son siège. Peut-être y avait-il en Espagne quelque organisation de ce genre. Une expression assez obscure du concile d'Elvire per- mettrait de le soupçonner (4). Par ailleurs il n'y a, dans tout l'Occident, jusqu'au Danube et à l'Adria- tique, aucune trace du groupement provincial et

(1) Sur ce sujet, voy. Mommsen, Mémoire sur les provinces ro~ mairies, trad. Picot, Paris, Didier, 1867 (extrait de la Revue archéo- logique de 1866) ; Jullian, De la réforme provinciale attribuée à Dio- clétien^ dans la Revue historique^t, XIX (1882) , p. 331.

(2) Ceci résulte des documents sur les origines du schisme dona- tiste.

(3) Cod, can, ecclesiae Afr., c. 17.

(4) Canon 58 : Placuit ubique et maxime in eo loco in quo prima cathedra constituta est episcopatus^ ut interrogentur hi qui corn.- municatorias litteras tradunt, H n'est pas sûr que prima cathedra episcopatus ne désigne pas tout simplement le siège épiscopal, par opposition à des plèbes ou paroisses organisées dans les villes ou les villages.

LES GIHGONSGRIPTIONS EGGLÉ8USTIQUBS. 23

du régime métropolitain, au sens oriental du mot. Le concile de Nicée consacra , par son sixième ca- non, certaines situations spéciales, qui ne cadraient point avec l'organisation provinciale. La principale exception est celle de Tévêque d'Alexandrie, à qui on reconnut le pouvoir de régler toutes les affaires ec- clésiastiques et notamment les ordinations, dans toute l'Egypte et dans les deux provinces lybiennes. On allégua, à l'appui de cette exception, l'exemple de Tévéque de Rome, qui gouvernait, lui aussi, sans in- terposition de métropolitains , un très grand nombre d'églises. On ne dit pas au juste quels privilèges fu- rent reconnus à l'évêque d'Antioche, mais il fut visé spécialement. Le concile mentionne aussi d'autres exceptions, sans les indiquer nommément. Peut-être songeait-il à l'Occident, où, en effet, régnaient d'autres usages. Du reste, le concile de Nicée, comme tous les conciles d'Orient, même quand ils sont œcuméniques, légifère surtout pour l'Orient et ne s'inquiète guère de ce qui se passe dans les régions occidentales.

§ 4. Patriarcats, Eglises nationales.

Cette organisation provinciale est loin de représen- ter le terme de l'assimilation qui se fit en Orient entre la hiérarchie ecclésiastique et la hiérarchie civile. Au- dessus des gouverneurs de provinces, Dioclétien avait établi des chefs de diocèses ou vicaires. Dans la partie orientale de l'empire, les diocèses furent d'abord au nombre de quatre : ceux d'Orient, de Pont, d'Asie et de Thrace. Vers le temps de Théodose, ce nombre fut porté à cinq par la création du diocèse d'Egypte, sé- paré du ressort du comte d'Orient. Au concile de Constantinople, en 381, les cinq diocèses furent adop- tés comme ressorts d'une juridiction ecclésiastique

24 ORiaiNES DU GULTB CHRÉTIEN.

supérieure à celle des métropolitains et des conciles provinciaux.

Cette juridiction fut attribuée , dans le diocèse de Pont, à révoque de Césarée en Cappadoce; dans le diocèse d'Asie, à celui d'Ephèse. Dans le diocèse de Thrace, Constantinople, désormais en possession d'être la résidence de l'empereur, était désignée par cela même. Mais les évêques de la capitale ne se conten- tèrent pas longtemps d'être les chefs ecclésiastiques d'un seul diocèse. Le concile de 381 leur avait dé- cerné la préséance sur tout l'épiscopat, après Févêque de la vieille Rome. Constantinople étant, au civil, as- similée entièrement à l'antique métropole de l'empire, les pères du concile jugèrent qu'elle devait avoir, même au point de vue ecclésiastique, le pas sur tou- tes les villes d'Orient. Cette décision, il est vrai, ne fut point acceptée à Rome, et ce fut en vain qu'on la fit consacrer, soixante et dix ans plus tard , par le concile de Chalcédoine. Les papes s'en tinrent à l'ancien usage et s'efforcèrent de maintenir, contre les reven- dications des évêques de la ville impériale, les privi- lèges d'antiquité et d'honneur des vieux sièges d'Alexandrie et d'Antioche.

Mais leur voix fut peu écoutée; on leur accorda sans doute des satisfactions, mais de pure cérémonie. L'évêque de Constantinople se transforma de plus en plus en une sorte de pape de l'empire oriental; les résistances qu'il rencontra dans cette voie furent bri- sées Tune après l'autre.

Ce furent les Alexandrins qui se défendirent avec le plus d'énergie. L'esprit d'opposition de la vieille Egypte, son extrême centralisation qui l'incarnait en son patriarche , l'ardeur , le prestige de ses moines , l'appui spécial et traditionnel de l'église romaine, soutinrent longtemps le siège de saint Marc. Les Théophile , les Cyrille , les Dioscore firent , en plus

LBS CIRCONSCRIPTIONS BCCLÉSIASTIQUR8. 25

d'une occasion, sentir leur force aux évëques de la .ville impériale. L'hérésie les perdit. L'église romaine se vit obligée d'abandonner les successeurs d'Atha- nase; le concile de Chalcédoine brisa l'orgueil du pharaon ecclésiastique. Divisée depuis lors , en butte à des querelles intestines et à des vexations séculiè- res qui la désaffectionnaient de Tempire, l'Egypte chrétienne tomba comme une proie facile au pouvoir de rislam et sa séparation fut consommée.

Le reste de TOrient était habitué à graviter autour de la capitale. Antioche ayant, depuis Théodose, perdu cette situation , il se tourna vers Constantino- ple. Les trois diocèses du nord, dabord séparés de la vieille métropole , furent bientôt accaparés par la nouvelle. Les évêques de Constantinople , soutenus, il faut le reconnaître, par l'opinion, ne tardèrent pas à slngérer dans les affaires ecclésiastiques des diocèses voisins. Beaucoup de faits de ce genre, mêlés çà et de quelques résistances , s'étaient déjà produits ,i) quand le concile de Chalcédoine décida que Tévêque de Constantinople aurait le droit de con- sacrer les métropolitains provinciaux des trois diocè- ses, ceux-ci conservant l'ordination de leurs suffragants. Le même droit d'ordination lui fut attribué relative- ment aux chefs des églises nationales relevant de ces trois diocèses (c. 28). Il fut, de plus, investi d'une juridiction concurrente avec celle des chefs de dio- cèses (exarques) pour juger des procès ecclésiastiques intentés aux métropolitains (ce. 9, 17 .

De cette façon, les titulaires des sièges de Césarée de Cappadoce et d'Ephèse perdirent à peu prés toute autorité sur Tépiscopat de leurs ressorts respectifs; ils ne furent plus que de simples métropolitains, ho- norés seulement de quelques privilèges en fait de

(1) Sur ceci, voy. Tillemont, Hist. eccl., t. XV, p. 702.

26 ORI&INBS DU CULTE GHRÉTIBN.

titres et de préséances. Le patriarcat de Constantino- ple s'établissait ainsi par la fusion des trois diocèses de Thrace, d'Asie et de Pont.

Mais ce n'est pas seulement de ce côté que se res- treignit l'orbite de l'influence ecclésiastique d'Antio- che. On aurait pu croire que le diocèse d'Orient, même réduit depuis la séparation de l'Egypte , aurait fourni la limite du patriarcat d'Antioche. Il n'en fut rien. Dès le commencement du cinquième siècle , on voit les évéques de Chypre défendre contre le pa- triarche l'indépendance de leur province. Le pape Innocent (1) intervint en faveur des revendications antiochéniennes ; on ne sait quelle suite fut donnée à ses instances. Les Chypriotes saisirent l'occasion du concile d'Ephèse (431), mal disposé pour Antioche et pour les évéques syriens ; ils se firent décerner par cette assemblée une reconnaissance expresse de leur indépendance ou autocéphalie (2). Mais, à Antioche, on ne regarda pas la chose comme définitivement ju- gée. En 488, le patriarche Pierre le Foulon, très puissant à la cour et auprès de l'évêque de Constan- tinople, parvint à serrer de très près les prélats insu- laires. Ils allaient perdre leur cause, lorsque Ton découvrit tout à coup , près de Salamine , le tombeau de saint Barnabe, l'apôtre du pays. Cet événement, considéré comme une intervention de la Providence, opéra un revirement (3). La province ecclésiastique de Chypre fut maintenue en possession de son auto- nomie, qu'elle n'a jamais perdue depuis (4).

(1) Jaffé,310.

(2) VII* session ; Hardouin, t. II, p. 1619.

(3) Assemani, Bibl. or., t. II, p. 81 ; Théodore le Lecteur, II, 2; Acta SS., 11 juin.

(4) Il est possible que cette autonomie ait été primitive ; le concile d'Ephése se fonda, pour la reconnaître, sur une tradition ancienne et attestée.

LBS CIRCONSCRIPTIONS BCGLÉ8IA8TIQUBS. 27

Ce fut encore au concile d'Ephèse que Ton vit se produire les premières tentatives officielles de créer un patriarcat à Jérusalem. Le concile de Nicée avait accordé à Tévéque de Jérusalem quelques honneurs spéciaux ; mais, loin d'en faire un métropolitain supé- rieur, il ne Tavait même pas soustrait à la juridiction de son métropolitain provincial, Tévêque de Césarée. Un siècle après, nous voyons Tambitieux et peu scru- puleux Juvénal, évoque de Jérusalem, transformer en juridiction les distinctions honorifiques attribuées à son siège et empiéter résolument sur le domaine du patriarche d'Antioche. Au concile d'Ephèse, il cher- cha à faire passer le fait en droit et réclama hardi- ment la moitié des provinces syriennes, c'est-à-dire les trois Palestines (Césarée, Scythopolis, Petra) avec la Phénicie Libanésienne (Damas) et T Arabie (Bostra). Ses prétentions ne furent pas admises ; mais il revint à la charge, vingt ans plus tard, au concile de Chal- cédoine. Une transaction intervint entre lui et le pa- triarche d'Antioche; on lui attribua les trois provinces de PaliBstine. Le pape saint Léon, très mécontent de cet arrangement , ne le cassa pourtant pas en termes formels et, depuis lors, il n'a pas cessé de subsis- ter (1).

Ainsi se trouvèrent constituées, depuis le milieu du cinquième siècle, les grandes circonscriptions ecclésiastiques d'Orient, savoir : les patriarcats de Constantinople, d'Antioche, de Jérusalem et d'Alexan- drie, avec la province autonome de l'île de Chypre.

En arrière des patriarcats et au delà des frontières de l'empire, il y avait encore les églises nationales d'Ethiopie, de Perse et d'Arménie. Ces églises, fon- dées respectivement par celles d'Alexandrie, d'Antio-

(1) Concile de Chalcédoine , actio VU; Jaffé, 495.

28 ORI&INBS OU CULTE CHRÉTIEN.

che et de Césarée en Cappadoce, étaient considérées comme vassales de ces grands sièges. Celle d'Ethiopie ne remontait qu'au temps de saint Athanase ; son mé- tropolitain, qui résida d'abord à Axoum, était ordonné, et il l'est encore , par le patriarche d'Alexandrie (1).

Beaucoup plus ancienne que la précédente, l'église de Perse existait déjà vers le déclin du deuxième siè- cle. A peu près tolérée par les rois Parthes, elle fut souvent persécutée sous les Sassanides. Son chef ré- sidait à Séleucie. Quand, vers la fin du cinquième siècle, les nestoriens furent proscrits et chassés de l'empire, ils se réfugièrent au delà de la frontière perse et le nestorianisme , inculqué par eux, devint comme une religion nationale pour les chrétiens du royaume sassanide. Cette circonstance leur valut une plus grande sécurité; ils en profitèrent pour fonder au Malabar et jusqu'en Chine des églises dont l'exis- tence, ou tout au moins la trace, s'est conservée jus- qu'à nos jours.

Dans l'Arménie indépendante, le christianisme s'in- troduisit vers le commencement du quatrième siè- cle. La tradition nationale présente saint Grégoire riUuminateur comme le premier apôtre de la contrée ; elle n'est pas moins précise à rattacher son apostolat à l'église de Césarée. De fait, jusque vers le milieu du cinquième siècle, le catholicos arménien était consacré à jCésarée. Il résidait à Valarschapat ou Etchmiadzin, alors capitale politique du royaume (2).

Au delà du Danube, qui formait la frontière du diocèse de Thrace et de l'empire, il y avait aussi une

(1) L'église de Nubie ne fut fondée que sous Justinien. Elle était aussi suffragante d'Alexandrie.

(2) Il convient de mentionner aussi la petite église nationale d'Ibérie ou de Géorgie, dont la fondation est racontée par Rufin (H. E., I, 10). L'évéque des Ibériens, qui porta plus tard le titre de catholicos ou d'exarque, résidait à Tiflis.

LES G1RG0N8GRIPTI0NS BGGLÉ8IA8TIQUBS. 29

église étrangère, l'église gothique, dont les origines se rattachaient à la grande invasion du temps de Va- lérien et de Gallien. C'étaient des prisonniers trans- plantés du Pont et de |la Cappadoce qui avaient été les premiers missionnaires de ces tribus germaniques. Un évéque goth, peut-être le seul qu'il y eût dans le pays, assista au concile de Nicée ; un autre , le célè- bre Ulphilas, prit part aux décisions du concile de Constantinople, en 360. Il en rapporta une confession de foi à peu prés arienne, qui fut adoptée oflBciellement par ses nationaux. Quand ceux-ci, en 376, franchirent le Danube et vinrent s'installer sur le territoire de l'empire, ils ne tardèrent pas à se trouver en conflit avec l'orthodoxie nicéenne, rétablie par Théodose. Il en fut de même des autres barbares, chez qui le chris- tianisme se propagea rapidement sous la forme arienne, depuis le déclin du quatrième siècle. Les invasions du siècle suivant mirent de nouveau aux prises, non seulement la barbarie germaine et la civi- lisation latine, mais encore Tarianisme et l'orthodoxie.

En Occident, on rencontre de très bonne heure deux groupes ecclésiastiques assez fortement centra- lisés : celui de Tltalie péninsulaire et celui des pro- vinces africaines.

Déjà, en 251, le pape Cornélius pouvait réunir un concile de soixante évêques (i., pour la plupart ita- liens et de la Basse-Italie, car, dans le nord, il n'y eut, jusqu'au quatrième siècle, qu'un très petit nom- bre de sièges épiscopaux (2). L'Italie n'était point en-

(1) Ensébe, H. E., VI, 43.

(2) Les sièges de Ravenne (Classis), Biilan, Âquilée, Brescia, Vé- rone, sont les seuls que Ton puisse faire remonter, par des argu- ments sérieux, au delà du quatrième siècle. Les deux premiers pa- raissent avoir été fondés vers le commencement du troisième siècle, ou même un peu plus tôt

30 ORiaiNBS DU CULTE CHRÉTIEN.

côre divisée en provinces ; elle ne le fut qu'à la fin du troisième siècle. Alors le pli était déjà pris : la direc- tion supérieure du pape s'exerçait, sans aucun inter- médiaire, sur tous les évêques de la péninsule. Quand les îles italiennes furent rattachées au diocèse suburbicaire , leurs évêques se joignirent naturelle- ment à ce groupe. Ceux de Caralis et de Syracuse parvinrent à se faire décerner quelques honneurs spéciaux , mais ce fut tout. Le pape demeura le seul métropolitain réel de l'Italie péninsulaire et des îles.

J'ai déjà parlé de la centralisation ecclésiastique africaine. Ici la primatie de Carthage n'excluait pas^ un certain groupement provincial de l'épiscopat au- tour des doyens de chaque province. Dans les conci-^ les africains, dont il nous reste un si grand nombre, il faut toujours distinguer les conciles provinciaux des conciles généraux, convoqués et présidés par l'évéque de Carthage. Mais ces degrés divers ne représentent que .l'organisation d'un grand corps, très vivant et trè& uni. Aucun groupe ecclésiastique n'est si nettement spécialisé que le groupe africain, comme aussi aucune région de Tempire n'a des limites naturelles aussi propres à l'isoler des autres.

Dans la Basse-Italie et surtout en Afrique, les siè- ges épiscopaux étaient très nombreux. On n'en peut dire autant du reste de l'Occident. Dans l'Italie du Pô, les provinces danubiennes , la Gaule , l'Espagne , la Bre- tagne, soit que les cités eussent un grand développe- ment de territoire, soit que Ton n'eût pas jugé opportun de leur donner un évêque à chacune, les circonscriptions épiscopales étaient plus grandes et en plus petit nombre. Cette circonstance doit être en rapport avec la lenteur que l'on mit à les grouper en provinces et à désigner des métropoles. Dans la Haute-Italie, il n'y eut d'abord qu'un seul métropoli- tain, celui de Milan, dont la juridiction s'étendait sur

LBS GIRGONSGRIPTIONB BGGLÉSIASTIQUBS. 31

tout le diocèse appelé d'Italie. Vers le commencement du cinquième siècle, ce ressort fut divisé en deux par rinstitution de la métropole d'Aquilée; un peu plus tard , la province d'Emilie fournit quelques suf- fragants à Tévéque de Ravenne, quand cette ville fut devenue résidence impériale. Cependant, Ravenne étant comprise dans les limites de la circonscription métropolitaine du pape, son évêque demeura suffra- gant du siège romain, tout en étant lui-même métro- politain de quelques sièges situés naguère dans le ressort de Milan.

La Bretagne et les provinces pannoniennes furent détachées de l'empire avant que l'on n'y introduisît le régime des métropoles ecclésiastiques. Au moins les documents sont-ils muets à cet égard. Au cin- quième, au sixième siècle , ce qui restait des provinces du Haut-Danube était réparti entre les deux métro- poles italiennes de Milan et d'Aquilée. La Rhétie I" (Coire) ressortissait à Milan; la Rhétie IP (Augs- bourg), le Norique (Tiburnia), la Savie (Emona), la Pannonie (Scarbantia), faisaient partie du concile d'Aquilée (1). En Gaule et en Espagne, le système métropolitain s'introduisit vers la fin du quatrième siècle ou le commencement du siècle suivant.

La Gaule, l'Espagne, la Bretagne sont des pays bien délimités par la nature; au quatrième siècle, les différences de civilisation qui pouvaient avoir existé entre la Bétique, par exemple, et l'Espagne citérieure, entre la Narbonnaise et les très Gallix^ s'étaient considérablement amoindries. Si l'empire romain avait continué, il se serait peut-être formé des groupes ecclésiastiques espagnol, gaulois, breton.

(1) Voy. les signatures du concile de Milan, en 451, et celles des conciles d'Aquilée, sous les patriarches Hélie et Sévère, dans le Chro- nicon Gr&dense et dans VHistoire des Lombards de Paul Diacre, III^ 26 {Mon. Germ, Script, Langf., p. 397, 107).

32 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Le centre aurait été désigné par la convergence des relations administratives. La province ecclésiastique d'Arles , qui ne correspond nullement à la province civile de Viennoise, s'est constituée de cette façon. Mais l'invasion et le morcellement qui s'ensuivit empêchèrent d'aller plus loin dans cette voie, et les provinces ecclésiastiques de Gaule et d'Espagne de- meurèrent indépendantes de tout groupement d'ordre supérieur, jusqu'au temps elles aboutirent à former les deux églises nationales des Wisigoths et des Franks.

Cependant on ne saurait négliger une certaine at- traction dont, vers la fin du quatrième siècle, l'église de Milan paraît être le centre et qui se fait sentir en Gaule plus qu'ailleurs. Pendant une période courte, il est vrai, mais importante, il semble que l'épiscopat occidental reconnaisse une double hégémonie : celle du pape et celle de Tévéque de Milan.

Cela se voit d'abord au temps de saint Ambroise. Le siège de cet illustre évêque est entouré d'une consi- dération hors ligne, sans préjudice, bien entendu, de l'autorité du siège apostolique. L'influence d' Ambroise se fait sentir souvent dans les affaires de l'église orientale, à Antioche, à Césarée, à Constantinople , à Thessalonique ; c'est lui qui est chargé de donner un évêque à Sirmium dans un moment critique. A Aqui- lée, il dirige un concile se règlent les dernières difficultés laissées par la crise arienne. Mais c'est sur- tout en Gaule et en Espagne que l'on semble consi- dérer l'autorité ecclésiastique de Milan comme un tribunal supérieur et ordinaire.

Vers l'année 380, on voit les Priscillianistes d'Es- pagne porter leur cause devant le pape Damase et devant Tévêque Ambroise. Longtemps après les sanglantes exécutions de Trêves, quand il s'agit de liquider la

LES CIRCONSCRIPTIONS ECCLÉSIASTIQUES. 33

situation des dissidents en Espagne, les deux partis s'adressèrent encore à Tévêque de Milan. Les prélats galiciens, demeurés fidèles au souvenir de Priscillien, avaient été sommés par leurs collègues, réunis en con- cile à Tolède, de comparaître devant eux. Ils déclinè- rent cette juridiction. Mais les principaux d'entre eux, Symposius, le vieil évêque d'Astorga, et son fils Dicti- nius, firent le voyage de Milan. Ambroise leur impiosa des conditions très dures, qu'ils promirent néanmoins d'exécuter. Le pape Sirice intervint avec lui dans cette affaire et recommanda la même solution. Mais cette sentence n'apaisa pas le débat. En 400, alors que Sirice et Ambroise étaient déjà morts , un nou- veau concile s'assembla à Tolède et parvint, cette fois, à faire comparaître les prélats galiciens. Plu- sieurs situations furent réglées; mais, sur certains points, le concile, ne se reconnaissant pas une auto- rité suffisante, ou ne parvenant pas à s'entendre, fit un recours formel au nouveau pape Anastase et à Simplicien, successeur de saint Ambroise.

En Gaule aussi, le Priscillianisme avait soulevé des querelles entre les évéques. Les uns acceptaient, les autres refusaient la communion de l'évéque de Trê- ves, Félix, ordonné avec le concours des accusateurs de Priscillien. Ce conflit fut porté au tribunal de l'évéque de Milan , une première fois , très probable- ment, du vivant de saint Ambroise. C'est en effet à cette affaire que doit se rapporter une réunion du synode milanais prapter adventum Gallorv/m episcopch- rum, qui se tenait au moment parvint à Ambroise la nouvelle du massacre de Thessalonique (1). Les évéques d^Octodurum et d'Orange s'y trouvaient (2), Us

(1) Âmbr., ep. 51.

(2) Co concile doit être le même que celui qui adhéra à la condam- nation de Jovinien. Les noms de Théodore et de Constantius figu<

3

34 ORIGINES DU CULTE CHHÉTIEN.

avaient déjà assisté, quelques années auparavant (381), au concile d'Aquilée.

Plus tard, aux environs de Fan 400, le concile de Févôque de Milan s'assembla de nouveau , à Turin , cette fois , pour juger , non pas une , mais plusieurs affaires litigieuses, qui lui furent déférées par les églises des Gaules. Il s'agissait du conflit entre Févê- que de Marseille et ceux de la seconde Narbonnaise, de la querelle de préséance entre les églises d'Arles et de Vienne, de la question de communion avec Félix de Trêves, de divers autres points de discipline et de procès de moindre importance sur lesquels nous sommes incomplètement renseignés. Sur tous ces points, le synode de Turin juge et décrète sans la moindre hésitation sur sa compétence. Devant Tévé- que de Milan , les évoques les plus importants de la Gaule se sentent en présence d'une autorité supé- rieure; ils se croient obligés par ses décisions. Et, de fait, le concile de Turin fut inséré dans toutes les collections canoniques compilées en Gaule, comme un des textes les plus autorisés en matière de droit ecclésiastique.

Mais ce n'est pas seulement d'Espagne et de Gaule que l'on recourait à Milan. L'église africaine, elle aussi, attribuait une importance extrême aux décisions qui venaient de ce grand siège. En 393, le concile général africain, tenu à Hippone, crut qu'il serait utile de ne pas interdire l'accès du clergé aux Dona- tistes qui avaient été baptisés en bas âge dans le sein du schisme. Mais comme c'était déroger à une loi générale de l'Eglise, il jugea qu'il fallait d'abord con- sulter « l'église transmarine ». Les événements poli- rent au bas de la lettre synodale adressée au pape Sirice (Ambr., ep. 42), il est vrai, sans indication de siège. On admet généralement qu'ils sont identiques aux deux évéques homonymes qui prirent part au concile d*Aquilée, et qui étaient ceux d'Octodurum et d'Orange.

LES CIRCONSCRIPTIONS EGCLÉSIASTIQUBS. 35

tiques empêchèrent de donner suite à ce projet. Il fut repris dans un autre concile général, tenu en 397 à Carthage. La décision prise par cette assemblée porte expressément que Ton consultera Sirice et Sim- plicien. Les réponses expédiées de Rome et de Milan furent défavorables ; mais après la mort de Sirice et de Simplicien , les Africains firent une nouvelle dé- marche auprès de leurs successeurs, Anastase et Venerius. Le concile général du mois de juin 401 leur députa un évêque chargé de leur expliquer Top- portunité de la concession qu'il demandait.

Il y a donc, en Occident , vers la fin du quatrième siècle, une tendance universelle à considérer Févê- que de Milan comme une autorité de premier ordre, à l'associer au pape dans les fonctions de magistrat ecclésiastique suprême, de juge des causes majeures et d'interprète des lois disciplinaires générales. Cette importance extraordinaire, l'évêquè de Milan ne la doit pas à l'antiquité de son église , qui remonte tout au plus à la fin du deuxième siècle, ni à l'illustration de ses fondateurs, qui sont parfaitement inconnus. Les premiers faits relevés se placent sous l'épiscopat de saint Ambroise; mais le mérite personnel de ce grand évêque ne peut suflBre à expliquer une telle orientation de l'épiscopat latin. Il ne manquait pas alors en Occident de prélats en grand renom de zèle, de sainteté, de lumières; saint Martin et saint Augustin sont de ce temps-là. La vraie raison, c'est que Milan était la résidence impériale ofiBcielle, la capitale de l'empire d'Occident. Cette situation remontait à la fin du siècle précédent, à la réorganisation de l'empire sous Dioclétien et Maximien. Au moment nous sommes, elle s'accentuait de plus en plus. Depuis la mort de Maxime (388), Trêves, capitale secondaire, était découronnée. L'importance de Ravenne était encore à venir. C'est en 404 seulement que l'empereur Ho-

36 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

norius alla s'y installer. Encore fallut-il quelque temps pour que cette installation parût définitive et que Ton se mit à en tirer des conséquences ecclésias- tiques. Milan était donc sans rivale et sa fortune ecclésiastique était en train de s'établir sur les mêmes bases que celle de Constantinople. Dès le temps des empereurs Constant et Constance on y avait tenu beaucoup de conciles. C'était là, plutôt qu'à Rome, que se rencontraient les deux églises d'Orient et d'Occident, que l'on apportait les formules élaborées à Antioche, que Ton convoquait, sous l'œil de l'em- pereur, les évoques latins et leurs délégués. Milan était ainsi, dès avant le milieu du quatrième siècle , le grand centre des relations ecclésiastiques occiden- tales, et cela uniquement parce qu'elle était la capitale de l'empire. Constance y installa un évêque arien, Auxence , homme habile et énergique , qui réussit à se maintenir après la défaite de son parti en Occident et demeura jusqu'en 375 l'incarnation de la doctrine de Rimini. Il y eut sans doute alors une interruption dans le concours dont l'église impériale était l'objet; mais l'élection de saint Ambroise vint bientôt écarter tous les obstacles et jeter sur ce siège obscur en lui- même un éclat capable de l'illustrer à jamais.

Les personnes qui recouraient à Milan en même temps qu'à Rome , ou même de préférence à Rome , n'avaient assurément aucune intention d'opposer l'une à l'autre ces deux grandes autorités, ni même de met- tre l'église impériale sur le même rang que le siège apostolique. On les invoquait ensemble, en supposant qu'elles ne pouvaient marcher que d'accord ; et la réa- lité vérifiait invariablement cette présomption. Quand on s'adressait à Milan seule, comme le firent plusieurs fois les évêques de Gaule, c'était uniquement parce que Milan était plus voisine et avait plus de chances d'être bien informée. Cela n'empêchait pas d'envoyer des

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consultations à Rome : on peut signaler en ce genre celles d'Himerius , évêque de Tarragone, en 384, de Victricius, évêque de Rouen, en 403, et d'Exupère, évêque de Toulouse, en 404. Nous avons encore les décrétales de Sirice et d'Innocent (1) par lesquelles ils répondirent à ces demandes venues d'Espagne et de Gaule.

Cependant la situation prééminente du siège de Mi- lan n'aurait pu se développer sans que l'on finit par être tenté de la tourner au détriment de celle de Rome. Les papes le sentirent de bonne heure et ne négli- gèrent point les occasions de se défendre contre cette rivalité naissante. On ne sait quelle part ils eurent dans la fondation de la métropole d'Aquilée ; mais il est sûr qu'ils aidèrent à la création du diocèse métropolitain de Ravenne, formé aux dépens de celui de Milan (2). Dans une lettre adressée à l'évêque d'Eugubium , son sufFragant , le pape Innocent relève , non sans une certaine vivacité de style, l'inconséquence de ceux qui ne s'attachent point en tout aux usages de l'église romaine. Il leur demande s'ils ont lu quelque pari que les églises d'Italie, de Gaule, d'Espagne, doivent leur fondation à d'autres qu'à saint Pierre et à ses successeurs. On verra plus loin que cette lettre té- moigne, plus expressément que je ne puis le dire en- core, de l'opposition entre les deux grandes métropo- les italiennes.

Sous le pape Zosime, successeur d'Innocent, la primatie de Milan reçut un coup qui, bien qu'indirect, n'en fut pas moins décisif. Je veux parler de la fon-

(1) Jaffé, 255, 286, 293. On peut y joindre le Synodus Romanorum ad Gallos episcopos (Constant, Epp, Rom. Pontif., p. 685), dont on ne peut dire s'il a été rédigé sous Sirice ou sous Innocent. ï\ est sûrement de ce temps-là.

(2) S. Pierre Chrysologue, sermon 175.

38 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

dation d'un vicariat apostolique des Gaules, rattaché au siège épiscopal d'Arles. Le progrès incessant des invasions germaniques avait fait abandonner, ou à peu près, le grand établissement romain de Trêves. Les fonctionnaires supérieurs et leurs bureaux s'étaient repliés sur la vallée du Rhône. Arles, depuis long- temps florissante , choyée par les empereurs de la fa- mille constantinienne, avantageusement située entre les Gaules, l'Espagne et l'Italie, devenait désormais la résidence du préfet du prétoire et de toutes les ad- ministrations supérieures des provinces ultramontai- nes. Un moment même elle avait été capitale d'em- pire, pendant le règne de « l'usurpateur » Constantin (407-410). Ce règne fut suivi d'une réaction politique violente , dirigée par le puissant Constance , favori d'Honorius , bientôt son beau-frère , enfin associé par lui à l'empire. Les Arlésiens, pour se faire par- donner leur attitude dans les derniers événements , imaginèrent de chasser leur évêque Héros, un saint homme, compromis aux yeux de la cour de Ravenne. On lui donna pour successeur un certain Patrocle, très en faveur auprès de Constance, ambitieux, intri- gant, avare, mais audacieux et habile. Le pape Zo- sime, prévenu de bonne heure en faveur de ce per- sonnage et se faisant illusion sur sa moralité , se hâta, dès son avènement au pontificat, de lui accorder des lettres qui l'investissaient de pouvoirs supérieurs sur tous les évoques des deux diocèses administratifs de Gaule et des Sept provinces. De cette façon le pape prenait, par l'intermédiaire d'un vicaire, la direction effective de l'épiscopat des Gaules, sur lequel il n'avait pu exercer jusque qu'une action faible et intermit- tente.

Cette tentative échoua. Patrocle abusa tellement de ses pouvoirs que l'on fut bientôt obligé de les lui retirer. Sous les premiers successeurs de Zosime, Bo-

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niface, Célestin, Xystus III, Léon, les efforts des évo- ques d'Arles tendirent, avec des succès divers, non point à ressusciter le vicariat , mais à se faire recon- naître comme chefs d'une province ecclésiastique plus considérable que les autres. Le pape Hilaire essaya de reprendre Tidée de Zosime, mais avec d'autant moins de succès que les évêques d'Arles eux-mêmes désespéraient de le réaliser et ne s'y intéressaient que d'une façon purement théorique. Depuis saint Cé- saire et jusqu'à la fin du sixième siècle, ils eurent soin de se faire décerner des lettres de vicariat, auxquel- les enjoignait alors les honneurs du pallium; mais tout cela était purement décoratif. Il n'en résultait même pas , pour les évêques d'Arles, une préséance dans les conciles de l'empire frank.

Mais si le vicariat ne devint jamais une institution sérieuse , il fut cependant l'occasion de relations plus fréquentes et presque régulières entre Rome et les évêques de la vallée du Rhône. Le courant fut dé- tourné de Milan. La correspondance entre Rome et Arles devint incessante ; les évêques du midi de la Gaule s'habituèrent à faire le voyage de Rome et à porter leurs querelles au tribunal du pape. On les rencontre dans les conciles romains du cinquième siècle. Si l'empire d'Occident avait pu se maintenir, on aurait vu se produire de bonne heure, en Occident, . une centralisation ecclésiastique analogue à celle vers laquelle l'Orient avait déjà fait de si grands pas. Saint Léon avait mis cette concentration religieuse sous la protection des lois , en se faisant reconnaître par Va- lentinien III le droit de contraindre les évêques de toutes les provinces à comparaître devant son tribu- nal (1). Mais ce mouvement fut entravé par l'établissement

(1) Nov. Valent. III, tit. 16.

^ ORiaiNES DU CULTE CHRÉTIEN.

des royaumes barbares. Des frontières politiques s'élevè- rent entre Rome et les églises (l*outre-monts et d'outre- mer. Les lois et les fonctionnaires de Ravenne ne fu- rent plus d'aucun secours dans l'Afrique vandale, dans la Gaule franque, dans l'Espagne wisigothique. Catho- liques ou hérétiques , les rois barbares se montrèrent peu favorables à des communications régulières et fré- quentes entre leurs évoques et celui de Rome, sujet de la puissance aux dépens de laquelle les leurs s'étaient fondées. D'autre part, les souverains franks et wisi- goths avaient reconnu de bonne heure la nécessité de s'entendre avec leurs évêques. Les fonctionnaires romains une fois disparus , les évêques se trouvèrent être les représentants les plus qualifiés des popula- tions envahies; mille occasions se présentèrent de recourir à leur autorité morale. Des relations inces- santes s'établirent ainsi entre les églises et le souve- rain. La cour du roi devint le centre des affaires ec- clésiastiques comme de toutes les autres. C'est de que partirent les convocations de conciles et les no- minations épiscopales. On se concentra chez soi. Il y eut une église nationale franque , une église natio- nale wisigothique, celle-ci plus centralisée, plus étroi- tement unie à l'Etat, celle-là toujours un peu morce- lée , grâce aux perpétuels partages du territoire entre les princes mérovingiens et à l'absence de toute capi- tale, religieuse ou politique.

En Italie, la conquête lombarde eut d'abord des effets encore plus compromettants pour la centralisa- tion ecclésiastique et même pour l'unité religieuse. Le métropolitain d'Aquilée, devenu schismatique à la suite du cinquième concile œcuménique, abrita longtemps son opposition derrière la frontière du du- ché de Frioul. Les églises, ruinées d'abord par l'in- vasion , abandonnées même par leurs clergés , ne res- suscitèrent pas toutes au septième siècle. Celles qui

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eurent cette fortune se trouvèrent toujours un peu gênées dans leurs relations avec Rome. Cependant les institutions métropolitaines avaient en Italie de trop puissantes racines pour qu'il fût aisé de les dé- truire. Rome, Milan, Aquilée, Ravenne, conservèrent leurs situations respectives et maintinrent , pour Tes- sentiel, l'exercice de leur juridiction.

Au delà de l'Adriatique, la Dalmatie formait une province à part, sous le métropolitain de Salone. Plus loin, le groupe des provinces illyriennes, avec la Macédoine, la Thessalie, TEpirc, l'Achaïe et les îles grecques jusques et y compris la Crète, n'ap- partenait à aucun des patriarcats d'Orient. Ces pays rentraient dans le ressort du pape, considéré comme patriarche de l'Occident. L'Occident, suivant cette conception , commençait à Pliilippes et à Sardique. Cette démarcation avait été fournie par les limites de l'empire oriental sous Licinius (314-323), Con- stance (337-350) et Valens (364-378). Lorsque Gratien appela Théodose à l'empire , il lui confia le gou- vernement de l'IUyricum oriental, qui s'étendait au nord jusqu'à la Save , à l'ouest , jusqu'aux monta- gnes dalmates. Rattachées ainsi à l'empire d'Orient, ces provinces ne pouvaient manquer d'être attirées dans l'orbite ecclésiastique de Constantinople. Dans la plupart d'entre elles , on parlait grec ; les relations de commerce, les affaires de tout genre, créaient vers Constantinople un courant autrement fort que vers Rome ou Milan. Aussi les papes, désireux de ne pas laisser échapper la direction spirituelle de tant d'il- lustres églises, se décidèrent-ils, de très bonne heure, à fonder à Thessalonique un vicariat dont celui d'Arles ne fut que l'imitation. Conduite avec plus de suite que celle de Gaule, cette institution prit une certaine vi- gueur; elle donna, pendant près d'un siècle, des résul-

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tats appréciables. Le long schisme à propos d'Acace (484-519) lui porta un coup fatal. Bien que Ton trouve encore, au sixième et au septième siècle, quelques actes de juridiction des papes dans ces régions, ce sont des faits ou isolés ou indépendants de Tinsti- tution vicariale. De celle-ci, il ne resta que des titres, dont les évêques de Thessalonique et quelques autres aimaient à se parer dans les conciles. En fait, sinon en théorie, les provinces de FlUyricum oriental passè- rent sous Tautorité des patriarches de Constantino- ple.

A Tautre extrémité de TOccident, les églises de Bretagne, détruites ou fort meurtries dans Tinvasion saxonne, n'avaient pu jouir longtemps, si jamais elles Tavaient connue, de Tinstitution métropolitaine. Le christianisme, réfugié dans les presqu'îles de la côte ouest, principalement dans le pays de Galles et dans la Cornouaille , y tenait tant bien que mal , au milieu de populations barbares, indisciplinées, mais capables d'une grande ferveur religieuse. Il n'y avait plus de cités , mais des monastères , dont le personnel rayon- nait à une certaine distance , portant la prédication et les secours spirituels dans les groupes d'habitations , fort dispersés, de ces pays perdus. De plus en plus refoulés vers l'ouest, les Bretons émigrérent, les uns vers les côtes de la Gaule armoricaine , d'autres jus- qu'en Espagne. Dans ce dernier pays, leur colonie forma un évêché qui prit sa place dans les cadres de l'église locale. En Gaule, il en fut autrement. Les églises bretonnes vécurent à part, retranchées der- rière la frontière qui séparait de l'empire frank la pé- ninsule soumise à leurs chefs nationaux. C'est seule- ment au temps de Charlemagne que l'on parvint à les agréger au corps ecclésiastique frank et à la province métropolitaine de Tours. Encore cette union, contra-

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riée par les fluctuations politiques, demeura-t-elle long- temps incomplète et inefficace.

De la Bretagne insulaire était sorti Patrice, Tapôtre de rirlande indépendante. L'église fondée par lui re- produisit , en les exagérant , tous les traits du chris- tianisme breton. Elle se développa rapidement. Au sixième siècle , par saint Colomba et son monastère d'Iona, elle rayonnait déjà sur le pays des Pietés et des Calédoniens. D'autres apôtres, enfants perdus de Téglise irlandaise, apparurent bientôt sur le conti- nent , s'installèrent aux extrémités orientales de Tan- cienne Gaule et commencèrent à propager le chris- tianisme dans la Germanie du Danube et du Mein, où, depuis les invasions du cinquième siècle, il avait été presque entièrement exterminé. Leurs fondations, un peu tumultuaires , furent, au siècle suivant, re- prises et réformées par saint Boniface.

Ainsi, dans toutes les régions de TOccident, quelle que fût la situation politique, l'avancement et la forme de l'organisation ecclésiastique, il n'y avait rien , au déclin du sixième siècle , qui pût faire pré- voir que l'église latine serait un jour plus centralisée que ne le fut jamais l'empire romain. Rome demeu- rait pour tout le monde le siège apostolique, la mé- tropole suprême de l'Eglise; dans les questions de dogme ou de discipline générale qui divisaient l'Orient et l'Occident, il était entendu que le pape avait le droit de parler au nom de toutes les églises occiden- tales. Les décrétales des papes avaient force de loi comme les conciles; on les insérait au même titre dans les collections canoniques. Les sanctuaires de la ville apostolique , Saint-Pierre surtout , attiraient les pèlerins de tous les pays. Aucun lieu de l'Occident n'était plus saint; aucune autorité morale ou reli- gieuse ne pouvait être mise en balance avec celle du

44 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

prêtre qui desservait ces temples augustes. Mais de ce respect universel à une centralisation ecclésiasti- que, il y avait loin. Personne, d'ailleurs, pas plus les papes que les autres , ne parait en avoir senti le be- soin d'une façon pressante. On s'arrangeait de l'état des choses , sans essayer de le modifier.

Le mouvement centralisateur a son origine, mais son origine indirecte, dans la conversion de l'Angle- terre sous les auspices de l'église romaine. L'église franque , l'esprit d'apostolat ne circulait pas avec une intensité extraordinaire, ne s'occupait guère de convertir ses voisins, d'outre-Rhin ou d'outre-Man- che. D'autre part, le zèle des Bretons pour la propa- gation de l'Evangile avait une limite dans la frontière saxonne. L'œuvre fut commencée et menée à bonne fin par les missions romaines d'Augustin (597) et de Théodore (668). Entre les deux, les Scots d'Irlande étaient intervenus et dans une mesure telle qu'il se- rait injuste de ne pas les associer, pour une très large part, au succès de Tenireprise. Cependant la mission romaine de Kent conserva la direction 'de l'église an- glaise et ce fut l'esprit romain- qui domina dans la synthèse des influences. De sortirent les apôtres de l'Allemagne et les conseillers ecclésiastiques des pre- miers princes carolingiens : de là, par des intermé- diaires plus ou moins nombreux, vint la réforme de l'église franque et, plus tard, de l'église romaine elle- même ; de surtout procéda le mouvement centrali- sateur qui, débarrassant le monde ecclésiastique latin de toutes les complications de primaties et d'églises nationales, en réunit toutes les forces dans la main du successeur de saint Pierre.

CHAPITRE II.

LA MESSE EN ORIENT.

§ 1. La liturgie aux temps primitifs.

On a vu , dans le chapitre précédent , que les com- munautés chrétiennes locales se sont le plus souvent détachées de communautés juives préexistantes et que de cette origine il est résulté beaucoup de ressemblan- ces entre Torganisation des églises et celle des syna- gogues. Cette ressemblance est particulièrement apparente dans le domaine du culte. La liturgie chré- tienne procède, pour une très large part, de la litur- gie juive et n'en est même que la continuation. Mais ici il importe de ne pas confondre le culte du temple de Jérusalem avec celui des synagogues. Le prem.ier n'a exercé aucune influence sur la liturgie chrétienne; il n'y a rien de sérieux dans les rapprochements que les exégètes du moyen âge aiment à établir entre le rituel du Pentateuque et celui de l'Eglise. Tout ce qui s'est dit là-dessus est de pure ingéniosité, sans aucun fondement dans la tradition. Le culte du Temple avait un caractère national , tout à fait différent des exer- cices de confrérie , de congrégation locale, qui se pra- tiquaient dans les réunions religieuses de la Diaspora^ des bourgs de Palestine et môme de Jérusalem. Les premieps chrétiens, au temps ils étaient encore

46 0BI6INS8 DU CULTE CHRÉTIEN.

presque tous groupés dans la capitale juive, prenaient part au culte du Temple, mais sans préjudice de leurs réunions spéciales , celles de la synagogue nouvelle qu'ils avaient constituée dès les premiers jours. En dehors de Jérusalem, la plus haute expression de leur vie religieuse collective était, comme pour les Juifs, la réunion hebdomadaire de la synagogue.

Ces réunions avaient lieu le samedi. De très bonne heure les chrétiens adoptèrent le dimanche. Il est possible que, tout à fait à Torigine, le choix de ce jour n'ait été dicté par aucune hostilité à l'égard des habi- tudes juives et que l'on ait tenu seulement à avoir, à côté de Tantique sabbat, que l'on célébrait avec ses frè- res en Israël , un jour consacré à des réunions exclu- sivement chrétiennes. L'idée de transporter au diman- che la solennité du sabbat , avec toutes ses exigences, est une idée étrangère au christianisme primitif. Cela est surtout vrai en ce qui regarde la prohibition du travail, mais pour le culte[proprement dit cela est vrai encore. Le dimanche a été d'abord juxtaposé au sab- bat ; à mesure que s'élargit le fossé entre l'Eglise et la Synagogue, le sabbat devint de moins en moins important; il finit même par être complètement né- gligé. Les chrétiens eurent, comme les Juifs, un jour par semaine, un seul, consacré aux assemblées reli- gieuses; mais ce jour fut différent de celui des Juifs.

Les assemblées religieuses des synagogues ne com- portaient aucun sacrifice sanglant, aucune oblation de fruits , de prémices, d'encens. Les enfants d'Israël se réunissaient , non seulement pour prier en commun , mais encore pour lire leurs livres sacrés, laioe d'abord, puis les Prophètes, c'est-à-dire les autres livres de la Bible. Outre les lectures, il y avait des chants , dont le texte était fourni par le Psautier. Un exercice moins essentiel, mais très pratiqué, c'était l'homélie (mi- drasch), sur un thème fourni par les lectures.

LA MESSB EN ORIENT. 47

Ces quatre éléments , lectures , chants , homélies , prières , furent adoptés sans diflBculté par les églises chrétiennes. Aux livres de la Bible juive se joigni- rent bientôt , sur le pupitre du lecteur , les écrits du Nouveau Testament, entre lesquels un relief spécial fut donné à l'Evangile. Ce fut tout le changement, sauf, bien entendu, ceux que Torientation nouvelle donnée à la croyance introduisit dans le texte des prières et des homélies , ainsi que dans le choix des leçons bibliques et des cantiques sacrés.

Mais si l'Eglise accepta en bloc tout le service re- ligieux de la Synagogue, elle y ajouta un ou deux éléments nouveaux, dans lesquels réside Toriginalité de la liturgie chrétienne. Je veux parler de la Cène ou repas sacré et des exercices spirituels.

Ceux-ci tiennent une très grande place dans le ser- vice chrétien tel que nous le représentent les docu- ments les plus anciens. Après TEucharistie, des per- sonnes inspirées prennent la parole et manifestent de- vant rassemblée la présence deTEsprit qui les anime. Les prophètes, les extatiques, les glossolales, les in- terprètes , les médecins surnaturels , s'emparent à ce moment de l'attention des fidèles. Il y a comme une liturgie du Saint-Esprit après la liturgie du Christ , une vraie liturgie, avec présence réelle et communion. L'inspiration est sensible : elle fait vibrer les organes de certains fidèles privilégiés; mais toute l'assistance est émue, édifiée et même plus ou moins ravie et transportée dans les divines sphères du Paraclet (1).

Si fréquents que fussent ces phénomènes sacrés, ils n'en étaient pas moins extraordinaires et il est im- possible d'y voir une institution proprement dite. Ni les communautés chrétiennes , ni leurs pasteurs n'a-

(1) V. surtout I Cor., XIV; Doctrina AposL, 10 et suiv.

48 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

valent le pouvoir de les produire ou de les obtenir à volonté. Il était même très diflBcile de les réglemen- ter, comme on le voit par l'histoire de saint Paul et de Téglise de Corinthe. Du reste ils disparurent bien- tôt : dès le commencement du second siècle on ne les trouve plus qu'à Tétat d'exceptions isolées. En somme le seul élément durable , permanent , que le christia- nisme ait ajouté à la liturgie des synagogues, c'est le repas sacré , institué par Jésus-Christ comme une perpétuelle commémoration de lui-même.

Les formes de cette auguste cérémonie sont données par les évangiles synoptiques et par le passage de saint Paul il est question de la dernière Cène. Il y a d'abord l'action de grâces ou prière eucharistique, puis la fraction du pain, enfin la distribution du pain et du vin aux convives. Ce sont les phases principa- les de la messe proprement dite, de sa partie entière- ment chrétienne et originale.

Il n'entre pas dans mon plan de rapporter ici tous les textes du deuxième siècle et du troisième il est fait mention de l'Eucharistie et de ses rites essen- tiels. Je me bornerai à citer le plus important, la description des assemblées chrétiennes du dimanche, que nous trouvons dans la première apologie de saint Justin (1).

« Le jour du soleil, tous ceux qui habitent les vil- » les ou les champs se réunissent en un même lieu. » On lit, autant que le temps le permet , les mémoi- » res des apôtres ou les écrits des prophètes. Puis le

(1) Justin, Apol.^ I, 67. Tout à fait à l'origine, comme on le voit dans la première épître aux Corinthiens, la Cène eucharistique était précédée d'un repas ordinaire, pris en commun. C'est ce qu'on appelait l'agape. Mais cet usage comportait trop d'inconvénients pour être durable L'agape liturgique disparut, ou peu s'en faut, moins de cent ans après la première prédication de l'Evangile. Quant à l'agape funéraire, dont il est encore question au quatrième siècle et au cin- quième, c'est une institution toute différente.

LA MBSSB BN ORIENT. 49

» lecteur s'arrête et le président prend la parole pour » faire une exhortation et inviter à suivre les beaux » exemples qui viennent d'être cités. Tous se lèvent » ensuite et Ton fait des prières. Enfin, comme nous » Tavons déjà décrit, la prière étant terminée , onap- » porte du pain, du vin et de Teau ; le président prie » et rend grâces aussi longtemps qu'il peut ; le peu- » pie répond par l'acclamation Amen. On distribue à » chacun sa part des éléments bénis et l'on envoie la » leur aux absents par le ministère des diacres. »

Des quatre élémejits empruntés à l'ancien usage des synagogues , la lecture , le chant , l'homélie , la prière , un seul , le chant des psaumes , n'est pas ici l'objet d'une mention expresse. Dans un autre en- droit de son Apologie (1), saint Justin , exposant les cérémonies du baptême, y joint une description de la liturgie eucharistique, semblable à celle-ci, sauf qu'il y mentionne le baiser de paix que les chrétiens, dit- il, se donnent après les prières et avant de commen- cer le repas sacré ou eucharistie proprement dite.

Saint Justin se borne à décrire l'ordre des assem- blées chrétiennes; il ne donne aucun texte, aucune formule de prière ou d'exhortation. On peut le com- pléter, sur ce point, à l'aide de très anciens monu- ments de la littérature ecclésiastique.

La lettre de saint Clément de Rome nous a con- servé un morceau d'un caractère liturgique évident. On ne peut sans doute y voir la reproduction d'une formule consacrée , mais c'est un beau spécimen du style de la prière solennelle, telle que l'exprimaient alors les chefs ecclésiastiques dans les réunions de culte.

Que le nombre marqué des élus soit conservé entier en ce (1) I, 65.

50 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

monde par le Créateur de toutes choses et son fils bien-aimé Jé- sus-Christ, par qui il nous a appelés des ténèbres à la lumière de l'ignorance, à la connaissance de son nom glorieux, à l'espérance en ton (1) nom, d'où procède toute créature. Tu as ouvert les yeux de nos cœurs pour qu'ils te connaissent, toi le seul très-haut entre toutes les grandeurs, le saint qui reposes au milieu des saints, toi qui abaisses l'insolence des orgueilleux , qui déroutes les machi- nations des peuples, qui exaltes les humbles et humilies les puis- sants; toi qui donnes la richesse et la pauvreté, la mort et la vie, seul bienfaiteur des esprits. Dieu de toute chair, toi dont le re- gard pénètre l'abîme et surveille les œuvres des hommes , toi qui nous secours dans le danger, nous sauves du désespoir, créateur et directeur de tous les esprits; toi qui as multiplié les peuples sur la terre et choisi au milieu d'eux ceux qui t'aiment par Jésus- Christ, ton serviteur bien-aimé, par qui tu nous a élevés, sanctifiés, honorés. Nous t'en prions, ô Maître, sois notre secours , assiste- nous. Sois parmi nous le salut des persécutés , prends pitié des petits, relève ceux qui sont tombés, apparais à ceux qui sont dans le besoin , guéris les rebelles , fais rentrer les égarés de ton peu- ple. Apaise la faim de l'indigent, délivre ceux de nous qui souf- frent en prison , guéris les malades , encourage les faibles ; que tous les peuples reconnaissent que tu es le seul Dieu, que Jésus- Christ est ton serviteur, que nous sommes ton peuple et les brebis de tes pâturages.

C'est toi qui par tes œuvres as manifesté l'immortelle harmonie du monde ; c'est toi , Seigneur , qui as créé la terre , toi qui de- meures fidèle dans toutes les générations, juste dans tes juge- ments , admirable dans ta force et ta majesté , sage dans la créa- tion et dans l'affermissement des choses créées; qui manifestes ta bonté en nous sauvant, ta fidélité dans Talliance que la foi con- sacre ; ô Dieu bon et miséricordieux, remets-nous nos fautes, nos injustices, nos chutes, nos transgressions; ne compte pas les pé- chés de tes serviteurs et de tes servantes , mais purifie-nous par ta vérité et dirige nos pas , pour que nous marchions dans la sainteté du cœur et que nous fassions ce qui est bon et agréable à tes yeux et aux yeux de nos princes. Oui , Seigneur , fais luire sur nous ton visage, pour notre bien et notre paix, pour nous pro- téger de ta forte main et nous délivrer de tout péché par ton bras puissant, pour nous sauver de ceux qui nous haïssent injustement. Donne la concorde et la paix à nous et à tous les habitants de la terre , comme tu l'as donnée à nos pères lorsqu'ils t'invoquaient

(1) Ce changement de personne est bien dans le texte grec.

LA MESSE EN ORIENT. 51

avec foi et siDcéiité, soumis à la toute-puissaDce et à la vertu su» prôme de ton nom.

A nos princes (1) , à ceux qui nous gouvernent sur la terre , c'est toiy Seigneur, qui as donné le pouvoir de la royauté» par la vertu magnifique et inénarrable de ta puissance, afin que, connais- sant la gloire et l'honneur que tu leur as départis, nous leur soyions soumis et ne nous opposions pas à ta volonté. Accorde- leur , Seigneur , la santé , la paix , la concorde , la stabilité , pour qu'ils exercent sans obstacle l'autorité que tu leur as confiée. Car c'est toi , maître céleste , roi des siècles , qui donnes aux fils des hommes la gloire , l'honneur , la puissance sur les choses de la terre. Dirige, Seigneur, leurs conseils suivant le bien, suivant ce qui est agréable à tes yeux, afin que, exerçant paisiblement et avec douceur le pouvoir que tu leur as donné, ils te trouvent pro- pice. Toi seul as la puissance de faire cela et de nous accorder encore de plus grands bienfaits ; nous te proclamons par le grand- prêtre et le chef de nos âmes , Jésus-Christ , par qui soit à toi gloire et grandeur, maintenant, dans toutes les générations, dans les siècles des siècles. Amen ('2).

Je citerai encore , à côté de ces documents rédigés à Rome , les formules que nous a conservées la Doc- trine des Apôtres^ écrit fort ancien, contemporain de saint Justin à tout le moins, mais dont la provenance n'est pas bien déterminée.

« Quant à Teucharistie, voici comment il faut la faire. D'abord pour le calice : Nous te remercions ^ no^ tre Pèrey pour la sainte vigne de David ton serviteur, que tu nous as fait connaître par Jésus ton serviteur. Gloire à toi dans les siècles!

» Pour le pain (3) : Nous te remercions , notre Père, pour la vie et la science que tu nous as fait connaître par Jésus ton serviteur. Gloire à toi dans les siècles! Comme les éléments de ce pain, épars sur les montagnes,

(1) Remarquer avec quel accent les chrétiens de Rome priaient pour les empereurs, au lendemain des violences de Domitien.

(2) I Clem., 59-61.

(3) a ^epl ToO xXàa|iaTO( ». D s'agit ici du pain considéré comme rompu ou devant l'être.

52 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

se sont réunis en un seul tout^ de jmême puisse ton Eglise se rassembler des extrémités de la terre dans ton royaume; car à toi est la gloire et la puissance^ par Jé- sus-Christ^ dans les siècles,

» Que personne ne mange ni ne boive votre eucha- ristie, s'il n'est baptisé au nom du Seigneur ; car c'est de ceci que le Seigneur a dit : « Ne donnez pas le saint aux chiens. »

» Après vous être rassasiés (1), rendez grâces ainsi : Nous te remercions , Père saint , pour ton saint nom que tu as fait habiter en nos cœurs^ pour la science^ la foi et l'immortalité que tu nous a révélées par Jésus ton serviteur. Gloire à toi dans les siècles ! C'est toi, maî- tre puissant, qui as créé Vunivers pour la gloire de ton nom^ qui as donné aux hommes la nou/rriture et le breu- vage, pour quils en jouissent en te remerciant; mais' à nous tu as donné un breuvage et une nourriture spiri- tuelle^ et la vie éternelle par ton serviteur. Avant touty nous te rendons grâces parce que tu es puissant. Gloire à toi dans les siècles/ Souviens-toi, Seigneur^ de délivrer ton Eglise de tout mal et de lui donner la perfection dans ton amour. Rassemble-la des quatre vents du ciel , cette Eglise sanctifiée, pour le royaume que tu lui as préparé; car à toi est la puissance et la gloire dans les siècles. Que la grâce arrive et que ce monde passe/ Ho" sanna au fils de David / Si quelqu'un est saint , qu'il vienne; s'il ne Vest pas^ qu'il se repente/ Le Seigneur vient (2) / Amen.

» Laissez les prophètes faire ensuite l'eucharistie autant qu'ils voudront. »

Il est clair que ce rituel et ces formules nous vien- nent d'un milieu très différent de celui écrivaient saint Justin et saint Clément, d'un milieu encore tout

(1) « i(inXv)90$ivai ».

(2) « Mapàv àOà ».

LA MESSE EN ORIENT. 53

rempli d'un enthousiasme intense. Les prophètes ont

un rôle important ; les esprits sont excités, enfiévrés,

par l'attente du royaume du Christ. Je ne veux point

entrer ici dans les détails du contraste. Il me suffit

de noter que la langue liturgique dont saint Clément

nous offre un document si ancien et si autorisé, que

le rituel présenté par saint Justin comme d'un usage

général dans les assemblées chrétiennes, sont tout à

fait analogues à ce que nous rencontrons trois siècles

plus tard, au temps les documents abondent. Au

contraire , la liturgie décrite dans la Doctrine a tout

l'aspect d'une anomalie ; elle est en dehors du courant,

de la ligne générale du développement , tant pour le

rituel que pour le style.

De ces monuments de l'âge primitif il faut descen- dre immédiatement au quatrième siècle. C'est vers ce temps que se rencontrent , en quantité utilisable , les documents des usages liturgiques qui se sont plus tard complétés et diversifiés jusqu'à devenir ce que nous les voyons maintenant. Entre les deux époques il n'y a que des traits isolés , des allusions rapides , éparses dans les auteurs les plus divers. 11 faut du reste admettre que les particularités rituelles mirent un certain temps à s'établir et à se fixer. A l'origine on procédait partout à peu près de la même manière) ; je dis à peu près, car il n'est pas possible d'admettre une complète identité do tous les détails, mémo dans les églises fondées par les apôtres. Ce n'est pas aux premiers jours que l'on put attacher [aux choses de cet [ordre l'importance qui les consacre et les fix(î. Peu à peu les habitudes devinrent des rites; les rites s'épanouirent en cérémonies de plus en plus imposan- tes et compliquées; en même temps on arrêta le thème des prières et des exhortations : l'usage indiqua à l'officiant les idées qu'il devait développer et l'ordre

54 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

dans lequel il devait les traiter. On fit plus tard un dernier pas en adoptant des formules fixes qui ne lais- sèrent plus rien à l'arbitraire individuel et aux hasards de rimprovisation.

Longtemps avant que Ton eût atteint cette dernière période , il s'était produit, dans le rituel , des diversi- tés locales. Au troisième siècle, les usages de Rome, d'Antioche , d'Alexandrie , devaient être déjà assez éloignés de l'identité primitive : Fades non omnibus una, nec diversa tamen. A mesure que ces grandes métropoles étendaient le cercle de leurs missions , elles étendaient aussi le domaine d^ leur usage spé- cial; il est tout naturel que l'usage de l'église mère ait fait loi dans les églises filiales. De cette façon , les provinces liturgiques , si l'on peut s'exprimer ainsi, se confondirent avec les provinces ecclésiasti- ques.

§ 2. La liturgie syrienne au quatrième siècle.

On peut ramener à quatre types principaux les li- turgies connues : le type syrien, le type alexandrin, le type romain et le type gallican. Encore ne serait-il pas impossible de ramener le type gallican au type syrien et de conjecturer que l'usage d'Alexandrie dé- rive, pour une certaine part, de celui de Rome. On réduirait ainsi la diversité à une dualité , analogue à celle qui existe maintenant, depuis que les usages de Rome et de Constantinople ont à peu près absorbé les autres.

Mais les documents ne permettent pas de remonter si haut. Au quatrième siècle , il y avait sûrement quatre types, à tout le moins, car le type syrien avait déjà donné lieu à quelques sous-types bien caractérisés.

Les plus anciens documents de la liturgie syrienne sont :

LA MBS8E EN ORIENT. 55

La catéchèse 23® de saint Cyrille de Jérusalem, prononcée vers Tannée 347 ;

2** Les Constitutions Apostoliques (II, 57 et VIII , 5- 15). 3*" Les homélies de saint Jean Chrysostome. Saint Jean Chrysostome cite souvent, dans ses ho- mélies , des traits et même des prières empruntées à la liturgie. Bingham (1) eut le premier l'idée de re- cueillir et de mettre en ordre ces données éparses. Ce travail a été repris dernièrement par M. Ham- mond (2). On peut tirer de des attestations inté- ressantes , mais l'orateur ne donne nulle part une description systématique de la liturgie, dans l'ordre de ses rites et de ses prières.

La catéchèse de saint Cyrille est une véritable ex- plication des cérémonies de la messe, faite aux néo- phytes après leur initiation. L'orateur laisse de côté la messe des catéchumènes , que ses auditeurs con- naissent depuis longtemps ; il suppose le pain et le vin apportés sur l'autel et commence au moment Tévêque se prépare, en se lavant les mains, à célébrer les saints mystères.

Dans les Constitutions Apostoliques ^ il faut distin- guer entre la description du livre II et celle du li- vre VIII. La première est assez rapide; elle ne com- prend que la description des rites, sans les formules; l'autre donne tout au long les formules de toutes les prières, mais seulement depuis la fin de l'évangile. On sait maintenant queles Constitutions Apostoliques^ dans l'état actuel de leur texte grec, représentent une refonte de deux livres analogues, la Didascalie des

(1) Origin. eccL, XIII, 6.

(2) The ancient Liturgy of Antïoch, Oxford, 1879. Cf. Zeitschrift fur hath. Théologie, 1879, p. 619 (Bickell), et 1883, p. 250 (Probst). M. Probst a distingué les homélies prononcées à Antioche et celles qui le furent à Constantinople.

56 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Apôtres, dont on n'a qu'une version syriaque , et la Doc- trine des Apôtres, récemment découverte par le métro- polite Philothée Bryenne. Le premier de ces deux livres a servi de base aux livres I-VI des Constitutions Apos- toliques ; le second, très délayé, est devenu le livre VII de la même collection. Le VHP livre est plus homogène. Il doit avoir été ajouté aux sept autres par l'auteur du remaniement de la Didascalie et de la Doc- trine. Cet auteur est le même qui a interpolé les sept lettres authentiques de saint Ignace et leur en a ad- joint six autres de son cru. Il vivait en Syrie, à An- tioche ou dans la région ecclésiastique dont cette ville était le centre. C*estvers le milieu du quatrième siècle qu'il écrivait, au plus beau temps de la théologie subordinatienne , qui a trouvé plus d'une expression dans ses compositions diverses. Il est Fauteur de la description de la liturgie . qui figure au livre II ; ce passage, en effet, manque à la Didascalie syriaque. Est-ce aussi lui qui a rédigé la liturgie du VHP livre ? Le doute est permis, car il y a quelques différences entre cette liturgie et celle du livre IL

Je vais décrire le service religieux tel que le sup- posent ces documents, en notant au besoin leurs di- vergences.

L'assistance est réunie, les hommes d'un côté , les femmBs de Tautre, le clergé dans l'abside. Les lectures commencent aussitôt ; elles sont coupées par des chants. Un lecteur monte à Tambon , placé vers le milieu de l'église, entre le clergé et les fidèles, et lit deux le- çons; puis un autre monte à sa place pour chanter un psaume. Il l'exécute en solo; mais l'assistance re- prend les dernières modulations de son chant. C'est ce qu'on appelle le répons, psalmus responsorius , qu'il faut distinguer avec soin de l'antiphone, psaume exé- cuté avec alternance de deux chœurs. L'antiphone

LA BfBSSB BN ORIENT. 57

n'existe pas encore : on ne connaît que le répons. Il doit y avoir un nombre assez considérable de lectures, mais on ne dit pas combien. La série se termine par la lecture de l'évangile, qui est faite non plus par un simple lecteur, mais par un prêtre ou un diacre. Tout le monde se tient debout pendant cette dernière le- çon.

Les lectures et les psalmodies étant achevées , les prêtres prennent la parole, chacun à son tour (1), et après eux Tévêque. L'homélie est toujours précédée d'un salut à l'assistance ; on y répond par Tacclama- tion « Et avec votre esprit. »

Après l'homélie a lieu le renvoi des diverses caté- gories de personnes qui ne doivent pas assister aux saints mystères. On commence par les catéchumènes. Sur l'invitation du diacre, ils font une prière en si- lence pendant que l'assemblée prie elle-même pour eux. Le diacre formule cette prière en détaillant les intentions et les demandes. Les fidèles lui répondent, en particulier les enfants , par la supplication Kyrie eleison ! les catéchumènes se lèvent ensuite «et le dia- cre les invite à leur tour à prier en s'associant à la formule qu'il prononce ; puis il les fait s'incliner pour recevoir la bénédiction de l'évêque, après quoi il les congédie.

La même forme est observée pour les énergumè- nes, les compétents, c'est-à-dire les catéchumènes qui se disposent à recevoir le baptême, enfin pour les pénitents.

(1) Ce détail est attesté, outre Const, Ap.^ II, 57, par la Peregri- natio de Silvia : « Hic Jérusalem) consuetudo sic est, ut de om- nibus presbiteris qui sedent , quanti volunt praedicent , et post illos onmes episcopus praedicat ; quae predicationes propterea semper dominicis diebus sunt ut semper erudiatur populus in Scripturis et in Dei dilectione ; quae praedicationes dum dicuntur grandis mora fit ut fiât missa ecclesiae » (p. 81).

58 ORIGINES DU CULTB CHRÉTIEN.

Quand il ne reste plus dans l'église que les fidèles communiants , ceux-ci se mettent en prière. Proster- nés dans la direction de l'Orient, ils entendent le diacre développer la litanie : « Pour la paix et le bien- » être du monde... Pour la sainte église catholique et » apostolique... Pour les évoques, les prêtres... Pour » les bienfaiteurs de l'Eglise... Pour les néophytes... » Pour les malades... Pour les voyageurs... Pour les » petits enfants... Pour les égarés... etc. » A toutes ces. demandes on s'associe par l'invocation Kyrie elei- son\ La litanie se termine par une formule spéciale : « Sauve-nous , relève-nous , ô Dieu ! par ta miséri- corde. » Puis la voix de Tévêque s'élève au milieu du silence : il prononce une prière solennelle d'un style grave et majestueux.

Ici se termine la première partie de la liturgie^ celle que l'Eglise a empruntée à l'ancien usage des synagogues (1). La seconde partie, la liturgie chré- tienne proprement dite, s'ouvre par un salut de l' évo- que, suivi d'une acclamation de l'assistance. Puis, au signal donné par un diacre, les clercs reçoivent le baiser de paix de l'évêque , les fidèles se le donnent

(1) Dans la liturgie du II* livre, le baiser de paix est suivi de la litanie diaconale et de la bénédiction de Tévéque décrites ci-dessus. A leur place est indiquée une autre prière des fidèles oîi il doit être question de la chute d'Adam et de son renvoi du Paradis. Je crois, que cette prière n'est pas différente de celle que l'évêque, d'après le VIII' livre, prononce sur les pénitents au moment de leur renvoi. Quant à la place du baiser de paix, l'ordre du VIII' livre paraît être confirmé par saint Cyrille , qui parle de la Préface aussitôt après le baiser de paix. Cet endroit est un de ceux les liturgies diffèrent le plus. Dans la liturgie grecque de saint Jacques il y a deux litanies, l'une avant, l'autre après le baiser de paix ; mais après la première a lieu la procession de l'oblation et la récitation du Credo. La liturgie syriaque de saint Jacques est d'accord, en somme, avec saint Cyrille et le livre VIII des Constitutions. Dans la liturgie de Constantinople il y a d'abord les prières des fidèles prononcées par le célébrant, puis la procession de l'oblation , la litanie diaconale , le baiser de paix et le Credo.

LA MESSB EN ORIENT. 59

entre eux, les hommes aux hommes, les femmes aux

femmes.

Alors les diacres et autres ministres inférieurs se partagent entre la surveillance et le service de l'autel. Les uns se répandent dans l'assemblée, maintenant chacun à son rang, les petits enfants aux abords de l'enceinte sacrée, et veillant aux portes , afin que nul profane ne puisse pénétrer dans l'église. Les autres apportent et disposent sur l'autel les pains et les calices préparés pour le repas sacré; deux d'entre eux agi- tent des éventails pour défendre les saintes offrandes contre les insectes. L'évêque se lave les mains et re- vêt un habit de fête ; les prêtres se rangent autour de lui, et tous ensemble ils s'approchent de l'autel. C'est le moment solennel. Après une prière faite en silence et en son particulier, Tévêque fait le signe de la croix sur son front et commence :

« Que la grâce du Dieu Tout-Puissant , que l'a- mour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que la commu- nion du Saint-Esprit soit avec vous tous !

» Et avec votre esprit.

En haut les âmes!

Elles sont avec le Seigneur.

Rendons grâces au Seigneur!

C'est convenable et juste.

Oui vraiment il est juste de vous célébrer d'abord. Dieu réellement existant... »

Et la prière eucharistique se développe , partant de la majesté du Dieu inaccessible, passant en revue tous ses bienfaits envers la créature, énumérant toutes les merveilles de la nature et de la grâce , évoquant les grandes figures de l'ancienne alliance (1) et concluant enfin par un retour au sanctuaire mystérieux la

(1) La formule des Constitutions Apostoliques énumère, dans Tordre historique, un certain nombre de miracles de l'Ancien Testa-

60 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

divinité repose au milieu des esprits, les Chéru- bins et les Séraphins font retentir Thymne éternel du trisagion.

Ici le peuple entier élève la voix, mêlant son chant aux chœurs des anges : « Saint , Saint , Saint est le Seigneur!... »

L'hymne terminé, le silence se fait de nouveau et Tévêque reprend l'eucharistie interrompue :

« Oui vraiment tu es saint ! ...» et il commémore Toeu- vre de la Rédemption, Tlncarnation du Verbe, sa vie mortelle , sa passion ; à ce moment l'improvisation de l'officiant serre de près le récit évangélique de la der- nière Cène ; les paroles mystérieuses prononcées d'a- bord par Jésus la veille de sa mort retentissent sur la tabla sainte. Puis, prenant texte des derniers mots « Faites ceci en mémoire de moi », l'évêque les dé- veloppe, rappelant (1) la passion du Fils de Dieu , sa mort, sa résurrection, son ascension, l'espérance de son retour glorieux, et déclarant que c'est bien pour observer ce précepte et commémorer ces souvenirs que l'assemblée offre à Dieu ce pain, ce vin eucha- ristiques. Enfin il prie le Seigneur (2) de jeter sur l'oblation un regard favorable et de faire descendre sur elle la vertu de son Esprit-Saint, pour en faire le corps et le sang du Christ, l'aliment spirituel de ses fidèles , le gage de leur immortalité.

Ainsi se termine la prière eucharistique propre- ment dite. Le mystère est consommé. A l'appel de ses disciples , le Christ s'est rendu au milieu d'eux. Il réside sur le saint autel, sous les voiles mystiques des aliments consacrés. La prière recommence, adressée

ment. Elle s'interrompt tout à coup et tourne court après avoir rap- pelé la chute des murs de Jéricho au temps de Josué. Une coupure si brusque ne pouvait être de règle ni même d'habitude.

(1) C'est ce qu'on appelle, en langage technique, VAnamnèse,

(2) C'est VEpiclèse, ou invocation de l'Esprit- Saint.

LA MBSSB EN ORIBNT. 61

cette fois au Dieu présent quoique invisible ; ce n'est plus le diacre , ministre inférieur , c'est Tévêque lui- même , le chef de la communauté chrétienne , qui porte la parole et dirige les supplications :

« Seigneur, nous vous prions pour votre sainte Eglise répandue d'un bout à l'autre du monde... pour moi, qui ne suis rien... pour ces prêtres, pour ces diacres... pour l'empereur, les magistrats, l'armée... pour les saints qui en tous les temps ont su vous plaire, patriarches, prophètes, justes, apôtres, mar- tyrs... pour ce peuple, pour cette cité, pour les mala- des , pour ceux à qui pèse l'esclavage , pour les exi- lés, les prisonniers, les marins, les voyageurs... pour ceux qui nous haïssent et nous persécutent... pour les catéchumènes, les possédés, les pénitents... pour la régularité des saisons, pour les biens de la terre, pour les absents... » Cette longue prière se termine par une doxologie à laquelle toute l'assistance répond Amen, ratifiant ainsi l'action de grâces et l'intercession.

On récite ensuite le Pater (1) , accompagné d'une nouvelle litanie diaconale, très courte , dans laquelle sont reprises quelques-unes des intentions que ï'évê- que vient d'énumérer dans sa longue supplication. Après la litanie, Tévêque prononce encore une béné- diction sur le peuple.

Cette cérémonie terminée, le diacre réveille l'atten- tion des fidèles et l'évêque dit à haute voix : « Les choses saintes sont pour les saints ! » Le peuple ré- pond (2) : « Un seul saint, un seul Seigneur, un seul » Jésus-Christ, pour la gloire de Dieu le Père , béni

(1) La place du Pater n'est pas la même dans tous les documents. La liturgie des C. Ap. l'omet complètement ; saint Cyrille le place à cet endroit.

(2) C'est la formule des Const, Ap. Saint Cyrille ne donne que le commencement : « elç àytozt el; xupioç, iTicrouç Xptcrto;. » Rapprochez la troisième prière de la Doctrine des Apôtres, ci-dessus, p. 52.

62 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

» dans les siècles, Amen. Gloire à Dieu au plus haut » des cieux, paix sur la terre, bonne volonté aux hom- » mes. Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui » vient au nom du Seigneur. Le Seigneur est Dieu , » il s'est manifesté à nous. Hosanna au plus haut des » cieux.f»

C'est à ce moment sans doute qu'a lieu la fraction du pain, cérémonie que les documents du quatrième siècle ne mentionnent pas en termes exprès.

La communion a lieu alors. L'évêque communie le premier, puis les prêtres, les diacres, les sous-diacres, les lecteurs et psalmistes, les ascètes, les diacones- ses, les vierges, les veuves, les petits enfants, enfin toute l'assistance.

L'évêque dépose le pain consacré dans la main droite ouverte et supportée par la gauche ; le diacre tient le calice ; on y boit directement. A chaque com- muniant l'évêque dit : « Le corps du Christ », le dia- cre : « Le sang du Christ, calice de vie » ; on répond : « Amen ».

Pendant la communion, les psalmistes exécutent le psaume 33, Benedicam Dominum in omni tempore, dans lequel les mots, Gustate et videte quia suavis est Dominus ont un reliefspécial (1).

La communion finie, le diacre donne le signal de la prière, que l'évêque prononce au nom de tous ; puis on s'incline pour recevoir sa bénédiction. Enfin le diacre congédie l'assemblée : « Séparez-vous en paix! »

§ 3. Les litv/rgies d'Orient,

La liturgie des Constitutions apostoliques ne peut être considérée comme la liturgie normale, offi-

(1) Saint Cyrille les cite expressément.

LA MESSE EN ORIENT. 63

cielle, d'une église déterminée. Il est très douteux que, au temps elle a été écrite, il y eût déjà, sauf pour certaines choses tout à fait essentielles, des for- mules arrêtées, auxquelles l'officiant fût obligé de se tenir. On peut constater aussi que ses formules n*ont point passé dans les textes qui furent plus tard adop- tés pour Tusage officiel. Mais si , au point de vue de sa teneur, elle ne peut être considérée que comme un travail privé, il en est autrement du rituel qu'elle suppose, de la distribution des prières, de leur style, de leur thème général. Pour tout ceci , nous devons y voir une exacte représentation de Tilsage des gran- des églises de Syrie, Antioche, Laodicée, Tyr, Césarée, Jérusalem. Les documents les plus sûrs, en ce qui regarde Antioche et Jérusalem , nous fournissent ici des vérifications tout à fait concluantes. Et parmi ces documents, il faut ranger, non seulement les textes de saint Cyrille et de saint Jean Chrysostome, mais encore les liturgies officielles des siècles postérieurs. Toutes, en effet, sont du même type que la liturgie des Constitutions, défalcation faite, cela va de soi, des adjonctions et complications de rites et de prières qui se sont produites dans le cours des temps.

Ceci m'amène à parler du domaine de la liturgie syrienne, de son rayonnement, à divers degrés, dans tout l'Orient, l'Egypte exceptée, enfin, des documents qui en subsistent.

La Syrie.

On a vu plus haut que l'obédience primitive d' An- tioche avait été limitée, au cinquième siècle, par la fondation de la province autocéphale de Chypre et du patriarcat de Jérusalem. Il ne paraît pas que ce mor- cellement ait eu une influence marquée sur la litur- gie. Au moment il se produisit, l'usage d' Antioche

64 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

était adopté dans toute la Syrie ; on continua de Tob- server. Un événement plus gros de conséquences en ce genre, ce fut le schisme jacobite du sixième siècle. Les adversaires du concile de Chalcédoine se formè- rent alors, sous Timpulsion de Jacques Baradaï, en églises dissidentes , absolument séparées des églises orthodoxes , et pourvues d'une hiérarchie complète , depuis le patriarche d'Antioche jusqu^aux ordres infé- rieurs. Ces communautés se maintinrent en face des églises officielles (impériales, melkites) et, surtout depuis rinvasion musulmane, atteignirent un haut degré de prospérité. Elles existent encore; mais, de- puis la fin du dix-huitième siècle, un bon nombre de monophysites sont revenus à l'orthodoxie en se rat- tachant à l'église romaine. De deux groupes de « Syriens », les Syriens jacobites ou monophysi- tes et les Syriens catholiques ; les deux patriarches résident ou sont censés résider à Mardin en Mésopo- tamie (1).

Après les monophysites , les monothélites. Le mo- nothélisme, condamné au sixième concile œcuméni- que de Constantinople (681), fut alors abandonné par les églises officielles de Tempire grec, sauf une courte restauration sous l'empereur Philippicus (711-713). Il se maintint cependant au couvent de Jean Maron, dans le Liban, et dans le rayon d'influence de ce mo- nastère. De le groupe religieux des Maronites, qui, après avoir conservé son particularisme dogmatique pendant cinq cents ans, rentra, en 1182, dans la communion de l'église romaine, d'une façon précaire, il est vrai, car, jusque vers la fin du seizième siècle, l'union subit des fluctuations considérables. Les Ma- ronites étaient gouvernés par le monastère, dans lequel résidaient un certain nombre d'évéques. Après

(1) Le patriarche catholique habite ordinairement Alep.

LA MBSSE EU ORIENT. 65

bien des efforts, on est parvenu à substituer à cette organisation primitive une sorte de province ecclé- siastique avec des diocèses et des sièges fixes. Les évoques ont pour chef un patriarche, qui prend le titre de patriarche d'Antioche. Le syriaque est la lan- gue liturgique chez les Maronites comme chez les Jacobites unis ou non unis (1).

A côté de ces patriarcats nationaux, dont les origi- nes se rattachent à des dissidences hérétiques, le pa- triarcat officiel et orthodoxe d'Antioche se maintint, très affaibli, il est vrai, par tant de sécessions. Sa li- turgie particulière fut peu à peu supplantée par celle de Constantinople , la seule qui soit maintenant en usage dans les églises grecques du patriarcat d'Antio- che. Une partie des Grecs de Syrie, ou plutôt des populations chrétiennes de langue arabe qui ont le grec pour langue liturgique , ont fait retour à Tunité romaine depuis la fin du dix-septième siècle. C'est ce qu'on appelle les Grecs melkites. Ils sont organisés en patriarcat (2) , dont le titulaire réside à Damas. Mais la différence de communion n'influe pas sur la li- turgie. Sauf quelques retouches, les livres liturgiques des Melkites sont les mêmes que ceux des Orthodoxes

(1) Le patriarcat maronite est donc une institution toute moderne. Bes titulaires ne sont , à aucun degré , les successeurs des anciens patriarches d'Antioche. Il n'en est pas de même des patriarches sy- riens, du patriarche melkite et du patriarche grec non uni. Ces deux derniers représentent, avec la différence de communion, la succession des patriarches grecs orthodoxes d'Antioche^ les patriarches syriens sont, avec la même différence, les héritiers du siège patriarcal jaco- bite fondé au sixième siècle. En droit strict , il ne devrait y avoir d'autre patriarche catholique en Syrie que le patriarche melkite. L'existence des deux autres tient à ce que le saint-siège a cru devoir respecter des distinctions introduites depuis des siècles, quelle qu'ait ■été, à l'origine, leur légitimité.

(2) Le titre fut d'abord celui de patriarche d'Antioche ; depuis Gré- goire XVI, le chef de l'église melkite est qualifié de patriarche d'An- tioche, Jérusalem et Alexandrie. Dans ces deux dernières villes, il <est représenté par un vicaire.

5

66 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

non unis; ils reproduisent purement et simplement la liturgie de Constantinople (1).

Les documents liturgiques provenant de la Syrie , c'est-à-dire des patriarcats d'Antioche et de Jérusa- lem, ainsi que de la province autocéphale de Chypre^ sont :

La liturgie grecque de saint Jacques, Elle parait avoir été d'abord, dans tous ces pays, la litur- gie normale, l'analogue de ce que, dans le rit romain, nous appelons l'ordinaire de la messe. Actuellement, elle n'est plus en usage, si ce n'est, à Jérusalem et en Chypre, un seul jour de Tannée, celui de la fête de saint Jacques (23 octobre). Le reste du temps, on se sert exclusivement des liturgies de Constantinople. Sa plus ancienne attestation est une mention dans le canon 32 du concile in Trullo (692), elle est citée comme étant réellement Tœuvre de saint Jacques, frère du Seigneur. Mais elle doit remonter beaucoup plus haut que le septième siècle. Le fait que les Jacobites l'ont conservée en syriaque, comme liturgie fonda- mentale, prouve qu'elle était déjà consacrée par un long usage au moment ces communautés se for- mèrent, c'est-à-dire vers le milieu du sixième siècle. Saint Jérôme parait l'avoir connue; il est sûr, au moins, qu'il cite un texte liturgique que l'on retrouve dans la liturgie de saint Jacques (2). Les manuscrits qui nous l'ont conservée sont malheureusement très loin de remonter à une haute antiquité. Elle s'y pré-

(1) Bien que le grec soit demeuré leur langue liturgique officielle , les Melkitcs font le plus souvent usage d'une traduction arabe.

(2) Adv, Pelag.y II, 23 : « Sacerdotum quotidie ora concélébrant 6 (i(6voc àvajjuipTTiToc , quod in lingua nostra dicitur qui solus est sine peccato. » Ces mots se retrouvent dans le Mémento des morts (Swainson, p. 300) ; « aÙTÔ; yàp saTiv à {jlovo; àvajtàpTTiTo; çavel; èici tîi; Y^};. )) Syriaque : a Nec ullus est a peccati culpa immunis aut a sordibus purus ex hominibus qui super terram sunt, nisi unus d. n^ lesus Christus. »

LA MB8SE BN ORIBNT. 67

sente avec beaucoup de modifications inspirées par lusage byzantin (1).

2** La liturgie syriaque de saint Jacques , à peu près identique à la précédente , depuis la cérémonie du baiser de paix. On en a des manuscrits du huitième siècle (2).

3** Les autres liturgies syriaques, Elles ne dijffèrent que pour Vanaphora, Pour le reste, elles reproduisent toujours le même ordinaire; ou plutôt, dans la litur- gie syriaque, il y a deux types d'ordinaires de la messe (sauf Vanaphora), le type jacobite et le type maronite (3).

Il faut joindre à ces documents une lettre de Jacques d'Edesse (fin du septième siècle), qui contient beau- coup de détails sur la liturgie dans les églises mono- phy sites de langue syriaque (4).

2** La Mésopotamie et la Perse.

Il n'est pas douteux que les églises de Mésopotamie et de Perse n'aient été fondées par des missionnaires partis d'Antioche.' Mais la différence de langue et d'obédience politique y développa de très bonne heure un particularisme qui ne manqua pas d'influer sur

(1) La dernière édition est celle de Swainson {The Greek liturgies, Londres, 1884). Elle reproduit le texte de quatre copies, un rouleau de la fin du dixième siècle, actuellement conservé à Messine ; le ma- nuscrit de Rossano (Valic, 1970), du douzième siècle ; le Parisinus 2509, du quatorzième siècle (copie dans le 303 du suppl. gr.), et le Parisinus suppl. gr. 476, également du quatorzième siècle. Ces exemplaires ou leurs originaux proviennent tous de Syrie.

(2) La traduction de Renaudot a été reproduite par Hammond et, pour les parties communes au syriaque et au grec, par Swainson.

(3) Renaudot a publié trente-huit de ces anap/io?'ae; il y en a beau- coup d'autres en manuscrit. Il a publié aussi les deux ordinaires. Hammond a reproduit le premier de ceux-ci; d'après Bickell, dans la Real Encyhl. de Kraus, t. II, p. 324, c'est le second qui est mono- pliysite ; le premier est maronite.

(4) Assemani, BibL Or.^ t. I, p. 479.

68 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

les usages liturgiques. Il est assez difficile de faire ici le départ entre Edesse et Séleucie-Babylone. Les communautés nestoriennes de Tancien royaume sas- sanide ont conservé des liturgies dont la provenance originaire est encore indéterminée entre ces deux métropoles. Au déclin du cinquième siècle, les Nes- toriens d'Edesse refluèrent sur la Perse, et il n*est pas prouvé qu'ils n*y aient pas importé beaucoup d'usages de leur pays. Quoiqu'il en soit, les liturgies nestoriennes peuvent être considérées comme repré- sentant le type adopté dans les pays d'outre-Euphrate, la langue liturgique fut toujours le syriaque. Ac- tuellement, il y a lieu de distinguer entre les Nesto- riens proprement dits, qui se sont maintenus dans les montagnes du Kurdistan avec un patriarche na- tional (1), et les Nestoriens unis ou Chaldéens, qui ont à leur tête un patriarche catholique résidant à Mossoul. Ces deux dignitaires, qualifiés de patriarches de Babylone, représentent la succession de Tancien catholicos de Séleucie (2).

Le trait le plus caractéristique des liturgies d'ori- gine nestorienne, c'est la place de la grande suppli- cation ou Mémento. Au lieu de suivre l'épiclèse , comme dans la liturgie syrienne , elle est placée avant et rattachée immédiatement à la commémora- tion du Christ ou anamnèse.

Voici les textes de ces liturgies que l'on connaît jusqu'à présent :

l*" Une anaphora du sixième siècle, publiée d'abord par M. Bickell (3) et, après re vision du manuscrit,

(1) Sa résidence est à Kotchanès, près Djoulamerk, localité située sur le Zab , dans la montagne au N. de Mossoul , à peu de distance de la frontière perse.

(2) Les jacobites ont aussi, dans ces pays, une organisation spéciale présidée par un a maphrian ».

(3) Conspecius rei Syrorum liter&riae, p. 71 ; Zeitschrift der deut- schen morg, Gesellschaft^ 1873, p. 608.

LA MESSE EN ORIENT. 69

par M. Hammond (1). Ce n'est qu'un fragment très mal conservé, mais vénérable par son antiquité.

2** La litv/rgie des saints Addée et Maris, fondateurs des églises d'Edesse et de Séleucie. C'est la liturgie normale des Nestoriens, la seule employée par les Chaldéens unis. Elle présente cette particularité, ab- solument spéciale, que Ton n'y trouve plus (2) le récit de l'institution de l'Eucharistie.

Les deux anaphorae de Théodore de Mopsueste et de Nestorius, dont les Nestoriens se servent à cer- tains temps de Tannée (3).

La tradition nestorienne attribue au patriarche Jésuyab III, vers le commencement du septième siè- cle , la fixation définitive de la liturgie dans la forme abrégée nous la présente le texte attribué aux saints Addée et Maris (4).

3" Césarée et Gonstantinople.

On a VU plus haut que, vers le déclin du troisième siècle et pendant la plus grande partie du quatrième, les églises d'Asie Mineure, surtout celles de Cappa- doce, de Pont, de Bithynie, ont été en rapports étroits et fréquents avec le siège d'Antioche. C'est d'Antioche encore que l'évangélisation était partie pour atteindre ces régions. Césarée a gravité autour d'Antioche avant d'entrer dans l'obédience de Cons-

(1) The liturgy of Antioch, p. 41.

(2) Cotte lacune si grave n'est pas primitive (Bickell, Conspectus, p. 63) ; elle a été suppléée dans les livres des Chaldéens unis.

(3) Editées, avec la liturgie normale, par Renaudot.

(4) Bickell, Re&l Enc.^ t. II, p- 321. M. Bickell prépare un travail spécial sur les liturgies de ce type. Ici, comme dans les cas sembla- blés , je m'abstiens de parler des textes imprimés pour l'usage litur- gique actuel. Ceux qui servent aux communautés catholiques ont subi de nombreuses retouches inspirées par un zèle qui n'a pas toujours été selon la science. Ce n'est point à ces livres, mais aux anciens manuscrits, qu'il faut recourir pour faire revivre Tantiquité.

70 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

tantinople. C'est par des évoques originaires d'An- tioche ou de Césarée, Grégoire de Nazianze, Nectaire, Chrysostome, Nestorius, que l'église de Constantino- ple était dirigée au temps elle reçut son organisa- tion définitive (1). Aussi n*est-il pas étonnant que sa liturgie reproduise tous les traits essentiels de la liturgie syrienne.

Cette liturgie a maintenant un domaine immense. Dans tous les patriarcats grecs d'Orient, elle a fini par supplanter les liturgies antérieures. C'est elle qui est en usage dans l'église nationale de Grèce et dans celles de Serbie, de Bulgarie, de Russie, de Rou- manie, etc. (2). Il est vrai que, dans ces derniers pays , le grec n'est pas la langue liturgique ; mais les traductions ne font que reproduire le texte grec usité dans le patriarcat de Constantinople.

Il y a maintenant deux textes de la liturgie com-

(1) L'évêque arien Eudoxe (360-370) était aussi des environs d*An- tioche.

(2) Les groupes ecclésiastiques rattachés théoriquement au patriar- cat grec de Constantinople sont : le saint synode d'Athènes (royaume de Grèce); 2* le saint synode de Pétersbourg (empire russe); le patriarcat serbe de Carlowitz (Serbes d'Autriche-Hongrie); 4" la province métropolitaine de Cettigné (Monténégro) ; la province métropolitaine de Belgrade (royaume de Serbie) ; 6* l'église nationale bulgare; ?• l'église nationale de Roumanie; 8* les provinces métro- politaines de Hermanstadt (Transylvanie) et do "Tchernowitz (Bu- kovine) ; l'église géorgienne , présidée par l'exarque de Tiflis (ab- sorbée actuellement par l'église russe). En Grèce, la langue liturgique est le grec ; en Géorgie, le géorgien; en Roumanie et dans les deux provinces de Hermanstadt et de Tchernowitz , le roumain ; dans les autres pays, c'est le slavon. Les uniates de rit byzantin sont groupés ecclésiastiquement ainsi qu'il suit. Dans les patriarcats orientaux, Antioche, Jérusalem et Alexandrie, ils relèvent du patriarche melkite en résidence à Damas, ainsi qu'il a été dit plus haut. Dans le pa- triarcat de Constantinople, ceux de langue grecque n'ont pas d'or- ganisation spéciale ; ils relèvent des évéques latins, et ceci s'applique aussi aux quelques paroisses grecques d'Italie et de Sicile ; ceux de langue bulgare en Turquie, de langue roumaine en Hongrie, de langue ruthène en Autriche-Hongrie et en Russie ont des évéques ou même des provinces ecclésiastiques de leur rite.

LA MBSSB EN ORIENT. 71

plète et une messe des Présanctifiés. Les deux litur- gies complètes portent les noms de saint Basile et de saint Jean-Chrysostome. La première était d'abord la liturgie normale ; maintenant, elle ne sert plus que les dimanches de carême (sauf le dimanche des Ra- meaux), le jeudi saint, le samedi saint, la veille de Noël , la veille de TEpiphanie et le premier janvier , fête de saint Basile. Les autres jours, on suit la litur- gie de saint Chrysostome, notablement plus courte que la précédente. Pendant le carême, sauf le samedi et le dimanche , comme on ne célèbre pas la messe proprement dite , on se sert de la liturgie des Présanctifiés, qui a fini par être attribuée, on ne sait pourquoi, à saint Grégoire le Grand.

Le plus ancien manuscrit connu de la liturgie by- zantine est le cod. Barberinus n** 77, du huitième ou du neuvième siècle. C'est un euchologe, qui contient, outre les trois liturgies, des prières pour d'autres ser- vices : baptême, ordination, etc. La première des trois liturgies , celle de saint Basile , est la seule qui porte un nom d'auteur ; les deux autres sont encore anony- mes (1). Dans cet ancien manuscrit, il n'y a que les prières destinées à être prononcées par le célébrant ; on n'y trouve pas les litanies dites par le diacre, ni, à plus forte raison, les leçons et pièces de chant. Les rubriques elles-mêmes sont peu nombreuses. Cette disposition rappelle tout à fait celle des sacramentai- res latins. Les manuscrits postérieurs, du douzième siècle et au-dessous, sont beaucoup plus complets. ' Il n'est pas douteux que la liturgie de saint Basile ne soit la plus ancienne des trois. Son texte actuel -est attesté dès le commencement du sixième siècle.

(1) M. Swainson a publié, dans son ouvrage The Greeh liturgies : !• les trois liturgies suivant le texte du Barberinus ; deux autres textes établis sur des manuscrits qui représentent la liturgie byzan- tine dans l'état elle était arrivée au onzième et au seizième siècle.

72 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Dans une lettre adressée vers 520 par des moines de Scythie aux évoques africains exilés en Sardaigne (1)^ on en trouve un passage intégralement cité.

4" L'Arménie.

La liturgie arménienne, évidemment dérivée de celle de Césarée-Constantinople, peut être considérée comme représentant, à certains égards, un stade an- cien de la liturgie byzantine. L*usage arménien ne comporte qu'un seul et même texte, dont la plus an- cienne attestation, pour le détail, est un commentaire du dixième siècle (2). L'église arménienne condamna le concile de Chalcédoine en 491 , en un temps les églises officielles de Tempire grec ne l'admettaient pas non plus. Quand celles-ci furent rentrées (519) dans la communion de Rome et dans la foi chalcé- donienne, elles firent divers efforts pour décider les Arméniens à en faire autant. Mais ce fut en vain; au lieu d'une réconciliation , on n'obtint qu'un renforce- ment du schisme, qui se fit sentir en particulier dans le domaine du rite (3).

Au moyen âge, beaucoup d'Arméniens, chassés de leur pays par diverses invasions, émigrèrent en Perse, en Syrie, en Asie Mineure, jusqu'en Hongrie et en Pologne. Dans cette dispersion, analogue à la Diaspora juive , ils ont conservé leur langue , leur nationalité ,

(1) Migne, P. L., t. LXV, p. 449 : « Hinc etiam beatus Basilius Cae- sariensis epîscopus in oratione sacri altaris quam paene universos- frequentat Oriens, inter caetera : Dona, inquit, Domine ^ virtutem ac tutamentum ; malos, quaesumus, bonos faciiOy bonos in boni- tate conserva. Omnia enim potes et non est qui contradicat tibi. Cum enim volueris salvas et nullus resistit voluntati tuae.

(2) P. Vetter, Chosroae M, Explicatio precum missae. Fribourg^ 1880.

(3) Les Arméniens adoptèrent alors Tusage du pain azyme et de la consécration du vin sans mélange d'eau. Us rayèrent de leur calon- drier la fête de Noël.

LA MESSE EN ORIENT. 73

leur rite. Leur chef religieux suprême est toujours, en principe, le catholicos d'Etchmiadzin, mais ils ont, en divers pays, une organisation indépendante en fait de cette autorité théorique, désormais placée sous l'influence de la Russie. Depuis le siècle dernier, beaucoup d'entre eux se sont remis en communion avec l'église romaine. Ceux de Turquie ont à leur tête un patriarche national (patriarche de Cilicie), ré- sidant à Constantinople. En Autriche, ils relèvent de l'archevêque arménien de Léopol (1).

§ 4. La liturgie alexandrine.

Nous n'avons pas, sur la liturgie de l'église d'Alexan- drie, de documents aussi anciens que ceux de la litur- gie syrienne. Pour s'en faire une idée, il faut recourir aux manuscrits liturgiques du moyen âge. Ceux-ci ont, comme en Syrie, des provenances très diverses.

L'unité religieuse fut détruite, en Egypte, à la suite de la condamnation du patriarche Dioscore par le concile de Chalcédoine. Après un siècle de tentatives infructueuses pour ramener les dissidents au giron de l'orthodoxie, le gouvernement impérial se vit obligé d'admettre en ce pays la coexistence de deux églises : l'une orthodoxe, s'appuyant sur le gouver- nement et le monde officiel byzantin ; l'autre héréti-

(1) n est clair que ni les patriarches arméniens-grégoriens de Tur- quie, ni le patriarche catholique de Cilicie ne peuvent être mis sur le même pied que les héritiers des quatre patriarcats grecs. Le ca- tholicos d'Etchmiadzin, dont la compétence s'étend, théoriquement, à toute la nation arménienne, a un titre supérieur aux leurs. Or, selon le droit ancien, ce haut dignitaire est subordonné à l'archevêque de Gésaréo en Cappadoce ; sa situation est analogue à celle du patriar- che de Babylone et de l'Abouna des Ethiopiens. Les Arméniens unis n'ont pas même l'équivalent d'un catholicos j car l'archevêque de Léopol n'est nullement subordonné au patriarche de Cilicie ; il re- lève, comme lui, du pape, directement et sans intermédiaire.

74 ORI&INES DU GULTB CHRÉTIEN.

que, soutenue par la masse de la population indigène. Cette dissidence ne se fit pas d'abord sentir dans le domaine du culte : hérétiques et orthodoxes, tous con- tinuèrent à suivre Tantique usage d'Alexandrie. Mais l'église oflBcielle le modifia peu à peu sous l'influence de la liturgie de Constantinople, jusqu'au moment celle-ci lui fut substituée purement et simplement.

L'église orthodoxe ou melkite avait conservé l'usage du grec; l'église monophysite élimina la langue de Constantinople et se servit à peu près exclusivement du copte, idiome national des populations égyptien- nes (1).

L'église d'Abyssinie suivait aussi l'usage d'Alexan- drie ; après Chalcédoine , elle ne sépara pas sa cause de celle de l'église d'Egypte et embrassa comme elle la confession monophysite. Il est probable que, dès l'origine, sa langue liturgique avait été l'éthiopien ou ghez. C'est en cette langue que sont écrits les livres dont elle se sert actuellement (2).

Les textes dont on dispose pour étudier l'ancien usage d'Alexandrie sont :

1** La liturgie grecque de saint Marc^ dont on con- naît trois exemplaires, du douzième siècle et au-des- sous. Elle contient sans doute beaucoup de retouches byzantines, mais' les parties essentielles sont confor- mes au type et souvent à la teneur même des meil- leurs textes d'autre provenance; il n'est pas douteux qu'elle ne remonte très haut, au cinquième siècle pour le moins (3).

(1) Un certain nombre de Coptes sont rentrés dans la communion de Rome. Us ne sont pas organisés en patriarcat ; leur chef est un évoque de leur rite, qui prend le titre de vicaire apostolique.

(2) Les Abyssins catholiques n'ont pas d'autre organisation que celle du vicariat apostolique d'Abyssinie, dirigé par des mission- naires latins (lazaristes).

(3) M. Svirainson a publié cette liturgie d'après le manuscrit Rosssl-

LA If ESSE EN ORIENT. 75

2** Les liturgies coptes. Elles sont au nombre de trois, celles de saint Cyrille (d'Alexandrie), de saint Grégoire (de Nazianze) et de saint Basile (1). Elles ne diffèrent guère que pour Vanaphora; actuellement, la liturgie normale est celle de saint Basile ; c'est à Vanaphora basilienne que l'ordinaire de la messe est rattaché dans les livres liturgiques. Cependant Vanch- phora de saint Cyrille est évidemment la plus an- cienne. Ceci résulte d'abord de ce que, seule des trois, elle présente certains traits caractéristiques de la liturgie alexandrine, ensuite de ce qu'elle repro- duit souvent, et mot à mot, le texte de la liturgie de saint Marc. En joignant à Vanaphora de saint Cyrille l'ordinaire de la messe copte, on obtient une liturgie copte qui forme le pendant exact de la liturgie grec- que de saint Marc. Les anaphorae de saint Gré- goire et de saint Basile existent aussi en grec.

3** Les liturgies abyssiniennes. Les Abyssins ont

une liturgie normale, la liturgie des Douze Apôtres^

qui est, pour le fond, identique à la liturgie copte de

saint Cyrille; ils ont, de plus, une quinzaine d'a/ia-

phorae de rechange.

4** Les fragments Borgia^ publiés récemment par M. l'abbé Hyvernat (2), d'après des manuscrits coptes dont l'âge flotte entre le huitième et le douzième siè- cle. Ces fragments appartiennent à cinq messes diffé- x-entes; de l'une d'entre elles une partie avait été déjà publiée par Giorgi (3).

En ne tenant pas compte de ce texte archaïque, en

-nensis et d'après deux rotuli , l'un de Messine, du douzième siècle , l'autre du Vatican, de l'année 1207.

(1) Ne pas confondre cette liturgie avec la liturgie byzantine du même nom.

(2) Rômische Quartalschrift , 1888.

(3) Fragmentum Evangelii S. Johannis, Rome, 1789. Cf. Hammond, The liturgy of Antiochy p. 27.

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6 ORI&INES OU CULTE CHRÉTIEN.

négligeant les pièces de rechange propres aux Abys- sins, en écartant les anaphorœ de Grégoire et de Basile, qui sont plutôt du type syrien et représentent une importation étrangère, il reste trois textes : la li- turgie grecque de saint Marc , la liturgie copte de saint Cyrille et la liturgie abyssinienne des Douze Apôtres, qui proviennent chacun de Tun des trois groupes ecclésiastiques de rit alexandrin. Ces textes ont un fond identique; leurs variantes ne sont que des modifications postérieures. Si Ton veut reconsti- tuer Tantique liturgie alexandrine, il importe avant tout de les rapprocher et de dégager leurs parties com- munes. Les auteurs égyptiens, dépouillés au point de vue des allusions à la liturgie , fourniraient peut-être quelques indications utiles.

Le trait le plus caractéristique de la liturgie alexandrine, c'est que la grande supplication, au lieu de venir après la consécration, s'intercale dans la Préface. De cette façon, le Sanctus, les paroles de l'institution, Tépiclèse, se rencontrent beaucoup plus tard que dans la liturgie syrienne. Cette disposition de Vanaphora est déjà signalée par Jacques d'Edesse à la fin du septième siècle (1). Il remarque aussi que le salut avant la Préface est bien moins compliqué qu'en Syrie; le célébrant se borne à dire : Dominus vobiscum omnibus (2) ; de même, Tacclamation du peu- ple, en réponse au Sancta Sanctis^ présente certaines particularités de formule.

(1) Assemani, Bibl. Or. y t. I, p. 481 et suiv. On la trouve aussi dans les fragments Hyvernat.

(2) Voici la teneur des documents connus : Saint Marc : « \) Rupioc |ieTà iràvxtûv » {cod. Ross. ; le rot, Vaticanus a ici le salut syrien ; lo rot. Messanensis est lacuneux à cet endroit) ; saint Cyrille et saint Basile : Dominus vobiscum ; éthiopien : Dominus vobiscum, om.- nibus.

LA MES8B EN ORIENT. 77

§ 5. Modifications postériev/res.

Même ramenées à leur forme la plus ancienne , à celle qu'elles pouvaient avoir avant les schismes du sixième siècle , toutes ces liturgies sont déjà loin de la simplicité de celles du quatrième siècle. Beaucoup de choses ont été changées, supprimées, ajoutées. Voici les points sur lesquels les modifications ont été le plus considérables.

D'abord, l'entrée des célébrants est devenue une cérémonie imposante. Dans la liturgie byzantine, elle fut de bonne heure accompagnée d'un chant spécial , le MovoYcvT^ç (1). Avant les lectures, on donna place au Trisagion (2). L'usage de cette doxologie doit être très ancien; il est commun à toutes les liturgies grecques orientales et même à la liturgie gallicane (3). Sa plus ancienne attestation nous est fournie (451) par le concile de Chalcédoine (4).

Les renvois des catéchumènes, énergumènes, com- pétents , pénitents , qui ont un si grand relief dans la iiturgie du quatrième siècle, disparurent de bonne heure par suite des modifications de la discipline sur ces diverses catégories. Cependant le rituel de Cons- tantinople a conservé jusqu'à nos jours la cérémonie fiu renvoi des catéchumènes.

(1) X) {lovoyev^c Tlèç xal A6yoc toO 8eoO , àOàvaToç Oiràpx<<>>v , xaToiSe^à- fuvoç 8ià Ti^v i^i&eTÉpav fstùvt\^iaM aapxcoOijvat èx xfjc Âyia; OeoToxou xal àet- -TiOLç^isoM MapCaC) àrpéirrcoc èvavOpcoirfjaac oraupcoOeCc Te, Xpiorè d 8eèc, 6a- NàTcp OdivaTov iraxi^ffaç , el; ûv Ti{c AyCoc TptàSoç , auv5oÇa2[6(i.evoc t^ Uaxpl

(2) "Ayioc à 8e6c , ééyioç l<TXVp6c , &Yioc àOàvaTOC* èXéviaov ^(lôk*

(3) Dans la liturgie copte, le Trisagion se place avant l'évangile, après les autres lectures. Dans la liturgie gallicane, on le rencontre aussi avant l'évangile et même après, mais sans préjudice de son exécution à sa place normale, avant les lectures.

(4) Hardouin, t. II , p. 272. Sur la légende du Trisagion, voy. Tille- mont, HisU eccL, t. XIV, p. 713.

78 ORIGINES OU CULTE CHRÉTIEN. '

Mais c'est surtout la préparation des éléments du repas sacré qui a. donné thème à des développements de rites et de prière^. Le pain et le vin de la consé- cration sont préparés avant l'entrée des célébrants, à une table spéciale , la table de proposition (irpoôecrtç) , située, comme Tautel, en dedans de Tenceinte sacrée et hors la vue des fidèles. Il y a comme une messe préparatoire, la messe de la prothèse, qui, surtout dans le rit de Constantinople , est fort longue et fort compliquée. Après les lectures et la prière des fidè- les , Toblation est apportée en grande pompe à Tau- tel. Cette procession de Toblation (1) est la cérémonie la plus imposante de toute la messe. Elle a lieu, dans les églises de rit byzantin ou byzantinisé, au chant d'un hymne appelé Chéroubicon (2).

C'est à cet endroit de la messe que Ton intercale la récitation du Credo. D'après Théodore le Lecteur , cet usage fut introduit d'abord à Antioche par l'évé- que Pierre le Foulon, en 471 , puis à Constantinople par le patriarche Timothée, en 511. Pierre et Timo- thée ont été au nombre des plus ardents adversaires du concile de Chalcédoine. Cependant leur innovation ne fut point abolie quand les églises d'Orient revin- rent à la communion orthodoxe (3).

(1) Donys l'Aréopagite mentionne déjà cette procession et l'usage d'y chanter un hymne ; mais il ne donne pas le texte de l'hymne {Eccl. hier,, III, 2).

(2) u 01 Ta XepouêipL pLuorixcac elxovCi^ovTec xai t^ 2^(i>oicoC(() Tpi(£6i Tèv Tpc- ffàyiov Opivov àSovTec, irâaav t^jv pt^rrix^v àicoOtopieOa (i.épi(i.vav, (bç rèv pafftXéa Tûv dX(i»v OicoS&Çdpievoi, TaT; àYYsXixaîc &opàT(dc fiopu^opoupLevov TdÇsatv. ^Kh- XiQXoula, 'ÂXXY)Xoula, 'ÀXXY)Xo^la. » La liturgie de saint Jacques nous offre ici une autre composition non moins belle : u £iYY]aaT(i> nova (jàp^ ppoTeCa xat onQTO) (lexà 9660^ xal xpopiou xal (i,Yi6èv yyjîvov év éauT^ Xoyilléo-Où). *0 yàp ^adiXeO; tûv paaiXeuôvrcov , Xpiaxà; ô 6e6c i^fjiûv, icpoép- Xexai o-fayiaffOi^vai xal SoÔiJvat elç ppûaiv toi; TTtcrroTç * irpOTiyoOvTai toO- Tou ol x^po^ '^^^ 'ÀYyéXcov, (lexà icàcnic 'Apxv); y-OLi 'ËÇouaCa;, iroXv6(ii(<.aTa Xepou6l(i xat ê^aTUTEpuya Sepa^lpi , Ta; ô^^eic xaXuiCTOvra xal potovTa tàv OfAVOv 'AXXriXoula. »

(3) Une des choses les plus vivement réclamées par le parti mono-

LA ifsssc nr oribmt. 79

Pendant la procession de Toblation et les cérémo- nies qui suivent, baiser de paix, récitation du Credo ^ récitation des diptyques, le célébrant récitait des prières en son particulier. Ces prières ont fini par se fixer en formules (1). L'une d'elles se disait au mo- ment où on repliait le voile. Il y avait, en effet, un voile, qui, tendu devant Tautel ou même devant l'ab- side tout entière, en dissimulait la vue jusqu'au mo- ment où, les catéchumènes et autres non communiants étant sortis, on abordait la célébration des mystères devant les seuls initiés. Ce voile est encore en usage dans les rits orientaux ; on le tend devant la porte centrale de Ticonostase ; il est tiré et ramené aux moments indiqués dans les anciennes liturgies.

Il faut encore noter, dans cette partie de la messe, la récitation des diptyques. Les livres liturgiques syro-byzantins l'indiquent entre le baiser de paix et la Préface, et cet usage est attesté, pour le commen- cement du sixième siècle, par Denys TAréopagite. Il a disparu depuis à Constantinople. Dans le rit alexandrin, cette lecture paraît avoir eu lieu, comme dans le rit gallican , avant le baiser de paix.

Depuis le Sursum corda jusqu'à la fin de la messe, les rites et les thèmes de prières sont demeurés à peu près ce qu'ils étaient à l'origine. Il y a quelque diversité d'un usage à l'autre sur la place de certai- nes parties; le Mémento ^ le Pater, la fraction du pain; mais on n'a guère ajouté aux rites primitifs. Il faut

physite, c'était Tabrogation de toute formule de foi postérieure à celle de Nicée-Constantinople. n est sûr qu'en introduisant celle-ci dans la liturgie, ils entendaient protester contre la définition de Chalcédoine.

(1) Denys l'Aréopagite mentionne la prière faite par l'évcque au moment les dons sacrés sont déposés sur l'autel; c'est Veùxii xîiç icpoaxo(iiô^ç de la liturgie byzantine, l'analogue de la prière super oblata de la liturgie romaine.

80 ORIGINES OU CULTE CHRÉTIEN.

signaler, cependant, la complication qui s'introduisit dans le rite de la fraction et de la commixtion , c'est- à-dire du mélange du pain et du vin consacrés. Un trait caractéristique de la liturgie de Constantinople , c'est l'infusion d'un peu d'eau chaude dans le calice aussitôt avant la communion.

CHAPITRE III.

DEUX USAGES LITURGIQUES DE l'OCCIDENT LATIN.

§ 1. L usage romain et V usage gallican.

In Orient les usages liturgiques, d'abord diversifiés /ant les patriarcats , ou plutôt suivant les grands upes ecclésiastiques du quatrième siècle, finirent

céder , les uns après les autres , au rit spécial de [lise de Constantinople. Les particularités provin- les ne se maintinrent que dans les églises dissiden- , en dehors du domaine de Torthodoxie, de la lan- ) grecque et même de Tempire byzantin. En îident aussi la diversité précéda Tunité. Il est aisé constater que , depuis le déclin du quatrième siè- , les églises latines ne suivaient pas toutes le ne rituel. A prendre les choses en gros, et en né- ;eant certaines particularités locales, on peut ra- aer à deux les usages liturgiques entre lesquels s se partageaient, Tusage romain et Fusage gal- n.

îette dualité a quelque chose d'extraordinaire, istoire de Tévangélisation de TOccident donne rai-

au pape Innocent quand il la fait procéder tout ière (1) de Rome et qu'il fonde sur ce fait le droit

La présence d'un certain nombre d'Asiates et de Phrygiens

6

82 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

primordial de la liturgie romaine à être la seule litur- gie latine : « Quis enim nesciat aut non advertat id quod a principe apostolorum Petro Romanae ecclesiae traditum est ac nune usque custoditur ab omnibus debere servari , nec superduci aut introduci aliquid quod auctoritatem non habeat , aut aliunde accipere videatur exemplum? Praesertim cum sit inanifestum in omnem Italiam , Galliam , Hispanias , Africam , at- que Siciliam insulasque interiacentes nuUum insti- tuisse ecclesias , nisi eos quos venerabilis apostolus Petrus aut eius successores constituerunt sacerdotes ? Aut legant si in his provinciis alius apostolorum in- venitur aut legitur docuisse. Quod si non legunt, quia nusquam inveniunt , oportet eos hoc sequi quod ec- clesia Romana custodit, a qua eos principium acce- pisse non dubium est. »

Cependant, quelque étrange que pût paraître le fait, il est sûr que, du temps du pape Innocent, l'usage li- turgique romain n'était pas le seul que l'on observât en Occident et même en Italie. L'évêque à qui est adressée la lettre que je viens de citer est l'évêque d'Eugubium, localité d'Ombrie, appartenant au dio- cèse métropolitain du pape. Il avait, comme suffragant direct, des raisons spéciales de se conformer aux usa- ges de Rome ; néanmoins il était tenté d'en introduire d'autres. La coutume romaine était attaquée sur son propre terrain.

La lettre est de l'année 416; les particularités li- turgiques et disciplinaires qui s'y trouvent opposées

dans l'église de Lyon, au temps de Marc-Aurèle, n'est pas une objec- tion contre cette manière de voir. Tous les documents qui nous res- tent sur cette antique chrétienté s'accordent à nous la montrer en rapports étroits et fréquents avec l'église de Rome. Rien ne prouve que son premier fondateur ait été un Asiate plutôt qu'un Romain. Même en le supposant Asiate, il est fort possible qu'il ait d'abord vécu à Rome et qu'il y ait reçu sa mission.

LES DEUX USAGES LITURGIQUES DE l'oGGIOENT LATIN. 83

aux usages romains sont toutes caractéristiques de Tusage que Ton est convenu d'appeler gallican. Ce- lui-ci existait donc déjà au commencement du cin- quième siècle ; il avait même assez de vigueur pour entreprendre contre la liturgie romaine et cela jusque dans le diocèse suburbicaire. Cet usage, on peut le constater par de très nombreux documents, était suivi dans les églises de l'Italie du nord (diocèse mé- tropolitain de Milan) (1), de la Gaule, de l'Espagne, de la Bretagne et de l'Irlande. En Afrique, au con- traire, ce que l'on peut déduire des allusions des ora- teurs sacrés et des décrets synodaux donne l'idée d'une conformité presque absolue avec les coutumes de Rome et de l'Italie méridionale. Ainsi Rome et Carthage d'un côté ; de l'autre Milan et les pays trans- alpins.

En groupant les pays transalpins avec Milan, je sup- pose implicitement l'identité de la liturgie ambrosienne et de la liturgie gallicane. C'est une idée qui n'est pas acceptée partout. On admet, au contraire, sans dif- ficulté, que la liturgie des églises d'Espagne jusqu'au onzième siècle, ou liturgie mozarabique, est identique à celle que Ton suivait dans les églises de Gaule avant Charlemagne et à celle qui régnait dans les Iles-Bri- tanniques avant les missions romaines du septième siècle. En ce qui regarde la liturgie ambrosienne, elle est sans doute, dans son état actuel, très différente des autres types de la liturgie gallicane ; mais on ne doit pas perdre de vue que, depuis des siècles, elle a été sans cesse modifiée et progressivement conformée à la liturgie romaine. Ce mouvement ne s'est pas ar- rêté après la découverte de l'imprimerie. D'édition en

(1) Les documents font défaut pour Aquilée, pour les provinces danubiennes et la Dalmatie. U est probable que, dans la province d'Aquilée et dans les provinces danubiennes, l'usage liturgique res- semblait plutôt à celui de Milan qu'à celui de Rome.

84 ORIGINES OU CULTE CHRÉTIEN.

édition les missels ambrosiens ont été de plus en plus romanisés. Mais on avait commencé bien avant Char- lemagne. Et cela est fort naturel : Milan était trop voi- sine de Rome pour ne pas se ressentir de son influence, en ceci comme dans le reste. Il y eut, entre l'inva- sion lombarde et la prise de Gênes par Rotharis (641), une période de soixante et dix ans pendant laquelle Farchevêque de Milan, avec une partie de son clergé, vécut retiré à Gênes , sur le territoire impérial. Pen- dant cette période, Tinfluence romaine ne put man- quer de faire des progrès : les lettres de saint Gré- goire en témoigneraient au besoin. Un des plus importants, c'est Tadoption du canon grégorien, qui dut se faire vers ce temps-là. Malgré tant de retou- ches, la liturgie ambrosienne a conservé assez de traits gallicans pour qu'il n'y ait aucun doute à mon avis, du moins sur son identité primitive avec les liturgies transalpines. Les faits que je signalerai bientôt mettront ceci en pleine lumière. Je ne puis les alléguer ici, car ils perdraient de leur signification si je les isolais de l'exposition comparative des rites gallicans ; mais je pense qu'on ne regrettera pas de m'avoir fait crédit quelques instants.

§ 2. Origine de l'usage gallican.

Etant admis que le domaine de la liturgie gallicane s'étend jusqu'au diocèse métropolitain du pape , en "comprenant la haute Italie ou, tout au moins, le dio- cèse métropolitain de Milan, une voie s'ouvre pour arriver à la solution d'une question obscure et con- troversée , celle de l'origine de la liturgie gallicane.

Les liturgistes anglais, qui s'en sont beaucoup oc- cupés , la résolvent généralement ainsi qu'il suit : la liturgie gallicane est la liturgie d'Ephèse, de l'antique église d'Asie, importée en Gaule par les fondateurs de

/

LES DEUX USAGES LITURGIQUES DE l'OCCIDENT LATIN. 85

l'église de Lyon. De cette église, elle a rayonné sur tout rOccident transalpin.

Je crois ce système insoutenable (1), et voici pour- quoi. La liturgie gallicane, en tant que distincte de la liturgie romaine, est quelque chose de très compliqué et de très précis dans sa complication. Elle suppose des rites nombreux et variés , disposés dans un ordre certain; elle comporte des formules identiques de thème et de style, quelquefois de teneur. Elle est très loin de ces formes simples et encore flottantes que Ton constate ou que Ton doit supposer dans la li- turgie du deuxième siècle. Son développement corres- pond, à tout le moins, au quatrième siècle. Il est plus avancé que celui de la liturgie des Constitutions apos- toliques. Son importation et sa propagation en Occi- dent ne peuvent être placées au deuxième siècle ; nous sommes ici en présence d'un fait qui s'est accompli au plus tôt vers le milieu du quatrième siècle.

Or, au quatrième siècle, le rayonnement ecclésias- tique de Lyon était à peu près liul. Cette ville avait perdu, depuis la nouvelle organisation provinciale sous Dioclétien, sa situation de métropole des trois Gaules. Le lustre, l'influence, avaient passé à Trêves, à Vienne, à Arles. L'évêque de Lyon, quelle qu'ait été son importance au deuxième siècle , n'a plus, depuis Constantin, aucun relief spécial. 11 ne sera guère, jusqu'à Grégoire Vil, fondateur de la primatie lyon- naise , que le métropolitain de la Lugdunensis /" . Ce n'est pas dans ces conditions que son église a pu

(1) Je n^examinerai pas ici queî .nfluence peut avoir eue, sur les jugements anglais, le désir de rattacher les origines liturgiques de ce pays à des traditions anciennes et respectables, différentes toute- fois de celle de Rome. -L'apôtre saint Jean, par l'intermédiaire de saint Polycarpe et de saint Pothin, se trouve être, dans ce système, comme l'ancêtre de la Haute-Eglise du royaume-uni. Etre aposto- lique sans être romain : c'est bien séduisant.

86 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN,

devenir le type de toutes les églises occidentales , le foyer d'un rayonnement ecclésiastique assez intense pour se faire sentir au delà des Pyrénées et de la Manche , franchir les Alpes et soustraire à Tinfluence romaine la moitié des églises italiennes (1).

Il faut évidemment chercher une autre solution. Celle que je propose, c'est de tout ramener à Milan (2).

J'ai montré ci-dessus que l'église de Milan avait été, vers la fin du quatrième siècle et dans les premières années du cinquième , une sorte de métropole supé- rieure vers laquelle tout l'Occident gravitait volontiers. Nous avons vu que les évoques de Gaule et d'Espa- gne y allaient assez souvent chercher des solutions et des règles de conduite (3). La ville impériale était

(1) Je sais bien que, vers la fin du sixième siècle, Tévéque de Lyon semble prétendre à une sorte de suprématie sur les évéques du royaume de Gontran. Grégoire de Tours {Hist, Fr, , V, 20) donne le titre de patriarche à saint Nizier. Son successeur Priscus porte la même qualification dans le concile national de 585 ; il y fait même décider (c. 20) que les conciles nationaux se tiendront tous les trois ans, sur sa convocation ot celle du roi. L'évéque de Lyon signe le premier dans les conciles de Paris (614), de Glichy (627), de Chalon- sur-Saône (v. 650). En 693, il consacre l'archevêque de Gantorbéry, Berthwald, comme Tévêque d'Arles avait, au temps de saint Gré- goire le Grand, sacré son prédécesseur Augustin. Mais cette situation ne se relie en aucune façon aux origines , au temps de Pothin et d'Irénée. L'histoire de saint A vit de Vienne et du vicariat d'Arles suffit à le prouver.

(2) On pourrait songer à Arles, qui a joui d'une très grande situa- tion ecclésiastique au cinquième et au sixième siècle. Mais cette situation s'est produite trop tard. C'est au quatrième siècle , non au cinquième ou au sixième, qu'a été exercée l'influence liturgique dont j'étudie l'origine. Arles est venue assez tôt pour être en Gaule le foyer du droit ecclésiastique. Je pourrai montrer quelque jour que tous les libri canonum en usage dans la Gaule mérovingienne dé- rivent de ceux de Féglise d'Arles. Quant à la liturgie, c'est autre chose. Arles n'avait pas encore d'importance quand les églises de Gaule sentirent le besoin de régler l'ordre du culte.

(3) Le souvenir de ce rayonnement se retrouve encore, au milieu du sixième siècle, dans une parole prononcée à Constantinople par l'évéque de Milan, Dacius : « Ecce ego et pars omnium sacerdotum inter quos ecclesia mea constituta est, id est Galliae, Burgundiae,

LBS DEUX USAGES LITURGIQUES DE l'OGOIDENT LATIN. 87

admirablement posée pour ofiFrir des modèles en fait de culte et de liturgie. Ce qui n'est pas admissible pour Lyon se comprend très bien de Milan. Du mo- ment où Ton ne s'en tenait pas à Rome , du moment Ton s'inspirait ailleurs, Milan ne pouvait manquer d'avoir la préférence sur toutes les autres églises (1). Et il est à remarquer que le temps nous constar tons ces relations entre Milan et les églises de l'Oc- cident transalpin correspond à une période d'organi- sation intérieure , de grand développement , de fondation même, pour un bon nombre d'entre el- les (2). C'est le temps les masses urbaines se convertissent, les églises se reconstruisent sur des plans plus larges, il faut multiplier les clercs, pré- ciser les règles de la discipline et du culte. L'in- fluence milanaise s'exerce juste au moment la li- turgie gallicane est arrivée au développement qu'elle avait quand elle s'est répandue dans tout l'Occident , juste au moment l'Occident se trouvait avoir be- soin d'une liturgie bien arrêtée.

Ce n'est pas tout. Il est reconnu de tout le monde que la liturgie gallicane , en ce qui la distingue de l'usage romain , offre tous les caractères des liturgies orientales. On verra bientôt que certaines de ses for-

Spaniae, Liguriae, Aemiliae atque Venetiae, contestor quia quicum- que in edicta ista consenserit, suprascriptarum provinciarum ponti- fices communicatores habere non poterit, quia constat apud me edicta ista sanctam synodum Chalcedonensem et ûdem catholicam perturbare » {Ep, clericorum Italiae, Migne, P. L., t. LXIX, p. 117).

(1) Il n*est pas inutile de rappeler ici quel retentissement eurent en Gaule les découvertes de martyrs faites à Milan, au temps de saint Ambroise. C'est à cette époque et à ces relations qu'il faut rattacher la dédicace de tant d'églises de Gaule sous les vocables de saint Gervais et de saint Nazaire. (Quelques-unes de ces dernières sont devenues , depuis , des églises de saint Lazare , et ce changement a porté bien des conséquences.)

(2) Beaucoup d'églises de Gaule ont été fondées au quatrième siè- cle, sous Constantin et ses fils.

88 ORiaiNBS ou CULTE CHRÉTIEN.

mules se retrouvent mot à mot dans les textes grecs usités , soit au quatrième siècle , soit depuis , dans les églises de rit syro-byzantin. Cette ressemblance étroite, cette identité essentielle, suppose une impor- tation. La liturgie gallicane est une liturgie orientale, introduite en Occident vers le milieu du quatrième siècle. Or, en faisant abstraction de la présence de la cour et des nombreuses réunions d' évoques orien- taux qui se tinrent à Milan , il faut tenir compte d'un fait très grave, c'est que Milan a eu, pendant près de vingt ans (355-374) , pour évêque un cappadocien , Auxence, qui fut désigné par l'empereur Constance pour occuper le siège de saint Denys, exilé pour la foi catholique. Auxence appartenait au clergé de cour , si antipathique à saint Athanase et aux défen- seurs de l'orthodoxie consubstantialiste. Il joua un grand rôle au concile de Rimini (359) ; après la dé- route des arianisants , qui , pour l'Occident, suivit de très près la dissolution de cette assemblée, il tint bon et resta quinze ans sur son siège, en dépit de tous les efforts que l'on fit pour l'en déloger. Ceci sup- pose une trempe d'esprit assez peu commune. On peut croire que, pendant son long épiscopat, Auxence exerça quelque action sur son clergé et sur les cho- ses d'organisation intérieure. Saint Ambroise, son successeur , trouva établis beaucoup d'usages qui ne méritaient pas tous d'être corrigés. On conçoit que, la doctrine se trouvant sauve par le fait même de son élévation au siège de Milan , Ambroise ait jugé op- portun de ne pas introduire d'inutiles changements dans le domaine du rite. Il est sûr que plusieurs par- ticularités milanaises des plus importantes, au point de vue de la discipline et du culte, remontent jus- qu'à son épiscopat , et que , comme ces particularités ont une physionomie tout orientale , ce n'est pas lui qui a pu les introduire. Le mieux est de croire qu'el-

LES DEUX USAGES LITURGIQUES DE l'OGGIDENT LATIN. 89

les existaient avant lui et qu'il n'a fait que consacrer par son acceptation et sa pratique des habitudes an- térieurement importées (1).

Cependant la grande situation politique de la ville de Milan ne se soutint pas au delà des premières an- nées du cinquième siècle ; Téclat de son siège épisco- pal baissa en môme temps et Rome se trouva débar- rassée d'une concurrence qui aurait pu devenir une rivalité. Il n'était guère possible , à la vérité , de re- venir sur ce qui était fait. Les papes jugèrent appa- remment qu'il n'y avait aucun inconvénient à laisser subsister des usages liturgiques un peu difiFérents des leurs, ou, en tout cas, qu'il y avait des questions plus pressantes à résoudre. Ils se bornèrent à défen- dre leur diocèse métropolitain contre l'invasion du rit gallican et laissèrent les églises des autres provinces s'organiser, sur ce point, comme elles l'entendaient. Du reste les circonstances n'étaient pas favorables au développement de la centralisation ecclésiastique : des barrières nationales s'élevèrent bientôt entre Rome et les églises des royaumes barbares fondés en Gaule et en Espagne.

§ 3. Fusion des deux usages.

Mais si les pays de rit gallican se voyaient de plus

(1) Aux personnes qui répugneraient par sentiment à accepter un système d'après lequel la liturgie gallicane semblerait avoir une ori- gine arienne , je répondrais que Tarianisme n*a rien à voir dans la question ; qu'il s'agit seulement de la forme orientale de la liturgie, forme antérieure à l'arianisme dans les pays d'où elle provient. J'ajouterais que les formules de prières étant encore, au quatrième siècle, très variables, très faciles à modifier, on doit considérer comme sûr que saint Ambroise n'y a rien laissé subsister qui ait pu favori- ser l'hérésie. La liturgie des Constitutions apostoliques est de même date, de même provenance. Elle présente des traces évidentes des spéculations théologiques qui avaient cours dans le monde l'aria- nisme recruta ses principaux défenseurs.

90 ORIGINES OU CULTE CHRÉTIEN.

en plus isolés de Rome, comme ils n'avaient aucun centre religieux commun, leur usage liturgique se trouva placé en dehors de toute modération , de tout pouvoir ecclésiastique supérieur, capable d'en diriger le développement. Des variétés nombreuses se pro- duisirent; beaucoup de détails qui n'avaient pas été réglés à l'origine furent plus tard arrêtés sans entente commune. Les synodes provinciaux essayèrent, çàet là, d'établir une certaine uniformité. On peut citer en ce genre les décrets du concile de Vannes (vers 465), pour la province de Tours , ceux du concile d'Agde (506) pour les régions de la Gaule alors soumise aux princes ostrogoths ou wisigoths, ceux du concile de Gerunda (517) pour la province de Tarraconnaise.

Les résultats les plus remarquables furent atteints en Espagne , au septième siècle , lorsque ce pays eut constitué son unité religieuse et politique. au moins il y eut, dans les conciles de Tolède et dans la primatie de ce siège, un solide appui pour la législa- tion et la réforme du culte. C'est en ce pays que l'usage gallican s'est le plus longtemps maintenu.

En dehors de l'église wisigothique, cet us^e était partout exposé à une irrémédiable décadence. Rome au contraire apparaissait toujours comme une église modèle, aussi bien réglée dans son culte que dans sa discipline et sa foi. Pour être devenues moins étroi- tes, moins faciles, les relations entre elle et les égli- ses d'Occident n'étaient cependant pas impossibles. Après comme avant les invasions du cinquième siècle, on voit les évoques des pays gallicans recourir de temps en temps au siège apostolique et lui demander une direction dans leurs difficultés. Quand il s'agis- sait de liturgie, les papes ne pouvaient répondre qu'en envoyant leurs propres livres et en inculquant leur propre usage. Par ce moyen l'influence du rit ro- main se fit peu à peu sentir. Il se produisit d'abord

LBS DBUX USAGES LITURGIQUES DE L*OCCIDENT LATIN. 91

des combinaisons entre les deux usages ; puis , peu à peu, Fusage de Rome prit la prépondérance sur l'au- tre, jusqu'à ce qu'enfin il réussit à l'éliminer à peu près complètement. Voici les principaux faits de cette his- toire.

En 538, l'évoque de Braga, Profuturus, métropoli- tain du royaume suève (1) de Galice , écrivit au pape Vigile pour le consulter sur un certain nombre de points de liturgie. Nous avons encore la réponse du pape (2). Il y avait joint divers appendices contenant des règlements disciplinaires, et, en fait de textes li- turgiques, l'ordre des cérémonies du baptême et de la messe romaine. Pour celle-ci, le pape se bornait à envoyer ce que nous appelons l'ordinaire de la messe, la partie invariable du texte ; mais il avertissait l'évo- que de Braga que l'on avait coutume d'y joindre à di- vers endroits des formules analogues à la solennité du jour. De ces formules, qui représentent la partie la plus considérable de ce que l'on appelait le Liber sacra- mentorum ou sacramentaire , Vigile se contente de donner un spécimen , en choisissant celles de la fête de Pâques. Il suppose que l'êvêque de Braga pourra rédiger lui-même son sacramentaire, au cas il jugerait à propos de se conformer au rit romain. Sur ce point le pape n'exprime ni ordre ni conseil. Néanmoins les documents liturgiques envoyés par lui .en Galice y furent accueillis avec le plus grand res- pect. On le voit clairement, un peu plus tard, lors- que , le roi des Suèves s'étant converti au catholi- cisme, les évêques de ce pays jugèrent opportun de donner une assiette définitive aux règles ecclésiasti-

(1) Les Suèves et leur roi étaient encore ariens en ce moment ; leur conversion n'eut lieu que vers Tannée 550.

(2) Jafifé, 907.

92 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

ques. Dans le concile national qu'ils tinrent en 561 , les textes liturgiques envoyés de Rome à Profutunis furent imposés comme obligatoires (1).

De dut procéder une liturgie mixte où, sur le fond romain des ordines de la messe et du baptême, on ne put manquer d'ajouter quelques développements soit indigènes, soit empruntés à la liturgie gallicane. Au- cun livre de liturgie suève n'étant venu jusqu'à nous, il est impossible de se faire une idée de ces combi- naisons, qui, du reste, ne furent pas longtemps en vigueur. En 588, le royaume suève ayant été annexé au royaume wi si go th, les églises de ce pays entrèrent dans l'obédience des conciles nationaux de Tolède, très zélés pour l'unité liturgique. Les usages romains introduits en Galice furent traités comme des dissi- dences et soigneusement extirpés au profit de la litur- gie gallicane.

A la fin du sixième siècle , la mission romaine en- voyée en Angleterre introduisit naturellement la li- turgie romaine dans les chrétientés qu'elle fondait à nouveau. Mais cette première mission n'eut pas un succès durable. L'évangélisation de l'Anglo-Saxonie fut reprise, bientôt après, par des missionnaires ir- landais venus du Nord, dont le principal établisse- ment était à Lindisfarne, petite île sur la côte orien- tale du Northumberland. Avec ces nouveaux apôtres, la liturgie usitée en Irlande , c'est-à-dire la liturgie, gallicane, pénétra dans les églises anglo-saxonnes.

(1) Conc. Bracarense , c. 4 : « Item placuit ut eodem ordine missae celebrentur ab omnibus quem Profuturus quondam huius metropo- litanae ecclesiae episcopus ab ipsa apostolicae sedis auctoritate sus- cepit scriptum. » C. 5 : « Item placuit ut nuUns eum baptizandi ordinem praetermittat quem et antea tenuit motropolitana Bracaren- sis ecclesia, et pro amputanda aliquorum dubietate praedictus Pro- futurus episcopus scriptum sibi et directum a sede beatissimi apostoli Pétri suscepit. »

LES DBUX USAGES LITURaïQUES DE l'OCGIDENT LATIN. 93

De là, conflit d'usages entre les missions irlandaises de Lindisfarne et la mission de Kent, peu active, mais toujours romaine de principes , sinon de person- nel. La succession épiscopale de Cantorbéry étant ve- nue à s'éteindre , le pape Vitalien envoya en Angle- terre (668) un nouvel archevêque, Théodore, moine grec de Tarse en Cilicie. C'est à cet homme, énergi- que et habile autant que consciencieux , que l'église anglaise doit sa fondation définitive. Il sut concilier les éléments divers et quelque peu opposés qu'il trouva dans les missions confiées à ses soins. Sous sa main forte et sage, l'unité se fit et l'œuvre d'évangé- lisation s'en trouva bien. Il n'est pas douteux qu'il n'ait fait des concessions, dans le domaine liturgique, aux usages introduits par les apôtres irlandais. Aussi les plus vieux livres anglo-saxons sont-ils loin de contenir la liturgie romaine sous une forme absolu- ment pure. Ils abondent en détails gallicans.

Une expression très claire du système adopté ici par Théodore se rencontre dans un chapitre de la célèbre lettre (1) censée écrite par saint Grégoire en réponse à des questions d'Augustin , son disciple , le le premier évêque de Cantorbéry :

CucQ una sit fides, cur sunt ecclesiarum coDSuetudincs tam di- versae, et altéra consuctudo missarum est in Romana ecclesia at- que altéra in Galliarum ecclesiis teoetur ?

Novit fraternitas tua Romanae ecclesiae consuetudinem in qua se meminit enutritam. Sed mihi placet ut sive in Romana, sive in Galliarum, sive iii qualibet ecclesia aliquid invenistiquod plus omnipotenti Deo possit placere , sollicite eligas et in Ânglorum ecclesia, quae adhuc in fide nova est institutione praecipua quae de multis ecclesiis colligere potuisti , infundas. Non enim pro lo- cis rcsy sed pro rébus loca nobis amanda sunt. Ex singulis ergo quibusque ecclesiis quae pia, quae religiosa, quae recta sunt col-

Ci) Greg, M. Ep., XI, 64.

94 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

lige, et haec quasi in fasciculum collecta apud Anglorum mentes in coDSuetudinem depoDe.

Cette lettre est certainement inauthentique, quoi- que très ancienne, puisque Bède l'a insérée dans son Histoire ecclésiastique, terminée en 731. Saint Boni- face (1) la fit rechercher en 745 dans les archives ro- maines et constata qu'elle ne s'y trouvait pas. Elle témoigne, à l'endroit des rites, d'une indifférence in- compatible avec l'esprit romain. Ce n'est pas un Ro- main, ni surtout un pape, qui eût pu écrire la phrase : Non enim pro locis res , sed pro rébus loca nobis amcmda sunt. On conçoit, au contraire, qu'un homme comme Théodore, qui avait pratiqué le rit grec jusqu'à son élévation à l'épiscopat et se trouvait appelé tout à coup à juger un conflit entre deux rits latins, eût l'esprit disposé à l'impartialité. Je ne serais pas étonné qu'il fût lui-même l'auteur des Interrogationes Augus- tini et des Responsiones Gregorii. Il a pu , sans être le moins du monde un faussaire, trouver utile de don- ner cette forme à ses idées en fait de discipline et de liturgie. En tout cas, le document procède de son entourage et correspond à la situation qu'il fut chargé de liquider.

Mais il y avait en Angleterre, du vivant même de Théodore , des personnes plus zélées pour la pureté des usages romains. Ses conflits avec saint Wilfrid pourraient en fournir la preuve. Cette tendance ultra- montaine, comme on dirait à présent, fut transpor- tée sur le continent par saint Boniface , l'apôtre de la Germanie et le réformateur de l'église franque. Par lui fut inauguré ce mouvement vers Rome qui, favo- risé par de nouvelles relations politiques, entraîna,

(1) Ep, 15, ad Nothelmumf Cant. archiep.

LES DEUX USâOES LITUBOIQUIS DB L*OGGIDENT LATIN. 95

entre autres conséquences, la suppression de la litur- gie gallicane dans les églises du royaume frank.

Dès avant saint Boniface la liturgie romaine avait fait sentir son influence en Gaule. Les livres galli- cans, peu nombreux, qui nous sont parvenus, remon- tent à la dernière période du régime mérovingien. Presque tous contiennent des formules d'origine ro- maine, des messes en Thonneur de saints romains. Dès le temps de Grégoire de Tours, un livre romain d'origine, quoique sans caractère officiel, le martyro- loge hiéronymien , fut introduit en Gaule et adapté à Tusage du pays. C'est sous Charles Martel , au plus tard, que fut exécuté le sacramentaire de Saint-Denis, que Ton appelle sacramentaire gélasien et qui est, en effet, un livre romain pour le fond. D'autres livres ou fragments de livres , soit romains , soit mixtes , re- montent à cette époque, c'est-à-dire à un temps rinfluence de saint Boniface ne s'était pas encore exercée sur Téglise franque, au moins dans les limites de Tancienne Gaule.

Que saint Boniface ait poussé vivement à la ré- forme liturgique et à Tadoption des usages romains, c'est ce dont il n'est pas permis de douter. Cependant nous connaissons peu le détail de son activité à cet égard. Il ne pouvait manquer d'être vigoureusement soutenu par les papes, dont il était le conseiller au- tant que le légat. On apporta même en ces choses un zèle, une passion acrimonieuse, qui sont bien loin de l'esprit du document pseudo-grégorien que je citais tout à l'heure. Un des rites les plus touchants de la messe gallicane , c'est la bénédiction du peuple par Tévêque, au moment de la communion. On tenait tant à ce rite qu'il fut maintenu , même après l'adop- tion de la liturgie romaine; presque tous les sacra- mentaires du moyen âge contiennent des formules de bénédiction V maintenant encore, elles sont en usage

96 ORIGINES DU GULTB GHRÉTIBN.

dans Téglise de Lyon. Or, voici comment le pape Za- charie en parlait dans une lettre à Boniface (1).

Pro benedictionibus autem quas faciunt Galli , ut nosti , fra- ter, multis vitiis variant. Nam non ex apostolica traditione hoc faciunt , sed per vanam gloriam hoc operantur, sibiipsis damna- tionetn adhibentes , dum scriptum est : Si quis vobis evangelizave^ rit praeter id quod evangelizatum est^ anathema siU Regulam catho- licae traditionis suscepisti , frater amantissime : sic omnibus praedica omnesque doce , sicut a sancta Romana, cui Deo auc- tore deserviraus , accepisti ecclesia.

C'est sous Tépiscopat de saint Chrodegang (732- 766), et plus probablement depuis son retour de Ronde en 754, que l'église de Metz adopta la liturgie ro- maine (2). Le chant, la Romana cantilena, était, de toutes les innovations liturgiques , la plus apparente et la plus remarquée. C'est celle qui a laissé le plus de trace dans les livres et les correspondances. Le pape Paul envoya, vers Tannée 760, au roi Pépin VAntiphonaire et le Responsorial de Rome (3). Cette même année 760, Tévêque de Rouen, Remedius, fils de Charles Martel, étant venu en ambassade à Rome , obtint du pape la permission d*emmener avec lui le sous-directeur [secundus) de la Schola cantorum , pour initier ses moines « aux modulations de la psal- modie » romaine. Ce personnage ayant été, peu après , rappelé à Rome , iTévéque envoya ses moines neustriens terminer leur éducation musicale à Rome même , on les admit dans Técole des chantres.

Ce sont des faits isolés. Il y eut une mesure gé- nérale, un décret du roi Pépin par lequel fut supprimé

(1) Jafifé, 2291. La lettre est de l'année 751.

(2) Clcrum abundanter lege divina Romanaque imbutum cantilena, morem atque ordinem Romanae ecclesiae servare praecepit, quod usque ad id tempus in Mettensi ecclesia factum minime fuit (Paul Diacre, Gesta epp. Mett,; Migne, P. L., t. XGV, p. 709).

(3) Jaffé, 2351. Cette lettre se place entre 758 et 763.

LBS DEUX USAGES UTUROIQUES DE L*OCGIOBMT LATIN. 97

l'usage gallican. Ce décret est perdu ; mais il se trouve mentionné dans Vadmonitio generalis publiée par Charlemagne, en 789 (1). On y lit en effet, c. 80 :

Omni clero. Ut cantum Romanum pleniter discant et ordina- biliter per nocturnale vel gradale officium peragatur, secundum qaod beatae memoriae genitor noster Pippinus rex decertavit ut fierct, quando Gallicanum tulit, ob UDaDimitatem apostolicae se- djset sanctae Dei Ëcclesiae pacifîcam concordiam (2).

Ce n*est donc pas Charlemagne, comme on le dit souvent, mais Pépin le Bref, qui abolit la liturgie gallicane. Cette réforme était devenue nécessaire. L'église franque , sous les derniers mérovingiens , était tombée dans le plus triste état de corruption, de désorganisation et d'ignorance. Nulle part il n'y avait un centre religieux, une métropole, dont les usages , mieux réglés , mieux conservés, pussent ser- vir de modèle et devenir le point de départ d'une ré- forme. L'église wisigothique avait un centre à Tolède, un chef reconnu , le métropolitain de cette ville , un code disciplinaire unique , la collection Hispana ; la liturgie de Tolède était la liturgie de toute l'Espa- gne. L'église franque n'avait que des frontières : il lui manquait une capitale. L'épiscopat frank, en tant que le roi ou le pape n'en prenaient pas la direc- tion, était un épiscopat acéphale (3). Chaque église

(1) Bôhmer-Mûhlb. , 292; Hardouin, Conc, t. IV, p. 843. Cf. les chapitres 53 et 54 du même document.

(2) P. 61 de ledit. Boretius (M. G. Leges, sect. II, t. I, part. I). Cf. Vepistola generalis donnée entre 786 et 800 (ibid, , p. 80) : « Accensi praeterea venerandae memoriae Pippini genitoris nostri exemplis, qui totas Galliarum ecclesias Romanae traditionis suo studio can- tibus decoravit. »

(3) Cette situation n'a jamais varié. Elle existait avant les Méro- vingiens ; elle s'est maintenue depuis ; tous les efforts que Ton a tentés pour constituer en France un pouvoir ecclésiastique supérieur aux évéques, en dehors du pape ou du gouvernement, ont invaria- blement échoué. L'autorité métropolitaine elle-même n'a jamais été

7

98 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

avait son livre de canons, son usage liturgique ; nulle part de règle , mais Tanarchie la plus complète , un désordre qui eût été irrémédiable si les souverains carolingiens n'eussent point fait appel à la tradition et à Tautorité de Téglise romaine.

L'intervention de Rome dans la réforme liturgique ne fut ni spontanée ni très active. Les papes se bor- nèrent à envoyer des exemplaires de leurs livres li- turgiques, sans trop s'inquiéter de Tusage que Ton en ferait. Les personnes que les rois franks, Pépin, Charlemagne et Louis le Pieux chargèrent d'assurer l'exécution de la réforme liturgique, ne se crurent pas interdit de compléter les livres romains et même de les combiner avec ce qui , dans la liturgie galli- cane, leur parut bon à conserver. De naquit une liturgie quelque peu composite , qui , propagée de la chapelle impériale dans toutes les églises de l'empire frank, finit par trouver le chemin de Rome et y sup- planta peu à peu l'ancien usage. La liturgie romaine, depuis le onzième siècle au moins , n'est autre chose que la liturgie franque, telle que l'avaient compilée les Alcuin, les Helisachar, les Amalaire. Il est même étrange que les anciens livres romains, ceux qui représentaient le pur usage romain jusqu'au neu- vième siècle, aient été si bien éliminés par les autres qu'il n'en subsiste plus un seul exemplaire.

Il ne parait pas que la réforme liturgique entreprise par les princes carolingiens ait été poussée jusqu'à Milan. Les particularités de l'usage milanais n'étaient pas inconnues en France ; mais cette grande église , mieux réglée sans doute que celles de la Gaule mé- rovingienne, sembla pouvoir se passer de réforme.

bien forte. Les archevêques ne sont plus, en fait, que des dignitai- res ; on prouverait aisément que , sauf quelques exceptions isolées , ils n'ont jamais été autre chose.

"LBB DEUX USAGKS LITURaïQUBS DE L*OGGIDBNT LATIN. 99

Son usage , du reste, se rapprochait déjà beauQOup

du rit romain. Il était protégé par le nom de saint

Ambroise (1). Les fables que raconte Landulfe (2) sur

l'hostilité de Charlemagne envers le rit ambrosien ne

méritent aucun crédit (3).

(1) Walafrid Strabon, De reb, eccU, 22 : « Ambrosius quoque, Me- diolanensis episcopus, tam missae quam caeterorum dispositionem officiorum saae ecclesiae et aliis Liguribas ordinavit, quae et usque hodie in Mediolanensi tenentur ecclesia » (Migue, P. L., t. CXIV, p. 944).

(2) Hist, Mediol, II, 10 (Migne, P. L., t. CXLVII, p. 853).

(3) 8ar la suppression du rit mozarabique en Espagne, a^ temps d'Alexandre II et de Grégoire VII, voy. Gams, Kirchengeschichte von Spanten, X, 4.

CHAPITRE IV.

FORMULES ET LIVRES LITURGIQUES.

Avant d'entrer dans la description des livres de la liturgie latine, je crois utile de jeter d'abord un coup d'oeil sur la formation des livres liturgiques en géné- ral , et tout d'abord sur la rédaction des pièces qui s'y trouvent réunies.

S 1. Les formules de prière,

La prière en commun, surtout dans les assemblées nombreuses, comporta de bonne heure une certaine réglementation. On la faisait de trois manières dififé- rentes que je me permettrai de caractériser par les termes de prière litanique, prière collective et prière eucharistique.

La prière litanique se faisait ainsi : un des minis- tres sacrés invitait à haute voix l'assemblée à p;îer à diverses intentions, qu'il énumérait successivement. A chaque intention il faisait une pause, et tout le monde prononçait une courte formule de supplication : Kyrie eleison, Te rogarmis, a/udi nos, etc. En Orient, cette forme de prière tient encore une grande place dans la liturgie de la messe. En Occident elle en a dis-

FORMULES ET LIVRES LITURGIQUES. 101

paru ; mais on verra bientôt qu'elle y a figuré autre- fois. C'est un diacre qui, en Orient, est chargé d'énu- mérer les intentions de la prière litanique. A Rome le préchantre fut substitué d'assez bonne heure au diacre, pour cette fonction comme pour d'autres analogues.

La seconde forme de la prière présente la disposi- tion suivante. L'officiant, le président de l'assemblée, I>Tend lui-môme la parole pour inviter les fidèles à X^rier Dieu. Quelquefois il indique plus ou moins ra- I>idement quel doit être le sens général de la prière cjue l'on va faire ; d'autres fois il se borne à une invi- tation en termes brefs. Le silence se fait alors. Les ^iadèles prennent Tattitude de la prière ; ils sont debout, les bras élevés et les mains étendues. A certains jours :ils se mettent à genoux ou même se prosternent la :ïace contre terre. Ils demeurent ainsi quelque temps, 3)riant en silence ; puis la voix de l'officiant s'élève ; 11 prononce une courte formule, qui est comme le ré- sumé des prières sorties de tous les cœurs, et l'assis- tance s'y associe en répondant Amen.

Ce rituel n'est, il est vrai, décrit nulle part. Les livres liturgiques qui nous ont été conservés ne sont ni assez, anciens ni assez explicites pour nous rensei- gner là-dessus. Mais la structure de leurs formules ne permet pas de supposer que les choses se soient passées à l'origine d'une autre manière.

Dans le rit gallican, en effet, les oraisons princi- pales sont toujours précédées d'un invitatoire, dans lequel l'officiant s'adresse aux fidèles et les exhorte à la prière. Cet invitatoire a quelquefois les proportions d'un petit discours. Plusieurs formules rappellent tout à fait le style des allocutions de saint Zenon de Vé- rone, composées sans doute pour un usage analogue. Vient ensuite une vraie formule de prière le même officiant s'adresse à Dieu au nom de tous. Voici un

102 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

spécimen de cette combinaison, emprunté à l'ofiBce des vigiles de TEpiphanie (1).

Miraculorum primordia quae dominus noster lesus Christus pro- ferre in adsumptae Garnis novitate dignatus est , Fratres karis- simi, débita exultatione veneremur; quia dum se Dean) intrt humana viscera proferebat, iam de salutis nostrae absolutione tractabat. Homo est utique invitatus ad noptias ; et qaod in nup- tiis protolit Deum probavit. Gui us praeconia nec inter ipsa quidem virtutum possumus rudimenta depromere ; sed dam tantaram re- rum stupescimus gloriam, temeritatem (2) proferendae laudis io- gredimur. Humili ergo oratione poscamus ut per ipsum ad vitam aetemam nobis tribuatur ingressus, cuius nativitatis lumine orbis inlustratus est universus. Quod ipse praestare dignetttr qui in tri- nitate perfecta vivit et régnât in saecula saeculorum.

COLLECTIO 8BQUITUR.

Omnipotens et misericors Deus, plebi tuae suppliciter exoranti pia benignitate responde , quam cernis in hoc die fideli devotione gaudere , quo dominus ac Deus noster vera humilitate sascepta sic servilem formam misericorditer ostendit in saeculo ut divinam potentiam suam mirabiliter monstraret in caelo. Qui enim pro nobis puer parvulus fuit, ipse ad se magos officio stellae praeeun- tis adduxit. Obsecramus itaque , Domine , clementiam tuam , at sicut illis dedisti Christum tuum verum Deum in vera came cognoscere, sic omnes fidèles tuos quos materno sina sancta gestat Ecclesia in praesenti tempore protegas invictae virtutis auxilio (3) et in future facias regni caelestis adipisci munera (4) sempiterna. Per ipsum dominum nostrum lesum Christum filiam tuum , qui tecum beatus vivit, etc.

La liturgie romaine a conservé peu de formules de ce genre ; il en reste assez cependant pour représen- ter Tancien usage. J'emprunte l'exemple suivant aux prières solennelles du vendredi-saint (5).

(1) Missale gothicum, Muratori, Lit, Aomana vêtus ^ t. II, p. 536.

(2) L'édition porte temeritatis.

(3) Auxilium éd.

(4) Munere sempitemo éd.

(5) Sacram. gélasien, Muraton, Lit. Rom,^ t. I, p. 560.

FORMULES BT LIVRES LITURGIQUES. 103

Oremus, dilectissimi nobis, in primis pro Ecclesia sancta Bei; uteam Deus et Dominus noster pacificare , adunare et cus- todire dignetur per universum orbem terrarum , subiciens ei prin- cipatus et potestates , detque nobis tranquillam et quietam vitam degentibus glorificare Deum Patrem omaipotentem. Oremas! Adnuntiat diaœnus : Flectamus geuua I Jterum dicU : Levate !

Omnipotens , sempiterne Deus , qui gloriam tuam omnibus (1) Cbristo gentibus rcvelasti, custodi opéra misericordiae tuae, ^2% Ecclesia tua toto orbe diffusa stabili fide in confessiooe tui no- linis perseveret. Per (eumdem Christum, etc.].

Le plus souvent l'invitatoire romain se réduit à la impie formule Or émus î II en devait être ainsi dans e rit gallican, car beaucoup d'oraisons y sont dé- ourvues d'inyitatoires développés et il est difficile ^ju'elles n'aient pas été précédées d'un avertissement ^juelconque.

Les formules romaines Flectamus genua, Levate {cor-

jpora vestra) sont, dans les livres et dans l'usage, la

seule trace de ce qui fut jadis l'essence même de cette

forme de prière, l'oraison faite en silence et dans une

attitude déterminée.

La prière eucharistique est la plus solennelle. Elle est prononcée par l'officiant seul , au nom de tous : l'assistance se borne à l'écouter , à s'y associer men- talement et à répondre Amen à la fin. Son thème gé- néral est l'action de grâces. Dans le rit romain, on peut même dire dans tous les rits, elle s'ouvre tou- jours de la même manière : « Il est vraiment juste, équitable et salutaire de vous rendre grâces , en tout temps et en tout lieu. Seigneur saint. Père tout- puissant , Dieu éternel ! » Non seulement elle débute partout dans les mômes

(1) In omnibus in Chr,^ GéL Le sacramentaire grégorien n'a pas le premier in.

104 ORiaiNBS DU CULTE CHRÉTIEN.

termes, mais partout aussi elle est précédée d'un invitatoire en forme de dialogue, entre Tofficiant et les fidèles :

« Le Seigneur soit avec vous ! Et avec votre es- prit ! En haut les cœurs ! Nous les tenons éle- vés vers le Seigneur. Rendons grâces au Seigneur notre Dieu ! Cela est juste et mérité. »

Cette prière forme une des parties essentielles de la messe , mais on la rencontre aussi dans beaucoup d'autres actes liturgiques, dans l'ordination, la consé- cration des vierges , la bénédiction des fonts baptis- maux, etc. En grec,. la prière eucharistique usitée à la messe porte le nom spécial d'anaphora. La lan- gue liturgique latine n'a pas de terme analogue. L'a- naphora romaine porté deux noms correspondant chacun à l'une de ses parties. On appelle Préface {prae- fatio) la partie de la formule qui précède le chant du SanctuSy Canon [Canon actionis ou Actio) celle qui le suit. Dans les livres gallicans la préface est appelée de divers noms, Contestation Illatio, Immolatio (1).

Ces trois modes de prière donnèrent lieu , d'assez bonne heure , à la rédaction de formules , que Ton finit par grouper dans des livres spéciaux , appelés euchologes en grec, et, en latin, livres des sacre- ments (2). Cependant ces livres , à l'usage spécial du prêtre ou de l'évéque officiant , ne comprenaient pas la partie du diacre. Celui-ci devait savoir sa litanie

(1) On distingue aisément , dans Tanaphora, certaines parties es- sentielles qui se retrouvent dans toutes les liturgies. Outre la pré- face et le SanctuSy on trouve toujours le Récit de la dernière Cène^ puis VAn&mnèse et VEpiclèse, dont il a été question plus haut, p. 60.

(2) Conciles de Garthage de 397 (can. 23) et de 407 (Cod, can. eccl. Afric, c. 103) ; Gennadius, 68, 79, 80; Liber pontificalis (Gélase), t. I, p. 255; Grégoire de Tours, II, 22. C'est probablement un livre de sacrements qui est désigné , dans une charte de Tannée 471 , par le terme de cornes {Liber pont,, t. I, p. cxlvii a).

FORMULES BT LIVRES LITURGIQUES. 105

par cœur , ou la lire sur un autre texte (1). Certai- nes formules étaient écrites à part , sur des volumes ou rouleaux de parchemin. C'est le cas , en Orient , pour Vanaphora de la messe. En Italie on trouve aussi des rouleaux pour les cérémonies de la bénédiction <ics fonts et du baptême , pour le praeconium pas- <^^iale (2) , etc. Quelquefois les formules sont accom- agnées d'indications sur Tordre des cérémonies; 'est ce qu'on appelle un ofdo. Il y a Vordo du bap- ^me , de l'ordination , de la pénitence , de la consé- ration des églises , du chrême , etc. Ces ordines se rouvent ou isolés, ou réunis à d'autres formules dans e corps des libri sacramentorum. Il y a même des ^rédactions qui se restreignent aux détails du rite, des <îérémonies , et négligent les formules , que l'officiant doit trouver dans le sacramentaire.

Les sacramentaires ou libri sacramentorum acqui- rent plus d'importance en Occident qu'en Orient. Cela tient à ce que, dans les rits orientaux, les prières de la messe sont , sauf quelques exceptions , toujours les mêmes , tandis qu'en Occident elles varient d'une messe à l'autre. A Rome on avait encore une certaine fixité : la formule du canon était à peu près invaria- ble. Mais dans les pays de rit gallican , il n'y avait guère de fixe que la commémoration de la dernière Cène avec les paroles de l'institution de l'Eucharistie. Plus tard, postérieurement à l'époque que nous étudions ici, l'usage s'établit d'insérer dans les sa- cramentaires les leçons et les chants de la messe. On eut ainsi ce qu'on appela des missels pléniers

(1) Un recueil de litanies diaconales, à l'usage de quelque église d'Egypte, a été publié par Giorgi à la suite de son ouvrage intitulé : Fr&gmentum Evangelii s. lohannis, Rome, 1789, et reproduit par M. Hammond, The liturgy of Antioch, p. 33.

(2) Cf. le mémoire de M. E. Langlois sur Un rouleau d'Exultet, dans les Mélanges de TEcole de Rome, t. VI, p. 467.

106 ORIGINES DU CULTE GHRÉTIBIT.

OU missels. Ces livres sont maintenant les seuls en usage.

§ 2. Les lectures.

Les lectures se firent d'abord sur les livres bibli- ques eux-mêmes , soit isolés , soit groupés de diver- ses façons. Le président de rassemblée choisissait les passages à lire ; il arrêtait le lecteur quand il le ju- geait à propos. Plus tard il y eut, pour chaque diman- che, pour chaque fête , un texte assigné, de longueur déterminée d'avance. Cela n'empêchait pas de se ser- vir de livres au complet. On se contentait d'indiquer, soit en marge du texte, soit dans une table placée en tête , le commencement et la fin des leçons aJËfé- rentes aux dimanches et aux fêtes. Cette table est désignée en grec par le terme de synaœaire, en la- tin par celui de capitulaire. On en vint bientôt à découper dans les livres de la Bible, même dans les évangiles, les leçons des différents jours de l'an* née. On eut ainsi, au lieu d'évangiles, des évanr- géliaires^ au lieu de bibles entières, des lecHonnaires. Encore finit-on par fondre dans le même recueil les leçons de l'Ancien Testament, des épitres, de l'évan- gile, et même des extraits de certains autres livres (1).

Il va de soi que les plus grandes variétés se pro- duisirent ici, d'un pays à l'autre, et, dans le même pays , selon qu'il s'agissait de grandes églises , capa- bles de supporter les frais d'une riche bibliothèque liturgique , ou de pauvres églises de campagne , qui étaient obligées de s'en tenir au strict nécessaire. A part le lectionnaire de Luxeuil, dont il sera question plus loin , je ne saurais citer de livres de ce genre en

(1) Pour les détails, voir l'article Lection&ry dans le Dictionary of Christian antiquities de Smith. Cf. Gennadius, 80.

m FORMULES ET LIVRES LITURGIQUES. 107

Ê Occident , pour les temps antérieurs à Charlemagne. Ceux de l'Orient ne sont pas plus anciens. Mais il ' n'est pas douteux que la plupart des très anciens ma- nuscrits de la Bible, grecs ou latins, qui sont venus jusqu'à nous, n'aient servi à la lecture publique dans les -églises. Ils portent encore la trace de cette affec- teition.

§ 3. Les pièces de chant.

Le chant des psaumes fut , dès l'origine, comme je

'ai indiqué plus haut, une des parties essentielles

^u service divin. On l'alternait avec les lectures que

^'on faisait soit à l'office des vigiles , soit à la messe,

vivant l'oblation.

Anciennement et jusqu'au déclin du quatrième siè- cle, le psaume était toujours exécuté en solo, et sans doute avec des modulations assez compliquées. Ce- pendant l'assemblée répétait les dernières phrases de chant. C'est ainsi que les Constitutions apostoliques nous représentent l'exécution du chant liturgique (1). C'est encore ainsi que les règles du chœur prescrivent d'exécuter les pièces de chant qui, dans l'usage ro- main , correspondent à la plus ancienne psalmodie , je veux dire le graduel et les autres pièces interca- lées entre l'épitre et l'évangile. Ces psaumes sont es- sentiellement des psalmi responsorii (répons), et on les appelle ainsi , parce que l'assistance y répond en effet, en reprenant les finales.

L'usage romain comporte deux genres de mélodies pour cette catégorie de chants sacrés ; l'une d'elles est désignée par un terme qui n'a rien à voir avec son caractère musical ; c'est ce qu'on appelle le gra- duel, que l'on exécutait à l'ambon ou gradua, et qui,

(1) Ci-dessus, p. 56.

108 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

pour cette raison, prenait le nom de psalmus gra^ dualis] l'autre est le psalmus tractus ou Trait. Au temps remontent nos plus anciens documents sur ces détails, le psalmus tractus était exécuté, comme le graduel, à Tambon, et non pas au chœur. Son nom de tractus ne peut donc dériver que de son» ca- ractère mélodique. Le trait est en effet d'une musique moins éclatante et plus traînante que le graduel.

L'usage de chanter V Alléluia est très ancien dans l'Eglise; mais l'adaptation de ce chant au service li- turgique ne s'est produite qu'assez tard et avec beau- coup de diversité. A Rome, on le joignit au dernier verset du psaume graduel ; en Orient et dans les pays de rit gallican, il se chantait plus tard , après l'évan- gile ou à la procession de l'oblation.

A côté du psaume-répons s'introduisit, vers la fin du quatrième siècle , un autre genre de psalmodie , l'antiphone , psaume chanté à deux chœurs qui alter- nent. C'est à Antioche (1), au temps de l'évéque Léonce (344-357) que naquit cet usage. Sous la direc- tion de deux ascètes, Flavien et Diodore, qui devin- rent plus tard évoques , l'un d'Antioche môme , l'au- tre de Tarse , de pieux laïques s'assemblaient la nuit dans les sanctuaires des martyrs et passaient le temps à chanter des psaumes à deux chœurs. L'évoque Léonce, favorable au parti arianisant, voyait avec in- quiétude ces réunions qui se tenaient en dehors de lui. Il décida les amis de Flavien et de Diodore à cé- lébrer leurs pieuses veillées dans les églises de la ville. Cette circonstance contribua beaucoup à faire connaître le nouveau système de psalmodie. Il se ré- pandit très rapidement. Au temps de saint Basile (2) ,

(1) Théodoret, Hisi, eccL, II, 24.

(2) Ep. 207.

FORMULBS ET LIVRES LITURGIQUES. 109

il était déjà introduit à Césarée de Cappadoce. Sous

Théodose, la pèlerine Silvia nous montre à Jérusalem

des réunions nocturnes tout à fait semblables à celles

d'Antioche et de Césarée : Tantiphone y a sa place à

côté de l'ancienne psalmodie par répons : psalmi res-

ponduntiÀT (sic), similiter et antiphonae. Saint Ambroise

fitdopta cet usage en 387 (1). Il parait avoir mis plus

d^ temps à s'introduire dans l'église romaine : un

texte, il est vrai assez obscur, du Liber pontificalis (2)

c* apporterait cette introduction au temps du pape Cé-

L^stin (422-432).

Telle qu'elle fut adoptée et pratiquée à Rome, l'aii- tiphone comportait le chant alternatif de tout un saume ; tous les versets étaient chantés sur le même ir, mais l'air variait d'un psaume à l'autre. Avant ^'entamer le psaume, on exécutait d'abord quelques jhrases musicales sur des paroles empruntées géné- Talement au psaume lui-même. C'est ce que nous ap- pelons l'antienne. Elle était sans doute exécutée en solo par un chantre , pour donner le ton à la psal- modie. Une fois le psaume terminé, on la répétait.

Il est clair que le mot antienne n'est qu'une trans- formation du terme antiphona. Je lui conserverai son acception actuelle; mais je prendrai antiphone dans le sens primitif, celui de psaume exécuté à deux chœurs, y compris la modulation initiale et finale.

On verra bientôt que les antiphones furent adoptées à Rome , non seulement pour î'ofiBce en dehors de la messe , mais pour la messe elle-même , qui en com- porte deux, l'antiphone ad introïtum et l'antiphone ad communionem.

Quelle que fût la forme de la psalmodie, il était, au quatrième siècle, d'usage général que le psaume

(1) s. Augustin, Conf,, IV, 7. ' (2) T. I, p. 230, 231.

110 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

se terminât par la doxologie : Gloria Patri et Filio et Spiritui sancto^ sicut erat in principio et mmo et semper et in saecula saeculorum. Amen (1).

De même que les formules de prière, les pièces de chant furent de bonne heure arrêtées et réparties sui- vant les jours et les fêtes. De des livres spéciaux. A Rome , outre les livres qui serraient aux offices de jour ou de nuit, il y avait, pour Tusage liturgique proprement dit , pour la messe , deux livres distincts : le Cantatorium (2) et Y Antiphonarium, Le premier ser- vait au diacre (plus tard au chantre) qui exécutait à Tam- bon le graduel et les chants assimilés; Tautre était un livre de chœur : il demeurait au lieu se i^-- ubM \dL schola cantorum\' on y trouvait, pour chaque jour de Tannée, outre les deux antiphones déjà men- tionnées , les autres chants de la messe , TofFertoire , le Gloria in eœcelsis, etc. Pour les antiphones, il n'y avait qu'à marquer les antiennes. L'antienne donnait le ton du psaume; les choristes ou bien avaient un psautier entre les mains , ou bien savaient le psaume par cœur, de sorte qu'il était inutile de Técrire dans l'antiphonaire.

Actuellement la psalmodie antiphonique s'exécute tantôt avec un mouvement rapide, tantôt avec un mouvement plus lent et une modulation plus compli- quée. Ce dernier système est presque exclusivement réservé à l'antiphone de l'introït; l'autre est d'un usage général dans la psalmodie de l'office. Il est à croire qu'à l'origine le mouvement lent était plus or- dinairement suivi. On a réduit progressivement toutes les parties du service divin, prières, lectures, chants.

(1) C'est la formule romaine. Les petites variantes des autres usages seront marquées ailleurs.

(2) Ordo Rom., I, 10; Amalaire, De officiis, 2* prologue; De or(U antiphonarii j prol.

FOBMULBS ET LITRES LITURGIQUES. 111

Mais c'est le chant qui a subi le plus de suppressions. On le voit bien par les antiphones de la messe; dans Tune d^elles, rintroït, le psaume s*est réduit à un seul ver- set suivi de la doxologie ; il a disparu tout à fait de l'antiphone ad communionem.

Outre les psaumes exécutés entre les lectures et les antiphones de la messe romaine , le service eucharis- tique comporte d'autres chants, dont il sera ques- tion plus loin. Tous, sauf celui du Sanctus, sont rela- tivement peu anciens. Encore, pour le Sanctus^ faut-il distinguer entre les paroles et Texécution musicale. L'usage de réciter à ce moment, en commun et à haute voix , Thymne des Séraphins remonte à la même antiquité que le thème général de la préface et du canon. Quant à l'application d'une mélodie sur ces paroles, elle est peut-être postérieure.

Sous le nom de chants liturgiques, je n'entends point comprendre les récitatifs en usage pour les lec- tures ou pour les prières prononcées à haute voix. Ces récitatifs peuvent être très anciens. Ils ont s'introduire aussitôt que, les assemblées chrétiennes étant devenues très nombreuses, il devint difficile à l'officiant ou au lecteur de s'y faire entendre. Les flexions de la voix servirent à scander le texte et à donner ainsi plus de relief à l'intonation. Mais les légères modulations qui sortirent de se rappro- chent plutôt de la lecture accentuée que du chant proprement dit.

C'est à la même cause, à la difficulté de soutenir, dans une vaste enceinte, une intonation élevée, que doit se rattacher l'usage de prononcer à voix tasse certaines formules qui ont été évidemment composées pour êtr^ entendues de tout le monde, lia messe romaine en a deux, l'oraison appelée secrète, avant la préface, et le canon depuis le

112 ORIGIMBS DU CULTE GHllâTIBN.

Sanctm. Dans les usages orientaux, beaucoup d'au- tres formules de prière sont prononcées à voix basse par Tofficiant. Mais dans tous les pays ces formules se terminent par ce que les Grecs appellent une ek- phonèse (èjctpoivYicriç) , c'est-à-dire par une finale pronon- cée tout haut, de sorte que l'assistance^ peut répondre Amen.

CHAPITRE V.

LES LIVRES DE LITURGIE LATINE.

Les anciens livres de liturgie latine sont beaucoup plus rares que Ton ne serait tenté de le croire. Il n'y a rien à demander en ce genre aux provinces du Da- nube et de rillyricum latin, florissaient les églises de Dorostorum, de Sardique, de Salone, de Sirmium, de Siscia, de Savaria, d'Augusta. La barbarie germa- nique, slave, finnoise, a tout détruit en ces pays; ils ont sans doute leur histoire liturgique , mais elle commence très tard, au neuvième siècle, au temps les missionnaires de Rome et de Constantinople se disputent Thonneur d^évangéliser les populations con- quérantes, désormais assises dans ces régions. L'Afri- que non plus n'a rien à nous donner, si ce n'est la mention d'un libellus sacramentorum (1), composé. en Mauritanie, mais perdu sans retour, et quelques rè- glements épars dans ses conciles. Il existe, dit-on, d'anciens manuscrits de la liturgie espagnole; mais jusqu'à présent , elle n'est connue que par le missel

(1) Gennadius, De script,, 79 : « Voconius, Gastellani, Mauritaniae oppidi, episcopus, scripsit adversus Ecclosiae inimicos, ludaeos et Arianos et alios haereticos. Composuit etiam Sacramentorum egre- gium libellum. » Aux environs de l'an 400, la législation ecclésias- tique suppose que les évéques avaient eu jusque-là beaucoup de lati- tude pour la rédaction et l'usage des formules. Conciles de Garthage de 397 (c. 23) et de 407 {Cod, -103).

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114 ORIGINES DU CULTB CHRÉTIBN.

mozarabe qui fut reconstitué par les soins du cardinal Ximénés. Sauf une seule exception, que je vais pro- poser, la liturgie de la Haute-Italie ne nous offre au- cun texte antérieur au dixième siècle. Des manuscrits de la liturgie romaine , un seul et ce n'est pas un livre officiel a une origine absolument indigène et dégagée de toute influence transalpine ; tous les au- tres, et Dieu sait quelle immense multitude ils forment, remontent à des originaux plus ou moins retouchés dans la France carolingienne , depuis le huitième siè- cle. Des Iles-Britanniques il ne nous reste que des manuscrits mixtes , du huitième siècle au plus tôt, les rites locaux sont bizarrement combinés avec ceux de Tèglise romaine. La Gaule est à peine moins pau- vre. Il s'y est pourtant conservé quelques manuscrit» des temps mérovingiens.

Je vais décrire, dans ce chapitre, ce qui nous reste de vieux livres liturgiques , antérieurs à la combinai- son des usages romain et gallican.

§ I. Livres romains.

!• Le sacramentaire grégorien.

Dans une lettre du pape Hadrien (1) à Charlemagne, écrite entre 784 et 791 , il est dit que le roi avait, quelque temps auparavant, demandé qu'on lui envoyât de Rome le sacramentaire arrangé par saint Grégoire, et que le pape le lui avait expédié par Jean, moine et abbé de la ville de Ravenne.

(1) a De sacramentario vero a sancto disposito praedecessore nostro deifluo Gregorio papa : immixtum vobis emitteremus. lam pridem Paulus grammaticus a nobis eum pro vobis petente, secundum sanctae nostrae ecclesiae tradicionem, per lohannem monachum atquft abbatem civitatis Ravennantium vcstrae regali emisimus exceUen- tiae. » Cod, CaroL, édit. Jaffé, p. 274.

V

LES LIVRES DE LITURGIE LATINE. 115

Aussitôt arrivé en France , le sacramentaire grégo- rien fut copié à un très grand nombre d'exemplaires. Toutes les églises, apparemment, furent obligées de le prendre pour base de Tordre liturgique. Bon nombre des copies exécutées sous Charlemagne et ses premiers successeurs se sont conservées jusqu'à nos jours. M. L. Delisle en a dressé récemment un catalogue (1), qui sera sans doute complété par de nouvelles recherches, mais qui suffit déjà à donner une idée de la rapide propagation du texte grégorien. Cependant le sacramentaire envoyé par le pape Ha- drien était loin de contenir tous les détails, toutes les formules nécessaires. En le transcrivant, on le com- pléta. Dans certains manuscrits, son texte fut com- i>îné d'un bout à l'autre avec celui du sacramentaire romain dont on se servait antérieurement. Dans d'au- txes , et c'est le plus grand nombre , on se contenta de 3 oindre en appendice au texte grégorien les supplé- xiïients qui furent jugés utiles. Je doute qu'il existe un :emplaire du texte grégorien pur de tout mélange ît dépourvu de tout complément. Mais ceci importe peu, car dans les exemplaires fort >iombreux le texte grégorien est suivi de supplé- :ments, il se trouve séparé de ceux-ci d'une manière fort nette, et rien n'est plus facile que de l'isoler. L'auteur de l'édition supplémentée a pris soin de nous renseigner sur le contenu du sacramentaire pro- prement dit et sur la nature des additions qu'il a cru devoir y faire : il a fg^jt précéder celles-ci d'une sorte de préface explicative et d'une table des pièces ajou- tées. Rien n'est donc plus facile que de distinguer , dans les manuscrits grégoriens, ce qui représente

(1) Mémoires de l'Académie des inscriptions ^ t. XXXII, l"* partie. Le catalogue de M. Delisle comprend tous les sacramentaires latins, sans distinction ; mais les exemplaires du sacramentaire grégorien sont de beaucoup les plus nombreux.

116 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

l'exemplaire envoyé par Hadrien à Charlemagne

Le sacramentaire grégorien comprenait : 1* l'ordi- naire de la messe; 2" les oraisons, préfaces et autres parties variables de la messe, récitées ou chantées par révoque officiant, pour tous les jours de fêteoo de station; cette série embrasse tout le cours de l'an- née ecclésiastique : elle commence à la veille de Noël ; les prières de Tordination des diacres , prê- tres et évoques.

La deuxième partie, de beaucoup la plus impor- tante , est le corps du sacramentaire. Comme je l'au- dit, elle ne contient que les messes des jours d^ grande fôte ou de station solennelle. Il n'y en a poia-"^ pour les dimanches ordinaires, entre l'Epiphanie^^ le Carême, et depuis l'octave de Pâques jusqu'^ l'Avent. L'Avent avec le temps de Noël, le Carêmes avec la semaine pascale, l'Ascension, la Pentecôte ^ les Quatre-Temps , voilà tout ce qui représente lepr9^ prium de tempore des missels postérieurs. Les fêtes des saints, qui ont des dates fixes, sont distribuées, tant bien que mal, au milieu des fêtes mobiles, d6 façon cependant à ce que le Carême avec la semaine de Pâques forme une suite non interrompue.

Le lieu de la station est toujours indiqué expressé- ment , à moins que le nom du saint ne désigne par lui-même l'église a lieu la fête. Ainsi on n'a pas jugé nécessaire de dire est la station le jour de saint Marcel, de sainte Agnès, de saint Silvestre, etc. Mais pour les jours du Carême, pour la fête des saints Innocents , pour celle do saint Félix de Noie, l'église est indiquée. Il y a même quelquefois deux indications , quand la station est précédée d'une pro- cession générale : alors on marque l'église d'où part

(1) Je me sors, pour le sacramcatairc grégorien, de rédition de Muratori, Lilurgia Romanu vetuSy t. II.

LES LIVRES DE LITURGIE LATINE. 117

la procession et celle se célèbre la messe. De même quand il y a plusieurs stations le même jour ou plusieurs arrôts dans une procession, par exemple à la fête dje Noël, au jour de la litanie majeure, aux vêpres de la semaine de Pâques.

En somme, nous avons ici un livre disposé non pas pour Tusage romain en général, tel qu'il peut être appliqué en un .pays quelconque, mais pour l'usage romain tel qu'on l'observe à Rome. De plus, c'est un sacramentaire essentiellement stational, qui ne peut servir que les jours de fête ou d'assemblées solennel- les. Il néglige non seulement les dimanches et les jours ordinaires, mais encore les solennités privées, comme le mariage et les funérailles , ou encore les nécessités particulières auxquelles correspondent , dans les livres complets, les messes en temps de guerre , contre la peste , la tempête et autres fléaux , pour les malades, les pécheurs, les voyageurs, et ainsi de suite. On n'y trouye même pas les formules relatives à la velatio virginum et à la réconciliation des pénitents.

Il faut donc bien se garder de prendre le sacramen- taire grégorien pour ce qu'il n'est pas, de lui deman- der ce qu'il ne peut donner. C'est le livre du pape ; il contient les prières que le pape doit prononcer dans les cérémonies qu'il préside ordinairement.

Une autre erreur" dont il faut se garder, c'est de considérer ce livre comme l'œuvre de saint Grégoire lui-même. Assurément, il contient nombre de prières qui étaient en usage au temps de saint Grégoire et même longtemps avant lui. Mais l'auteur des supplé- pléments ajoutés en France avait remarqué déjà que saint Grégoire ne pouvait avoir indiqué sa propre fête ; il signale aussi comme des additions postérieures les messes de la Nativité et de l'Assomption de la sainte Vierge et celles de certains jours de Carême. Il avait

118 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

même distingué par des obèles (1) ce qui lui semblaiW^ avoir été interpolé. En effet, outre la messe de sainV~ Grégoire lui-même, il faut retrancher celles des quatr fêtes de la sainte Vierge, non seulement la Nativit et l'Assomption, mais encore la Purification et l'An nonciation, et la fête de l'Exaltation de la Croix, ce^ fêtes n'ayant été introduites à Rome que dans le cou rant du septième siècle. Quant au Carême , les s ta tions des jeudis ne sont pas antérieures au pape Gré- goire II (715-731) ; les stations du mercredi des Cendres et des jours suivants , jusqu'au premier di- manche de Carême, sont plus anciennes, mais pour- tant postérieures à saint Grégoire. C'est encore une retouche que la station du l®*" janvier, indiquée ad S. Mariam ad Martyres^ puisque cette église, c'est-à- dire le Panthéon , ne fut consacrée au culte que sous le pape Boniface IV (608-615). Sa dédicace est mar- quée au 13 mai : encore une fête postérieure à saint Grégoire ; il en est de même de la dédicace de Saint- Nicomède, au 1®*" juin, cette église ayant été consacrée sous Boniface V (619-625). Les églises de Saint-Ha- drien , Saint- André près du Latran , Sainte-Lucie , Saint - Georges , Saint - Théodore , Saint -Apollinaire, mentionnées comme lieux de station, sont les trois pre- mières du temps d'Honorius (625-638), les autres pro- bablement postérieures. Enfin , la fête du pape saint Léon, marquée au 28 juin, est l'anniversaire non de sa mort , mais de la translation de ses restes sous Sergius (687-701) (2). Ces changements sont les seuls que nous puissions

(1) On n*a pas, que je sache, signalé ces obéles dans les manuscrits actuellement conservés.

(2) n faut noter aussi que, au 29 juillet, on trouve, sous la rubrique SS. Felicis SimpliciU Faustini et Beatricis^ une messe en Tbonneur de saint Félix seulement. Cela suppose que la translation des trois autres martyrs était déjà faite. Elle eut lieu sous Léon II (682-683).

LB8 LIVRES DE LITURGIE LATINE. 119

vérifier , avec les renseignements dont nous dispo- sons. Mais il a pu y en avoir bien d'autres dont la constatation nous échappe. On fera donc bien de prendre le sacramentaire grégorien comme correspon- dant à Tétat de la liturgie romaine au temps du pape Hadrien. Il serait plus naturel, pour éviter toute équi- voque, de rappeler sacramentaire d'Hadrien et c'est ce que je ferai désormais.

2" Le sacramentaire gélasien.

Je disais tout à Theure que le sacramentaire d'Ha- drien avait été , aussitôt son arrivée en France , com- biné avec un texte analogue, plus anciennement connu et beaucoup plus complet. Ce texte est ce que Ton appelle le sacramentaire gélasien. Eu dehors de ses combinaisons avec le sacramentaire grégorien, il est connu par quelques manuscrits du huitième siè- cle , dont le plus ancien est le n** 316 du fonds de la Reine, au Vatican. Ce manuscrit a été publié par Tommasi (1), dont Tédition est répétée dans le t. I de la Liturgia Romana vêtus de Muratori. Viennent en- suite deux manuscrits , Tun de Reichenau , l'autre de Saint-Gall, très imparfaitement connus par une pu- blication de dom Martin Gerbert (2). Aucun de ces exemplaires ne porte le nom de Gélase. Cependant Tommasi, qui l'appliqua au texte publié par lui, ne faisait, on va le voir, que reprendre une désigna- tion en usage au neuvième siècle (3).

(1) Codices Sacramentorum^ Rome, 1680.

(2) Ce sont les manuscrits 30 (Reichenau) de Zurich, et 348 de 8aint-Gall. Cf. Dclisle , L c, p. 83 , 84. Gerhert n'a publié aucun de ces deux sacramentaires , mais seulement un sacramentaire mixte, compilé au dixième siècle , ex triplici ritu gelasiano , gregoriano et amhrosiano. Ce sacramentaire provenait de Saint-Qall ; mais il se trouvait à Zurich au temps de Gerbert. C'est le manuscrit 348 de Baint-Gall qui avait fourni au compilateur le texte gélasien.

(3) Avant Tommasi, Morin et Bona avaient déjà qualifié de gélasien

120 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

. Dans rinventaire des livres liturgiques de Tabbaye de Saint-Riquier (1), on trouve des « missels » grégo- riens , des gélasiens et un missel mixte , missalis gre- goricmus et gelasianus modernis temporibus ah Albino ordinapus. Walafrid Strabon (2) rapporte que Gélase passe pour avoir mis en ordre les prières composées par lui et par les autres ; il ajoute que les églises des Gaules se servirent de ses oraisons et que plusieurs les emploient encore ; mais que saint Grégoire, frappé de l'imperfection du livre de Gélase, le retoucha et en fit le liber sacramentorum grégorien. Ces deux témoi- gnages sont de la première moitié du neuvième siècle. Cinquante ans plus tard, Jean Diacre, dans sa vie de saint Grégoire (3) , s'exprime à peu près comme Wa- lafrid Strabon. On croyait donc , au neuvième siècle , qu'il avait existé un sacramentaire de Gélase et que le sacramentaire grégorien n'en était qu'un remanie- ment. Par sacramentaire grégorien , on entendait évi- demment le sacramentaire d'Hadrien, tel que je viens de le décrire , et qui porte en tête le nom de saint Grégoire. Mais qu'entendait-on par sacramentaire gé- Içisien ?

Evidemment le même texte que celui du cardinal Tommasi. C'est en effet sous le nom de sacramentaire gélasien qu'il est coté dans une compilation du dixième siècle, publiée par dom Gerbert. L'auteur de cette com- pilation voulut réunir en un même volume les trois textes gélasien , grégorien , ambrosien. Pour le pre- mier il copia purement et simplement le ms. 348 de

le texte que Tommasi publia plus tard, et qu'ils connaissaient par le manuscrit lui-même.

(1) Chronicon Centulense^ Migne, P. L., t. CLXXIV, p. 1261. Cf. G. Becker, Catalogi bibliothecarum antiqui, Bonn, 1885, p. 28.

(2) De rébus eocl., c. 22.

(3) II, 17 : « Gelasianum codicem de missarum solemniis, multa subtrahens, pauca convertens, nonnulla vero superadiciens pro ex- ponendis evangelicis lectionibus in unius libri volumine coartavit. »

LB8 LIVRES DE LITURGIE LATINE. 121

Saint-Gall, qui porte encore la trace de ce travail de transcription (1). Walafrid Strabon , qui écrivait dans les environs de Saint-Gall, ne peut avoir donné un autre sens au mot gélasien. Du reste on ne connais- sait en France que deux types de sacramentaires ro- mains; celui d*Hadrien portait le nom de saint Gré- goire ; quand on parle d'un autre type , il ne peut y avoir aucun doute. Cette considération s'applique aux appellations employées dans le catalogue de Saint-Ri- quier. Quanta Jean Diacre, qui vivait à Rome, on pourrait croire que pour lui le terme de codexgelasianus s'appliquait à quelque autre forme du sacramentaire Tomain. Mais ce soupçon doit être écarté, car Jean Diacre parle du sacramentaire antérieur à saint Gré- goire en des termes qui conviennent exactement au texte que nous étudions en ce moment. Il est en effet plus long que celui du sacramentaire grégorien [multa mbtrahens) ; les formules communes sont presque tou- jours les mêmes {pauca convertens)] il est divisé en plusieurs livres, tandis que le grégorien n'en forme qu'un seul {inunius lihri volumine coartavit) (2).

Maintenant, quelle raison avait-on de mettre le nom de Gélase sur ce Liber sacramentorum ? Le titre, dans les manuscrits du Vatican et de Saint-Gall (celui de Zurich n'en a pas) est simplement Liber sacramen- torum Romanae ecclesiae^ sans aucun nom de pape. Quant au texte lui-même , il contient une grande quantité de choses postérieures non seulement à Gé- lase, mais à saint Grégoire. Ce n'est donc pas le sa- cramentaire lui-même qui a pu suggérer son attribu- tion à Gélase. Je ne crois pas non plus qu'il y ait ici une tradition. Le sacramentaire gélasien dérive de li-

(1) Delisle, p. 86: cf. ci-dessus, page 119, note 2.

(2) Je ne vois pas très bien ce que Jean Diacre veut dire par les mots nonnullai vero superadiciens pro exponendis evangelicis lec- tionibus.

122 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

vres officiels qui ont été en usage à Rome vers la fin du septième siècle. Il est peu naturel de croire que , à une telle date , il y ait eu à Rome une liturgie gélasienne. Tout procédait alors de la tradition grégo- rienne ; non sans doute que l'on s'abstint d'introduire les modifications nécessaires : mais, même quand on changeait quelque chose, c'était toujours l'usage de saint Grégoire que Ton était censé suivre. C'est de cette façon de se représenter les choses que provient l'appellation de sacramentaire grégorien, appliquée, sans la moindre hésitation , par le pape Hadrien , à un livre de beaucoup postérieur à saint Grégoire. Si les livres romains que nous trouvons en France avant Hadrien et Charlemagne avaient porté un nom de pape, c'eût été, sans aucun doute, celui de saint Gré- goire. On peut, du reste, sans recourir à une tradi- tion peu supposable, expliquer comment la dénomina- tion de sacramentaire gélasien s'est introduite. Elle apparaît d'abord parmi les lettrés franks du neuvième siècle, dans un monde très préoccupé de liturgie et d'histoire ecclésiastique. Le Liber pontificalis y était connu et considéré comme une grande autorité. Quand on le feuilletait pour y chercher des rensei- gnements sur les livres de la liturgie romaine , on y trouvait bien que saint Léon et saint Grégoire avaient ajouté quelques mots au canon de la messe, mais saint Gélase était le seul pape que son biographe eût présenté comme l'auteur d'un Liber sacramentorum. Encore , en y regardant de près , s'aperçoit-on que la vie de Gélase ne parle que de préfaces et d'oraisons isolées, et non pas d'une collection systématique, of- ficielle (1). Mais il n'en fallait pas davantage pour in-

(1) Fecit etiam et sacramentorum praefationes et orationes cauto sermone {Liber pont., t. I, p. 255). Dans certains exemplaires du De acriptoribus de Gennadius, on trouve une notice sur Gélase,

LES LITRES DE LITURGIE LATINE. 123

ûxxlquer ridée que Gélase avait publié un sacramentaire. Depuis renvoi du pape Hadrien on se trouva en pré- sence d*un sacramentaire attribué à saint Grégoire et différent de celui que Ton connaissait déjà. Dès lors, celui-ci ne pouvait être que celui de Gélase. Et une fois cette idée entrée dans Tesprit des chefs d'école, A^lcuin et autres , il était inévitable qu'elle se répan- dit partout et très rapidement. Parmi les études aux- cjuelles présidaient ces savants, il en est peu qui aient u autant d'importance et d'application pratique que 'étude de la liturgie. Le sacramentaire gélasien de- '^rint un dogme d'école; sa situation était désormais inexpugnable.

Pour nous, cette désignation ne peut avoir aucune valeur. Par sacramentaire gélasien il faut entendre un recueil liturgique romain, importé en France assez longtemps avant Hadrien, assez longtemps après saint Grégoire. Cette détermination chronologique peut être précisée par une étude plus attentive des manuscrits. Le plus ancien d'entre eux , le n** 316 du fonds de la Reine, est, au jugement de M. Delisle (1), « du sep- tième siècle ou du commencement du huitième. » Cette appréciation est confirmée par le contenu du li- vre. On n'y trouve point encore les stations des jeu- dis de Carême, instituées par Grégoire H (715-731). L'original romain était donc antérieur à la mort de ce pape. On y trouve , en revanche, certaines choses qui n'ont pu y être introduites avant le septième siè- cle : un capitulum sancti Gregorii papae (2) (I, 21), les

il est dit avoir écrit tractatus diversarum scripturarum et sacra- mentorum {Ibid., p. 257).

(1) L. c, p. 68. Cf. Bibl. de l'Ecole des chartes, 1876, p. 476.

(2) Le nom de saint Grégoire est au canon de la messe, il n*a pu s'introduire qu'un certain temps après sa mort. Mais ce sont des détails qui varient d'un manuscrit à l'autre , et que l'on ne peut faire remonter sûrement à l'original.

124 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

stations des mercredi, vendredi et samedi avant le premier dimanche de Carême, les quatre fêtes de la Vierge, celle de TExaltation de la Croix. Ces cinq fê- tes sont postérieures à saint Grégoire (f 604) et an- térieures au pape Sergius (687-701) (1) ; celle de l'Exal- tation aura sans doute été introduite après le recou- vrement de la vraie croix par Héraclius (628). Il reste donc une incertitude d'un siècle environ (628-731) sur la date de l'original romain de notre sacramentaire.

Je dis Toriginal romain. Je devrais plutôt -dire le modèle, le cadre romain, car il s'en faut de beaucoup que les manuscrits gélasiens nous aient conservé un texte romain pur de tout mélange. D'abord toutes les indications topographiques ont disparu. Pas une seule des basiliques de Rome n'est mentionnée. On a sup- primé aussi toutes les prières afférentes à certaines circonstances propres au culte romain, comme la messe de sainte Anastasie, au jour de Noël, la lita- nie majeure (25 avril), les processions des vêpres pas- cales, les collectes à certaines fêtes. C'est l'année ecclé- siastique de Rome, ce sont des formules romaines, mais appropriées à l'usage de pays éloignés de Rome.

Le sacramentaire n* 316 a été exécuté en France , vraisemblablement pour l'abbaye de Saint-Denis, dont les trois patrons sont nommés au canon de la messe, avant saint Hilaire et saint Martin. Les deux autres manuscrits, ceux de Reichenau et de Saint-Gall, sont aussi des manuscrits franks. C'est aussi en France que se trouvaient les manuscrits dont les liturgistes carolingiens se servirent pour compléter le sacramen- taire d'Hadrien. Tous ces manuscrits s'accordent sur certaines variantes significatives dans les formules de prières pour le souverain, à l'office du vendredi-saint. Le sacramentaire d'Hadrien nomme l'empereurromain,

(1) Liber pont., p. 379, 381.

LES LIVRES DE LITURaiE LATINE. 125

seul, sans lui associer le souverain frank. Dans le sa- cramentairegélasien, les formules sont modifiées ainsi qu'il suit : Oremus et pro christianissimo imperatore VEL REGE NOSTRO Ulo. Resptce propitius ad Romanum sivE FRANCORUM beuignus imperium (1).

Mais les modifications ne se bornent pas à la sup- pression des particularités relatives à la ville de Rome et au pays soumis à Tempire. Il y en a d'autres , de sens purement liturgique, qui représentent une com- binaison entre l'usage romain et l'usage gallican. C'est surtout dans le rituel des ordinations qu'elles se rencontrent. Je vais signaler les principales : j'au- rai plus tard à revenir sur ce point. A la suite de la bénédiction du sous-diacre (1 , 96) on trouve une for- mule intitulée Consecratio manuum, qui est évidem- ment hors de place, car jamais les sous-diacres n'ont eu la consécration des mains. Cette formule, du reste, appartient au rituel de l'ordination des prêtres, selon le rit gallican. Il est impossible qu'elle soit romaine. Nous savons en effet, par les documents les plus sûrs, que la consécration des mains ne faisait pas partie des rites de l'ordination en usage à Rome. Nous som- mes donc en présence d'une interpolation gallicane.

Elle n'est pas isolée. Tout le rituel des ordres mi- neurs, tel qu'il se présente dans les sections 1 , 95 , 96, du sacramen taire gélasien, est gallican d'un bout à l'autre. Il porte en tête la rubrique Incipit ordo de sacris ordinibus benedicendis. Puis vient une instruc- tion sur les conditions d'âge et autres pour recevoir les ordres, transcrite de la décrétale du pape Zosime

(1) La correction n'a pas été faite d'abord dans le texte des messes Tempore belli et Pro regibus ^ qui figurent dans le III* livre du sa- cramentaire gélasien sous les n*" 57-62. Los prières de ces messes reviennent presque toutes dans le supplément du sacramentaire gré- gorien , n"» 83-87. Sauf un seul cas (n» 83) , le mot christianus s*y trouve toujours substitué à celui de Romanus:.

126 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

à Hésychius de Salone (1), puis les dix premiers cha- pitres des Statuta eceîesiae antiqua, sur Tordination ou l'installation des évêques, prêtres, diacres, sous-dia- cres, acolytes, exorcistes, lecteurs, portiers, psalmis- tes, vierges sacrées. Ce document, souvent cité sous le nom de quatrième concile de Carthage, est en réa- lité un règlement d'origine gallicane , publié dans la province d'Arles, vers la fin du cinquième siècle. Tout cela sert de préface aux Benedictiones super eos qui sacris ordinibus benedicendi sunt, bénédictions qui, comme on le verra plus tard, n'étaient point en usage à Rome. Le compilateur qui a inséré ce long mor- ceau avait sous les yeux un texte gallican qui com- prenait tous les ordres. Il s'est borné, pour les béné- dictions, aux formules des ordres mineurs, celles des ordres majeurs ayant trouvé place à d'autres endroits ; mais, par mégarde, il a laissé subsister à la suite des formules relatives aux sous-diacres , un fragment du rituel de l'ordination des prêtres.

Ces interpolations ne sont pas les seules ; j'aurai bientôt l'occasion de le démontrer.

Dans la distribution des fêtes, il y a souvent désac- cord entre le sacramentaire gélasien et le sacramentaire grégorien. Le premier admet certaines fêtes que l'autre n'a pas, et réciproquement. Or il est à remarquer que, dans cette divergence, le sacramentaire grégorien av pour lui le suffrage du sacramentaire léonien dont je parlerai tout à l'heure, c'est-à-dire d'une compilation entièrement romaine, formée en dehors de toute in- fluence franque ou gallicane. Jamais le sacramentaire léonien ne mentionne une fête propre au gélasien. Au contraire, il contient six ou sept fêtes propres au grégorien; ce sont celles des Sept-Frères (10 juillet), de saint Etienne pape (2 août), des saints Félicissime

(1) Jaffé, 339, c. 3.

LES LITRES DE LITUBGIB LATINE. 127

et Agapit (5 août) , des saints Félix et Adauctus (30 août), de saint Chrysogone (24 novembre). De plus, il mentionne, quoique hors de sa place, Tanniversaire de saint Silvestre, inconnu au recueil gélasien ; enfin il fixe au 16 septembre la fête de sainte Euphémie , comme le sacramentaire grégorien , tandis que le gélasien la marque au 13 avril (1). Cette dernière variante , qui se recontre aussi dans le martyrologe hiéronymien et dans le missel mozarabe, pourrait bien avoir été ins- pirée par l'usage gallican. On en peut dire autant des fêtes de rinvention de la vraie Croix et de la Passion de saint Jean-Baptiste, qui sont marquées dans les li- vres liturgiques gallicans, mais pour lesquelles on ne saurait citer aucun ancien document romain. Je si- gnalerai encore la désignation post clausum Paschae^ appliquée aux dimanches entre Toctave de Pâques et la fête de la Pentecôte. Elle se rencontre dans le Missale Gothicum et dans le lectionnaire de Luxeuil, livres gallicans ; Grégoire de Tours s'en sert (2) ; mais on ne la rencontre pas dans les livres de vrai style romain.

Ces détails sont propres à montrer que le sacra- mentaire gélasien ne saurait être considéré comme témoignant toujours et partout des usages de l'église romaine. C'est un livre romain d'origine et pour l'en- semble de son texte, mais qui a subi plus d'une retou- che dans le sens gallican.

3* Le Missale Francorum,

C'est à côté du sacramentaire gélasien qu'il convient de placer le Missale Francorum, Ce manuscrit est ac- tuellement le n^ 257 du fonds de la reine Christine ,

(1) C'est aussi le jour cette fête est marquée dans le calendrier de Carthage et dans tous les calendriers grecs.

(2) Gloria conf., 47.

128 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

au Vatican (1). Avant d*entrer dans la bibliothèque Petau , d'où il passa dans celle de la Reine , il avait longtemps séjourné à Tabbaye de Saint-Denis, il se trouvait dés le treizième siècle. Il est écrit en onciale et doit remonter à la fin du septième siècle ou au commencement du siècle suivant. Son origine franque n'est pas douteuse. Dans les prières politi- ques, le regnum Francorum a été partout substitué à l'empire romain.

Ce n'est qu'un fragment. Il contient d'abord les or- dinations, la bénédiction des vierges et des veuves , la consécration de l'autel, puis onze messes, dont la première est pro regibus, le deuxième en l'honneur de saint Hilaire, les autres du commun des saints ou pour des intentions quelconques. La collection se termine par le Canon actionis^ c'est-à-dire le canon romain, qui s'interrompt, avec le manuscrit lui-môme, dans le Nohis quoque.

Toutes les messes de ce sacramentaire sont de rit et de style romain : çà et cependant on rencontre quelques rubriques gallicanes : post prophetiam^ ante nomiaa. Au commencement, les prières de l'ordina- tion offrent une complexité plus grande. Il y a, pour cette partie, d'intéressants rapprochements à faire en- tre le Missale Francorum et le sacramentaire gélasien. Cependant je ne crois pas qu'ils dépendent l'un de l'autre ni qu'ils aient été copiés sur le même origi- nal.

4" Le sacramentaire léonien.

Joseph Bianchini publia le premier, en 1735 (2), le

(1) Delisle, I. c., n* 4. Le texte a été publié par Tommasi (l. c), par Mabillon , dans son De liturgia gallicana , et par Muratori , L c,

(2) Dans le tome IV de TAnastase le bibliothécaire de son oncle Fr. Bianchini. Cette édition fut reproduite par Muratori, dans le

LES LIVRES DE LITURGIE LATINE. 129

texte de ce sacramentaire , retrouvé peu auparavant dans la bibliothèque du chapitre de Vérone. C'est un manuscrit en onciale, du septième siècle, au juge- ment de M. Delisle (1). Il est mutilé au commence- ment, de sorte que, de ses douze sections, correspon- dant aux douze mois de Tannée, il ne s'en est conservé que neuf. Encore la quatrième, celle du mois d'avril, est-elle incomplète. La disparition des trois premiers mois est fort regrettable, car c'est que. se trou- vaient les cérémonies pascales, la partie la plus inté- ressante des sacramentaires.

Ce qui reste du mois d'avril consiste en trente-neuf sections, comprenant autant (2) de messes en l'hon- neur des martyrs; les martyrs ne sont pas nom- més (3), de sorte que les formules peuvent servir pour des martyrs quelconques. Le mois de mai contient les messes de l'Ascension , de la Pentecôte et des Quatre-Temps d'été ; le mois de juin les messes en l'hon- neur de saint Jean-Baptiste, des saints Jean et Paul, des apôtres Pierre et Paul; dans le mois de juillet on ne trouve d'autre fête que celle des Sept-Frères mar- tyrs; puis vient une grande quantité de messes et d'oraisons pour diverses nécessités; au mois d'août il y a un plus grand nombre de fêtes , celle du pape saint Etienne (2 août), celle des saints Xyste, Félicis- sime et Agapit (6 août), celle de saint Laurent (10 août),

t. I de sa Liturgia Romana vêtus (1748). Les frères Ballerini en ont donné une autre, revue sur le manuscrit, dans leur édition des œu- vres de saint Léon. C'est celle-ci qui figure dans la Patrologie de JTigne, t. LV. Cf. Delisle, 1.

(1) L. c, p. 65.

(2) Et même un peu plus. Les numéros sont quelquefois mal mis, de sorte que deux messes se trouvent rangées sous le même.

(3) Cependant ces messes ayant été d'abord composées pour l'anni- versaire de martyrs déterminés, elles contenaient originairement des noms. On les a supprimés, non cependant sans qu'il en soit resté deux, ceux de saint Tiburce (n"* 6) et de saint Grégoire ou plutôt ©eorges (n« 33).

9

. i

130 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

celle des saints Hippolyte et Pontien (13 août), celle des saints Adauctus et Félix (30 août). En septembre on trouve les fêtes des saints Cornélius et Cyprien (14 septembre), de sainte Euphémie (16 septembre), de la dédicace de Téglise Saint-Michel sur la voie Salaria (30 septembre) , puis les Quatre-Temps d'au- tomne , les prières pour Tordination et le natale des évoques , prêtres , diacres , pour la bénédiction de& vierges et des époux. Au mois d'octobre il n'y a pas de fête, mais seulement des messes de siccitate tem- poris et super defunctis. En novembre se rencontrent les fêtes des Quatre-Couronnés, de sainte Cécile, des saints Clément et Félicité , Chrysogoiie et Grégoire , enfin de saint André. Le mois de décembre s'ouvre par les messes de Noël ; puis viennent les fêtes de saint Jean Tévangéliste et des saints Innocents, enfin les Quatre-Temps d'hiver.

A quelle date remonte ce recueil ?

Il contient, à la fin du mois d'octobre, une oraison composée pour l'enterrement ou l'anniversaire du pape Simplicius, qui mourut en 483. Mais il faut, je crois, descendre beaucoup plus bas que cette date.

Plusieurs prières, en effet, font allusion à des temps les Romains étaient assiégés, entourés d'ennemis, exposés au massacre et au pillage. D'autres sont des actions de grâces à Dieu à la suite d'une victoire ou d'une délivrance. Parmi ces dernières j'en signalerai une, qui est la Secrète d'une messe indiquée au mois de juillet, sous le numéro 28. On va voir que cette messe n'a rien à faire au mois de juillet , mais qu'elle doit être rapportée au temps de Pâques; c'est un des innombrables exemples du désordre qui règne dans tout le recueil : Munera nomini tuo^ Domine, cv/m gratiarum actione deferinms , qui nos ab infestis hosti- bus liberatos paschale sacramentum secura tribuis mente suscipere. Les sièges ou pillages de Rome par Alaric,

\

LES LIVRES DB LITURGIE LATINE. 131

Genséric, Ricimer, se placent tous dans les mois

d'été ; il ne peut donc y avoir été fait allusion dans

la prière qui nous occupe. Au contraire, le long siège

de Vitigès, qui dura une année entière, fut levé au

^ mois de mars. Cette année-là (538), le dimanche de

Pâques tombait le 4 avril. La coïncidence est remar-

gusile.

On pourrait trouver dans le sacramentaire véronais d*autres traits qui s'expliquent beaucoup mieux par les préoccupations du siège de 537-538 que par des allu- sions à d'autres événements. Il en est ainsi, par exem- ple, de la préface d'une autre messe du mois de juil- let (XVIII, 6) : Agnoscimus Domine.., ad peccantium '^'"^^writa pertinere ut servorum tuorum labore quaesita sub ^::^-<mspectu nostro manibus diripiantur alienis, et quae ^Memdantibiis famulis nasci tributs^ ab hostibus patiaris ^làbmimi. En 537, ce furent les Goths qui moissonnèrent ^dans la campagne de Rome, et, du haut de leurs mu- ^■•ailles, les Romains durent assister avec douleur à ^ette opération qui faisait passer entre les mains des assiégeants le fruit de leurs propres travaux. Il est d'ailleurs absolument impossible de rapporter cette prière aux temps d'Alaric et de Genséric. Les Wisigoths et les Vandales pillèrent la ville plus que la campagtie. S'il s'agissait d'eux , on trouverait bien quelque part, dans cette longue suite de messes tempore hostili^ quelques allusions au pillage des bâtiments publics, des églises, des maisons particulières. Du reste, quand ces envahisseurs se présentèrent devant Rome, la saison était trop avancée pour que les récoltes fus- sent encore sur pied. Au contraire, tout s'explique très bien dans l'hypothèse il s*agit des Ostrogoths et du siège de 537-538. Cependant, comme les Ro- mains furent souvent assiégés pendant la guerre go- thique et, plus tard, pendant l'invasion lombarde, je ne voudrais pas assurer qu'il s'agit précisément du

132 ORiaiNBS DU CULTE CHRÉTIEN.

siège de Vitigès. Celui-ci est le plus ancien auquel on puisse penser : voilà tout ce que je veux dire.

Cettte limite supérieure étant déterminée, il reste à voir si on ne pourrait pas trouver une limite infé- rieure moins vague que celle que nous fournit la pa- léographie. Je ne crois pas qu'il faille descendre au- ' dessous de saint Grégoire. Sans doute le sacramen- taire contient en deux endroits le nom d'un saint Gré- goire; mais, s'il n'y a pas confusion paléographique, entre les deux noms Georgius et GregoriuSy confu- sion assez fréquente dans les manuscrits, comme il s'agit d'un martyr, c'est en tout cas un autre saint Grégoire que le pape. Celui-ci, d'ailleurs, édicta que la prière Hanc igitur oblationem, au canon de la messe, serait désormais terminée par les mots diesque nostros in tua pace disponas atque ab aetema dainnc^ tione nos eripi et in eleotorum tuorum iubeas grege nv/merari. Le canon de la messe manque, il est vrai, dans le manuscrit de Vérone : il devait se trouver au commencement, dans la partie perdue. Mais la prière Hanc igitv/r se retrouve un certain nombre de fois dans le reste du texte : or elle ne présente jamais la finale grégorienne. Comme il n'y a par ailleurs aucun indice des temps postérieurs à saint Grégoire , on ne risque pas grand chose en attribuant le vieux sacramentaire véronais au milieu ou au déclin du sixième siècle.

C'est un livre entièrement romain , non seulement parce qu'il ne contient aucun mélange d'éléments gallicans, non seulement parce que, dans les prières politiques, il mentionne toujours l'empire romain et avec un sentiment très vif de loyalisme , mais en- core parce qu'il nous offre à chaque page ces attaches topographiques qui ne permettent pas de confondre un texte composé pour l'église locale de Rome avec un texte simplement conforme à l'usage romain. Les ru- briques qui annoncent les fêtes des saints marquent

LES LIVRES DE LITURGIE LATINE. 133

souvent Tendroit de la station , et cela avec une pré- cision topographique fort grande. Ainsi VI id. iuL, na- tale sanctorum Felicis, Philippi, in cymiterio Priscil- lae; Vitalis et Martialis, in cymiterio Iordanorum; et Silomi, IN cymiterio Maximi, via Salaria; et lanuarii, IN CYMITERIO Praetextati, VIA AppiA ; III uon aug,, natale sancti Stéphanie IN cymiterio Callisti via Appia ; VIII id. aitg., natale sancU Xysti^ in cymiterio Cal- listi ; et Felicissimi et Agapiti , in cymiterio Praetex- tati, VIA Appia; prid, kal. oct. natale basilicae Angeli IN Salaria. Cette dernière fête est la dédicace d'une église de la banlieue de Rome. Une autre messe de dé- dicace, en rhonneur de saint Etienne, se trouve parmi les messes du mois d'août (1) ; elle doit avoir rapport soit à Téglise de la voie Latine, soit à celle de Cœlius. La préface de Tune des messes en Thonneur des saints Jean et Paul (2) suppose Tofflciant à Rome , et même dans Téglise consacrée aux deux martyrs. On en peut dire autant des messes en Thonneur des apô- tres Pierre et Paul et de bien d'autres. Parmi les ser- vices des défunts , plusieurs formules (3) supposent que Ton est à Saint-Laurent-hors-les-murs et que Ton prie pour lun des papes enterrés dans cette église (4). Il est inutile d'insister davantage. L'origine romaine de ce recueil est de toute évidence.

D'autre part, il faut bien se garder d'y voir un livre oflBciel, à l'usage du pape et des stations solennelles, comme le sacramentaire d'Hadrien. C'est une compi- lation privée , dans laquelle on a entassé, sans beau- coup d'ordre, des pièces très diverses d'âge et de fac- ture. Sans doute on y trouve les messes stationales des grandes fêtes et des Quatre-Temps ; mais à côté de

(1) Mtiratori, p. 388, 389.

(2) Muratori, p. 329.

(3) Muratori, p. 453.

(4) Zosime, Xyste III, Hilaire.

à

134 ORiaiNBS DU CULTE CHRÉTIEN.

ce nécessaire il y a un énorme superflu. Les autres sacramentaires se bornent à donner une messe par station; dans le gélasien on trouve quelquefois deux oraisons le grégorien n'en a qu'une ; c'est une variante, une oraison de rechange. Dans le manuscrit de Vérone, le rechange est bien plus considérable. Ainsi, pour la fête de sainte Cécile, il y a cinq mes- ses, neuf pour Noël et pour la Saint-Etienne, huit pour saint Sixte, quatorze pour saint Laurent, vingt- huit pour saint Pierre et saint Paul, et ainsi de suite ; quant aux messes privées, ad libitum, elles sont in- nombrables.

Dans cet immense recueil, il y a, comme je l'ai dit, plus de choses que d'ordre. Ainsi la messe de la Pen- tecôte est intercalée au milieu des messes des Quatre- Temps d'été ; sous la rubrique qui annonce l'anniver- saire du pape saint Etienne , au 3 août, on ne trouve que des messes en l'honneur de saint Etienne , pre- mier martyr; celles-ci manquent, en revanche, à leur véritable place, entre Noël et la Saint-Jean d'hiver. Les Quatre-Temps de décembre sont placés après Noël ; beaucoup de messes pro diversis ou du commun des martyrs se trouvent à des mois impossibles. Il y en a, au mois de juillet, qui supposent que l'on est encore aux fêtes de Pâques; on voit des messes de vigile placées après celles de la fête qu'elles devraient précéder. Un livre officiel ne saurait être à ce point en désordre.

Il faut ajouter qu'il contient un certain nombre de pièces dont la présence ne s'expliquerait guère. Les Ballerini ont relevé une contradiction entre le décret de Gélase De recipiendis et non recipiendis libris et l'une des messes de notre sacramentaire. Dans celle-ci (1), on dit que les apôtres Pierre et Paul sont

(1) Muratori, p. 344.

LBS LIVRES DE LITURGIE LATINE. 135

morts le même jour, il est vrai, mais tempore dis- creto, à des années différentes. Or le décret de Gélase traite cette opinion de commérage hérétique , sicut haeretici garriunt. Cette contradiction aurait de Tim- portance s'il était sûr, comme le croient les Ballerini, que le décret sur les livres est vraiment Toeuvre de Gélase ou même d'un pape quelconque. Ce point me semblant difficile à établir, je me bornerai à signaler un certain nombre de préfaces s'expriment des sen- timents que Ton est étonné d'y rencontrer. Ce sont de véritables déclamations contre les moines, les mau- vais moines, il est vrai, en tout cas fort singulières. On fait remarquer à Dieu que son église contient maintenant de faux confesseurs (1), mêlés aux vrais; on parle beaucoup des ennemis, des calomniateurs, des orgueilleux qui s'estiment meilleurs que les au- tres et les déchirent, qui se présentent sous des de- hors pieux, sub specie gratiae, mais avec l'intention de nuire. On proclame la nécessité de se défendre con- tre eux, de joindre l'astuce des serpents à la simpli- cité de la colombe, de ne pas s'abandonner à une bonté imprévoyante , de pardonner sans doute , mais aussi de se défendre. On prend même quelquefois l'offensive. On proclame que ces censeurs valent moins qu'ils ne le croient. S'ils ne voient pas eux-mêmes leurs faiblesses, leurs turpitudes, d'autres les aper- çoivent, et Dieu tout le premier. Ils ont beau tenir dçs discours doucereux, compulser les saintes Ecritures, on sait que c'est surtout dans le lit des autres qu'ils vont chercher le Christ; ils seront jugés sur leurs mœurs, non sur leurs paroles. Ces mauvais ouvriers prétendent restreindre la liberté dont jouit l'Eglise et la réduire à une honteuse servitude. On les voit

(1) Muratori, p. 301. Confesseur, dans la langue du quatrième et du cinquième siècle, a souvent le sens d'ascète, de moine isolé.

136 ORmiNES ou CULTE CHRÉTIEN.

pénétrer [dans les maisons, emmener des femme- lettes chargées de péchés ; experts en captation , ils^ s'approprient la fortune des veuves et même celle des femmes mariées. A en juger d'après leur conduite extérieure, que ne doivent-ils pas faire en secret? C'est un scandale pour les fidèles et même pour les païens, que ce spectacle détourne du baptême (1).

J'atténue. Il est inutile d'insister. Cette façon de mettre ses adversaires au prône et plus qu'au prône est évidemment étrangère au style officiel de l'église romaine. Le compilateur du sacramentaire ne doit pas avoir inventé ces étranges oraisons ; il n'est guère possible qu'elles aient été composées au sixième siè- cle. Le sens donné au mot confessor et surtout la men- tion d'un public païen encore nombreux nous repor- tent plutôt au déclin du quatrième siècle, au temps de Damase et de Sirice, par exemple , alors que Rome connaissait à peine les couvents d'hommes, mais voyait, en revanche , un grand nombre d'ascètes iso- lés, du type de saint Jérôme, de Rufin, de Pelage. On sait combien peu saint Jérôme a ménagé le clergé romain. Il est à croire qu'on ne demeurait pas en reste avec lui et que ses coups lui étaient quelquefois rendus.

Ces conflits durent se reproduire assez souvent. Nous constatons qu'ils retentirent jusque dans le do- maine de la liturgie.

Du reste, il est sûr que de tels propos liturgiques n'ont pu être tenus que dans des assemblées restrein- tes, dans de petits conciliabules privés, l'ofiBciant, profitant de la liberté dont jouissait encore, en ces matières, l'improvisation individuelle, pouvait donner carrière à ses rancunes. On a eu tort d'écrire de pa- reilles choses. Qu'on les ait recueillies après coup et

(1) Muratori, p. 350 et auiv.

LES LIVRES DE LITUR&IB LATINE. 1«S7

^ïisérées dans un recueil de textes liturgiques, c'est

^ïie maladresse que l'on ne sera pas tenté d'imputer

^vix chefs de Téglise romaine. Les Ballerini ont donc

i^ien jugé quand ils n'ont vu dans le sacramentaire

Soi-disant léonien qu'une collection privée, formée et

^sposée avec peu d'intelligence.

Cela n'empêche pas que ce sacramentaire n'ait une très grande valeur. Les formules dont je viens de parler sont relativement peu nombreuses ; elles for- ment l'exception. Quant aux autres, ce que j'ai dit plus haut ne permet pas de douter qu'elles n'aient une origine romaine , exclusivement romaine , et qu'elles ne remontent à un temps antérieur, quel- quefois de beaucoup, au pontificat de saint Grégoire.

5** Le rouleau de Ravenne.

M. Ceriani a publié récemment (1) un rouleau li- turgique provenant de la collection du prince Antoine Pie de Savoie. Ce parchemin, long de 3™60, bien qu'il soit mutilé aux deux extrémités, contient, en grosse écriture onciale, quarante oraisons du type ro- main , toutes relatives à la préparation de la fête de jNoël. Sur le revers ont été copiées (2), en mi- nuscule du dixième siècle, sept lettres d'un arche*- vêque de Ravenne appelé Jean et une autre du pape Serge IIL Ces huit docîuments rentrent tous dans k période 900-910. La lettre du pape Serge a rapport laux intérêts de l'église de Ravenne et l'archevêque témoigne, dans une des siennes , qu'il en avait pris

(1) Il rotolo opistografo del principe Antonio Pio di Savoiay in-f*, ttilan, 1883. Ce mémoire, tiré à soixante exemplaires, n'est pas facile à rencontrer. J'ai pu consulter l'exemplaire de M. L. Delisle.

(2) Pour cette partie de son texte, le rouleau a été réédité par M. S. Lôwenfeld dans le Neues Archiv, U IX, p. 515 et suiv. , avec un eommentaire historique.

138 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

lecture. Il y a donc lieu de considérer toute cette cor- respondance comme provenant des archives métro- politaines de Ravenne. Le rouleau liturgique sur le dos duquel on la transcrivit ne peut guère provenir d'ailleurs. Nous avons donc ici un recueil d'oraisons qui a été à Tusage de l'église de Ravenne. Une seule d'entre elles, la vingt-septième, se retrouve dans les documents connus de la liturgie romaine ; elle figure dans le sacramentaire léonien, à l'une des messes de la fête de Noël (1), et dans le sacramentaire grégo- rien (2), au milieu d'un groupe d'oraisons pour la même fête. Les oraisons de Ravenne ne sont point disposées dans l'ordre de la messe ; elles sont déga- gées de toute distribution de ce genre et simple- ment juxtaposées. On a pu s'en servir pour l'office aussi bien que pour la messe. Cette circonstance di- minue beaucoup l'importance du rouleau de Ravenne. Il est du reste difficile d'en fixer la date. L'onciale est assez grossière ; elle peut être du huitième ou du neuvième siècle aussi bien que du sixième.

6* Les Ordines Romanû

Mabillon a publié , dans le tome II de son Musœv/m Italicum (3), un certain nombre à* Ordines Romani^ ou rituels des différentes cérémonies. Tous ces documents ne sont pas du même âge : on peut y suivre -les mo- difications de la liturgie pontificale du neuvième au quinzième siècle. Les plus anciens sont les seuls dont nous ayons à nous occuper ici; car il est naturel de négliger ceux qui correspondent à la liturgie romaine modifiée depuis le neuvième siècle, soit en France, soit à Rome , sous diverses influences. De toute la

(1) Muratori, t. I, p. 468.

(2) Muratori, t. II, p. 10.

(3) Edition reproduite dans la Patrologie latine de Migne, t. LXXVIII.

LBS LIVRES DE LITURGIE LATINE. 139

sémje ne retiendrai que les Ordines n®' I, VII, VIII et •H, dont le premier est relatif à la liturgie de la messe, -fo second à celle du baptême, les deux autres aux Prémunies de rordination.

Encore y a-t-il lieu de distinguer entre les diver- ses parties de VOrdo Romanus /, tel que l'a publié Af abillon. Tout provient, il est vrai, de manuscrits du xreuvième siècle, et Ton peut affirmer que tout existait d^jà dans les premières années de ce siècle. Mais tout 'est pas romain au même degré. Après quelques préliminaires sur la distribution du crvice liturgique entre les clercs des sept régions .e Rome, VOrdo nous donne la description de la :ïDûesse stationale, présidée par le pape. Cette première ;partie comprend les chapitres 1-21 de Mabilloii.

On la retrouve, arrêtée à cet endroit, dans plusieurs xnanuscrits , cités par Mabillon et par d'autres , en particulier dans celui de Vérone, publié par Fr. Bian- chini (1). Viennent ensuite quelques suppléments, relatifs aux particularités qu'offre le service quand le pape est empêché, et encore à certaines fêtes ou cer- tains temps de Tannée ; ces suppléments sont propres au manuscrit de Saint-Gall, qui forme la base de Té- dition de Mabillon. On peut y joindre les chapi- tres 48-51, qui se rencontrent aussi dans le manuscrit de Vérone et qui ont le même caractère de supplé- ment. Quant aux chapitres 27-47, c'est la description des cérémonies de la fin du Carême et de la semaine sainte. Un autre directoire pour les mêmes cérémo- nies, mais prolongé jusqu'à la fin de la semaine pas- cale, est joint en appendice à VOrdo 1 dans l'édition de Mabillon. Ce sont deux rédactions, la seconde plus complète, du même Or do pascal. Elles ne se trouvent pas dans les mêmes manuscrits.

(1) Anast. BihUt t. III, p. xzxix.

140 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Amalaire, chorévêque de Metz, publia, vers l'année 830 , un ouvrage en quatre livres , intitulé De officiii ecclesiasticis . C'est un commentaire des cérémonies li- turgiques et de l'office divin. Parmi les documents dont il se servit pour le composer , il y avait un Ordo Romanus , qu'il cite fort souvent , comme une grande autorité. On y retrouve le texte de VOrdo I de Mabii- lon , y compris les chapitres sur les cérémonies pas- cales. Ceux-ci sont donc fort anciens ; cependant ils ne correspondaient pas à l'usage réel de Rome, et Amalaire eut Toccasion d'en faire l'expérience dans un voyage qu'il fit à Rome en 832, précisément pour ses études sur la liturgie. Le pape Grégoire IV le mit en rapport avec son archidiacre, Théodore, qui lui donna tous les éclaircissements qu'il demandait. Il est à remarquer que, presque chaque fois qu'il s'agissait des cérémonies pascales, le témoignage de l'archidia- cre donnait un démenti à VOrdo, Le pauvre Amalaire fut obligé de constater que son document laissait à désirer (1).

Du reste, il n'est pas besoin d'un long examen pour reconnaître que VOrdo pascal n'a pas la physionomie romaine de VOrdo de la messe. En ouvrant celui-ci , nous nous sentons transportés à Rome, au milieu du clergé romain, distribué en sept régions, avec des jours de service spécial pour chaque région. L'offi- ciant , c'est le pape lui-même , domnus apostolicus^ qui se montre entouré des grands dignitaires de sa cour , leprimicier, le secondicier, le sacellaire, le nomen- clateur et autres. Il part de son palais de Latran et se rend à cheval, en procession, à quelqu'une des basili-

(1) Ses ennemis ne manquèrent pas de tirer parti de cela. Plonis, Adv. Amalarium, 1,1 : a Libellum Romani ordinis tantae auctori* tatis habet ut eum pêne ad verbum nitatur exponere ; et tamen sta- tim sibi ipse contrarius asserit hune Romano archidiacono cuius tra- ditionibus gloriatur ignotum. »

\

\

M LB6 LIYRBS DB LITURGIB LATINB. 141

F çues de Rome. Tous ces détails sont évidemment

^applicables ailleurs. Dans VOrdo pascal, au contraire,

•DOTis nous trouvons dans une ville quelconque et nous

voyons officier un pontife ordinaire, un évoque, quel-

q;uiefois même un abbé. C'est encore Tusage romain ,

ais tel qu'on l'observe ailleurs qu'à Rome , et non

SUIS combinaison avec des coutumes inconnues autour

pape.

On ne saurait donc accorder à cet Ordo pascal la

xanéme confiance qu'au reste. Il contient sans doute

eaucoup de détails romains, mais qui, dans tous les

as, doivent être contrôlés d'après des documents plus

siirs.

Parmi ceux-ci figure un fragment d'Ordo pascal re- t*TOuvé par M. de Rossi dans le célèbre manuscrit épi- graphique et topographique d'Einsiedeln , et publié par lui dans le tome II de ses Imcriptiones christianae^ p. 34. Il ne contient que les trois derniers jours de la semaine sainte; mais il est absolument romain.

VOrdo Vil de Mabillon, relatif aux cérémonies de l'initiation chrétienae , catéchuménat , baptême, con- flnnation, n'est pas moins documenté que VOrdo L Comme lui , il a été publié d'après des manuscrits du neuvième siècle; avant la mort de Cliarlemagne , l'évêque d'Amiens, Jessé, le commenta et même le transcrivit en grande partie dans son Epistola de bap- tismo (1). Il doit même remonter beaucoup plus haut, car il figure presque tout entier dans le sacramentaire

gélasien. Quant à VOrdo VIII et à VOrdo IX, je ne puis citer

d'autres marques extrinsèques de leur antiquité, que leur présence dans des manuscrits du neuvième siè- cle. Il sont d'ailleurs de fort bonne note : comme le précédent, ils supposent que les cérémonies se passent

(1) Migne, P. L., t. CV, p. 781.

142 OaiOINES DU CULTE CHRÉTIEN.

à Rome et sont présidées par le pape en personne.

J'ai trouvé dans le manuscrit latin n*" 974 de la bi- bliothèque nationale , qui provient de Tabbaye de Saint- Amand, tout un groupe d'Ordines romani qui me semble avoir échappé jusqu'ici aux liturgistes. Le manuscrit contient des traités de saint Augustin ; on a profité de quelques feuillets vacants, au commen- cement et à la fin, pour y transcrire les Ordines. Leur texte, comme celui du saint Augustin, est du neuvième siècle. Il comprend : l*" la description de la messe stationale ; les cérémonies pascales ; 3** Tor- dre de la litanie majeure; Tordination des prêtres et des diacres ; b"" la dédicace des églises ; &"* la pro- cession de la Chandeleur. Pour toutes ces cérémonies, le rituel est strictement romain , romain de Rome ; le pape est toujours censé présent et officiant (1).

UOrdo de la messe stationale, dans Tétat il nous est parvenu, est certainement postérieur à saint Gré- goire. On y trouve diverses prescriptions que nous savons avoir été introduites ou rétablies par lui. Ainsi il y a dans Tescorte du pape des défenseurs régionnai- res, dignitaires créés par saint Grégoire (2) ; le graduel est exécuté par un chantre et non plus par un diacre, conformément à la règle promulguée dans le concile romain de 595 ; le Pater est placé avant le Paœ Domini, modification que saint Grégoire atteste lui-même (3) avoir introduite. Mais on ne saurait affirmer que tout ce rituel remonte au temps de saint Grégoire et au com- mencement du septième siècle. La mention des dia- conies, la désignation du palais de Latran par le nom àepatriarchiimi{i), le grand développement delà cour

(1) On trouvera, dans Tappendice à ce volume, le texte de ces Ordines et celui de M. de Rossi.

(2) Ep, VIII, 14.

(3) Ep. IX, 12.

(4) Lit. pontif.y t. I, p. 364, note 6. Le palais pontifical était, au

LBS LITRBS DB LITURGIE LATIIiS. f 43

ntificale, tout cela sent plutôt le septième siècle aucé. Du reste VAgrms Dei est mentionné , et nous vous que ce chant fut introduit par le pape Ser- 5us (687-701) (1). C'est donc tout à fait à la fin du sep- Lème siècle, ou plutôt au siècle suivant, que je place- ôis la rédaction de VOrdo tel que nous Tavons. Encore ut-il descendre plus bas, au moins pour certains d'en- les suppléments, car dans Tun de ceux-ci (c. 24), il st question du roi Charles et du temps siégeait le ape Hadrien. Pour cette partie additionnelle , VOrdo 'est pas antérieur à 795.

§ 2. Livres gallicans.

Le Miss&le gothicum (2).

Ce précieux manuscrit porte le 317 dans le fonds de la Reine, au Vatican. Il provient de la bibliothè- que Petau. D'après certains détails de son contenu (3) , on a pu établir qu'il a été exécuté pour l'église d'Au- tun. Tommasi, qui l'édita le premier, et Mabillon, qui le publia d'après lui, ont cru à tort qu'il provenait de la province de Narbonne, soumise aux rois Wisigoths. Cette appréciation semble leur avoir été suggérée par une note écrite au XV® siècle en tète du manuscrit : Missale gothicum. 11 ne faut pas non plus prendre au pied de la lettre ce qu'en dit Mabillon quand il y voit

huitième siècle , appelé episcopium ; la désignation de patriarchium n'apparaît pas, dans le L. P., avant la notice de Sergius (ibid.y p. 371, ligne 10).

(1) Lib. pontif., t. I, p. 376.

(2) Delisle, SacramentaireSy n* 3. Editions par Tommasi, Mabillon, Muratori, II. ce. Cf. Neale et Forbes, The ancient liturgy of the gai- lican churchy p. 32. Le De liturgia gallicana de Mabillon a été réimprimé dans le tome LXXII de la Patrologie latine de Migne, avec tous les textes édités ou réédités par l'illustre bénédictin.

(3) n contient des messes spéciales pour les fêtes de saint Sympho- rien et de saint Léger.

144 ORIGINES DU GULTB CHRÉTIEN.

le purus ordo gallicamis. En fait, ce sacramentadre contient beaucoup d'éléments romains.

Deux messes manquent au commencement , à en juger par la numérotation de celles qui suivent. La série conservée s'ouvre par la messe de la vigile de Noël. Après TEpiphanie on trouve quelques messes en rhonneur de divers saints, puis vient le temps du Carême et de Pâques , les fêtes de l'Invention de la sainte Croix, de saint Jean TEvangéliste , les Roga- tions, l'Ascension et la Pentecôte, enfin d'autres mes- ses en l'honneur des saints , soit propres à certaines fêtes, soit communes , et six messes pour les diman- ches. Le volume , mutilé à la fin , s'interrompt dans une missa cotidiana Romensis dont la première oraison seule est donnée. Sauf cette dernière pièce, toutes les formules sont disposées suivant l'ordre de la messe gallicane ; mais beaucoup d'entre elles , surtout dan^ les messes en l'honneur des saints, sont des formule romaines.

Il y a une messe en l'honneur de saint Léger, oi l'on parle de ses reliques comme répandues dans toute la Gaule. Saint Léger, évêque d'Autun, est mort en 678. Le manuscrit ne peut donc être antérieur aux dernières années du septième siècle. Au jugement de M. Delisle, on ne peut guère en abaisser la date au delà du commencement du siècle suivant.

8* Le Missale gallicanum vêtus (1).

Ce sacramentaire, de même date que le précédent, porte le n*" 493 dans le fonds palatin, à la bibliothèque du Vatican. Il est fort mutilé. Les fragments ne sont même pas tout à fait en ordre dans le manuscrit ; mais

(1) Delisle, n* 5. Editions de Tommasi, Mabillon, Muratori, Neale et Forbes.

■^

LBS LIYRBS DE LITURGIE LATINE. 145

•emier éditeur, Tommasi, les a disposés comme

Qvenait.

i y trouve d'abord une messe en l'honneur de

Germain d'Auxerre , suivie de prières pour la diction des vierges et des veuves. Après une la-

se présentent deux messes in Adventu Domini ,

de la vigile de Noël et les prières pour la nuit mte , interrompues par une autre lacune. Au de celle-ci on se trouve au milieu des rites du ihuménat et de la Traditio symboli, afférente au nche avant Pâques, suivant le rit gallican. Puis, > une troisième lacune, viennent les cérémonies , semaine sainte , des fêtes de Pâques et la suite ropre du temps jusqu'à la messe des Rogations, ! texte s'interrompt.

ns les endroits ce sacramentaire peut être ^aré avec le précédent , on trouve beaucoup de aies identiques. Ni l'un ni l'autre n'est complet.

reconstituer certaines séries de prières il faut uppléer l'un par l'autre. Du reste , il y a ici , Qe dans le sacramentaire d'Autun, une forte pro- 3n d'éléments romains.

/ 9* Les messes de Mono (1).

Mone (2) publia , en 1850 , un recueil de onze es gallicanes , déchiffrées dans un manuscrit pa- ;este provenant de Reichenau. L'écriture est iale de la fin du septième siècle (3). D'après une ajoutée après coup , à la fin du manuscrit , ce-

elisle, !!• 8 1).

ateinische und griechische Messen aus dem zweiten bis sech» irhundert, Francfort, 1850. Cf. Migne, P. L., t. CXXXVIII, Neales et Forbes, op. cit.^ p. 1. elisle, /. c, p. 82.

lu

146 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

lui-ci aurait appartenu à Jean II, évéque de Cons- tance (760-781).

Ces textes ont, sur les précédents, l'avantage d'être absolument gallicans, sans aucun mélange d'éléments romains. Malheureusement, sauf une messe en Thon- neur saint Germain d'Auxerre (1), toutes les autres sont des messes de jours ou de dimanches ordinaires, sans rapport à une fête spéciale. A chaque messe il y a deux contestationes ^ ou préfaces, au choix de l'of- ficiant. L'une des messes est toute entière en vers hexamètres, particularité unique dans Tensemble des textes liturgiques connus jusqu'à présent.

A ce fragment de sacramentaire il faut joindre quelques feuillets palimpsestes publiés par Am. Pey- ron. Mai, Bunsen. Les fragments de Mai et de Pey- ron paraissent provenir du même manuscrit de la. bibliothèque ambrosienne (2). Ceux de Bunsen ont étéi déchiffrés dans un manuscrit de Saint-Gall (3). Tous- ces débris sont de facture gallicane très bien marquée. On n'en pourrait dire autant d'un dernier fragment publié récemment par M. Bickell, d'après un manus- crit de Cambridge (4); il contient une partie de la messe de Noël , composée presque entièrement avec des oraisons romaines.

(1) Cette messe est tout différente de celle du Missale gallicanum,

(2) M 12 (ou 14) sup. Ceux de Peyron âgurent dans son livre inti- tulé : M. T. Ciceronis orationum fragmenta inedita, Stuttgard, 1824, p. 226 ; ceux de Mai , dans ses Script. Vett, , t. HI ,2» p. , p. 247. M. C.-E. Hammond a réimprimé les premiers dans sa brochure Thé ancient liturgy of Antioch^ p. 51 ; les autres dans son Liturgies eaê- tern und western, p. lxxxi. Ces derniers figurent aussi dans la Pa- trologie de Migne, à la suite des messes de Mone, t. c, p. 883.

(3) Bunsen, Anal, antenicaena^ t. III, p. 263 ; Hammond, LitUrgy of Antioch , p, 53.

(4) Zeitschrift fur katholische Théologie, 1882, p. 370.

LB8 LIYRBS DE LITUR&IB LATINB. 147

10* Le lectionnaire Luzeuil.

Ce manuscrit, 9427 de la Bibliothèque nationale , ontient les leçons des messes de l'année ecclésiasti- ue. Il est en minuscule du septième siècle. Mabillon B trouva à Tabbaye de Luxeuil et le publia dans son )e liturgia galliccma. Cette publication n'est pas in- égrale, Mai)illon n'ayant pas jugé utile de repro- iuire dans leur entier des textes connus d'ailleurs ; Is se borne à donner le commencement et la fin de ihaque leçon, avec les références opportunes ; mais 1 donne toutes les rubriques, qui sont ce qu'il y a de )lus important à connaître.

Le lectionnaire de Luxeuil est un livre purement gallican, sans la moindre trace d'éléments romains. [1 est disposé suivant l'ordre de l'année ecclésiastique gallicane, et c'est son grand intérêt. Les fêtes des saints sont peu nombreuses ; celle de sainte Gene- viève est la seule qui pourrait fournir quelque indi- cation sur l'origine du manuscrit. Quoiqu'il ait été trouvé à Luxeuil, il ne présente aucun détail qui se rapporte particulièrement à cette région.

11* Les lettres de saint Germain de Paris.

Il faut compter au nombre des documents les plus ^^écieux pour l'étude de la liturgie gallicane deux ^ttres publiées par Martène (1), d'après un manuscrit -^utun. La première porte en tête l'indication Germa- ^-*^ episcopus Parisius scripsit de missa. Je ne vois pas ^'il y ait la moindre raison de contester cette attri- ^tion. Saint Germain de Paris (v. 555-576) est célè- ''ï^e (2) pour son zèle à célébrer dignement les saints

(1) Thea. anecdot,, t. V. Cf. Migne, P. L.. t. LXXII, p. 89.

(2) Fortunat, Carm., II, 9.

148 ORIGINES OU CULTE CHRÉTIEN.

offices; il n'est pas étonnant qu'il se soit donné la peine d'écrire quelques pages sur le sens symbolique des rites de la liturgie. Tel est en effet le sujet traita dans les deux lettres ; la première est consacrée à h messe, la seconde à certains détails spéciaux, aux ce rémonies extraordinaires, aux vêtements liturgiques Pour expliquer les rites, le vénérable auteur est oblige d'en faire une description sommaire, et c'est ce qu fait pour nous l'intérêt de son exposition (1).

12* Livres bretons, irlandais, etc.

Les anciens manuscrits liturgiques provenant des Iles Britanniques sont, à une seule exception près, des li vres mixtes, romains pour le fond, mais gallicans poui certains détails. Le plus important est le « missel d( Stowe (2) » qui contient, à la suite de l'évangile d( saint Jean, un ordinaire de la messe, puis les prières de trois messes spéciales, un Ordo baptismi , un Ordi ad infirmum visitandum, enfin un traité en irlandaiî sur les cérémonies de la messe. Tout n'y est pas di la même écriture. Les textes latins sont en partie di huitième siècle, en partie du dixième. C'est la seconde main qui a écrit presque toutes les rubriques ; elle i aussi ajouté beaucoup de choses dans les espaces lais- sés d'abord en blanc ou même sur l'ancien texte préalablement gratté. Le commencement du canoi appartient à cette seconde écriture, de même que li rubrique Canon dominicus papae Gilasi, à laquelle il ne

(1) On peut tirer des lettres de saint Germain une sorte d'Ord( gallicanus. Le IV* concile de Tolède (c. 25) ordonne aux évéques d< remettre à chacun dos prêtres qu'ils envoient gouverner une paroisse un libellus officialis pour les diriger dans l'accomplissement des cé- rémonies du culte. Aucun livre de ce genre n'est venu jusqu'à nous

(î) Publié par Warren, The Liturgy and rilual of Vie Celtic church Oxford, 1881, p. 207-248. Cf. Whitley Stokes, The Irish passages ii thn Stowe missal, Calcutta, 1881.

LES LITRES DE LITURGIE LATINE. 149

convient pas d'ajouter trop de confiance. En fait nous avons ici le canon romain ordinaire , dans sa forme grégorienne, c'est-à-dire avec la finale diesque nostros îtc, dans le Hanc igiPur, Il est seulement interpolé, à livers endroits, soit de première, soit de deuxième lain. Parmi ces interpolations, une des plus curieuses st celle du Mémento des défunts (première main) ; on

voit nommés une série de justes, depuis Abel jus- U-'aux saints irlandais du sixième siècle. On y trouve iJ-Ssi les noms du pape saint Grégoire et des trois c*emiers successeurs de saint Augustin sur le siège s Cantorbéry, Laurent, Mellitus et Justus. Ce der- î^OT mourut vers l'année 627; c'est le plus jeune des tints nommés ici.

Quelques fragments gallicans se remarquent dans livre de Deer, évangéliaire de la bibliothèque de u.iiiversité de Cambridge (1), qui provient de l'Ecosse, ^ns les livres irlandais de Dimma (2), de Mul- Q.g (3) et dans un manuscrit de Saint-Gall (4). Mais ^ ne sont que de faibles vestiges.

En revanche nous possédons encore un livre litur- icjue irlandais absolument exempt de toute trace d'in- Vience romaine. C'est l'Antiphonaire de Bangor (5). '^ manuscrit, actuellement conservé à la bibliothèque ■txibrosienne, est daté par le morceau qui le termine, '-ïie énumération des abbés du monastère de Ban- îor (6), depuis le fondateur saint Comgill, jusqu'à 'abbé en fonctions, Croiian, qui siégea de 680 à 691.

(1) Warren, l. c, p. 164.

(2) Ibid., p. 167.

(3) Ibid., p. 171.

(4) N- 1394 ; Warren, ibid., p. 177.

(5) Publié par Muratori, Anecdota bibl. Ambrosianae, t. IV, p. 121 ; dltion répétée dans la Patrologie latine de Migne, t. LXXII, p. 582.

(6) l\ ne faut pas confondre ce monastère de Bangor, situé dans le omté de Down, en Irlande, avec le monastère de Bangor, dans le ays de Galles, dont parle Bédé, Hist. eccl,, II, 2.

150 ORIGINES DU GULTB GHBÉTIBN.

Il contient un certain nombre d*hymnes pour rofflce de matines, puis diverses oraisons relatives au même office, enfin quelques antiennes et autres petites piè- ces.

13* Le sacramentaire gallican (1).

Il me reste à décrire un livre qui , comme plu- part des anciens manuscrits liturgiques, a reçu de son premier éditeur une désignation inexacte. C*est le Sacramentarium gallicanum de Mabillon. De même que le Missale gothicum et le Missale gallicamm sont ainsi appelés , quoiqu'ils ne soient pas des mis- sels, mais des sacramentaires, de même le Sacrarrmr torium gallicanum porte ce titre, bien qu'il ne soit pas un sacramentaire, mais un missel. Mabillon le trouva à Bobbio et le publia dans son Musaeum Italicum (2). Le manuscrit , envoyé à Saint-Germain des Prés au moment de l'édition, y demeura depuis. Il est main- tenant à la bibliothèque nationale (n** 13246). M. De- lisle le fait remonter au septième siècle.

Malgré cette haute antiquité, le missel de Bobbio n'est qu'un des plus médiocres témoins de l'usag© gallican. Il commence par une missa Romensis cotti" diana, les deux usages gallican et romain scal^ combinés d'une façon spéciale. Jusqu'à la préface 9 tout le rituel est gallican ; depuis la préface, tout es* romain. Viennent ensuite les messes et cérémonies 4^ Tannée ecclésiastique : la série s'ouvre par tfois messes in adventum Domini^ avant la vigile de Noël ; les fêt^S des saints sont peu nombreuses ; il y a une messe ©^ rhonneur de saint Sigismond, pour les malades attelants de la fièvre quartaine. Pour chacune des messes oï^

(1) Delislo, !!• 6.

(2) T. I, p. Cf. Migne, P. L., t. LXXII, p. 451 ; Muratori, EZ^U- Rom., t. II, p. 775; Neales et Porbes, op, cit., p. 205.

LBd LIYBÈST DE LITURGIE LATINE. 151

trouve d'aboï*d lie texte des trois leçons gallicanes, pms viennent leâ quatre oraisons avant la préface, enfin celle-ci , sous la rubrique Contestatio. Aucune des messes n'est prolongée au delà du Sanctus, ce qui suppose qu'on les terminait toutes comme la missa Romensis cottidiana du commencement.

Mabillon pense que le missel de Bobbio pourrait provenir de la province de Besançon, se trouvait Luxeuil, métropole monastique du couvent italien. Il Toit dans la messe de saint Sigismond un indice en faveur de cette conjecture. Je ne sais s'il a raison. La messe de saint Sigismond n'est pas une messe pour Tanniversaire de ce saint, mais pour la guérison des fiévreux dont il était considéré comme le patron, et cela bien ailleurs qu'en Séquanaise et en Bourgogne. J'io- sisterais plutôt sur le lieu d'où vient le manuscrit et sur ce que le nom de saint Ambroise figure au canon de la messe , particularité qui ne se rencontre dans aucun sacramentaire gallican ou frank. Déplus, le rit romain est combiné ici avec le rit gallican d'une façon particulière , tout à fait différente des systèmes de combinaisons que nous trouvons dans les manus- crits franks des derniers temps mérovingiens. Ce n'est pas tout à fait la liturgie ambrosienne, mais c'est quel- que chose d'analogue. Le canonromain est franchement ^opté, plus complètement même que dans le rit am- brosien, qui a maintenu ici quelques particularités.

14* Livres ambrosiens.

Les collections de l'Italie du Nord, particulièrement ^Ambrosienne de Milan et le trésor de la cathédrale ^^ cette même ville ont- conservé un assez grand nom- *5^ de manuscrits liturgiques à l'usage des églises de ^*t ambrosien. Les plus anciens sont du dixième siè- ^1^. La tête de la série est représentée par le sacra-

152 ORIGINES DU GULTB CHRÉTIEN.

meiitaire de Biasca (1) , d'une exécution assez gros- sière, comme on peut s'y attendre, puisqu'il s'agit d'ur livre à l'usage d'une paroisse de campagne. Dans les livres ambrosiens, l'année ecclésiastique commence i la Saint-Martin (11 novembre) ; l'ordinaire de la messe est placé après la semaine de la Pentecôte, au miliei] du volume. Outre les sacramentaires , il y a aussi quelques antiphonaires. Malheureusement on ne trouve nulle part, dans ces vieux livres , les rites de la confinnation , de l'ordination , de la dédicace des églises.

(1) Ambros., A 24 bis inf. ; Delisle, n" 71. H n'entre pas dans mou plan de décrire, même sommairement, les manuscrits de la liturgie ambrosienne, et je ne les ai pas étudiés assez longtemps pour être é même de le faire. Le peu de temps que j'ai pu leur consacrer m'f beaucoup appris, grâce à cette circonstance que j'avais pour guid( le savant le plus versé dans l'étude de la liturgie milanaise, M. Vabbi Geriani. H faut espérer qu'il publiera un jour les résultats de ses Ion gués et consciencieuses recherches. En attendant, on trouvera, dam le mémoire de M. L. Delisle, p. 198 et suiv., la description des plui anciens sacramentaires ambrosiens.

CHAPITRE VI.

LA MESSE ROMAINE.

Les Ordines Romani nous décrivent la messe sta- tionale, celle que célébrait le pape en personne, dans les grandes réunions liturgiques tout le clergé et tous les fidèles étaient convoqués et même censés pré- sents. Les prêtres, dans leurs églises titulaires (1), dans les églises et chapelles des cimetières, dans les ora- toires des monastères, des diaconies, des maisons particulières, célébraient suivant un rite identique pour le fond, mais dépourvu de solennité. Le prêtre cardinal n'avait à sa disposition que des clercs infé- rieurs, des acolytes; il était obligé de remplir lui- même beaucoup de fonctions qui , à la messe solen- nelle, étaient confiées aux diacres. Cette disparité ne tenait pas à la différence de rang entre le prêtre et Tévêque, car il arrivait assez souvent que, le pape se trouvant empêché , la messe stationale fût célébrée par un prêtre ; alors le cérémonial n'était guère moins imposant et compliqué que si le pape eût été présent. Ce n'était pas non plus le lieu de la station qui fai-

(1) Le P. de Smedt, dans le mémoire cité plus haut, p. 10, note 2, a émis l'idée que les prêtres de Rome n'avaient pas le droit de célé- brer l'Eucharistie dans les églises titulaires. Ce système, qui repose sur une interprétation inexacte de l'ancien usage du fermentum (v. Liber pontif.^ t. I, p. 169, note 4), me paraît tout à fait insoute- nable.

154 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

sait la différence. On pouvait célébrer des messes privées à Saint-Pierre, à la basilique Constantinienne du Latran, à Sainte-Marie-Majeure; réciproquement, il arrivait très souvent que la messe stationale , avec toute sa pompe, fût célébrée dans une église presbyté- rale. On peut même dire que toutes ces églises , ou presque toutes, avaient, au moins une fois chaque an- née, rhonneur d'être désignées comme lieu de station. La différence tenait au caractère de l'assistance. Aux messes des chapelles, des cimetières, des titres pres- bytéraux, et même des grandes basiliques, hors les jours de station, il n'y avait qu'une assistance privée, une famille, une corporation, un quartier, un groupe quelconque de fidèles indigènes ou de pèlerins. La messe était une messe privée. La messe publique, c'était la messe stationale, celle à laquelle toute l'église était censée prendre part.

C'est évidemment celle qui correspond le mieux au caractère primitif de l'institution et celle qui se recom- mande le plus à l'étude. Telle qu'elle est décrite dans les Ordines du huitième et du neuvième siècle, elle comporte un cérémonial fort postérieur à l'âge anti- que ; la cour pontificale, déjà très développée, y tient une place considérable ; les divers groupes de clercs, classés par ordres et par régions, la corporation des chantres, les staurofores de quartier, la hiérarchie mi- litaire et civile, tout le monde a son rôle dans ces pompes du culte. Je laisserai dans VOrdo tout ce qui regarde cette partie du cérémonial et je ne m'atta- 'cherai qu'aux rites essentiels, communs à la liturgie romaine et aux autres liturgies.

1* Entrée de Tofficiant.

L'assemblée des fidèles est réunie ; les prêtres, aux- quels se joignent les évêques présents à Rome, ont

LA MESSE ROMAINE. 155

pris place dans l'abside, réservée au clergé supérieur. Le pontife et ses diacres partent du secretarium ou sacristie, édicule situé vers l'entrée de l'église, et s'avancent vers l'autel. Les ordines du huitième siè- cle nous les représentent revêtus de leurs costumes liturgiques, précédés de sous-diacres, dont l'un ba- lance l'encensoir (1) et de sept acolytes portant des cierges (2). Pendant cette procession, le chœur [schola cantorum) exécute Tantiphone ad introitum, A l'origine cette antiphone comportait le chant du psaume entier ou au moins de plusieurs versets ; on ne s'arrêtait que quand le pontife était parvenu à Tautel. Avant d'y arrriver, il rencontrait un clerc qui lui apportait un fragment de pain consacré , provenant d'une messe précédente. Cette parcelle eucharistique était desti- née à être placée dans le calice avant la cérémonie de la « Fraction du pain (3). » En entrant dans le sanctuaire, le pape donnait le baiser de paix au premier des évêques, au premier des prêtres et à tous ses diacres , puis il allait se prosterner devant la table

(1) A en juger par les ordines et autres livres liturgiques, ainsi que par les énumérations de mobilier sacré que Ton trouve dans le Liber pontificalis , Tencensoir portatif n'était usité à Rome , jusqu'au neu- vième siècle, que pour les processions. On parfumait ainsi la voie que le cortège devait suivre. Quant aux encensements de l'autel , de l'église, des membres du clergé ou de l'assistance , il n'en est jamais question.

(2) Je soupçonne qu'il doit y avoir un rapport entre la coutume de porter ainsi des cierges devant le pape et aussi devant le livre des Evangiles, à certains moments , et les cierges figurés parmi les insi- gnes des plus hauts dignitaires de l'empire romain, dans la Notitia dignitalum imperii,

(3) h'Ordo porte que le pontife salutat sancta. C'est, je crois, à cette rencontre du pape et de l'Eucharistie que se rattache une cérémonie actuellement en usage à la messe solennelle célébrée par le pape. On expose le Saint-Sacrement dans une des chapelles qui se trouvent sur le parcours de la procession, entre le secretarium et l'autel. Arrivé devant cette chapelle , le pape s'arrête et s'agenouille quelque temps devant le Saint-Sacrement. Ce rap|vochement m'a été suggéré par M. de Rossi,

156 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

sainte. Quelques instants avant son arrivée on y avait porté solennellement le livre des évangiles, qui s'y trouvait déposé. Après la prostration , les diacres al- laient deux à deux baiser Tautel sur les côtés; le pontife s'en approchait aussi et le baisait, ainsi que le livre des évangiles.

Il est difficile d'assigner une date précise à cette cérémonie. Dans tous les rites l'entrée de l'officiant fut de bonne heure entourée de quelque pompe. On ne se trompera pas de beaucoup en rapportant au cinquième siècle au moins la plupart des détails qui viennent d'être décrits.

2* Chants préliminaires.

Le Kyrie eleison doit être considéré comme le résidu de la prière litanique ou dialoguée entre l'un des ministres sacrés et l'assistance entière. Cette forme de prière joue, comme on l'a vu, un très grand rôle dans les liturgies grecques. La liturgie de Constanti- nople contient une litanie au commencement de la messe, avant l'entrée des célébrants. A Rome, il sem- ble bien qu'elle ait formé jadis le début de la liturgie. Il était de règle, au huitième siècle, que les jours de litanie, c'est-à-dire les jours l'on venait en proces- sion générale à l'église de la station , on ne chantât ni Kyrie ^ ni Gloria ; la réunion s'ouvrait par le Pax vo- bis et la première oraison. De même le Kyrie était sup- primé, les jours d'ordination, parce que l'on chan- tait la litanie après le graduel. Maintenant encore, le Kyrie eleison^ à la messe du samedi saint, n'est autre chose ^ue la finale de la Ktanie par laquelle cette messe commence (1). Saint Grégoire (2) atteste que,

(1) Cette corrélation du Kyrie et de la litanie est encore très appa- rente dans les Ordines du douzième siècle.

(2) Ep. IX, 12 : « In quotidianis missis aliqua quae dici soient ta-

LA MESSE ROMAINE. 157

de son temps, les mots Kyrie eleison et Christe eleison étaient, sauf aux messes quotidiennes, accompagnés d'autres formules ; sans doute une litanie , plus ou moius allongée.

La litanie des saints actuellement en usage nous a conservé cette antique forme de la prière dialoguée, telle qu'elle était prononcée dans l'église romaine. Sans doute elle a subi beaucoup de développements , surtout dans la première partie , qui contient les in- vocations aux saints. Mais la fin, celle Ton répond Terogamus, audi nos, a une touche tout à fait antique; elle ressemble beaucoup aux prières litaniques en usage dans l'église grecque; bien qu'elle ne soit attestée que par des textes du huitième siècle, il est probable qu'elle remonte beaucoup plus haut. Il est d'ailleurs évident que la coordination du ! iyrie eleison avec la litanie n'a pas lieu , à Rome, de I la même façon que dans les églises orientales. A Rome, cette invocation se place au commencement et à la fin de la litanie; elle est récitée alterna- tivement par le préchantre et par les fidèles. En Orient elle constitue la réponse du peuple aux deman- des de la litanie diaconale. Saint Grégoire remarquait ^éjà cette diJBférence (1). Elle vient de ce que, à Rome, '6 Kyrie eleison est adventice, comme il l'est du reste ^9,ns tous les pays d'Occident (2). On ne pouvait sup-

»

^®ïïms, tantiunmodo Kyrie eleison et Christe eleison dicimus, ut in ^*s deprecationis vocibus paulo diutius occupemur. »

(1) Ep. IX, 12 : « Kyrie eleison autem nos neque diximus neque **icimn8 sicut a Graecis dicitur, quia in Graeciis simul omnes di- ^^nt, apud nos autem a clericis dicitur et a populo respondetur; et ^^tidem vicibus etiam Christe eleison dicitur, quod apud Graecos

. *^Villo modo dicitur. »

(2) Concile de Vaison (529), c. 3 : « Et quia tam in sede apostolica ^Viam etiam per totas orientales atque Italiae provincias dulcis et ni- ^ïàium salutaris consuetudo est intromissa ut Kyrie eleison frequen- ^i"U8 cum grandi affectu et compunctione dicatur, » etc. Le concile Conclut à l'adoption de cette coutume par les églises de la province

158 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

primer la formule Te rogamus^ audi nos^ qui, dans la litanie romaine, joue le même rôle que le Kyrie eleison dans la litanie grecque. Il fallut trouver à celui-ci une autre place. Chose assez singulière, le Kyrie eleison qui est plus jeune, à Rome, que la litanie, s*est maintenu dans le service de la messe, tandis que la litanie , plus ancienne que lui, en a été à peu près éliminée.

Le Gloria in excelsis, Cet hymne est, comime le Kyrie ^ d'importation grecque. On le trouve, sous une forme un peu différente , il est vrai, dans les ConsH* tutions apostoliques (1) (VII, 47) et dans les appendi- ces de la Bible grecque , à la fin du codeœ Alexandrie nus (cinquième siècle). C'était un hymne matinal; il faisait partie de l'office de matines, et non de la litur- gie proprement dite. A Rome on l'introduisit d'abord à la première messe de Noël , qui se célébrait avant le jour. Le pape Symmaque en étendit l'usage aux dimanches et aux fêtes des martyrs (2) , mais seule-

d* Arles, qui ne la connaissaient pas encore. Le mot intromissa ne devrait pas s'étendre aux églises d'Orient, car il est sûr qu'elles avaient le Kyrie eleison dés la plus haute antiquité : la rédaction du canon est un peu défectueuse sur ce point. Mais il est clair que le concile de Vaison considérait comme une importation d'assez fraîche date le Kyrie eleison alors usité à Rome et en Italie (Milan).

(1) Voici le texte des Constitutions : a A6Ea év {k|/C<txoic Becp xai M Y^C etpi^vT), êv àvOptbiroiç eûSoxCa.

» AlvoO(iév (TE, 0(ivoO{Aév ce, euXoYoO(iév «re, 6oÇoXoYoû(tév «re, TCpo<niuvoO* \U\ (je 6ià ToO (ieYà>ou àpxtepécoç, aè, xàv 5vTa 6eàv, à^éwriTov Sva, &icp6- (TiTOv (lovov, 6ià xiîv {teY<^XY)v aou fiô^av,

» Kupie, paciXeO ÈTroupdivie. 6eè nàxep TcavToxpàTop ,

» Kupie 6 Oeèç , ô Tcaxi^p toù XpiaxoD , xoO &(i.w(jiov dfivoù , àç alpei vijy &(iapx(av Tou xodixou , TrpoaSeÇat xVjv SéTjciv ^{kôv , ô xaôiQ(i.evoc èizi T«i>v Xs- pouêl(ji, ÔTi (j\i (lovo; &Y^o(» ^ (lovoç xupioç lïjaoO XpurcoO . toO 6eov nourtic

Les éditions portent , à la fin , 'lT)<roùc Xgiaxoz ; il faut évidemment corriger comme je l'ai fait. Ce texte s'inspire de la doctrine subordi- natienne. On l'a soigneusement corrigé en le transportant dans la liturgie romaine.

(2) Lib, pontif., t. I, p. 129 (Télesphore\ et 263 (Symmaque).

LA MESSE ROMAINE. 159

ment à la messe épiscopale. Les prêtres ne pouvaient le chanter que le jour de Pâques , quand ils rempla- çaient le pape empêché , ou le jour de leur installa- tion dans leurs fonctions sacerdotales (1).

3* Première oraison.

Après le salut à l'assistance , le célébrant invite à la prière d'ouverture , appelée collecta , parce qu'elle se fait au moment l'assemblée achève de se réunir (2). Cette prière est la première des trois « prières collectives (3) » que comporte la messe ro- maine. Les deux autres sont la prière super oblata (secrète), et la prière post communionem.

4* Les lectures et le chant des psaumes.

Dès le commencement du sixième siècle, il n'y avait plus à Rome que deux lectures , l'Epitre et l'Evangile (4). La première est empruntée tantôt à l'Ancien Testament , tantôt au Nouveau (les évangiles exceptés) , mais le plus souvent aux épitres de saint Paul ou aux.épitres catholiques, d'où le nom d'épitre.

A l'origine les lectures avaient été plus nombreu- ses; il est même resté, dans l'usage actuel, plus d'une trace de la leçon prophétique maintenant dispa- rue. D'abord cette leçon subsiste encore à certains

(1) Ord. Rom. /, 25. Cf. VOrdo du manuscrit de Saint-Amand (im- primé à l'appendice), chapitre de l'ordination des prêtres.

(2) Colligere plebem est l'expression ordinaire pour rendre l'idée de réunir, tenir une assemblée liturgique. Le sens du mot collecta ( = collectio y comme missa = missio) est bien déterminé par les rubriques du sacramentaire grégorien, relatives aux jours de litanie. L'oraison indiquée pour l'église d'où part la procession est dite ad collectam, U est inutile de rappeler que les mots grecs «ruvaÇic, <tu- vàyeiv sont les équivalents des termes latins collecta et colligere.

(3) Ci-dessus, p. 101.

(4) L. P., Célestin, t. I, p. 230.

é

160 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

jours de Quatre-Temps et de Carême. Mais ce qu'il y a de plus remarquable, c'est la disposition des chants sacrés entre l'épitre et l'évangile. Ces chants sont toujours au nombre de deux, un psalmus responsorius ou répons , qui porte le nom spécial de Graduel , et V Alléluia (1) auquel se rattache encore un verset de psaume ; pendant le Carême , et autres temps de pé- nitence , ainsi qu'aux messes funéraires, V Alléluia est remplacé par un psaume dont la mélodie a un carac- tère spécial, c'est «le psalmus tractus ou Trait (2). Dans tous les cas il y a toujours un second chant ^ après le graduel. Pourquoi cette dualité? On en _i trouve la raison en considérant que , dans les rares « messes la leçon prophétique s'est conservée , on _ exécute le graduel entre cette leçon et l'épitre et-z: V Alléluia ou le trait entre l'épitre et l'évangile. Ainsi les deux chants ont été d'abord intercalés un à un en- tre les leçons ; puis, la première ayant été supprimée, on les a réunis tous les deux entre l'épitre et l'évan- gile.

La suppression de la leçon prophétique , à Rome , a se faire dans le courant du cinquième siècle. C'est vers le même temps qu'elle fut aussi opérée à Constantinople. La liturgie arménienne , qui est une forme ancienne de la liturgie byzantine, comporte encore les trois leçons , tandis qu'il n'y en a plus que deux dans les plus anciens livres liturgiques de rit byzantin.

(1) Le chant de VAlleluiai est très ancien daiis l'Eglise, mais son adaptation à une place déterminée dans le service divin varie d*iin rit à l'autre. Dans le rit gallican, VAlleluiai était chanté après l'évan- gile , à la procession de l'oblation ; c'est aussi l'usage en Orient, L'AHeiuia avant l'évangile est une spécialité du rit romain. Avant saint Grégoire, on ne le chantait que pendant le temps pascal (JEp. IX, 12),. n paraît même qu'on avait commencé par le chanter seulement le jour de Pâques (Sozomène, Hisi. eccl,, VII, 19).

(2) Ci-dessus, p. 107.

LA MBSSE ROUAINE. 161

J'ai d^à dit que les chants de psaumes intercalés ?^nii les lectures de la messe remontent à la même ^mtiquité que ces lectures elles-mêmes et qu'ils nous "viennent en droite ligne du service religieux des synagogues juives. Dans la liturgie chrétienne ces chants sont la plus ancienne et la plus solennelle représentation du Psautier davidique. Il faut bien se garder de les mettre sur le même pied que les autres chants , Introït , Offertoire , Communion , qui ont été introduits plus tard , et seulement pour occuper l'at- tention pendant de longues cérémonies. Le graduel Btles chants similaires sont exécutés pour eux-mêmes ; pendant qu'on les exécute, célébrants et assistants l'ont rien autre chose à faire que de les écouter. y^si l'antique chant des psaumes qui , dans la pri- mitive église, se mêlait aux lectures des livres sa- îrés (1).

Le nom de Graduel vient de ce que ce psaume se 'hantait sur le grackbs ou ambon, comme les lectures ; l était toujours exécuté par un soliste , et le chœur '^ bornait à reprendre la phrase musicale finale (2). ■•Bs autres chants étaient exécutés in piano, par le 'l^ceur ou schola cantorum. Il était même de règle, i^squ'à saint Grégoire , que le graduel et ses appen- dices fussent chantés par les diacres seuls, comme l'évangile, et cette fonction avait, dans le ministère des diacres, un relief tout spécial. Elle est souvent ïnentionnée dans les épitaphes :

Ps&llere et in populis volui modulante propheta sic merui plebem Chri^ti retinere sacerdos,

(1) On voit par quelle hérésie on commet en remplaçant ces bants par des morceaux d'orgue.

(2) Les régies du chœur prescrivent encore d'exécuter ainsi les nales. Cet usage est très ancien , car il en est fait mention dans les onstitutions apostoliques : « ... Tl; toù; tou Aa6iô tJ/aXXéTO) djjivou; xaî Xctàc ànLooaxixioL ûico4'aXXéTa) » (II, 57). Cf. ci-dessus, p. 107, 108.

11

162 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

dit un évêque, expliquant ainsi comment les fidèles. ravis de son chant, l'ont récompensé en l'élevant à piscopat (1). On lit dans l'épitaphe du diacre Redemp tus, contemporain du pape Damase :

Dulcia nectareo promehat mella canore prophetam celebrans placido modul&mine senem ;

dans celle de Tarchidiacre Deusdedit (V* s.) :

Hic levitarum pHmus in ordine vivens Davitici cantor carminis iste fuit (2) ;

dans celle de Tarchidiacre Sabinus (V* s.) :

[Ast eg\o qui voce psalmos modulatus et arte [diYé]r8is cecini verba sacr&ta sonis (3).

Pour être diacre , il fallait avoir une belle voix posséder à fond Tart de la musique.

A foçce de rechercher cette qualité, on en vint en négliger d'autres plus essentielles. Saint Grégoi crut devoir obvier à cet inconvénient en supprima le privilège des diacres par rapport au chant des psa— mes (4). Mais si le graduel cessa d'être chanté p- les diacres, il continua d'être exécuté en solo.

Les lectures étaient autrefois précédées d'une in vitation au silence, dont la formule s'est conserv-^ dans l'ordre de la cérémonie appelée « Ouvertu- des oreilles » ou « Tradition du Symbole », une des (^ rémonies préparatoires au baptême. C'est le dia(5-:3 qui disait à haute voix : State cum silentio^ audienù^é intente /

(1) De Rossi, Bull,, 1864, p. 55.

(2) De Rossi, Roma soti., t. III, p. 239, 242.

(3) De Rossi, Bull, 1864, p. 33.

(4) Concile de 595, c. 1.

LA MESSE ROMAINE. 163

A^près les leçons, nous devrions trouver Thomélie. ûs à Rome Thomélie paraît être tombée d'assez bonne Jure en désuétude. Saint Grégoire, et, avant lui, saint ion, sont les seuls anciens papes dont il reste des )mélies et même que l'on sache en avoir prononcé, icore les homélies de saint Léon sont-elles courtes réservées à certains jours solennels. Les prêtres mains n'avaient pas le droit de prêcher, et les pa- s voyaient d'un mauvais œil que les autres évoques ssassent prêcher les leurs (1). Sozomène, qui écri- it vers le temps de Xystus III, rapporte que personne > prêchait à Rome (2).

On ne trouve non plus , dans les livres liturgiques 1 huitième siècle, aucune trace du renvoi des caté- lumènes et des pénitents. C'est qu'ils ont été trans- its en un temps la discipline du catéchuménat et ' la pénitence avait subi de grandes modifications. Il r avait plus de catéchumènes adultes , et les péni- its publics étaient ordinairement confinés dans des Uastères. Cependant les anciennes formules de la '^a catechumenorum et de la missa paenitentium se t conservées , la première dans l'ordre baptismal i cité, la seconde dans un récit de saint Grégoire. j our de l'Ouverture des oreilles, le diacre congé- »^ t; les candidats au baptême en disant : Catechumeni ^dant ! Si quis catechumenus est recédât ! Omnes ca- ^^9jimeni exeant foras ! Saint Grégoire raconte (3) que Ï.3: religieuses, excommuniées par saint Benoît, fu- ^t, enterrées dans une église , et que , chaque fois ^ l'on célébrait la messe , au moment le diacre 9tit : Si quis non communicat, det locv/m! leur nour-

0 Lettre du pape Célestin aux évêques de Provence; Jafifé, 381. ^) Sozomène, Hist, eccl.j VII, 19. ^) Dial., II, 23.

^

164 ORirrlNES DU CULTE GHAÉTIBN.

rice les voyait se lever de leurs tombes et sortir du lieu saint. La façon dont Grégoire s'explique : Cftfirm' que, . . ex more diaconus clamarBt , suppose que cette formule de renvoi, ou une formule équivalente, étai encore en usage de son temps , à la flù du sixième siècle.

5* La prière des fidèles.

La messe des catéëhumènes est terminée; la mes -s des fidèles va commencer (1). L'évéque salue de nc^^ veau l'assistance : Dominus vàbiscum / Vuis il l'invîi à la prière : Oremus ! Il est étrange que, pas plus a huitième siècle qu'à présent, cette invitation ne soi suivie d'aucun effet. Personne ûe prie. Le pape et ses assistants vont recueillir les offrandes du peuple et du clergé, le chœur exécute un morceau de chant ; mais aucune prière n'est marquée dans les livres, aucune rubrique ne suppose que l'on en ïasse en particulier et secrètement. Il y a donc ici un hiatus évident; quelque chose a disparu. Et ce quelque chose n est rien moins que la « Prière des fidèles » qui, dans toutes les autres liturgies , se place à ce moment.

Je suis porté à croire que la disparition n'est pas tout à fait complète et que la formule usitée jadis dans l'église romaine s'est conservée dans la série des oraisons solennelles du vendredi saint.

Au huitième siècle , ces oraisons étaient récitées non seulement le vendredi, mais aussi le mercredi de la semaine sainte. Rien , dans leur teneur, ne les rat- tache spécialement aux solennités de la Passion et de

(1) L'usage de chanter le Credo à ce moment de la messe ne s'est introduit à Rome que dans la première moitié du onzième siècle. Bernon, abbé de Reichenau, raconte que, lui présent, Tempereui Henri II réussit à faire accepter cet usage au pape Benoît VÏII (1012' 1024) ; jusque-là les Romains ne le connaissaient pas (De off. missae, c. 2 ; Migne, P. L., t. CXLII, p. 1060).

J^JH MBSaX ROMAINSv 165

la Pâque. Ce sont des prières pour les besoins ordi- naires de l'Eglise, pour la paix, pour Tévêque, pour la Uiérarchie tout entière, jusqu'aux confesseurs (ascè- tes), vierges et veuves; pour l'empereur romain; pour les malades, les pauvres, les prisonniers, les voyageurs, les marins ; pour les hérétiques, les schismatiques, les juifs et les païens. Ce sont les mêmes intentions dont la série revient à plusieurs reprises dans les liturgies quotidiennes des églises orientales. Je conjecture donc que ces oraisons ont fait autrefois partie de la messe romaine ordinaire et qu'elles étaient récitées après les lectures, à l'endroit elles continuèrent d'être récitées , le mercredi et le vendredi saint (1).

&" h*oSra,nde,

Si la liturgie romaine a perdu la solennité de la prière des fidèles , en revanche elle a conservé celle de l'offrande , qui disparut de bonne heure de toutes les autres liturgies (2). Les fidèles apportent le pain et le vin, et non seulement les laïques, mais les clercs, les prêtres , le pape lui-même , chacun doit faire son offrande. Le pape, assisté des évêques et des prêtres, reçoit lui-même les pains ; l'archidiacre et ses collè- gues reçoivent les amulae ou burettes de vin. Cette division des rôles se maintient pendaut toute la céré- monie ; l'espèce du vin est le domaine spécial des diacres.

Pendant l'offrande , le chœur exécute un psaume à répons, appelé Offertorium, Ce chant est d'usage an- cien. 11 fut introduit à Carthage du vivant de saint Augustin. Comme toutes les nouveautés, celle-ci fut

(1) A cette antique prière des fidèles correspondent, dans l'usage actuel, les prières dites du prône, entre Tévangile et l'homélie.

(2) Elle n'est plus d'usage à Rome, mais on la conserve à Milan, et, en France, en certains pays.

r

166 ORI&INES DU CULTE CHRÉTIEN.

critiquée ; un certain Hilaire, personnage de rang tri bunitien {vir tribunitius) , fit à ce propos un tel ta- page que Ton crut devoir prier Tévêque d'Hipponc d'écrire pour le réfuter. Ce fut l'occasion du livre actuellement perdu , intitulé Contra Hilarum , TiL lustre docteur défendit morem qui tune esse apud Cok thaginem coeperat, ut hymni ad altare dicerenPur cz psalmorum libro (1), sive-ante oblationem y sive cfijm distribueretur populo quod fuisset oblatum.

Actuellement V Offertoire n'a plus qu'un seul verse sans répons ; mais , dans les anciens antiphonair^ il offre une contexture plus étendue et plus comp3 quée.

L'offrande terminée , l'archidiacre choisit parmi le pains offerts ceux qui doivent servir à la communioi et les range sur l'autel. Il y place aussi le vase {scy- phus) contenant le vin pour la communion des fidèles, les deux pains offerts par le pape lui-même, enfin le calice qui servira , comme ces deux pains , à la com- munion tant du pontife que du haut clergé. Il a soin de verser dans ce calice , avec le vin offert par le pape, un peu de celui qu'offrent les prêtres et les dia cres et de celui qui est contenu dans le scyphus et qu représente l'offrande des fidèles ; enfin il y ajoute un( petite quantité d'eau.

Aucune prière n'accompagne ces dispositions. L( pape n'y intervient pas ; il est en ce moment à soi siège, au fond de l'abside. Les prières actuelles d( l'offertoire ne sont pas marquées dans les ancien livres. Elles sont tout à fait analogues, pour le sens, ; celles que font les prêtres grecs et que faisaient san

(1) Aug., Retr&ct.^ II, 11. Remarquer le mot hymnus employ pour désigner un psaume et l'usage d'emprunter au livre des Psau mes le texte de l'offertoire. Cela n'exclut pas des formules tirée éventuellement des autres livres sacrés ou même d'ailleurs ; mais cel éclaire l'origine et la nature primitive do ce chant ecclésiastique.

LA MESSE ROMAINE. 167

1 doute les prêtres gallicans , avant lo commencement \ de la messe, à la table de prothèse (1).

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f 7* Les prières consécratoires.

i

: La préparation de Toblation se faisant , dans Tusage romain, à l'autel lui-même et pendant 'la messe, il l ne peut y avoir d'entrée solennelle de Toblation pré- I parée d'avance, comme dans les rits orientaux et f gallicans. Le baiser de paix, la lecture des diptyques, sont renvoyés plus loin. Aussitôt que Tarchidiacre avait achevé de disposer sur Tautel les pains et les calices à consacrer , le pape , s'étant d'abord lavé les mains, se transportait à l'autel et commençait les prières consécratoires (2). Il invitait d'abord les fidèles à une prière, la deuxième des prières collectives de la messe romaine. C'est celle que l'on appelle oraison super oblata ou Secrète, Elle est précédée d'un invi- tatoire de forme spéciale : Orate ^ fratres, ut meum ac vestrum sacrificium acceptabile fiât apud Deum Pa- trem omnipotentem. La formule que l'ofiBciant récite ensuite et qui , à l'origine , n'était que la conclusion de la prière faite en silence par les fidèles , est pro- noncée à voix basse, d'où le nom de Secrète. Elle se

(1) Sur la particularité qu'offre ici l'usage spécial des Dominicains, voy. le chapitre suivant.

(2) De divers textes du Liber pontificalis (surtout t. I, p. 139, note 3, et p. 246, note 9) rapprochés d'un passage do VOrdo I de Ma- billon (c. 48), il semble résulter que les prêtres titulaires avaient eu ici , à l'origine, un rôle spécial. On tenait devant eux des oblatae , posées sur des patènes. Us récitaient le canon en même temps que le pape et célébraient ainsi avec lui la liturgie eucharistique. Si j'ai bien compris les textes en question, l'usage eût été tel au commen- cement du sixième siècle, pour toutes les messes stationales. Au huitième siècle, ce rite n'était plus observé qu'aux fêtes de Noël, de Pâques, de la Pentecôte et de Saint- Pierre. Les autres jours, la coopération des prêtres ne se produisait que pour l'offrande, la frac- tion et la communion.

168 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

termine par une ekphonie, par une finale dite à haute voix, à laquelle on répond Amen.

Alors a lieu la prière eucharistique , correspondant à ÏAnaphora des liturgies grecques (1). Elle est cou- pée par le chant du Sanctus en deux parties, de Ion gueur inégale, dont la première, modulée à hautes voix, porte le nom de Préface, la seconde, récitée voix basse, s'appelle Canon, UAnaphora romaine a dea attestations d'une antiquité très grande. La formula dont on se sert maintenant existait déjà, mot pou' mot, au commencement du septième siècle. C'e saint Grégoire qui la retoucha le dernier en y ajoutant , dans la prière Hanc igitur, les mots diesque nostros in tua pace disponas (2) , atque ab aeterna damnations nos eripi et in electorum tuorum iubeas grege numerari. L'auteur du Liber pontificalis , au commencement du sixième siècle, parle du canon comme d'une formule fixe et de teneur connue. Il suppose môme qu'elle existait depuis longtemps, car il raconte que saint Léon (440-461) y ajouta quelques mots (3). Mais on peut remonter plus haut et constater sûrement que l'o- raison à laquelle saint Léon ajouta ces quatre mots exis- tait déjà au temps du pape Damase. On en a la preuve dans une critique soulevée contre elle par le diacre schismatique Hilaire, l'auteur des Quaestiones Veteris et

(1) Le groupement de la prière colleciwe et de la prière euchsi- ristique n*est pas particulier, dans l'usage romain, à la liturgie de la messe. On le rencontre dans toutes les consécrations et bénédictions solennelles.

(2) Il est possible que cette prière pour la paix temporelle ait été inspirée par les maux incessants de l'invasion lombarde. Cf. Liber pontif.y t. I, p. 312.

(3) Ce sont les mots sanctum sacrificium , immaculat&m hostiam, qui forment apposition à la mention du sacrifice de Melcbisédech , dans l'oraison Supra quae propitio. Je pense que saint* Léon aura voulu introduire ici une protestation contre les Manichéens, qui n'admettaient pas l'usage du vin dans leur liturgie. Cf. Lt6. pantif,, t. I, p. 239.

LA MESSE ROMAINE. 169

Novi TestamenPi (i) , contemporain de Damase. Ce théo- logien fourvoyé identifiait Melchisédech avec le Saint- Esprit et, tout en lui reconnaissant la qualité de prê- tre de Dieu, il considérait son sacerdoce comme inférieur à celui du Christ : Similiter et SpiriPus sanctus Quasi autistes sacerdos appellatus est eœcelsi Dei, non summum, sicut nostri in ohlatione praesumunt. Quia quamvis unius substantiae Christus et Spiritus sanctus, uniuscuiu^que tamen ordo ohservandus est. Les mots ^%on swmmus, sicut nostri in oblatione praesumu/nt, vi- sent évidemment la formule summus sacerdos Puus Melchisédech de Tépiclèse romaine.

Il y a plus encore. On retrouve de très longs frag- xxients du canon romain dans un ouvrage assez peu jpostérieur à Damase , le De sacramentis du pseudo- -Ambroise. Ce livre, dont ni Tauteur ni la date ne sont sissignables avec précision, me paraît avoir été com- j)Osé dans une de ces églises du nord de la péninsule italique, l'usage de Rome se combinait avec celui <ie Milan, à Ravenne peut-être. Comme il suppose la population des villes encore partagée entre le paga- nisme et la religion chrétienne et qu'il est d'ailleurs emprunté en partie à un livre analogue de saint Am- broise, on ne se trompera pas de beaucoup en le da- tant des environs de l'année 400. Voici les parties du canon romain qui figurent dans son texte (2) :

(1) Migne, P. L., t. XXXV, p. 2329.

(2) De Sacram., IV, 5 ; Migne, P. L., t. XVI, p. 443. Danssonlivre intitulé Liturgica Latinorum (t. I, p. 301), publié à Cologne en 1571, Pamelius, chanoine de Bruges, introduisit ce fragment au milieu des prières de la messe ambrosienne, ce qui a donné lieu de le citer comme <c canon ambrosien. » En réalité, il n'y a jamais eu de canon ambrosien; avant l'adoption du canon romain à Milan, les prières consécratoires y avaient encore une teneur variable, comme dans les livres gallicans. Quand le canon romain fut adopté , il le fut suivant la forme qu'il avait au septième siècle , après la retouche introduite par saint Grégoire. La messe ambrosienne de Pamelius est, à bien

170 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Vis scire quia verbis caelestibus consecratur? Accipe qu sunt verba. Dicit sacerdos : Fac nobis, inquit, hanc oblatioru ascriptam , ratam , rationabilem , acceptabilem , quod figura est co ports et sanguinis lesu Christi. Qui pridie quant patereiur , in san lis manibus suis accepit panem, respexit in caelum ad te, san* Pater omnipotens , aeterne Deus , gratias agens , benedixit , freg\ fractumque apostolis suis el discipulis suis tradidit, dicens : « Aci pite et édite ex hoc omnes : hoc est enim corpus meum, quod % multis confringetur ». Similiter etiam calicem, postquam caenati est, pridie quam pateretur, accepit, respexit in caelum ad te^ san Pater omnipotens , aeterne Deus , gratias agens , benedixit , apostc suis et discipulis suis tradidit, dicens : t Accipite et bibite ex ) omnes : hic est enim sanguis meus ».

Et sacerdos dicit : Ergo memores gloriosissimae eius passionis ab inferis resurrectionis et in caelum ascensionis, offerimus tibi hc immaculatam hostiam , hune panem sanctum et calicem vitae aet nos ; et petimus et precamur, ut hanc oblationem suscipias in subli altari tuo per manus angelorum tuorum , sicut suscipere dignatus munera pueri tui iusti Abel et sacrificium patriarchae nostri Abrai et quod tibi obtulit summus sacerdos Melchisedech,

Ce texte correspond, non pas tout à fait mot à me mais cependant très étroitement, à celui du canon a tuel , depuis la conclusion de la formule des dipt ques jusqu'à Tépiclèse inclusivement.

Mais reprenons la suite de VAnaphora romaine.

Après le salut, l'invitation à élever les cœurs v€ Dieu et à lui rendre grâces (1), TofiBciant commence Vere dignum et iustum est, etc. Dans le sacramentai d'Hadrien , cette formule , c'est-à-dire la préface, ] comporte qu'un petit nombre de variantes pour 1 principales fêtes. Auparavant elles étaient beaucoi plus nombreuses. Le sacramentaire léonien don: lieu de croire que l'improvisation, ou du moins l'i

des égards, un texte artificiel, composé par l'éditeur lui-même. E ne se rencontre dans aucun des manuscrits de la liturgie ambrosieni (l) Le Sursum corda est attesté par saint Cyprien (De domin. oi tione^ 31) : « Adeo et sacerdos ante orationem praefatione praemi: parât fratrum mentes dicendo : Sursum, corda, ut, dum respon( plebs Habemus ad Dominum^ admoneatur, » etc.

LA MESSE ROMAINE. 171

tercalation de phrases préparées par l'officiant lui- nciéme, était encore pratiquée au sixième siècle. La préface se termine par une évocation de la gloire di- vine et le chant du Sanctus.

Après le Sanctus, le canon romain, au lieu de pas- ser tout de suite au récit de la dernière Cène, inter- osle un long morceau destiné à énumérer les per- sonnes au nom de qui se fait Toblation, l'Eglise atholique tout entière, le pape (au besoin l'évéque u lieu) et tous les évêques orthodoxes ; puis le sou- ^%7erain et les fidèles présents; enfin, par suite de la ^3ommunion des saints, tous les justes entrés dans la béatitude céleste : la vierge Marie, les apôtres, les pa- ^es leurs successeurs, les martyrs et autres saints. X'oblation est ainsi celle de toute la famille chré- tienne : Dieu est prié de Taccepter et de la transfor- mer au corps et au sang du Christ.

Les textes subsistants présentent, pour cette partie du canon (1), des formules très arrêtées, non pas tel- lement toutefois que Ton n'y ait prévu djes supplé- ments, destinés, soit à commémorer la fête du jour, soit à- énumérer certaines personnes ou certaines catégories de personnes. Ainsi, il n'est pas douteux que les noms des quatre patriarches d'Orient et peut- être de certains primats occidentaux n'aient été au- trefois prononcés à la suite de celui du pape romain dans la formule Te igitur. Le Mémento, qui lui fait suite, comporte une interruption l'on pouvait in- tercaler beaucoup de noms et d'intentions. Pour le Commimicantes^ le sacramentaire d'Hadrien ofiFre lui- même des variantes relatives à la solennité du jour. Plus bas, la liste des papes, réduite aux trois premiers noms. Lin, Clet, Clément, devait être récitée tout au

(1) Ce sont les oraisons qui commencent par les mots Te igitur , MementOy Communicantes , Hanc igitur, Quam oblationem,.

172 ORI&INBS DU GULTB CHRÉTIEN.

long. Il n'est pas impossible que Tancien catalogue pontifical dont les débris ont été interpolés dans le mar- tyrologe hiéronymien (1), ait été relevé sur quelque exemplaire du canon. Les noms de martyrs qui figu- rent ensuite ne représentent, eux non plus^, qu'un simple choix. Les églises qui adoptèrent la liturgie ro- maine ne se firent pas faute de compléter cette liste, en y ajoutant les noms des saints qu'elles honoraient plus spécialement (2). Enfin, le Hanc igipur donne place, aux fêtes de Pâques et de la Pentecôte, à une commémoration des nouveaux baptisés. Autrefois on y récitait, aux jours de scrutin, les noms des candidats au baptême, tandis que ceux de leurs parrains ou mar- raines avaient place au Mémento (3). Des adjonctions semblables avaient lieu aux messes d'ordination, de profession religieuse, de mariage, de funérailles, etc. En somme, toute cette partie du canon correspond à la récitation des diptyques en usage dans la liturgie gallicane et dans les liturgies d'Orient, mais placée, dans ces liturgies, avant le commencement de la pré- face. Cette dernière disposition peut paraître plus na- turelle. Il est probable, toutefois, que, dès le com- mencement du cinquième siècle,- celle du canon romain était déjà ce qu'elle est maintenant. En effet, la for- mule finale de toute cette série d'énumératibns, celle qui forme transition avec le Qui pridie^ se rencontre déjà dans le De sacramentis, en termes à peu près identiques à ceux du Quam oblationem actuel.

Le récit de l'institution {Qui pridie) et l'Anamnèse {Unde et memores) qui en est la suite, n'offrent aucune

(1) Liber pontifie adis, t. I, p.LXX ; De Rossi, Roma soft., 1. 1, p. 114.

(2) En France, oii trouve toujours, à cet endroit, les noms de saint Hilaire et de saint Martin.

(3) Ordo Rom,, VII, 3.

LA 1CB88B ROlfÂlNE. 173

p^ttiGukurité. H n'en est pas de même de l'Epiclèse. Cette partie du canon est ainsi conçue :

Stipm ^uae (les oblations) propitio ac screno vultu respicere

Q^eris et accepta habere , sicuti accepta habere dignatus es

unera pueri tui iusti Abel et sacrificium patriarchae oostri

brahae, et quod tibi obtulit su m m us sacerdos tu us Melchise-

«ch [saDctum sacrificium, immaculatam hostiam]. Supplices te

ogamus, omnipotens Deus, iube haec perferri per manus sancti

LUgêli^tui in sublime altare tuum, in conspectu divinae maiestatis

>iiae, ut quotquot ex bac altans participatione saorosanctum Pilii

Luio0rpu8 et sanguinem sumpsei*imu8,omni benedicUone caelesti

et.gratia repleamur.

Cette prière est loin d'avoir la précision des formules grecques Ton spécifie expressément la grâce de- mandée , c'est-à-dire Tintervention du Saint-Esprit pour opérer la transformation du pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ. Il n'en est pas moins vrai : qu'elle occupe, dans la suite matérielle et logique de la formule, exactement la même place que l'épiclèse grecque ; qu'elle est aussi une prière adressée à Dieu pour qu'il intervienne dans le mystère. Mais , au lieu que les liturgies grecques s'expriment en termes clairs et simples , la liturgie romaine s'en- veloppe ici de formes symboliques. Elle demande que lange du Seigneur prenne l'oblation sur l'autel visible, et la porte au plus haut des cieux , sur l'autel invi- sible élevé devant le trône de la majesté divine. Le mouvement symbolique est de sens contraire à celui des formules grecques : ce n'est pas le Saint-Esprit qui descend vers l'oblation, c'est l'oblation qui est emportée au ciel par l'ange de Dieu (1). Mais, dans un cas comme dans l'autre , c'est après son rappro-

(1) n ne faut pas oublier, quand il s'agit de formules aussi ancien- nes, que le Verbe divin est quelquefois qualifié d'ange du Seigneur. Je n'entends pas définir si c'est ou non le cas ici.

174 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

chement, sa communication, avec la vertu divine qu'on parle d'elle comme du corps et du sang du Christ.

Les prières qui suivent correspondent à la grande intercession des liturgies grecques , et se trouvent placées comme l'est cette formule dans Tusage syro- byzantin.

Il est sûr que nous n'avons encore ici qu'un for- mulaire très réduit. Il commence par la commémo- ration des fidèles défunts {Mémento) (1) ; mais il com- prend aussi celle des vivants et des saints {Nobis quoque), A la fin de cette prière, après les mots largitor admitte, il y a un hiatus évident. On vient d'énumérer les saints au milieu desquels on demande d'être admis un jour , puis on continue : Per Christwm Dominum nostrum , per quem haec omnia , Domine , semper bona créas, sanctificas^ vivificas et praestas nobis. Il est clair que les mots haec omnia bona ne se rapportent pas à ce qui précède : ils ne peuvent non plus désigner les offrandes consacrées, qui sont désormais le corps et le sang du Christ, et, par suite, ne sauraient s'accom- moder des termes creas^ sanctificas, vivificas. L'explica- tion la plus simple , c'est qu'il y avait ici autrefois une mention des biens de la terre, avec énumération de leurs diverses natures, blé, vin, huile, etc. Cette manière de voir est , du reste , confirmée par le fait que des bénédictions d'aliments avaient lieu , à cer- tains jours , à cet endroit de la messe ; ainsi , le breuvage d'eau, de lait et de miel que l'on donnait aux néophytes , à Pâques et à la Pentecôte. Voici la foiunule de cette bénédiction,\d'après le sacramentaire

(1) Le Mémento des défunts manque dans quelques anciens exem- plaires du canon, par exemple dans celui du sacramentaire gélasien. Cela vient, je crois, de co que cette formule servait de cadre aux diptyques des morts , que Ton récitait sur un texte spécial , un rou- leau, un tableau, ou autre chose de ce genre.

LX MESSE ROMAINE. 175

iéonien, à la première messe de la Pentecôte (1) :

Benedic, Domine, et bas tuas creaturas fontis, mellis et lactis, ^t pota fiamulos tuos ex hoc fonte aquae vitae perennis qui est dpiritus veritatis, et enutri eos de hoc lacté et melle, quemadmo- <iuin patribus nostris Abraham, Isaac et lacob [promisisti] (2) ûxtroducere te eos in terram promissionis , terram fluentem melle et lacté. Coniunge ergo famulos tuos, Domine, Spiritui sancto, sicut coniunctum est hoc mel et lac , quo caelestis terrenaeque ^ubstantiae significatur unitio in Christo lesu Domino nostro, per q^uem haec omnia, etc.

C'est encore à ce moment que Ton bénissait, le jour àe l'Ascension, les fèves nouvelles; le jour de Saint- Sixte (6 août), le raisin nouveau (3).

Benedic, Domine, et bas frnges novas fabae, etc. Benedic, Domine, et bos fructus novos uvae, etc.

Enfin , c'est à ce moment que Ton bénissait et que l'on bénit encore, le jeudi saint, l'huile destinée au soulagement des malades.

Il n'est donc pas douteux que la formule per quem haec omnia n'ait été originairement précédée, même en dehors de ces circonstances extraordinaires, d'une prière pour les biens de la terre. Ceci ajoute en- core à la ressemblance entre le canon romain et la partie correspondante des liturgies grecques ou orientales.

8* La fraction du pain.

Le canon terminé , on récite maintenant le Pater , encadré , suivant l'usage universel , entre une petite

(1) Muratori, t. I, p. 318.

(2) Je supplée ce mot, omis dans le manuscrit.

(3) Muratori, t. I, p. 588, p. 746 ; t. II, p. 109. Cf. Liber pontif,, t. I, p. 159.

176 0RIGINB8 DU GULTB CHRÉTIEN.

préface et un développement sur le thème de la finale {Libéra nos).

Avant saint Grégoire, on procédait tout de suite & lai fraction ; c*est lui qui transporta le Pater à la suite dm canon , jugeant inconvenant que cette dernière for- mule, œuvre d'un lettré quelconque, fût seule récitée sur Foblation, à Texclusion de la prière composée pa^ le Seigneur lui-même (1). Cette transposition, bien que saint Grégoire se défende d^avoir imité qui que ce soit, eut pour effet de conformer Tusage de Rome à celui de Gonstantinople.

La cérémonie qui suit est fort compliquée en appa. rence. Elle commence par le baiser de paix, qui se place aussitôt après le salut Pax Domini sit setnper voblscum. Le pape met dans le calice le fragment de pain consacré qui lui a été apporté au commencement la messe; puis il rompt une de ses deux oblatae, et en laisse la moitié sur l'autel. Ge n'est pas encore la fraction .proprement dite ; mais , comme on va en- lever de dessus l'autel tous les pains destinés à la communion, et que Ton tient à ce que , dum missa- rv/m, solerrmia peraguntur, altare sine sacrificio non sit (2) , cette moitié est destinée à assurer une sorte de permanence.

L'église romaine attachait beaucoup d'importance à ce que les rites de la communion continssent une

(1) Ep. IX, 12 : « Orationem vero dominicain idcirco mox post pre- cem dicimus, quia mos apostolonim fuit ut ad ipsam solummodo orationem oblationis hostiam consecrarent. Et valde mihi inconve- niens visum est ut precem quam scholasticus composuerat super oblationem diceremus, et ipsam traditionem quam Redemptor noster composuit super eius corpus et sanguinem non diceremus. Sed et dominica oratio apud Graecos ab omni populo dicitur, apud nos vero a solo sacerdote. » On n'est pas obligé de croire , malgré l'autorité de ce texte, que la liturgie apostolique n'ait connu d'autre formule que le Pater ; mais il est difficile de contester que saint Gré- goire l'ait pensé.

(2) Ordo Rom, de Saint-Amand. Voy. à Tappendice.

LA MBB8B BOMAINB. VTl

expression très claire et très vive de l'unité ecclé- siastique. C'est à cela que se rattache Tusage du fer- rnentum^ du pain consacré envoyé de la messe épisco- pale aux prêtres chargés de célébrer dans les tituli (1); c'est encore cette signification qui se retrouve dans le rite des scmcta , du fragment consacré à la messe précédente , qui est apporté au commencement de la messe et mis dans le calice au Pax Domini. C'est par- tout, dans toutes les églises' de Rome, c'est toujours, dans toutes les assemblées liturgiques, celle d'aujour- cl*liaii comme celle d'hier, le même sacrifice, la même ^^charistie, la même communion. De même, afin de îen marquer que le pain rompu et distribué en de- x)rs de Tautel est le même qui a été consacré à Tau- el , on en laisse un fragment sur la table sainte.

L'antre moitié de la première oblata et la seconde out entière sont placées sur la patène et portées de- ant le pape, qui, après le Pax Domini, est retourné son siège. Quant aux autres pains consacrés, l'ar- hidiacre les fait porter devant les évêques et les prê- ""tres , dans des sacs de lin que les acolytes tiennent suspendus au cou. Alors a lieu la fraction dupain, opérée par le presbytermm tout entier; le pape y prend part aussi, mais par l'intermédiaire de ses diacres; ce sont eux qui rompent Voblata et le demi-oôte^a dé- posées sur la patène. Depuis le pape Sergius (687- 7M) cette cérémonie s'accomplit au chant de VAgntis Bd. Il est probable que , avant saint Grégoire , le Pa- tw était récité à ce moment, après la fraction (2).

(1) Sur ce rite, v. le Liber pont,, t. I, p. 169, note 4.

(2) Ce qui me porte à le croire , c'est qu'il n'y a , dans les ancieni livres romains, aucune prière immédiatement préparatoire à la com- munion. Dans la liturgie gallicane, la bénédiction, dans les liturgies g^recques , des prières de même sens sont indiquées à cet endroit. TJhialus qui apparaît ici , dans la messe romaine , doit avoir pour origine la translation du Pater à une autre place. Cet hiatus est com-

12

178 ORIGINES OU CULTE CHRÉTIEN.

La communion.

La fraction terminée , les diacres présentent la p^ tène au pape; il y prend un fragment, en détactd une parcelle et consomme le reste ; puis il met la pair, celle détachée dans le calice que Tarchidiacre a a^ porté de Tautel et qu'il tient auprès de lui. C'est ~ rite de la Commixtion. Le pape boit ensuite au c - lice , présenté et soutenu par l'archidiacre.

Vient ensuite la communion du haut clergé. L^ évoques et les prêtres s'approchent du pape , qui lemi- remet, dans la main, un fragment pris sur la patène- Ils se rendent à l'autel , posent sur la table sainte h main qui contient le pain consacré et communient ainsi. Les diacres en font autant après eux. L'archi- diacre rapporte le calice à l'autel ; il le remet entre les mains du premier des évoques, et celui-ci, après y avoir bu, le présente aux autres évéques, aux prê- tres et aux diacres.

Alors a lieu la communion du reste de l'assistance. Le pape, et avec lui les évoques et les prêtres, dis- tribuent l'Eucharistie sous Tespèce du pain ; l'archi- diacre à la suite du pape, les autres diacres à la suite des évêques et des prêtres , présentent le calice. Comme le calice du pape ne sert que pour le haut clergé , Tarchidiacre a soin de verser préalablement dans les vases se trouve le vin consacré pour la communion du peuple, quelques gouttes de celui le pape a bu le premier , puis ce qui y reste après la communion des évêques, prêtres et diacres. Ainsi est exprimée l'idée que , bien que tous n'approchent pas leurs lèvres du même vase, tous cependant boivent

blé actuellement par des prières que le prêtre récite en son parti- culier.

LA MESSE ROICAINE. 179

le même breuvage spirituel. Du reste, le rite de la commixtion, opéré par le pape sur le calice principal, est répété par les évêquçs et les prêtres sur tous les calices secondaires dans lesquels les fidèles prennent la communion sous l'espèce du vin.

Avant la communion du peuple, Tarchidiacre annon- çait le jour et le lieu de la prochaine station. Ce mo- ment était choisi par précaution ; les personnes qui ne prenaient point part à la communion avaient sans doute rhabitude de sortir avant qu'elle ne commençât. Pen- dant que les fidèles communiaient, le chœur chantait l'antiphone ad communionem. Maintenant on la chante après et on se borne à Tantienne , qui n'est exécutée qu'une fois. Mais les livres liturgiques du neuvième siècle supposent encore une vraie antiphone, avec le psaume chanté soit tout entier, soit en partie, sui- vant que la communion est plus ou moins longue ; on le terminait par la doxologie Gloria Patrie etc. , et on répétait Tantienne. Comme celui de TOffertoire, ce chant doit remonter à la fin du quatrième siècle en- viron (1).

La communion finie, le pape revient à l'autel et,

après avoir salué rassemblée, il l'invite à faire la prière d'action de grâces, post coînmunionem . C'est la troisième des prières collectives de la messe romaine. Elle est suivie d'un dernier salut; puis un diacre pro- nonce la formule de congé : Ite, missa est y et le cor- tège du pape se reforme, tel qu'il était à l'entrée. En retournant au sacrariumy le pontife bénit successi- vement les divers groupes de clercs et de fidèles qui s'échelonnent sur son passage.

(1) Voy. ci-dessus, p. 165.

CHAPITRE VU.

LA KESSE GALLICANE*.

L'usage gallican ayaat à peu près disparu , il serait difficile de se faire de visu une idée de ce qu'étaient au- trefois les cérémonies de la messe solennelle dans les églises de ce rit. Heureusement saint Germain de Part ris (f 576) nous en a laissé une description assez pré- cise et bien plus ancienne que les ordines romains. Je me bornerai donc à suivre ce vénérable auteur, en reproduisant son texte (1) et en le confrontant avec les autres documents de Tancien usage gallican , c'est-à- dire le missel mozarabique, les livres liturgiques de la Gaule mérovingienne, de la Bretagne et de Fltalie du nord. Gomme les texte» gallicans sont moins connus et moins acccessibles que les textes romains, je crois devoir intercaler dans ma description toutes les for- mules de prière et de chant que comporte la messe: gallicane. A cet efifet , je choisis ceux de la fête de; Noël et je les prends dans leMissale Gothicum^ Goaune

(1) Dans cette reproduction je me borne aux phrases ou parties de phrase oti le rite est décrit. Quant aux explications symboliques , comme elles n'intéressent pas directement mon étude, je renvoie lecteur à l'édition de Martène {Thésaurus , t. V ; Migne , P, L., t. LXXII). Çà et je corrige les fautes de transcription les plus «évidentes.

(LdiafESBE CkàLLIGANB. 161

oe bvre ne contient pas les pièces de chant, j'em-

j^runte celles-ci an missel mozarabique.

£n suivant cette description , on aura une idée à peu près «exaote de ce que pouvait être une messe so- lennelle au sixième siècle, à Milan, à Arles, à To- lède, à Paris.

1* Entrée de révoque officiant.

Germain : Antiphona ad praelegendum caniPur.,. JPmllmtibus clericis procedit sacerdos in specie Christi de sacrario.

Cette antiplione est destinée uniquement à re- hausser la pompe de rentrée des ministres sacrés. Elle correspond , dans la liturgie byzantine , au chant ûu 'Movoyev^ç , dans la liturgie romaine à l'Introït. A Mi- lan, elle porte le nom àilngressa; à Tolède, celui ^*Officium, Voici ro/^cmm mozarabîque pour la messe de Noël (1).

AUeluia! Benedictus qui venit, alléluia, iu Domine Domini. AlMiria ! AUeluia ! p. Oeus Dominas et illuxit nobis. -% In nomine Domini.

j^. Gloria et honor Patri et Filio et Spiritui sancto iu saecula *^eculopum. Ameu. I|. In nomine Domini.

tGcRMAiN : Silentitnn diacorms anrmntiat... Sacerdos ^^^eo daPwr populo ut dum ille benedicit plébem^ dé' ^^^fës : Dominus sit semper vobiscum, ab onmibus benê- ^icaPur dicentibus : Et cum spiritu tuo.

Le diacre fait faire silence ; la formule mozarabique

(f) Ici, comme dans les livres romaine, le psaume est réduit à Un verset. Remarquer aussi la >f6rmule Gloria, et honor P&tri , «rtc. 'Les mots et honor étaient déjà, au septième %iéc}e , dcractéristi- ques de l'usage espagnol (Conc, Toi., IV, 14).

182 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

est : Silentium facite (1). L'évéque salue Tassistance ; la formule conservée par saint Germain est identique à. la formule mozarabique. A Milan, on dit Domintts vobis- cv/m , comme à Rome. Saint Germain ne parle du sa- lut qu'à cet endroit, avant les cantiques d'ouverture. C'est aussi la place se trouve le premier salut dans la liturgie ambrosienne ; dans la liturgie mozarabique il ne vient qu'après la Collecte. Dans ces deux litur- gies, chacune des trois leçons (2) est suivie du salut.

2** Les cantiques d'ouverturo.

Germain : Aius vero ante prophetiam pro hoc cani^ tur in graeca lingua quia,.. Incipiente praesule ecclesia Aius psallitf dicens latinum cum graeco,,. Dictum Amen ex hebraeo... Très a/utem parvuli qui ore uno sequentes Kyrie eleison,.. Canticum autem Zachariae pontificis in honorera sancti lohannis Baptistae cantatur,.,; ideo prophetiam quam pater eius ipso nascente cecinit al' ternis vocibus ecclesia psallit.

Il y a trois cantiques , le Trisagion {Aiu^ = "Àyioç), entonné par Tévéque et chanté d'abord en grec, puis en latin ; en second lieu le Kyrie eleison , exécuté par trois enfants; enfin le Benedictus ou « prophétie ». Le Trisagion ne se retrouve, à cette place du moins^ ni dans la liturgie mozarabique ni dans la liturgie mi- lanaise. C'est évidemment une importation orientalOa ou plutôt byzantine. Au temps du deuxième concile de Vaison (529), il n'était encore usité qu^aux « mes-

4

(1) Dans le missel mozarabique, elle ne se rencontre pas à cet endroit Sur Tinvitation au silence , cf. Grégoire de Tours , H. Fr, , VII , 8 : « Quadam die dominica , postquam diaconus silentium populis ut missae abscultarentur indixit... » Cf. Isidore, De eccl. officiiSy t. X.

(2) Avec cette différence que dans la liturgie mozarabique il précède, dans la litiirgie ambrosienne il suit le répons que Ton chante après la première leçon.

LA MESSE GALLICANE. 183

ses publiques. » Le concile (c. 3) ordonna de le chan- ter à toutes les messes indistinctement.

A la place du Trisagion on trouve, dans les missels mozarabiques et ambrosiens, le Gloria in eœcelsis, qui est ici (1) une importation romaine.

Le second chant est celui du Kyrie eleison, qui s*est conservé dans la liturgie ambrosienne et perdu dans la liturgie mozarabique. A Milan, comme en Gaule, on se borne à chanter trois fois Kyrie eleison. Cette in- vocation a été introduite en imitation des usages orientaux. Mais dans les liturgies orientales le Kyrie eleison n'est que la réponse du peuple à la litanie diaconale , et, à Rome même , il eut d'abord un lien étroit avec cette même litanie; tandis que, dans le rit gallican, c'est une sorte de cantique absolument isolé de la litanie.

Au temps du concile de Vaison (2) , le Kyrie était encore à peu près inconnu en Gaule , tandis qu'on le

(1) Je dis ici, car il est sûr que le Gloria in excelsis, comme chant ^'office , était connu en Espagne et dans la Haute Italie dès le sep- tième siècle au moins {Conc. ToL, IV, 12; Sacram. galL^ p. 780, ^Urat.). Le Trisagion est mentionné dans la vie de saint Géry, evéque de Cambrai au septième siècle : « AiuSf aiu« , aius, per tri- ^Um numerum imposuit in nomine Trinitatis » {Anal. Bolland^ t. VII, p. 393).

(2) Concil. VasensBy c. 3 ; « Et quia tam in sede Apostolica quam

6tiam per totas Orientales atque Italiae provincias dulcis et nimium

salutaris consuetudo est intromissa ut Kyrie eleison frequentius cum

^ï'andi affectu et compunctione dicatur; placuit etiam nobis ut in

omnibus ecclesiis nostris ista tam sancta consuetudo et ad matuti-

^um et ad missas et ad vesperam, Deo propitio, intromittatur. Et in

omnibus missis, seu in matutinis» seu in quadragesimalibus, seu in

*llis qqae pro defunctorum commemoratione fiunt , semper Sanctus,

S^nctus , Sanctus , eo ordine quo modo ad missas publicas dicitur ,

^ci debeat; quia tam sancta et tam dulcis et desiderabilis vox,

etiamsi die noctuque possit dici, fastidium non possit generare. »

Le S&nctuSf dont il est ici question, est évidemment le Trisagion, et

non le Sanctus d*après la préface. Remarquer que le concile ne

nomme pas l'Espagne parmi les pays le Kyrie eleison était en

usage.

164 0RI0IN8S AU 0UL1S ohuétibn.

chantait déjà à Home et « en Italie » , c'eat-fàrdire à Milan.

Après le Kyrie venait la « Proiph€ftie (1) , » c*esi-à- dire le cantic^ue Benediotus jDominus Deus braël (Lojlc , I, 68-79). Dans la liturgie mozarabique il se chaote encore, une fois Tan, le dimanclie madvafitu s. loha/n,- ms Baptislae. Il a disparu complètement de la liturgie ambrosienne (2).

Le Trisagion et la Prophétie étaient supprimés pe»- daat le Carême, au moins à Paris, et remplacés par lun cantique spécial , qui commençait par les mots Sono- tus JDeus Archangelorum (3).

Après la Prophétie, Févéque récitait une oraison analogue soit au cantique lui-mêmie , soit à la fête du jour. C'est ce qu'on appelle la collectio post Prophe- tiam. Voici le texte du Missale gothicv/m pour la fête de Noël :

Ortus es Dobis, verus Sol iustitiae , lesu Christe; venisti de caelo, humaDi generis Redemptor; erexisti nobis coi'du salu- tîs (4) , et celsi GreDitoris Proies perpétua , genitus in domo

(1) Mabillon et beaucoup d'autres après lui ont confondu la prophé- tie avec la leçon prophétique. C-est évidemment de la première, c'est-à-dire du cantique Benedictus^ qu'il est question dans Grégoire de Tours, Hist, Fr., VIII, 7, l'on voit l'évéque de Saintes, Palla- dius, entonner la prophétie : « Quo incipiente prophetiam... » •L'évé- que célébrant entonnait les cantiques, mais il ne lisait pas les leçons ; c'était l'affaire des lecteurs ou des diacres.

(2) Il y figurait à l'origine, à en juger par le Sacramentaire de Bobbio , qui contient plusieurs fois la rubrique Collectio post Pro^ phetistm.

(3) Germain , ép. II : « Sanctus Deus Archangelorum in Quadra- g^simo concinitur et non cantieum Zachariae... Nec Alléluia, in nos- tra ecclesia , Sanctus , vel Projiïetia , hymnus trium puerorum vel cantieum Rubri maris illis diebus decantantur. » Je pense que par Sanctus il faut entendre le Trisagion. -Cependant il est question., un peu plus haut, d'un cantique Sanctus de caelis, qui est repris à Pâ- ques , avec le cantique de Moïse et V Alléluia , après avoir été inter- rompu pendant le Carême.

(4) Allusion au cantique Beneâictus. Toute cette prière est rem- plie de réminiscences de ce genre.

lA ME88I GALLIGAfIB. 985

^^^ Osiid propter priscorum oraoula vatam, propriam voleos absol- Tereplebero et vetusti crimiois delere chiragraphum, ut aeteroae

UK vitAe panderes triumpbum. Ideoque Dunc te quaesumus ut io

^ft misericordiae tuae viscera nostris appareas mentibus, salus aeteroa ; et nos eripiendo ab iniquo hoste iustitiac cultores clffi- cias; omoique mortis erroné spreto pacis vimii recto itinere

'^^§ gradiaotes, tibî recte servire posaknos, Salvator mundi, qui cura Pâtre et Spiritu «aocto vivis, dominaris et régnas Deus in saecula saeculorum.

3* Les lectures et la psàhnodie.

Germain : Lectio vero Fr&phetica suum tenet ordirvem,

Veteris videlicet TestamenM , corripiens maia et adnun-

^ns futura , ut intelliga/mus ipsum Beum esse qui in

^pketia tonuit quant qui et in Apostolo docuit et in

Svangelico splendore refulsit, Quod enim propheta cla-

^^t futwrum^ apostolus docet facttt/in, Actus autem Apos-

^iorwn vel Apocalypsis lohannis pro novitate gaudvi

P^chalis legu/ntur, servantes ordinem temporum, sicut

^^toria Testamenti Veteris in Quinquagesimo , vel gesta

^^f'nctorum confessorum ac martyrum in solemnitatibufS

^^rum , ut populus intelligat quantum Christus amave-

^^t famulum , dans ei virtutis indicium , quem devota

^iebicula suy,m postulat patronum, Hymnum autem

^'^ium puerorum, quod post lectiones canitu/r,., Ecclesia

^^Tvat ordinem ut inter Benedictionem et Evangelium

^^ctio non (2) intercédât, nisi tantummodo responsorium

9^v^d aparvulis canitur.

Il y avait toujours deux leçons à la messe, l'évan- gile non compris. La première [lectio prophetica) était 'tirée de TAncien Testament, la seconde des Epitres

(1) Dans le rit milanais actuel, la Collecte est placée avant les Can-

^liqves. Le sacramentaire de Bobfoio suppose qu'elle se disait après.

^hitre certaines collectes po8t prophetiam , il en contient aussi qui

Mie -disaient après le Trisagion {pott Aius) ou après le Gloria in ex-

«elafs.

(2) J'ajoute ici la négation, qui est réclamée par te contexte.

186 ORIGINES OU CULTE CHRÉTIEN.

apostoliques. Au temps pascal on lisait aussi l'Apoca- lypse et les Actes; en Carême les « histoires » de TAncien Testament; aux fêtes des saints le récit da leur vie. Ces indications de saint Germain sont en- tièrement d'accord avec le lectionnaire de Luxeuil , Tusage mozarabique actuel (1) et la distribution des le- ' çons dans le sacramentaire de Bobbio (2). L'usage de Constantinople au temps de saint Cliiysostome com- portait aussi la triple leçon prophétique, apostolique, évangélique (3).

Après les deux premières leçons, suivant saint Germain , on chantait Thymne des trois jeunes gens dans la fournaise, appelé aussi la Bénédiction, du mot Benedicite qui s'y trouve continuellement répété. Puis venait le répons. L'ordre de ces diverses pièces n'est pas le même partout. Les chants sont placés , dans la liturgie mozarabique, entre les deux premières leçons; dans la liturgie mérovingienne, après la le- çon apostolique (4). La liturgie milanaise a encore la Bénédiction à certains jours; elle a un répons après la leçon prophétique , un verset accompagné de de V Alléluia après la leçon apostolique; le premier est désigné par le nom de Psalmulus, Voici la for-

Ci) La lecture de l'Apocalypse, aux messes du temps pascal , était , en Espagne, d'usage ancien ; le IV* concile de Tolède (c. 16) menace d'excommunication ceux qui s'abstiendraient de la faire.

(2) Le rit ambrosien a perdu la leçon prophétique , sauf à certains jours. Il l'avait encore au onzième siècle, et on l'empruntait aux Gestes des ssLints le jour de leur fête; ceci résulte des lettres de Paul et Gebehard publiées par Mabillon [Mus, Ital.y 1. 1, part. 2, p. 97) : « Gestis sanctorum quae missarum celebrationibus apud vos interponi soient, » etc. Ces lettres ont été écrites vers l'année 1024.

(3) Hom. XXIX in Act,f app. p. 229. La liturgie arménienne a con- servé la leçon prophétique, tombée en désuétude à Constantinople.

(4) Cependant le lectionnaire de Luxeuil indique, au jour de Noël, « Daniel cum benedictione , » c'est-à-dire l'hymne des trois jeunes gens, avant la leçon apostolique. Il est vrai que, dans la messe du Clausum Paschae, il le met après.

LA MBSSB GALLIGANB. 187

mule qui introduit la Bénédiction dans le rit moza- rabique (1) :

Daniel Propheta. Tune illi très quasi ex uno ore hjmnum cane- bant et benedicebant Dominum de fornace , dicentes : Benedictus es Domine , etc.

C'est le texte même de Daniel, III, 51. Le répons de Noël, dans le missel mozarabique, est ainsi disposé :

Dominus dixit ad me : Filius meus es tu, ego hodie geuui te. f, Pete a me et dabo tibi gentes haereditatem tuam et posses- sionem tuam termines terrae. ^. Ego hodie genui te.

D'après saint Germain le répons était chanté par des parvuli. Grégoire de Tours nous le montre exé- cuté par un diacre. L'usage de Tours (2) pouvait être, sur ce point , dififérent de celui de Paris. Vers la fin du sixième siècle , celui de Rome subit , à cet égard, un changement important (3).

A* L'Evangile.

Germain : Tune in adventu sancti Evangelii claro

ff^dulamine denuo psallit clerus Aius... Egreditur pro^

(^sio sancti Evangelii velut potentia Christi Priumphanr

fe de morte, cum praedictis harmoniis et cum septem

^ndelabris luminis , quae sunt septem dona Spiritus

soncti vel v[eteris) legis Iv/mina mysterio crucis confiœa^

^cendens in tribunal analogii (4), velut Christus sedem

^^gni paterni^ ut inde intonet dona vitae, clamantibus

^lericis Gloria tibi Domine ! . . . Sanctus autem quod

^^deunte sancto Evangelio clerus cantate etc.

Cl) Je la prends au premier dimanche de Carême. _. (2) Ou d'Orléans. C'est à Orléans que la scène se passe (if. Fr, , ^Xn, 3).

<3) Ci-dessus, p. 162«

^4) L'ambon*

. .-/-

{9% ORIGINES M •CITLTB GltRÉTIBN.

8afint Germain est le seul auteur qui menitioii»© 1 chant du Trisagion comme accompagnant la prcwîeî sion de TEvangile , à Taller et au retour. Mais , dar tomtes les liturgies latines, l'acclamation Gloria tibi D mine est marquée comme étant la réponse de Tassif tance à l'annonce de la leçon évangélique : LecPi sancti Evangelii eecuThdum N.

L*homélie.

01SRMAIN : Homiliae autem sanctorum qune legunWA pro sola praedicatione ponuntur ^ ut quicquid Prc pheta, Aposiolus vel Evangelium mandavit, hoc docte vel pastor Ecclesiae apertiori sermone populo praedice ita arte temperans ut nec rusticitas sapientes offendai nec honesta loquacitas obscura rusticis fiât»

L'usage de Tliomélie, après l'Evangile, se coi serva mieux en Gaule qu'à Rome. Les prêtres pr( chaient comme les évoques. Cet usage fut blâmé dai une lettre adressée aux évéques de Provence par '. pape Célestin (1). Mais loin d'être aboli pour autan il fut consacré, étendu même aux paroisses rurale paT le deuxième concile de Vaison (529). Ce conci! est le concile provincial de la métropole d'Arles. 0 sait combien sai«t Gésaire d'Arles fut zélé pour \ prédication. Ses 4ioméli«s ont précisément les quî lités de clarté et de simplicité que saint ^Germain iv elaioe (2).

(T) Jaffé, 381.

(2) C. 2 : « Hoc etiam pro aodificatioo» «mmiuin «cftleBiAnsun et p utilitate totius populi nobis placuit, ut non solum in civitatibus , s etiam in omnibus parochiis verbum faciendi daromus presbyteris p testatem; ita ut si presbyter aligna infirmitate prohfbefnte per sei sum non potuerit praedicare , sanctorum patrum homiliae a diacoi bus recitcntur. Si enim digni sunt diacones quod Ghristus Evangelio locutus est legere^-^uare indigpii iudtcentnrtsanctorum T trum expositiones publiée recitare ? »

hA. lftB80B «ALUCiOn* 189

6* La prière.

Germain : Preces vero psallere levitas pro popuVo

<*6 origine libri Moysacis ducit exordium^ ut audita Apos-

toit praedicatione levitae pro populo deprecentur et aa-

cerdotes prostrati ante Dominum pro peccata poptuU

intercédant, ete (1).

La prière des fidèles commence par une litanie diaconale. Les livres liturgiques mérovingiens, qui ne contiennent que la. partie du célébrant, n^ont con- servé aucun texte de cette litanie. Une prière ©n forme de litanie , mais rédigée à l'intention des pé- nitents publics, se rencontre dans la liturgie moza-- )ique aux dimanches de Carême, entre la prophétie Tépitre. La liturgie ambrosienne conserve une 1*1*806 de la litanie d'après Tévangile, dans le triple MC'i/rie eleison qui se dit encore à ce moxsxent, La litanie elle-même est encore en usage . à Milan , aux messes des dimanches de Carême, mais au commencement de la messe , après VIngressa et le Dominus vobis- ofim. Voici le texte, d'après le sacramentaire de Biasca (X- s.) :

IneipU letania. Dominica 1 de Quadragesima, Divinae paoifi et in- ^^gentiae muncre supplicantes, ex toto corde et ex tota mente precamur te , Domine, mislérere.

Pro Ecclesia tua sancta cathoiiia , qaae hic et per universom ^^bem diffusa est, prccamur, etc.

Pro papa nostro illo (2) et omni clero eius omnibusque saceiv ^otibus ac ministris» precamur...

Pro famulo tuo illo imperatore et famula tua illa impératrice et ^Uini exercitui eorum, precamur...

(1) Cette prière est mentionnée dans le concile de Lyon de Tan 517 (c. Q; on y accorde à des pénitents, comme une grâce spéciale, la faculté de rester à l'église ; « usque ad orationem plebis quae post eyangelia legpretur. »

(2) L'archevêque de Milan.

190 0RI0INB8 DU GULTB GHRÉTIBN.

Pro pace eclesiarum , vocatione gentium et quiète popalonuDi precamur...

Pro plèbe bac et conversatione eius omnibusque babitantOMU in ea» precamur...

Pro aerum temperie ac fructuum et fecunditate terrarum, pre- camur...

Pro virginibus, viduis, orfenis, captivis ac penitentîbas, pre- camur...

Pro navigantibus, iter agentibus, in carceribus, in vincolisiii metaliîs, in exiliis constitutia, precamur...

Pro his qui diversis infirmitatibus detinentur, qiiique spiritibna vexantur inmuodis, precamur...

Pro his qui in sancta tua Eclesia fructus misericordiae lai^gion- tur, precamur...

Exaudi nos Deus, in omni oratione atqae deprecatione nottn; precamur...

Dicamus omnes : Domine miserere. Kj(rie eleison), Ey(rie eleison), Ky(rie eleison).

Dans le missel irlandais de Stowe on en trouve une toute semblable , entre Tépitre et l'évangile. La voici (1) :

Dicamus omnes : a Domine exaudi et miserere. Domine mise- rere, n ex toto corde et ex tota mente.

Qui respicis super terram et facis eam tremere. Oramus [te, Domine, exaudi et miserere] (2).

1. Pro altissima pace et tranquillitate temporum nostrorum, pro sancta Ecclesia catholica quae a finibus usque ad terminos orbis terrae. Oramus.

2. Pro pastore n[ostro] episcopo et omnibus episcppis et près- byteris et diaconis et omni clero. Oramus.

3. Pro hoc ioco et inhabitantibus in eo, pro piissimis imperato- ribus et omni Romano exercitu. Oramus.

4. Pro omnibus qui in sublimitate constituti sunt, pro virgini- bus, viduiset orfanis. Oramus.

(1) Warren, The liturgy of Celtic church, p. 229.

(2) Dans le missel de Stowe, chaque verset est suivi seulement du mot Oramus, Un ms. de Fulda , cité par Bona (Rer. liturg, , II, 4, } 3), contient la même litanie avec quelques variantes peu importan- tes ; on y voit que la formule de réponse doit être complétée comme je l'ai fait. Sur ceci et ce qui suit, cf. Warren, p. 252*

LA MESSE GALLICANE. 191

5. Pro peregrinaotibus et iter agentibus ac navigantibus et paenitentibas et catechumenis. Oi*amus.

6. Pro bis qui in saocta Ëcclesia fructus misericordiae largiua- tur. Domine Deus virtutum. exaudi preces nostras. Oramus.

7. Sanctorum aposlolorum ac martyrum memores simus, ut orantibus eis pro nobis veniam mereamur. Oramus.

8. Ghristiaoum et pacificum nobis finem concedi a Domino pre- ceniur. Praesta, Domine, praesta.

. 9. Et divinum in nobis permanere vioculum caritatis sanctum Dominum deprecemur. Praesta.

- 10. Cooservare sanctitatem et catholicae fidei puritatem Domi- num deprecemur. Praesta. Dicamus, etc.

Il suffit de comparer cette litanie à celles que Ton trouve dans les liturgies d'Orient , depuis celle des Constitutions apostoliques, pour se convaincre qu'elle est absolument du même type ; on peut même aller plus loin, et établir que nous n'avons ici qu'une tra- duction d'un texte grec. Le début est exactement celui de la litanie de Constantinople (1) : Ehoy^u^ Tcavrsç

6hf\ç vr^ «j/u^TJç xal l^ Shf\ç tyjç $cavo{aç ^fjuov, etTccofxev.

On en peut dire autant de la formule de réponse : Ae({{jieda <rou, l'Rdexouaov xal IX^rjffov. Quant aux demandes de la litanie , leur texte ne correspond exactement à au- cune des litanies grecques qui nous sont connues, mais il est distribué dans le même ordre et rédigé dans le même style. Il y a moins de différence entre cette litanie latine et les litanies grecques des litur- gies de saint Jacques, de saint Chrysostome, etc., qu'il n'y en a entre ces dernières et celle des Consti- tutions apostoliques (2).

(1) Swainson, p. 118; je cite le texte du onzième siècle.

(2) Voici les coïncidences les plus notables (CP = liturgie byzan- tine; Jac. = liturgie de saint Jacques; Cl. = liturgie des Const. apostoliques) : « 1. *Tirèp tîîç fivwOev elp^vT)ç (Jac., CP), («cèp tîj; àyCaç xa- OoXixfjç xal àicoaToXixîjc èxxXviaCaïc Tijç àizà icepdcTwv ëcoc icepàrcov (Cl.). 2. *r7tèp ToO êicioxéirou i^(&(ôv , tov ti(jl(ou wpwéuTepCou, Tijç èv XpiaTtp Ôtaxo- vioLÇ, wavTÔ; toO xX^pou (CP). 3. Twàp ti}; àyiaç (ioviic xaOx-t\Çj icdoric

t92 ORIGim» DU 6ULT» qhuétien.

La litfiMii'e était suiviie d'une oradson récitée pa révoque ; c*est la Collectio post precem ; on y rédum les prières qui viennent cPétre faites. Voici celle dm jour de Noël,, dans le Uissale Gathicum :

Sxaudi, Domina, familianir IUm) dicatam* et Jd tuae ecclftsiae gre- mio in hac hodierna solemnitate NAtivital;i8 tuae congregatam ut laudes tuas exponat.. Tiil^ue captûris redemptionem, oaeois visum, peccantibus remissioneni ; quia tu venisti ut salves facias nos. Aapice de oaelo saA«to tuo et inlumina pofMilum tuuna., quoi*um animus in te plena devotionc confidit^ ^aivator mundi, qm vïvh, etc.

Cette collecte correspond, da^ns la liturgie des Con- stitutions apostoliques , à la prière Kupic Twnoapdxo^ , et dans la liturgie de Constantinople , à la formule plus courte Kupte 6 0eoç -^fwov, TJjv àcTsviJïv tauTïjv (1). Elle a dis- paru de toutes les liturgies latines (2).

Le renvoi des catéchumènes.

Germain : « Cateckumenum ergo diaconus ideo cla^ mat iuxta anticum Ecclesiae ritum, ut tant iudaei quam haeretici vel pagani instructif qui grandes ad baptismum veniebant et ante baptismum probabantur (3), sta>rent in

irôXecû; xal x<^P>Ct >t*l twv irCarei oIxovvtuv èv avTaîç (CP). ^Ticèp toO 8Ù<T66e(TTàTou xat 9iXoxp((rrou V)(i«Sv ^aaïkéta^t icavToç toO naXovCou xai toO orpaTOicéfiov xal vCxt)ç aÙTÛv (Jac). 4. *Ticèp ^aiXsdiv xai tAv iv 6ict- poxB (Cl.) , 0icèp...7cap0év(i>v X'')P<**^ f ^ **i ôpçavôv (Cl.). 5. ^Ticip icXe6v- Twv xal ô5oi7copouvTtt)v (Cl., CP., Jac), ÇeviTEUôvTcov (Jac). 6. Ticèp tûv xapicoçopovvTCDv èv t^ ftyC^ 6xxXT)<rCa xal itoiovvtmv toT; nésui^t tàc êXeT)|AO- atjvoiç (Cl.). 7. Tij; icavayCot;... MapCot; xal icàvrcuv Tâv &yu»v xoU Smoîasv (&vif)|ioveu(T(i>tAev, Sicco; eùxatc xal icpeaêeCaiç aOtûv ol iràvTeç iXev)Oû|iev (Jac). 8. XpKrriavà Ta xikr\ Ti}; ÇttiSj; i^(&côv, àvcoSvva, àveicaioxuvTa... alxijaè»- txeOa (Jac). 9, 10. Tj^v ivorqTa t^ç icC9«c«t>ç xal ti]v xotvuivCav tov ica- voyUu nveupLOTOç (Jac). » (i) Swainson^ p. 77.

(2) Cependant, comme elle fait corps avec la litanie qui la précède, il y a lieu de rappeler ici ce qui a été dit ci-dessus , p. 165, nota 1, à propos de la partie correspondante de la messe romaine.

(3) Probaniury éd.

LA MESSE GALLICANE. 193

ecclesia et audirent consilium Veteris et Novi Testamenti; postea deprecarent pro illos levitae , diceret sacerdos col- lectam, post precem exirent postea forh qui digni non erantstare dum inferebatur oblatio^ et foras an te ostium omcultarent prostrati ad terrain mag)ialla. Quae cura addiaconum vel ad ostiarmm pertinehat. ut ille (1) eos admoneret exire, iste provideret ne quis indiqnus retar- daretur in templo^ dicendo : Nolite dare Sanctum ca- nibus^ neque mittatis margaritas ante porcos. »

Déjà, dans la seconde moitié du sixième siècle, le catéchuménat n'était plus qu'un souvenir. On avait besoin d'expliquer la missa (renvoi) catechuvienorum , dont le rite s'était cependant conservé (2 . Cette céré- monie avait lieu après la prière, comme dans la litur- gie de Constantinople. Celle des Constitutions apos- toliques la place auparavant. On ne voit pas clairement, parle texte de saint Germain, si elle était accompagnée deprières spéciales. Je serais porté à croire que ce texte vise les prières qui viennent d'être étudiées, mais que, à l'origine , il y en avait eu de spéciales , supprimées par suite de la disparition des catéchumènes. Ainsi, âU déclin du sixième siècle, au moins dans l'église de Paris, on se bornait à prononcer quelque formule ^Omme Ne quiscatechumenus, catechumeni recédant , etc. Le renvoi des pénitents , qui n'est pas marqué par Saint Germain , était encore en usage peu de temps ^Vant lui. Le concile de Lyon, célébré vers l'année 517, ^H fait une mention expresse (c. 6). D'après ce texte l^s pénitents auraient été renvoyés, d'ordinaire, avant la prière des fidèles (3).

(1) nie eos] mis, éd.

(2) Le concile d'Epaone (517) , c. 29 , la mentionne encore : « Cum ^techumeni procedere commonentur. »

(3) Voy. ci-dessus, p. 189, note 2.

13

194 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

8"* Procession de Poblation.

Germain : Spiritaliter iubemur silentium facere dbm- vantes ad o.stium , id est ut tacentes a tumultu rerèo- rum,.. hoc solum cor intendat ut in se Christvm m- cipiat.

De sono. Sonum autem quod canitur quando procédât oblatio, hinc traxit eœordium. Praecepit Dominus Moifliy ... Nv/nc autem procedentem ad altarium corpus Chi^P^ non iam tuhis irreprehensibilibus^ sed spiritalibus voci^ bus praeclara Christi magnalia dulci modilia psalld^ Ecclesia. Corpus vero Domini ideo defertur in it«mit<- quia.,. Sanquis vero Christi ideo specialiter offerturiT* calice quio... Aqua autem ideo miscetur vel quia...

Patena autem vocatur ubi consecratur oblatio, qvi^ ... Palta vero linostima... Corporalis vero palla idt^ pura linea est super quam oblatio ponitur , quia.^ Coopertum vero sacram^ntorum ideo exomatur qm^ ... Sirico autem ornatur aut auro , vel gemmis.

Laudes a^tem, hoc est Alléluia^ lohannes in Apocalypr^ post resurrectionem audivit psallere, Ideo hora illa Do^ mini pallio quasi Christus tegitur caelo (1), ecclesia soW angelicum canticum [cantare], Quod autem, habet ipsct Alléluia prima et secunda et tertia , signât tria tm- pora ante legem, sub lege, sub gratia. »

La cérémonie commence par une exhortation au silence et à la surveillance des portes. Saint Germain interprète ceci des portes de Tâme , c'est-à-dire des sens. Mais la véritable signification est- donnée par Texclamation du diacre dans la liturgie de saint Jac- ques : Mt^ TtÇ TWV XaTTl)(^OU[JLiv(OV , |i.T^ TIÇ TWV â(i.y^T(ûV , {JL-J^ TIÇ ToW

{i.1^ 8uvafiiv(ji>v :?i[/.ïv 9uv8eY)ô9jvai ! 'AXXtJXouç &7ciYVb>Te ITàçôupaç! 'OpOoi

wdtvTsç! Il s'agit évidemment des portes de l'église,' ^we

(1) Passage altéré.

I.A MESSE GALLICANE. 195

l'on doit surveiller afîu qu'aucun profane ne puisse pénétrer dans l'assemblée.

L'oblation a été préparée d'avance. On lui rend par

prolepse les mêmes honneurs qu'après la consécration ;

On la désigne déjfi sous les noms de corps et de sang

du Christ. La préparation a eu lieu avant l'entrée du

célébrant (l), avec des rites et des prières dont les

documents mérovingiens n*ont conservé aucune trace.

ill en reste quelque chose dans les livres irlandais, le

Jcnissel de Stowe et le Lebar Brecc (2). Le missel

mozarabique contient toute la cérémonie dans le plus

.^rand détail. Il la contient même deux fois, avant

l'entrée des célébrants et après la procession de

IL'-oblation. C'est aussi à cet endroit , correspondant à

l'offertoire romain actuel, que ce rite figure dans le

omissel ambrosien. Mais, à cette place, la préparation

de Toblation ne peut être qu'une modification inspirée

^^lar Tusage romain. Celui-ci =6e reconnaît encore dans

la cérémonie des V-ecckioni de Milan , qui font , à ce

onoment , l'offrande du pain et du vin , comme c'est

aussi l'usage en beaucoup d'églises de France. Le

^te de l'offrande par le peuple , à ce moment de la

amesse, est romain d'origine, et incompatible avec celui

de la procemo oblationis, commun à l'usage gallican

^ik l'usage oriental.

Le pain est porté dans un vase en forme de tour (3),

(1) Cette particularité gallicane a passé dans l'usage spécial de Tor- '^e.de saint, Dominique.

(2) Whitley Stokes , The irish pass&ges in the Stowe missal. Cal- cutto, 1881, p. 8, 14.

■{3) Cf. Greg. Tur. , Glor, M&rt, , 85. La scène se passe à Riom , le j*ur.de Saint-Polycarpe. « Lecta igitur passione (s. Polycarpi) cum i^iquis lectienibus quas canon sacerdotalis invexit , tempus ad sa- erificium offerendum advenit. Accepta quoque turre diaconus, in qua mysterium Dominici corporis habebatur , ferre cepit ad ostium ; in- gres&usque templum ut eam altari superponeret , elapsa de manu aiua ferebatur in aéra, et sic ad ipsam aram accedens, nunquam eam manus«Uaconi potuit adsequi; quod non alia credimus actum de

196 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

le vin mêlé d'eau , dans un calice. Outre ces deizi vases sacrés , il y a encore la patène , Ton dépose le pain eucharistique, soit pendant la préparatioD , soit à l'autel, pendant la consécration. Il est question aussi de trois voiles, dont Tun, corporalis palla, est en toile de lin , sans aucun mélange {pura linea) ; c'est la nappe de l'autel ; l'autre est tissu de soie, d'or et même de pierres précieuses. Il sert à couvrir l'obla- tion une fois qu'elle a été déposée sur le corporal. Je ne vois pas à quoi pouvait servir la palla linostima -, dont Germain parle d'abord. Dans le rit byzantin, il y a un voile pour couvrir la patène et le pain, unau^'' tre pour le calice , un troisième pour les couvrir tou ^ les deux à la fois.

Pendant la procession , le chœur exécute un mor ^ ceau de chant , analogue au Cheroubicon byzantin^ comme celui-ci, il se termine ips,rV Alléluia, C'est ce q\i^^ saint Germain appelle Sonus, Dans la liturgie mozara bique , ce chant porte le nom de Laudes , qui se ren- contre déjà au septième siècle (1). A Milan, il est signé par le terme Antiphona post evangelium. Quand^ les aliments sacrés sont déposés sur l'autel , on le recouvre du voile précieux (2) ; alors le chœur axé cute une seconde pièce, que saint Germain appell Laudes ou Alléluia, C'est le Sacrificium ou Offertorium^ de la liturgie mozarabique (3) , VOfferenda de la litur

causa, nisi quia poUutus erat in conscientia. » Knisch , ad h. 2., a ei tort de confondre l'usage de cette tour avec celui de la capsa , od.^ l'on transportait l'Eucharistie dans la messe romaine.

(1) Isidore, De eccl. off.y I, 13; Conc, Toi. IV, 11.

(2) Ce voile est mentionné plusieurs fois par Grégoire de TounF (Hist. Fr, , VII, 22; Virtutes s. MaLrtini, II, 25; Vtfae PP,j VIII, 11). On voit , par ce dernier texte , que le tissu ne devait pas en étr» transparent , car le voile devait intercepter la vue du mysterium corporis s&nguinisque d^minici.

(3) Sacrificium est le terme employé dans les livres liturgiques ; offertorium se trouve dans saint Isidore {loc, cit., 14) : «t De offerto- riis. Offertoria, quae in sacrificiorum honore canuntur, » etc.

LA MESSE GALLICANE. 197

gie milanaise. Voici le texte mozarabique de ces deux chants, pour la fête de Noël :

Laudes :

Alléluia! Rédemption em misit Dominus populo suo; mandavit io aeternum testamentum suum ; sanctum et terribile nomen eias. Alléluia !

Sacrifidum :

Parvulus natus est nobis et filius datus est nobis ; et factus est priDcipatus eius super humeros eius. Alléluia ! Alléluia !

Il y a ordinairement , dans la liturgie mozarabi- çue, deux versets au Sacrifidum. De cette façon, en combinant les deux chants, on obtient le triple Aile- luia dont parle saint Germain. L'idée de les grouper est d'autant plus naturelle qu'à l'origine ils devaient se suivre sans intervalle. Les prières qui les séparent actuellement dans les liturgies de Milan et de Tolède sont, comme je Fai dit, hors de leur place primitive , au moins en partie ; les autres sont des prières se- crètes, que l'officiant récite en son particulier pen- dant que le chœur chante.

9* La prière du voile.

Saint Germain n'en parle pas. Elle était précédée d'une sorte de préface ou d'invitatoire , adressée non à Dieu, mais aux fidèles présents.

PRAËFATIO MISSAB.

Sacrosanctum beatae Nativitatis diem, in quo, nascente Domino,

vipginalis uteri arcana laxata sunt, incorruptorumque genitalium

poodus saeculi levaraen efifusum est, sicut exoptavimus votis ita

veneremur et gaudiis. Hic namque ortus die splendidior, luce

coruscantior est. In hoc omnipotentem Deum qui terrenam fragi-

lemque materiam causa nostrae redemptionis adsumpsit, Fratres

dilectissimi , supplices deprecemur, uti nos, quos ortu corporis

Tisitavit, societate convcrsationis edocuit, praecepto praedicatio-

nis instituit , degustatione mortis redemit , participatione mortis

amplexas est, divini Spiritus infusione ditavit, sub perpétua de-

198 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

votione custodiat; et in his beati famulatus studiis perman^Te concédât, qui cum Pâtre et Spiritu Sancto vivit et régnât Dfe -mis in saecuia saeculorum.

COLLECTIO SEQUITUR.

Deus , qui divcs es in' misericordia , qua mortuos nos pecca^. tis convivificasti Christo Filio tuo, ut formam servi acciperet qui c^ n^ nia formavit, ut qui erat in deitate generaretur in carne, ut inv^o/- veretur in pannis qui adorabatur in stellis, ut iaceret in praese pio qui regnabat in caelo ; invocantibus nobis aurem maiestatis tnjae' propitiatus adcommoda, donans hoc per inefiabiiem tuae miser/' cordiae carrtatem, ut qui exultavimus de nativitate Filii tui, qui vel ex virgine natus vei ex'Spirhu sancto regeneratus est, parea*-' mus praeceptis eins quibus nos edocuit ad salutem. Praesta, per^ dominum nostrum lesum Ghristum Fiiium tuum , qui tecum, etc.

Dans les liturgies ambrosienne et mozarabique, ces formules sont précédées d'un salut (1). Saint Isidore les présente comme les deux premières oraisons la messe. En réalité, il n'y a qu'une oraison et ce n'est pas la première ; mais saint Isidore ne fait com- mencer la messe qu'après les chants de l'ofFertoire (2). A Milan , cette première prière porte le nom d^Ch^atio super sindonem ; elle n'a pas de nom spécial dans les autres liturgies gallicanes. C'est évidemment l'analo- gue de l'oraison super oblata ou Secrète , de la litur- gie romaine. Dans la liturgie mozarabique, l'invitatoire

(1) C'est ici qu'avait lieu autrefois, à Milan, la cérémonie du baiser de paix. Le diacre en donnait le signal par les mots Pacem h&bete! n disait ensuite : Erigite vos ad orationem ! A quoi l'on répondait : Ad te domine. Cf. le Sol, Kupie, réponse fréquente dans les liturgies grecques. Dans les livres actuels, les mots- Erigite vos ad orationem ayant été supprimés, la réponse Ad te Dom,ine n'offre' plus un sensi auftsi naturel.

(2) De eccL off, , 1 , 15 : « Ordo autem missae et orationum quibua oblata Deo sacrificia consecrantur primum a sancto Petro est insti- tutus, cuius celebrationem uno eodemque modo universus peragit orbis (ceci doit être interprété). Prima earumdem oratio admonitio- nis est erg^a populum , ut excitentur ad' exorandum Deum ; secundiir invocationis ad Deum est, ut ciementer suscipiat preces fi<l6liiiitf ^oblmtioneNiqne eorum. u

LA MESSE GALLICANE. 199

•est séparé de Toraison ainsi qu'il suit : le prêtre dit -Oremus^ le chœur chante le trisagion : ^'Ayw;, ^Ytoç? «Sf^toç, Domine Dev/S^ rex aeterne^ tihi laudes et grattas/ Puis le prêtre reprend : Ecclesiam sanctam catholicam in ora- tionibus in mente habeamus ; ut eam Dominus fide et spe et caritate propitius ampliare dignetur; omnes lap' SOS , captivas , infirmas atque peregrinos in mente habeor fmtô, ut eos Dominus propitius redimere, sanare et con- fortare dignetur. Le chœur répond : Praesta, aeterne^ omnipotens Deusf L'oraison vient ensuite.

10* Lecture des diptyques.

Germain : Nomina defunctorum ideo'hora illa reci- tantur qua pallium tollitur , quia tune erit resurrectio mortuorum quando adveniente Christo caelum, sicut li^ ber plicabibur.

Une formule de diptyques s'est conservée dans la liturgie mozarabique :

Offerunt Deo Domino oblationem sacerdotes nostri (I) , papa Romensis et reliqui, pro se et pro omni clero ac plebibus ccclesiae sibimet consignatis vel pro universa fraternitate.

Item ofiferunt universi presbyteri, diaconi , clerici ac populi cir- cumastantes» in honorem sanctorum, pro se et pro suis.

1^. Offerunt pro se et pro universa fraternitate.

Facientes commemorationem beatissimorum apostolorum et martyrum, gloriosae (2) sanctae Mariae virginis , Zachariae, lo- hannis, Infanturn» Pétri, Pauli, lohannis, lacobi, Andreae, Phi- lippin Tbomae , Bartholbmaei , Matthei^ lacobi, Simonis et ludae , Matthiae , Marci et Lucae. i^. Et omnium martyrum.

Item pro spiritibus pausantium, Hilarii, Athanasii, Martini, Am-

(1) Les évéques d'Espagne. Le pape devait toujours être nommé. Concile de Vaison (529), c. 4 : « Et hoc nobis iustum visum est ut no- men domni Papae quicumque sedi apostolicae praefuerit, in nostris ecclesiis recitetur. »

(2) Les mots gloriosaie-infantum doivent être une adjonction pos- térieure. Ils ne sont pas prévus dans la formule qui précède : apo«- jtolorum et m&rtyrum. Les noms des martyrs ont dispara.

200 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

brosii, Augustini, Fulgentii, Lcandri, Isidori, etc. i^. Et om- nium pansantium (1).

Je citerai aussi une formule de diptyques à Tusage d'une é^dise irlandaise. Elle se trouve dans le missel de Stowe, iiiton:alée au milieu du Mémento des morts de la messe romaine (2).

Cum (3) omnibus in toto mundo offerentibus sacrificium spiri- taie Deo Patri et Filio et Spiritui sancto sanctis ac venerabilibus sacerdotibus. oflort senior noster N. presbytcr, pro se et pro sais et pro totius ecclesiae coetu cathoticae, et pro commemoraûdo anuthletico ^n.idu vonerabilium patriarcharum, prophetaruin, apos- tolorum et martyrum et omnium quoque sanctorum, ut pro nobis dominum Denrn nostrumexorare dignentur : Abïis (4), Zetb, Enoe, Noe, Melchsedecf^, Abrache, Isac, lacob, loseph , lob, Mosi, Essu (5), Samuolis, David, Heliae, Helessiae, Essaiae, Heremiae, Ezechelis, Danielis, Hestre (6), Osse, lobel, Amos, Abdiae, lonae, Michiae, Nauum , Ambacue, Sopboniae, Agiae, Sachariae, Mala- chiae, Tobiae, Ananiae, Azariae, Misahelis, Machabeorum;

item Infantium (7), lohannis Baptiste et virginis Mariae, P^tri, Pauliy Andriae, lacobi , lohannis, Piiipi, Barthalomae , Tomae, Mathei, lacobi , Simonis, Tathei, Madiani (8), Marci, Lucae, 8te- fani, Gorniii, Gi[)nani et ceterorum martirum ;

(1) Cette formule, très peu développée, doit être loin de sa rédac- tion primitive. Elle a pourtant conservé des vestiges d'antiquité, no- tamment le groupement des saints confesseurs avec les défunts or- dinaires. Mabillon en rapproche la formule de commémoration qui figure à la fin de la règle d'Aurélien , évéque d'Arles , du sixième siècle (Migne, P. L., t. LXVIII, p. 395).

(2) Warren , loc. cit, , p. 237-240. La formule est coupée par une litanie et une oraison dont il n'y a pas à tenir compte. Ces pièces , en effet, occupent deux feuillets (29, 30) intercalés (Warren, p. 200), d'une écriture postérieure. Les noms de la litanie , latins ou irlan* dais, sont tous au vocatif, précédés du mot sancte et suivis de Tin- vocation Ora pro nobis. Dans la liste primitive, la seule que je donne ici, les noms latins et irlandais sont tous isolés et au génitif, comme l'exige la construction de la phrase.

(3) Je rétablis l'orthographe usuelle pour le texte ordinaire , mais pas pour les noms propres.

(4) Abelis.

(5) Icsu = Josué.

(6) Esdrae.

(7) Les saints Innocents.

(8) Matthias ; son nom est répété deux fois, par erreur.

LA MESSE GALLICANE. 20t

Pauli, Antoni, et ceterorum patrum heremi Sciti (1) ;

item episcoporum : Martini, Grigori, Maximi, Felicis, Patrici, Pa- trici, Secundini, Auxili, Isernini, Cerbani, Erci, Catheri, Ibori, Ailbi, Conlai, Maicnissae, Moinenn, Senani, Finbarri, /////////ni , Ck)lmani, Cuani, Declach, Laurenti, Melleti, Iusti(2), Aedo, Da- gani, Tigernicb , Muchti, Ciannani, Buiti , Eogeni, Declani, Car- tbain, Maileruen (3) ;

item et sacerdotum : Vinniani, Ciarani, Oengusso, Endi , Giide, Brendini, Brendini , Cainnichi, Coiumbe, Columbe, Golmani , Gomgelii , Goemgeni ;

et omnium pausantium, qui nos in dominica pace praecesserunt ab Adam usque in bodiernum diem , quorum Deus nomina novit (4).

La récitation des diptyques était suivie de Toraison post nomina :

COLLECTIO POST NOMINA.

Suscipe , quaesumus , Domine lesu omnipotens Deus , sacrifi- cium laudis oblatum quod pro tua hodierna Incarnatione a nobis offertur; et per eum sic propitiatus adesto ut superstitibus vitam, defunctis requiem tribuas sempiternam. Nomina quorum sunt recitatione complexa scribi iubeas in aeternitate, pro quibus appa- ruisti in carne, Salvator mundi , qui cum coaeterno Pâtre vivis et régnas etc.

C'est la troisième des oraisons de la messe, d'après saint Isidore (5).

(1) Le désert de Scété.

(2) Les trois premiers successeurs de saint Augustin au siège de Gantorbéry; Augustin lui-même est omis; il n'y a sans doute, dans cette omission, qu'une inadvertance du rédacteur ou de quelque copiste.

(3) <K If, as is probable, the Maelruen hère mentioned was Maelruain^ bishop of Tallaght, this part of the manuscript must hâve been written after a. d. 792 in which year that bishop died. » Whitley Stokes, loc, cit., p. 5.

(4) Au lieu de nomina novit, le ms. porte non nomin&vit et novit.

(5) Loc, cit. : « Tertia autem offunditur pro ofiferentibus sive pro dehinctis fidclibus, ut per idem sacrificium veniam consequantur. »

20? OniGINBS DU CULTB CHRÉTIEN.

Il* Le baiser de paix.

OKitMAiN : Pacem autem ideo Christiani (1) muPao proferunt ut per mutuum osculum teneant in se carilais

affectum .

(U'ÀUi côrémoriie du baiser de paix était accompagnée d*uiie oraison (2j :

COLLBCTIO AD PACEM.

Ornnipotcns sempitcrne Deus, qui bunc diem Incarnatioois tuiu' ai partus beatae Mariae virginis consecrasti, quique dis- conJiam vetustam per transgressionem ligni veteris cum angelis et horiiinihus per iDcarnatioDis mysterium , lapis angularis , iurixisti ; da f'amiliae tuae in bac celebritate laetitiam ; ut qoi^ to rsoiisortem in Garnis propinquitate laetantur, ad summorum cividin iinitatem, super quos corpus adsumptum evexisti , per- ducantur; et (3) scmelipsos per externa complexa iungantur, ut iur^ii non patout interruptio , qui te auctorem gaudent in sua na- tura por carnis venisse contuberniuai. Quod ipse praestare dignes ris, qui cum Patro, etc.

Dans lu liturgie mozarabique, la seule qui nous ait conservé l'ordre et les formules de cette cérémonie, Toraisou ad Pacem précède le baiser de paix ; vient ensuite le jijrand salut qui, dans les liturgies syro-by- zantines, procède la prière eucharistique :

(îratia IVi Patris omnipotentis , pax ac dilectio domini nostri losu Ohristi et oommunicatio Spiritus sancti sit semper cum omnibus vobia (4).

^1) Christi, éd.

v*^ Isidore. loi\ ri(. : * Quarta post haec infertur pro oscolo pacis, ul cbAritate rrroiiciliati omnee invicem digne sacramento corporis et siing\iiniï< Ohrisri consociontur, quia non recipit dissensionem cnius- qoam Ohristi indivisibile corpus. »

v3^ W faudrait $upplœr$ic in fer ou quelque chose de semblable.

v4^ i^lem. : « *H X^^ ^^ x«niToxp«Topo; ^eoO xm ^ i|«iif. toO xupiou

0^«k\. « L^ latin ne ftùt qu*ajoat«r l«s mots Pétris et pax: pour toat

LA. ATESSB GALLICANE. 203

^. Et cum hominibus bonae voluntatis. Quomodo astatis pacem facite.

Pendant que Ton se donne le saint baiser, le chœur exécute un répons :

Pacem meam do vobis ; pacem meam commendo vobis ; non sicut mundus dat, pacem do vobis. j^. Novum mandatum do vobis ut diligatis invicem. Pacem meam , etc. j^. Gloria et honor Patri et Filio et Spiritui sancto. Pacem meam, etc.

Dans le rit ambrosien actuel, le baiser de paix se place, comme à Rome, immédiatement avant la com- . munion ; mais ce n'est pas sa place primitive. Au commencement du cinquième siècle, la lettre d'Inno- cent à Decentius constate l'usage, en vigueur dans l'Italie du nord, de se donner le baiser de paix avant les prières consécratoires , ante confecta mystsria. Il eïi reste un vestige dans l'invitation du diacre : Pa- cem habete, qui se présente, dans les livres milanais, avant l'oraison super sindonem. Quant à la lecture des diptyques, on voit, par le même document, qu'elle se plaçait aussi avant la préface et le canon. Elle a main- tenant dispai-u de l'usage ambrosien, par suite de ràdoption du canon romain.

12* La prière eucharistique.

Germain : Sursum corda ideo sacerdos habere admo^ net ut nulla cogitatio terrena maneat in pectoribus nostris in hora sacrae oblationis^ etc.

Après grand' salut que je viens de citer, la litur- gie mozarabique présente, pour le dialogue initial, le texte suivant :

Introibo ad altare Dei.

Ad Deum qui laetificat iuventutem meam.

le reste , il n'est qu'une traduction du grec. Les formules des litur- gies grecques ou orientales s'écartent beaucoup plus du texte des> Constitutions apostoliques.

204 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Aures ad Dominum !

^ Habemus ad Dominum.

Sursum corda !

Levemus ad Dominum.

Deo ac Domino nostro lesu Christo filio Del, qui est in caelis, dignas laudes dignasque gratias referamus I

Dignum et iustum est.

Alors le célébrant commence la prière eucharistique, appelée contestatio (1) ou immolatio en Gaule, illatio en Espagne. Cette dernière désignation, attestée par saint Isidore (2), doit être rapprochée du terme grec àvaçopa. C'est l'équivalent de la Préface romaine.

Vere dignum et iustum est, aequum et salutare est , nos tibi gratias agere, Domine sancte, Pater omnipotens, aeterne Deus; quia hodie dominus noster lesus Christus dignatus est visitare mundum , processit de sacrario corporis virginalis et descendit pietate de coelis. Cecinerunt angeli « Gloria in excelsis » eu m hu- manitas claruit Salvatoris. Omnis denique turba exultabat angelo- rum, quia terra regem suscepit aeternum. Maria beata facta est templum pretiosum portans dominum dominorum. Genuit enim pro nostris delictis vitam praeclaram ut mors pelleretur amara. nia enim viscera quae humanam non noverant maculam Deum portare meruerunt. Natus est in mundo qui semper vixit et vivit in caelo , lesus Christus Filius tuus dominus noster. Per quem maiestatem tuam laudant Angeli, etc.

Ici se place le chant du Sanctus, commun à toutes les liturgies. Le texte du missel mozarabique n'offre aucune variante par rapport au texte romain actuelle- ment en usage.

La prière qui suit, Collectio post Sanctus ^ n'est

(1) Greg. Tur. , VirU s, Martini , II , 14. C'est le terme le plus fré- quemment employé dans les livres liturgiques mérovingiens et dans le sacramentaire de Bobbio. Mais on trouve assez souvent imrïtolaiiio dans le Missale gothicum et dans le Missale gallicanum.

(2) Loc' cit. : « Quinta denique infertur illatio in sanctificatione oblationis , in qua etiam et ad Dci laudem terrestrium creaturarum virtutemque caelestium universitas provocatur et Hosanna in excel- sis cantatur, quod Salvatore de génère David nascente salus mundo usque ad excelsa pervenerit. »

LA MESSE GALLICANE. 205

qu'une transition entre le Sanctus et le récit de l'ins- titution de TEucharistie. Comme dans les liturgies orientales (i), elle commence régulièrement par les mots Vere sanctus. Saint Isidore ne la distingue pas de la prière précédente ; mais, dans les livres liturgiques, elle en est nettement détachée. Par une exception fort rare, les mots Vere sanctus ne figurent pas dans le Missale gothicum à cet endroit de la messe de Noël.

POST SANCTUS.

Gloria in excelsis Deo et in terra pax hominibus bonae volun- tatis ! Quia adpropinquavit redemptio nostra, venit antiqua expec- tatio gentium, adest promissa resurrectio mortuorum, iamque praefulget aeterna expectatio beatorum; per Ghristum dominum nostrum. Qui pridie quam pro Dostra omnium salute patereturj...

La liturgie ambrosienne actuelle suit ici l'ordre et le texte du canon romain. Mais il reste, dans les plus anciens manuscrits, une trace remarquable de la con- formité primitive avec Tordre gallican. A la messe du samedi saint, le Sanctus se relie au Qui pridie par une seule et unique formule , dont le type gallican n'est pas méconnaissable :

POST SANCTUS.

Vere sanctus , vere benedictus dominus noster lesus Christus filius tuus. Qui, cum Oeus esset maiestatis, descendit de caelo, formam servi qui primas perierat suscepit , et sponte pati digna- tus est ut eum quem Ipse fecerat liberaret. Unde (2) et hoc pas- chale sacrificium tibi offerimus pro his quos ex aqua et Spiritu sancto regenerare dignatus es, dans eis remissionem omnium peccatorum^ ut invenires eos in Ghristo lesu domino nostro ; pro quibus tibi, Domine, supplices fundimus preces ut nomina eorum pariterque famnli tui imperatoris scripta habeas in libro viven-

(1) « 'A^ioç Y*P fil, ûç àXY|6wç, xal icocvdftoc... (Cl. OP.). 'A^ioç el, po- atXeu Tûv &«f^^ ^^^ iràoT]; à-xuà^^tri^ x^ptoc... (Jac). nXi^pv); ^^p loriv, <bc àXv)6â>c , ô oOpavè; xal if) Y^j ti}; à.'^oj^ aov 8ô^; (Aiex.). »

(2) Cette phrase a quelque analogie avec le Hanc igitur de la messe ^ pascale suivant l'usage romain.

206 ORIGINBS DU CULTE CHRÉTIEN.

tiura. Per Christum dominum oostrum, qui pridie quam^^ro aos- tra et omnium salute pateretur, accipiens pauem, etc. (i).

Dans les anciens livres gallicans, le récit de Tinsti- tution de TEucharistie est toujours omis, ou plutôt on se borne à l'indiquer par les premiers mots ; le célé- brant devait le savoir par cœur. Voici le texte am- brosien :

Qui pridie quam pro oostra et omnium salute pateretur, acci- piens pancm elevavit oculos ad te , Deum Patrem suum omnipo* tentcm , tibi gratias agens benedixit, fregit , deditque discipuUs suis diccns ad eos : « Hoc est enim corpus meum. » Simili modo, postea quam caenatum est, accipiens calicem elevavit oculos ad caolos, ad te, Deum Patrem suum omnipotentem, item tibi gratia» agensy benedixit, tradidit discipulis suis, dicens ad eos : « Acci- pite et bibite ex eo omnes ; hic est enim calix sanguinis mei , Dovi et aeterni testamenti , mysterium fidei , qui pro vobis et pra multis effundetur in remissionem peccatorum. » Mandans quoque et dicens ad eos : a Haec quotienscumque feceritis» in meam commemorationem facietis , mortem meam praedicabitis , resur- rectiouem meam adnuntiabitis, adventum meum sperabitis, do- nec iterum de caelis veniam ad vos.

Voici maintenant le texte du missel mozarabique :

[Adesto (2), adesto, lesu, bone pontifex, in medio nostn, sicut fuisti in medio discipulorum tuorum ; sanctifica banc oblationem ut sanctificata sumamus per manus sancti angeli tui, sancte do- mine ac redemptor aeterne.

Dominus noster lesus Ghristus in qua nocte tradebatarj acce- pit panem et gratias agens benedixit ac fregit» deditque discipulis

(1) n est à peine besoin d'avertir que les missels imprimés et même les missels manuscrits du bas moyen âge ont adopté ici la .première partie du canon romain, bien qu'elle fasse manifestement double em- ploi. Je me réfère au sacramentaire de Biasca et à ceux d'un âge analogue.

(2) La prière Adesto ne peut être primitive , car dans les missels fltiérovingiens du septième et du huitième siècle le Vere sanctus est ^ujours joint immédiatement au Qui pridie. Les mots Dominus noster f etc., sont un raccord ; je lesmets entre crochets avecl'oraison

*A4esto jusqu'à l'endroit oii le texte se relie grammaticalement aux premiers mots du Qui pridie.

LA MBB8B GALLICANS. 207

sois, dîceiis : « Âocipite et manducate : hoc est corpus meum quod pro vobis tradetur. Quotiescamque manducaveritis , hoc fa- cile in meam commemorationein. > ^- AmeD. Similiter et calicem postquam caenavit , dicens : « Hic est calix novi testa- meoti in meo sanguine, qui pro vobis et pro muftis effundetur lu remissionem peccatorum. Quotiescumque biberitis, hoc facile in meam commemorationem. ^. Amen. Quotiescumque mauducaveritis panem hune et calicem istum biberitis, mortem Domiui anountiabitis, donec veniet in claritatem de caelis. i|. Amen.

Dans ces deux formules , la dernière phrase s'ins- pire d'un passage de saint Paul (/ Cor.^ XI, 26); un trouve un développement semblable dans la liturgie des Constitutions , dans celles de saint Jacques , de saint Basile, de saint Cyrille et de saint Basile (copte).

La rencontre des deux liturgies mozarabique et am- brosienne, soit entre elles soit avec les liturgies 'd'Orient, sur un détail de cette importance, est un fait très remarquable.

13* L'épiclèse.

Vient ensuite une prière (1) dans laquelle on déve- loppe tantôt ridée de la commémoration du Seigneur, tantôt celle de la transformation eucharistique par l'opération du Saint Esprit. Il arrive même assez sou- vent que ni Tune ni l'autre de ces deux idées ne se trouve exprimée. Je donnerai deux spécimens, tous deux empruntés au Missale gothicum, le premier à la messe de Noël, Tautre à la messe de la Circoncision. L'oraison est introduite par une rubrique variable : Post sécréta , Post Pridie , Post mysterium.

PosT Sborbta. Noël. Gredimus , Domine , adventum tuum ; recolimus passionem

(1) Isidore y loc, cit. : <c Porro sexta ex hinc succedit, conformatio sacramenti, ut oblatio quae Deo offertur, sanctiûcata par Spiritum aanctom, Gbristi corpori ac sanguini conformetur. »

208 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

tuam. Corpus tuiim in peccatorum nostrorum remissionem con- fractum est, sanguis sanctus tuus iD pretium nostrac redempiio- nis effusus est ; qui cum Pâtre et Spiritu sancto vivis et régnas in saecul[a saeculorum].

Circoncision.

Haec nos, Domine, instituta et praecepta retinentes, suppliciter oramus uti hoc sacrificium suscipere et benedicere et sanctificare digneris; ut fiât (1) nobis eucharistia légitima in tuo Filiique tui nomine et Spiritus sancti, in transformationem corporis ac san- guinis domini Dei nostri Icsu Christi, unigeniti tui, per quem omnia créas, creata benedicis, benedicta sanctifîcas et sanctificata largiris , Deus , qui in trinitate perfecta vivis et régnas in saecula saeculorum.

Ces courtes formules ont été remplacées à Milan par la suite du canon romain , U7ide et memores , etc. Mais ici encore il est possible de signaler dans les plus anciens manuscrits une trace de conformité avec Tusage gallican. Dans ces manuscrits, les prières Unde et memores , Supra quae , Supplices te rogamus^ Mémento, Nobis quoque, sont supprimées le jeudi saint, et, à leur place, on trouve la formule suivante (2) :

Uaec facimus, tiaec celebramus, tua Domine, praecepta servan- tes et ad communionem inviolabilem hoc ipsum quod corpus Domini sumimus mortem dominicam nuntiamus.

14* La fraction.

Germain : Confractio vero et commiœtio coiyoris Do- mini tcmtis mysteriis declarata... In hac confractione sacerdos \>ult augere; ibidem débet addere^ quia tune caelestia terrenis miscentur et ad orationem sacerdotis

(1) Les mots qui suivent sont une sorte de formule consacrée, caractéristique de Tépiclése gallicane.

(2) Le Canon du jeudi saint a été publié par Mnratori, Lit. RomanM. vetuSj t. I, p. 133, d'après un manuscrit qui appartient maintenaat i M. le marquis Trotti (décrit par M. Delisle, toc. cit,^ p. 2052).

LA MESSE GALLICANE.

209

i ^aeli aperiuntur. Sacerdote autem frangente , supplex

i clems psallit antiphonam, quia [Christo] patiente dolore

mortis, omnia (1) trementis testata sunt elementa. Oratio

! vero dominica pro hoc ibidem- ponitur ut omnis oratio

nostra in dominica oratione claudatur.

La fraction était très compliquée ; uqe certaine dose -de superstition s'introduisit de bonne heure dans ce rite. On arrangeait sur la patène les parcelles de Thos- tie de manière à dessiner une forme humaine. Le con- * elle de Tours de 567 interdit cette pratique et or- 4 donna de disposer les parcelles en forme de croix (2). ' C'est encore, avec une légère variante, Tusage moza- . rabique. Les parcelles de Thostie sont disposées ainsi qu'il suit ; chacune a sa désignation spéciale, corres- pondant aux mystères de la vie du Christ :

Mors

Corporatio

Nativitas

Circumcisio

Resurrectio

Âpparitio

Passio

Regnum

<!) Sic— J*ai suppléé Christo ; il doit encore manquer quelque chose. (2) ce Ut corpus Domini in altari non in imaginario ordine, s%à sub

14

210 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

En Irlande Thostie était divisée de sept façons diffé- rentes, suivant les fêtes (1) ; en cinq parties aux messes communes, en sept aux fêtes des saints (confesseurs) et des vierges, en huit aux fêtes des martyrs, en neuf le dimanche , en onze aux fêtes des apôtres , en douze aux kalendes de. janvier et au jeudi saint, en treize le dimanche après Pâques et le jour de l'Ascension , en soixante-cinq aux fêtes de Noël, de Pâques et de la Pentecôte. On les disposait en forme de croix, avec quelques complications quand elles étaient nombreu-^ ses ; à la communion chacune des parties de la croix ou de ses appendices était distribuée à un groupe spé- cial de personnes, prêtres, moines, etc.

Pendant que s'opérait ce rite, le chœur exécutait une antiphone. C'est celle que la liturgie ambrosienne^ appelle Confractorium\ dans la liturgie mozarabique on suppose aussi un chant de cette forme ; mais les li- vres mozarabiques actuels le remplacent par la récita- tion du symbole. Le texte suivant m'est fourni par le missel de Stowe; il est à remarquer que ce n'est pas une antiphone, mais un répons.

Fiat, Domine, misericordia tua super nos quenriadmodum spe- ravimus in te.

Cognoverunt Dominum, alléluia, in fractione panis, alléluia.

Panis quem frangimus corpus est domini nostri lesu Christi , alléluia.

Calix quem benedicimus, alléluia, sanguis est domini nostri lésa

crucis titulo componatur » (Conc. Tur,^ II, c. 3). C'est, je crois, con- tre le mémo abus que protestait le pape Pelage I*' dans une lettre écrite , vers 558 , à l'évéque d'Arles Sapaudus (Jaffé , 978) : « Quis etiam illius non excessus, sed sceleris dicam, rodditurus est ratio- nem, quod apud vos idolum ex similaginc, ve iniquitatibus nostris ! patienter fieri audivimus , et ex ipso idolo fideli populo , quasi uni- cuique pro merito, aures, oculos, manus ac diversa singulis membra distribui ? »

(1) Traité irlandais sur la messe (dixième sièclej, dans le missel de^ Stowe, Whitley Stokes^ p. 10. Cf. ci-dessus, p. 148, note 2.

LA MESSE GALLICANE. 211

Christi, alléluia, in remissionem peccatorum nostrorum, alléluia.

Fiat, Domine, misericordia tua super nos, alléluia, quemadmo- dum speravimus in te , alléluia.

Cognoverunt Dominum , alléluia.

Le chant terminé, on récitait Toraison domini- cale (1) , encadrée , comme dans toutes liturgies , en- tre une courte préface et un développement du Libéra nos a malo. Voici ces deux textes, d'après le Missale gothicum pour le jour de Noël :

Non nostro praesumentes , Pater sancte , merito , sed domioi jiostri lesu Christi Filii tui obedientes imperio, audemus dicere :

Pater noster, etc.

Libéra nos, omnipotens Deus, ab omni malo, ab omni periculo, et custodi nos in omni opère bono, perfecta veritas et vera liber- tas, DeuSy qui régnas in saecula saeculorum.

Le Pater était récité, non seulement par TofiBciant, mais encore par le peuple (2). Actuellement, dans le rit mozarabique , Tassistance n*a d'autre rôle que de répondre Amen, à chacune des demandes du Pater,

Venait ensuite le rite de la Commixtion. L'officiant trempait dans le calice une ou plusieurs des parcelles consacrées. Dans le rit mozarabique actuel, c'est la particule Regnum qui sert à cet uisage. Le célébrant ;la tient au-dessus du calice et dit par trois fois :

Vicit lep de tribu luda, radix David, alléluia.

(1) C'est la dernière des sept prières énumérées par saint Isidore {loCj, cit.) : m Harum ultima est oratio qua Dominus noster discipulos •sucs orare instituit , etc. » Avant le Pater ^ on récitait , en Espa- gne, le symbole de Nicée. Cet usage fut introduit par une prescrip- tion formelle du troisième concile de Tolède (589), c. 2 (cf. Isidore, toc, cit.f c. 16).

(2) Greg. Tur., Virt. s. MartinU II, 30. C'est l'usage grec; cf. Greg. M., Ep., IX, 12.

212 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

On lui répond :

Qui sedes super Cherubim, radix David, alléluia.

Puis il laisse tomber la particule dans le calice en disant :

Sancta sanctis ! Et coniunctio corporis domini Dostri lesu Ghristi sit sumeDtibus et potantibus nobis ad veniam, et defunctis fidelibus praestetur ad requiem.

L'ordre de ces cérémonies, dans le rit mozarabique, est attesté par le quatrième concile de Tolède, c. 17, qui mentionne d'abord Toraison dominicale , puis la Commixtion (coniunctionem panis et calicis)^ puis la Bénédiction , enfin la Communion.

Dans le rit ambrosien , le Pater est récité après la Fraction, mais la Commixtion suit immédiatement la Fraction, comme dans le rit romain depuis saint Gré- goire. Le Sancta Sanctis a disparu aussi.

15"* La bénédiction.

Germain (1) : Benedictionem vero populi sacerdotibus fundere Dominus per Moysen mandavit,,. Propter ser- va/ndum honorem pontificis sacri constituerunt canones ut longiorem benedictionem episcopus proferret, brevio^ rem presbyter fimderet, dicens (2) : « Pax, fides et cari tas et communicatio corporis et sanguinis Domini sit sem- per vobiscum. »

La Bénédiction a donné lieu à un grand nombre de formules , variables suivant la fête , dont Tusage sur- vécut en France à l'adoption de la liturgie romaine- On les retrouve encore, au moment j'écris, dans le rituel de l'église de Lyon. Le diacre avertissait les

(1) Cf. Isidore, loc, cit., c. 17.

(2) Dicit, éd.

LA MESSE GALLICANE. 213

fidèles d'incliner la tête sous la bénédiction de Févé- que. La formule dont il se servait, attestée par saint Césaire d'Arles (1), est encore usitée dans le ritmoza- rabique : Humiliate vos benedictioni / C'est l'analogue de la formule grecque : Tiç xscpaXiç ^fxwv Kup((i> xXiv(0(xev ! Après le salut ordinaire (2), l'évêque prononçait une bénédiction en plusieurs phrases , à chacune desquel- les l'assistance répondait Amen.

Deus , qui adventum tuae maiestatis per angelum Gabrihelem priusquam descenderes nuntiare iussisti,

Qui digoauter intra humana viscera ingressus , ex alvo virginis hodie es mundo clarificatus ,

Tu, Domine , benedic banc familiam tuam , quam bodierna so- lemuitas in adventu tuo fecit gaudere ;

Da pacem populo tuo, quem pretiosa nativitate vivificas et pas- sionis toierantia a morte perpétua redemisti ;

Tribue eis de tbesauro tuo indeficientis divitias bonitatis ; reple eos scientia , ut impoUutis actibus et puro corde sequantur te ducem iustitiae, quem suum cognoscunt factorem ;

Et sicut in diebus illis advenientem te in mundo perfidia Hero- dis expavit et periit rex impius a facie régis magni, ita nunc prae- senti tempore celebrata soiemnitas peccatorum nostrorum vincla dissolvat ;

Ut cum iterum ad iudicandum veneris , nullus ex nobis ante tribunal tuum reus appareat ; sed discussa de pectoribus nostris caligine tenebrarum , placeamus conspectui tuo et perveniamus ad illam terram quam sancti tui in requiem possidebunt aeternam.

La courte formule , à l'usage des prêtres , se re- trouve, à peu près telle que saint Germain la donne, dans le missel irlandais de Stowe et dans la liturgie ambrosienne. Missel de Stowe :

Fax et caritas domini nostri lesu Christi et communicatio sanctorum omnium sit semper nobiscum.

(1) <c Rogo, fratres, quoties clamatum fuerit ut vos benedictioni hu~ miliare debeatis, non vobis sit laboriosum capita inclinare, quia non homini, sed Deo humiliatis » (Aug. serm., 285, 2).

(2) Moz.

Î14 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Missel ambrosien :

Pax et communicatio domini nostri lesu ChrisU sit semper vobiscum.

Ici , le rit ambrosien place la cérémonie du baiser de paix, en conformité avec l'usage romain.

16° La communion.

Germain : Tr^canum vero quod psallitur signum est cathoUcae fidei de Trinitatis credulitate procedere. Sic enim prima in secunda , secunda in tertia et rursv/m tertia in secunda et secunda rotatur in prima. Ita Pater in Filio mysterium Trinitatis complectit : Pater in Filio, Filius in Spiritu sancto, Spiritus sanctus in Filio et Filius rursum in Pâtre.

Pour la communion, en Gaule, les fidèles entraient dans l'enceinte sacrée et venaient jusqu'à Tautel (1). En Espagne il n'en était pas de même ; les prêtres et les diacres communiaient à Tautel, les autres clercs dans le chœur (en avant de Tautel), les laïques hors du chœur (2). Les hommes recevaient l'hostie sur la main nue, les femmes sur la main revêtue d'un linge appelé dominical , qu'elles apportaient pour cet usage (3). Pendant la communion, on exécutait un

(1) Conc, Turon. II, 4 : « Ad orandum et communicandum laicis ^etfeminis, sicut mos est, pateant sancta sanctorum. » Cf. Greg. Tur., H. Fr,, IX, 3; X, 8 : « ad altarium. »

(2) Conc. Toi, IV, c. 17.

(3) S. Césaire (serm. 252 de Tempore, Mlgne , P. L. , t. XXXIX, p. 2168 : « Omnes viri, quando ad altare accessuri sunt, lavant ma- Bus suas; et omnes mulieres nitida exhibent linteamlna ubi corpus Ohristi accipiant. » Synode d'Auxerre, vers 578, c. 36, 37, 42 : « Non licet mulieri nuda manu eucharistiam acciperc. Non licet mulleri ma- num suam ad pallam dominicam (la nappe d'autel) mittere. Ut una-

LA MBSSB GALLICANE. 215

morceau de chant que saint Germain appelle Treca- nv/m et qui lui paraît être une expression du dogme •de la Trinité. Voici ce chant, d'après la formule moza- rabique :

Gustate et videte quam suavis est Dominus. Âlleluia! ÂUeluia! Alléluia !

Benedicam Dominum in omni tempore, semper laus eius in ore .meo. AUeluia ! Alleluia ! AUeluia !

Redimet Dominus animas servorum suorum , et non derelin- quet omnes qui speranl in eum. Alleluia ! AUeluia ! Alleluia !

Gloria et honor Patri et FiUo et Spiritui sancto in saecula sae- culorum. Amen. Alleluia ! AUeluia ! Alleluia !

Les deux premiers versets se retrouvent dans les chants de communion du missel de Stowe et de TAnti- phonaire de Bangor ; ils sont beaucoup plus longs que celui-ci, mais comme lui entrecoupés d'Alleluia (1). Il est remarquable que les trois versets du Treca- num mozarabique soient empruntés précisément au psaume 33, qui, dans saint Cyrille de Jérusalem, dans la liturgie des Constitutions apostoliques, et dans celle de saint Jacques, est marqué comme étant le chant de la communion (2).

Je crois devoir donner ici , comme spécimen de la poésie liturgique gallicane , une hymne composée pour servir de variante au psauine de communion.

quaeque mulier quando commuDicat dominicalem suum habeat; quod si qua non habuerit, usque in alium diem dominicum non com- municet. »

(1) Un chant entrecoupé d'alleluia, comme celui-ci, se rencontre aussi dans la liturgie arménienne et dans la liturgie syriaque de saint Jacques. La liturgie ambrosienne a ici un chant appelé Transi- torium.

(2) Le verset marqué avant la postcommunion dans le missel mo- zarabique a se rattacher originairement au Gustate. Le voici : Refecti Christi corpore et sanguine te laudamuSy Domine, Alleluia ! .Alleluia ! Alleluia !

216 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Elle figure dans l'Antiphonaire de Bangor (i). rythme est celui des trimètres iambiques :

Sancti venite, Christi corpus sumite, sanctum bibentes quo redempti sanguinem.

Salvati Christi corpore et sanguine, a quo refecti laudes dicamus Deo.

Hoc sacramento corporis et sanguinis omnes exuti ab inferni faucibus.

Dator salutis Christus, Filius Dei, mundum salvavit per crucem et sanguinem,

Pro universis immolatus Dominus ipse sacerdos existit et hostia.

Lege praeceptum immolari hostias qua adumbrantur divina mysteria.

Lucis indultor et salvator omnium praeclaram sanctis largitus est gratiam.

Accédant omnes pura mente creduli, sumant aeternam salutis custodiam.

Sanctorum custos rector quoque Dominus vitae perennis largitor credentibus.

Caelestem panem dat esurientibus, de fonte vivo praebet sitientibus.

Alfa et Oméga (2) ipse Christus Dominus venit, venturus iudicare homines.'

17' L'action de grâces.

La communion finie, Tévêque invite rassemblé remercier Dieu , puis il prononce lui-même la pri

(1) Mignç, p. L. , t. LXXII, p. 587; Warron, loc. cit., p. 187 titre est : Ymnum quando commonicarent sacerdotes,

(2) (0 éd. Pour la mesure, il faut autre chose que le son o. Je pose qu'il y a élision entre Alfa et et.

LA MBSSB GALLICANE. 217

-d'action de grâces. Voici ces deux formules, d'après le Missale gothicum du jour de Noël :

POST COICMUNIONEM.

Cibo caelesti saginati et poculo aeterni calicis recreati, Fratres karissicni , Domino Deo nostro laudes et gratias indesioeoter agamus , petentes ut qui sacrosauctum corpus domini nostri lesu Christ! spiritaliter sumpsimus, exuti a carnalibus vitiis, spiritales effîci mereamur, per doiliiQum nostrum lesum Christum Filium suum.

COLLECTIO SEQUITUR.

8it nobis , Domiae , quaesumus , medicioa meotis et corporis quod de saucti altaris tui beuedictione percepimus , ut nuliis ad- versitatibus opprimamur qui tanti remedii participatione muni- mur. Per dominum nostrum lesum Christum Filium tuum.

La formule d'invitatoire a disparu des liturgies am- brosienne et mozarabique ; dans la première, Toraison est précédée et suivie , dans la seconde suivie seule- ment, du salut en forme ordinaire.

La formule de renvoi est, dans le rit mozarabique :

Solemnia compléta sunt in nomine domini nostri lesu Christi. Yotum nostrum sit acceptum cum pace. ^. Deo gratias I

Le rite ambrosien présente ici un triple Kyrie elei- son , puis la bénédiction : Benedicat et exaudiat nos Deics. ^ Amen ; enfin les formules :

Procedamus in pace. % In nomine Christi. Benedicamus Domino. ^. Deo gratias 1

Le missel de Stowe nous donne le texte le plus, simple. Missa acta est. ^ In pace.

CHAPITRE VIIL

LES FÊTES CHRÉTIENNES.

§ 1. La semaine religieuse.

L'Eglise hérita des Juifs Tusage de sanctifier la maine. Outre le sabbat, dont la consécration religi( était imposée par la Loi, les Juifs pieux observe deux autres jours de la semaine, le lundi et le j( Le sabbat était consacré par la cessation du travc par des réunions de culte ; le lundi et le jeudi et; des jours de jeûne. Cette pratique a laissé sa dans TEvangile. On connaît le propos du pharisiei « Je jeûne deux fois par sabbat, » c'est-à-dire pa maine.

Au sabbat l'Eglise substitua le dimanche, non en modifier le caractère, en ce qui regarde la rie du repos prescrit. Cette substitution était déjà au temps des apôtres (2). De très bonne heure a l'on voit apparaître les jeûnes du mercredi et du dredi, subtitués aux jeûnes juifs. La Doctrine des très les mentionne expressément (3). Le Pasteur d mas (4), en parle aussi , sous le nom de stations ^

(1) Luc, XVIII, 12.

(2) I Cor,y XVI, 2 ; AcL, XX, 7 ; Apoc, I, 10.

(3) VIII, 1 ; cf. Epiphane, Haer., XVI, 1.

(4) SimiL V, 1.

r

LES FÊTES CHRÉTIENNES. 219

indiquer les jours; ceux-ci sont marqués par Clément d'Alexandrie (1), TertuUien (2), et nombre d'auteurs postérieurs. Les jeûnes des stations n'étaient pas de grands jeûnes ; on ne les prolongeait pas au delà de la neuvième heure, c'est-à-dire du milieu de l'après- midi.

Au point de vue du culte proprement dit , le ser- vice de ces jours sacrés n'était pas tout à fait le même. Le dimanche était par excellence le jour de la litur- gie commune. On la célébrait dans les premières heures de la matinée. Mais cette réunion était précé- dée d'une autre, tenue avant le jour, qui se passait à entendre des lectures, des homélies, des chants, et à réciter des prières. Cette assemblée de nuit, cette vi- gile^ apparaît déjà dans la lettre de Pline relative aux chrétiens (3). Elle se combina plus tard avec l'office de matines, qui l'élimina peu à peu. Les deux services sont encore distincts, quoique rapprochés, dans la descrip- tion du rituel de Jérusalem que nous offre la Pérégri- nation de Silvie. A Rome, la vigile se maintint pour certaines solennités , celles de Pâques , de la Pente- côte et des dimanches de Quatre-Temps. L'office du samedi saint et de la veille de la Pentecôte, dans la partie qui précède la bénédiction des fonts baptismaux, nous a conservé le type des antiques vigiles telles qu'on les célébrait, tous les dimanches, aux premiers siècles du christianisme (4).

(1) Strom., VI, 75.

(2) De ieiuYUj 14.

(3) Rel. 96 : « Adfirmabant... quod essent soliti stato die ante lucem convenire, carmenque Christo quasi deo dicere socum invicem... ; quibus peractis morem sibi discedendi fuisse , rursusque coeundi ad capiendum cibum, promiscuum tamen et innoxium. d

(4) On peut en dire autant de la série de leçons, répons et orai- sons, par laquelle s'ouvre la messe du samedi des Quatre-Temps. Cette messe est, en réalité, la messe matinale du lendemain, du di- manche. On va voir que le samedi des Quatre-Temps n'a pas de messe assignée spécialement.

220 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Les deux jours de station étaient consacrés aui^ssi par des réunions de culte. Mais on ne les tenait p»^ partout de la même manière. En certains endroits on célébrait la liturgie proprement dite , TEucharistiie. Tel était l'usage en Afrique, au temps de Tertxii- lien (1), et à Jérusalem, vers la fin du quatrième sièeie. Dans Téglise d'Alexandrie, au contraire, la station ne comportait pas de liturgie. Socrate nous apprend que, ces jours-là, « on lisait les Ecritures, elles étaient » interprétées par les docteurs , en un mot on faisait » tout ce qui se fait dans les synaxes, moins la célé- » bration des mystères (2). » Je crois que , sur ce point comme sur tant d'autres, l'usage de Rome était semblable à celui d'Alexandrie. Il est sûr au moins que, vers le commencement du cinquième siècle, la célébration des mystères [sacramenta) , n'avait point lieu à Rome le vendredi. Les renseignements font défaut pour le mercredi (3).

Le samedi, éliminé d'abord, finit par obtenir aussi une situation spéciale. En Orient, au quatrième siècle, c'était un jour de synaxe (4), et même de synaxe litur-

(1) De oratione, 14.

(2) Socrate, H, E., V, 22. En revanche, il y avait une vigile. Ce fut pendant une vigile de vendredi que saint Athanase fut attaqué dans l'église de Théonas, la nuit du 8 au 9 février 356.

(3) Lettre d'Innocent à Decentius, c. 4 : « Non dubium est in tan- tum eos (les apôtres) ieiunasse biduo memorato ut traditio Ecclesiae habeat isto biduo sacramenta penitus non celebrari; quae forma utique per singulas tenenda est hebdomadas, propter id quod com- memoratio diei illius semper est celebranda. » Ceci doit s'entendre des messes publiques, non des messes privées.

(4) Conc. Laodic, c. 16; Constit. Ap., II, 59; V, 20; VII, 27 ; VIII, 33 ; Epiphane, Exp. fïd.f 24. Saint Epiphane ne paraît pas considérer ces synaxes comme d'un usage universel : « Iv tkti ôè xénoiç xaî Iv Toîç ffà66affi CTvvàÇetç èTtiTeXoOdiv. » La Pérégrination de Silvie men- tionne les synaxes liturgiques du Carême ; elle ne parle pas de celles du reste de l'année. Le concile de Laodicée {loc. cit.) prescrit de joindre la lecture de l'évangile à celle des autres Ecritures. On ne saurait dire si l'usage qu'il réforme comportait ou non la liturgie après les lectures. Saint Basile (ép. 289) parle de synaxes liturgiques.

LES FÊTES CHRÉTIENNES. 221

gique. A Alexandrie, cependant, la synaxe n'était pas Utargique. Cette absence de liturgie était particulière à la ville même d'Alexandrie : dans l'intérieur de l'Egypte, la liturgie avait lieu sur le soir et on la fai- sait précéder d'une agape (1). On pourrait croire que cette solennisation du samedi représente une concilia- tion primitive entre l'usage juif et l'usage chrétien. Mais comme les réunions du samedi ne sont mentionnées par aucun auteur antérieur au quatrième siècle, comme d'autre part elles étaient inconnues à Rome , il est plus naturel d'y voir une institution postérieure. Du reste , l'église orientale , en admettant la solenni- sation du samedi, eut grand soin d'en écarter le trait f>Tincipal du sabbat juif, c'est-à-dire l'obligation du repos (2).

En Occident , et plus particulièrement à Rome , le Samedi devint un jour de jeûne. Déjà, au temps de Tertullien , il y avait des églises l'on prolongeait cguelquefois jusqu'au samedi le jeûne du vendredi. <5ela s'appelait continuare ieiunium (3) ; on trouva plus "tard l'expression superponere ieiunium^ laquelle n'est tju'une médiocre transcription latine du terme grec iïï8pT{ôea6at (retarder). Ces jeûnes prolongés étaient fort en usage à la fin du troisième siècle. Il en est ques- tion dans un des écrits de Victorin (4) , évéque de Poetovio. Le concile d'Elvire en prescrit un par mois, sauf en juillet et août; il rejette en même temps la pratique de la superposition hebdomadaire, que l'on observait auparavant tous les samedis (5). On

(1) Socrate, L c.

(2) Conc. Laod.f c. 29; cf. Pseudo-Ignace, ep. ad Magnes. , 9.

(3) De ieiun.j 14.

(4) De fabrica mundi (Migne, P. L., t. V, p. 304, 306).

(5) G. 23 : « leiunii superpositiones per singulos menses placuit ce- lebrari, exceptis diebus duorum mensium iulii et augusti, propter quonindam infirmitatem. C. 26 : Errorem placuit corrigi ut omni sabbati die superpositiones celebremus. »

222 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

rattache ordinairement à cette superposition hebdi

madaire le jeûne romain du samedi. Le jeûne dfl vendredi aura d'abord empiété sur le samedi; pui^s la pratique de la superposition étant trouvée trop r— : goureuse, on l'aura remplacée par un autre jeûne semi-jeûne, distinct de celui du vendredi (1).

Quoi qu'il en soit, il est sûr que le samedi, à Romi on ne célébrait pas la liturgie. Sozomène, qui coi firme sur ce point le renseignement fourni par '. pape Innocent (2), ajoute que les Alexandrins étaiei ici d'accord avec les Romains.

En résumé , outre les deux réunions du dimanche^ vigile et messe , il y avait partout des réunions le mercredi et le vendredi; mais ces réunions ne com- portaient pas partout la célébration de l'eucharistie. A Rome et à Alexandrie , elles étaient aliturgiques , liturgiques au contraire, dans le reste de TOrient. Quant à la synaxe du samedi , elle est particulière à rOrient et d'institution moins ancienne que les pré- cédentes.

§ 2. Les Quatre- Temps,

La distribution du service religieux, dans les se-^ maines de Quatre-Temps , conserve encore quelques traits de la primitive semaine religieuse suivant l'usage romain. On compte aujourd'hui trois jours de jeûne , le mercredi , le vendredi et le samedi. Mais les anti- ques formules d'indiction , qui figurent déjà dans les homélies de saint Léon, ne mentionnent que les jeû- nes du mercredi et du vendredi. Celui du samedi , n'étant qu'une superposition , un prolongement , de

(1) Le canon 26 du concile d'Elvire a été pourvu de bonne heure d'un titre qui ne correspond pas à son contenu, mais à la modifica- tion que j'indique ici : Ut omni sabbato ieiunetur,

(2) Hist, eccl., VII, 19.

LBS FÊTES CHRÉTIENNES. 223

celui du vendredi, n'est pas compté (1). Ce qui est maitjué au samedi, c'est la vigile solennelle, qui, ces jours-là, se célébrait toujours à Saint-Pierre : Quarta tgitur et sexta feria ieiunemus ; sabbato autem ad bea- tvm Petrum apostolum pariter vigilemus, La vigile était toujours suivie de la messe . aux premières heu- res du dimanche.

Ce jeûne des Quatre-Temps , que Ton ne rencontre pas ailleurs que dans les pays soumis à Tusage de Rome, et qui, même à Rome, n'apparaît pas avant le cinquième siècle, ne me parait pas être autre chose que le jeûne hebdomadaire, tel qu'il était à l'origine , mais porté à un degré spécial de rigueur , tant par le maintien du mercredi , qui disparut assez vite de l'usage romain , que par la substitution d'un jetine réel (2) au semi-jeûne des stations ordinaires. I^e choix des semaines le jeûne était ainsi renforcé fut déterminé par le commencement des quatre sai- sons de l'année. 11 est probable que, dès l'origine de V institution, les synaxes du mercredi et du vendredi, ou tout au moins celles du mercredi, devinrent litur- giques. Ceci me parait suggéré par la disposition archaïque de la messe du mercredi des Quatre-Temps , se conserve encore la leçon prophétique , tombée hors d'usage, pour la plupart des messes, dans le courant du cinquième siècle.

§ 3. La semaine sainte.

La semaine sainte donne lieu à des observations

(1) L'auteur du Liber pontificalis (t. I, p. 141) ne parle, au con- traire, que de celui-là. C'est qu'il prend l'observance par son côté pratique, et non, comme saint Léon, par son côté traditionnel. C'est le samedi que le jeûne était le plus dur, puisqu'on n'avait pas mangé depuis le jeudi soir.

(2) On observe toujours beaucoup plus de variation dans la rigueur du jeûne que dans la détermination des jours oîi Ton doit jeûner.

^24 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

analogues. La plus ancienne de ses particularités, c'est la fête du jeudi saint, commémoration solen- nelle de rinstitution de l'Eucharistie, à laquelle s'ad- joignit, au moins à Rome, la consécration des huiles saintes et la réconciliation des pénitents , cérémonies qui lui donnent le caractère d'une préparation immé- diate à la Pàque chrétienne. Le jeudi saint écarté, il n'y a point d'autres anciennes stations que celles du mercredi et du vendredi. Le samedi n'en a jamais eu et n'en a même point encore, à proprement parler, puisque le service actuel de ce jour n'est que la vigile de Pâques anticipée. Les stations liturgiques du lundi et du mardi sont certainement postérieures à saint Léon. Ce pape, en effet, avait l'habitude d'expliquer chaque année la passion du Seigneur. Comme il ne pouvait le faire en un seul discours, il commençait le dimanche avant Pâques et reprenait son exposition à la station du mercredi. S'il y avait eu des réunions entre le dimanche et le mercredi, saint Léon n'eût pas attendu ce dernier jour. Le service actuel du ven- dredi saint, si l'on en détache les cérémonies de l'ado- ration de la croix et la messe des présanctifiés , qui sont certainement adventices, nous offre l'ordre exact des antiques synaxes sans liturgie : des lectures en- trecoupées de chants et suivies de prières pour tous les besoins de l'Eglise. Les lectures sont encore au nombre de trois, la leçon prophétique, la leçon apos- tolique et la leçon évangélique, séparées par deux psalmi responsorii en forme de graduel et de trait.

Je suis porté à croire que le service primitif du mercredi saint était tout à fait du même type et que la station liturgique actuelle est tout aussi adventice que celles du lundi et du mardi saint. Au huitième siècle, il y avait, le mercredi, deux services : un le matin, se récitaient les mêmes oraisons pour les besoins de l'Eglise qui sont maintenant réservées au

LES FÊTES CHRÉTIENNES. 225

vendredi saint , un autre le soir, à l'heure de vêpres, pour la liturgie proprement dite. Le service matinal, réduit aux prières solennelles, me semble être un î^ésidu, un vestige, de Tancienne station sans liturgie, dont les leçons et les chants auront été transportés à la nouvelle station liturgique du soir.

Ainsi, avant l'institution des stations de carême,

qui ne sauraient être considérées comme primitives ,

le service divin de la semaine sainte était distribué

à Rome comme les autres semaines, sauf la fête du

jeudi saint : synaxes sans liturgie le mercredi et le

vendredi ; vigile solennelle dans la nuit du samedi au

dimanche.

§ 4. Les fêtes mobiles.

Dans ses fêtes, comne en tant d'autres choses,

* ïlglise est , à un certain degré , héritière de la Sy-

^ogue. L'année ecclésiastique n'est autre chose

_ e la combinaison de deux calendriers, l'un juif,

*-* autre chrétien. Au calendrier juif correspondent

^^s fêtes mobiles, au calendrier chrétien les fêtes

^Qjces.

Il ne faudrait cependant pas presser beaucoup cette Symétrie. Les chrétiens ne conservèrent point toutes les fêtes juives ; et, quant à celles qu'ils retinrent, ils y attachèrent de bonne heure une signification appro- priée à leurs croyances. Ainsi les fêtes du septième mois, celles de la Propitiation et des Tabernacles, la solennité des Purim, au dernier mois, furent abso- lument mises de côté. On ne conserva que celles de Pâques et de la Pentecôte. Du reste , en maintenant ces fêtes antiques, l'Eglise entendit en faire des com- mémorations du Christ et du Saint-Esprit, les deux termes du développement divin qui caractérisaient la croyance nouvelle. La fête de Pâques est consacrée

15

1 {

i 1

226 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

au souvenir de Tœuvre du Christ en ce monde, ac- complie dans sa Passion, scellée par sa Résurrection; la fête de la Pentecôte est celle de la première manifestation de l'Esprit-Saint dans les disciples de Jésus-Christj et, partant, de la fondation de l'E- glise. Historiquement, les faits commémorés avaient eu lieu au temps des fêtes juives du' premier et du troisième mois; il était donc tout naturel de les y rattacher.

1* Le comput pascal.

Ces fêtes étaient déterminées, chez les Juifs, par un calendrier lunaire dont les douze mois n'atteignaient pas tout à fait la durée de Tannée solaire ; Tintercalation d'un mois complémentaire se faisait de temps en temps, plutôt d'après l'état de la saison à la fin du douzième mois qu'en vertu de règles astronomiques bien éta- blies. Pâques tombait à la pleine lune du premier mois, autrement dit le 14 nisan. Mais quand com- mençait le premier mois ou mois de nisan? A la fin du douzième mois, ou à la fin d'un treizième mois sup- plémentaire? Les Juifs s'entendaient entre eux pour régler cette question; et, à l'origine, les chrétiens acceptaient leurs déterminations. Il y eut poiu'tant beaucoup de débats à ce sujet, au sein même de l'Eglise ; d'abord parce que les chrétiens étaient par- tagés sur la question de savoir jusqu'à quel point la Pâque nouvelle devait coïncider, comme rite et comme date, avec l'ancienne ; ensuite parce qu'on ne s'accordait pas sur la manière de fixer le mois et la semaine la fête devait se célébrer. De ces conflits, les plus célèbres doivent être énumérés ici :

L'agitation qui se produisit dans la province d'Asie, peu après le milieu du deuxième siècle, au su-

LES FÊTES CHRÉTIENNES. 227

jet du maintien ou de Tabandon du rite de Tagneau I>ascal (1) ;

2** Le conflit entre le groupe entier des églises d'Asie et celles des autres parties de Tempire, à pro- pos du jour de la semaine l'on devait termi- ner le jeûne pascal. Les Asiates le terminaient le 14 nisan, les autres le dimanche après le 14 nisan. Cette divergence se maintint jusque vers la fin du deuxième siècle ; à ce moment elle dégénéra en une lutte ouverte, qui se termina par la défaite de Tancien usage asiatique. Les églises d'Asie adoptèrent Tusage commun , l'usage dominical ; les tenants de l'usage local, quartodéciman, s'organisèrent en une secte sé- parée, dontTexistence se prolongea jusqu'au cinquième siècle.

3** Le conflit entre les computs d'Antioche et d'Alexandrie, tranché par le concile de Nicée. A An- tioche on célébrait la Résurrection du Christ le di- manche qui suivait la Pâque juive, sans s'inquiéter si les Juifs avaient bien ou mal déterminé la Pâque et le premier mois. A Alexandrie, au contraire, on cal- culait directement la Pâque et l'on s'attachait à ce qu'elle tombât toujours après l'équinoxe de printemps. Les Alexandrins ayant obtenu gain de cause au con- cile de Nicée, l'ancien usage d'Antioche ne fut plus maintenu que par de petites sectes (Audiens, Proto- paschites), et les églises d'Orient se conformèrent toutes aux déterminations pascales proposées par l'évêque d'Alexandrie (2).

4** Les difiBcultés sans cesse renaissantes, au qua- trième siècle et au cinquième, entre le comput alexan- drin et celui de Rome. Ces difficultés avaient leur

(1) J'ai expliqué ceci dans le chap. XVI de mes Origines chrétien- nes (lithographie).

(2) Voy. mon mémoire , La question de la. Pâque au concile de Nicée^ dans la Revue deslquestions historiques de juillet 1880.

228 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

origine dans certaines diversités de calcul et d'usages. Le calcul de l'âge de la lune, tel qu'on le prati- quait à Rome , se fondait sur des cycles imparfaits ; il était souvent en désaccord avec celui d'Alexandrie , fondé sur le cycle de dix-neuf ans. D'autre part les Romains n'admettaient pas que le dimanche de Pâ- ques pût tomber, dans le mois lunaire, avant le 16 de ce mois, tandis qu'à Alexandrie on pouvait avoir Pâques dès le 15. Enfin on croyait, à Rome, posséder une tradition d'après laquelle la Pâque ne pouvait se célébrer après le 21 avril. Cette limite était inconnue à Alexandrie , l'on pouvait aller jusqu'au 25 avril. Les conflits soulevés à propos de ces différences se réglaient le plus souvent à l'amiable entre le pape et l'église grecque. Ils finirent par disparaître, lorsque Rome adopta le comput alexandrin sous la forme que lui avait donnée Denys le Petit (525) (1).

5"* La divergence entre les tables pascales de Victo- rius d'Aquitaine et de Denys le Petit. La première, dressée à Rome en 457, n'y fut pas longtemps en usage , si même on s'en servit jamais; mais elle fut adoptée par les églises de la Gaule franque, qui la maintinrent jusqu'à l'époque carolingienne. Dans les cas difiîciles, on y trouvait deux solutions, deux da- tes pascales , celle des Alexandrins et celle qui résul- tait de l'application des anciennes règles romaines. Cette dualité causait beaucoup d'incertitudes (2).

6** La querelle à propos du comput breton, dans les Iles-Britanniques. Les églises bretonnes et, par suite, les églises irlandaises, avaient conservé une vieille

(1) Voy. De Rossi, Inscr. christ.y 1. 1, p. Lxxxii-xcvii; Br. Krusch, Der Skjàhrige Ostercyclus und seine Quellen, Leipzig, 1880; Bul- letin critique, t. I, p. 243.

(2) Sur ce conflit et le suivant, voy. le mémoire de M. Bruno Krusch, Die Einfûhrung des griechischen Pasch&lritus im Abend- lande, dans le Neues Archiv, t. IX, p. 99.

LES FÊTES CHRÉTIENNES. 229

règle pascale , en usage à Rome vers le commence- ment du quatrième siècle, d'après laquelle le di- manche de Pâques pouvait tomber du 14 au 20 nisan (1). Rome ayant modifié plusieurs fois son com- put depuis le temps les Bretons le lui avaient em- prunté, les missionnaires romains du septième siècle se trouvèrent en désaccord avec les églises indigènes sur la façon de calculer la Pâque. De des querel- les qui eurent un grand retentissement dans le pays. De part et d'autre , on se réclama de prétendues tra- ditions apostoliques. Les clercs celtes ne se refusèrent pas l'usage de livres apocryphes composés exprès pour soutenir leur usage national.

2* Le temps pascal.

La Pâque chrétienne était précédée d'un jeûne et suivie de sept semaines de réjouissance. Ainsi définis, le Carême et le Temps pascal se réclament d'attestations de la plus haute antiquité. Pour le jeûne préalable à la fête, il suffit de citer, d'une façon générale, les docu- ments relatifs à la querelle pascale de la fin du deuxième siècle. Dans ces documents , quelle qu'en soit la pro- venance , la fête de Pâques est considérée avant tout comme le terme d'un jeûne. Il ne pouvait être alors d'institution récente, car, outre que l'accord de tant de traditions, d'ailleurs divergentes, suppose un usage bien invétéré , nous voyons saint Irénée alléguer , à propos du jeûne romain, la pratique des papes Té- lesphore et Xystus , contemporains de l'empereur Ha- drien. Pour la Pentecôte, entendue dans le sens d'une série de cinquante jours , on a le témoignage de saint

(1) Cette règle diJBfère de la règle postérieurement (et même anté- rieurement) usitée à Rome, en ce sens que les limites que celle-ci assigne au roulement de la date pour le vendredi saint y sont appli- quées au roulement du dimanche de Pâques.

230 ORIGINES OU CULTE CHRÉTIEN.

Irénée (1) , de Tertullien (2) et d'Origène (3) , dont l conformité suffisent à établir la très haute antiquit» de Tusage.

La fête de la Pentecôte , terme de ce temps de jouissance, est plutôt sous-entendue que mentionné explicitement dans les anciens auteurs (4). Il est pos sible qu'elle n'ait pas eu d'abord beaucoup d'éclat, concile d'Elvire (v. 300) se vit obligé de rappeler Tobl gation de la célébrer (5). Les auteurs et conciles la seconde moitié du quatrième siècle en parlera t comme d'une fête établie depuis longtemps.

Cette dernière observation s'applique à la fête de l'Ascension ; mais il est impossible d'en trouver trace avant le milieu du quatrième siècle (6).

3* Le Carême.

Quant au Carême , il a passé par beaucoup de vi- cissitudes , tant au point de vue de sa durée que pour la rigueur de l'observance. Il est sûr que, du temps de saint Irénée, le jeûne pascal était fort court; les uns jeûnaient un jour seulement, d'autres deux, d'au- tres un plus grand nombre; quelques-uns restaient quarante heures sans manger. Tous ces intervalles

(1) Livre (perdu) sur la Pàque, cité par le Pseudo-Justin, Quaest. ad orthodoxoSf c. 115.

(2) De idoloLy 14; De baptismoy 19; De corondy 3.

(3) Adv. Celsum, VIII, 22.

(4) Origèno, cependant {loc, cit.) , paraît distinguer les deux signi- fications du mot Pentecôte; il a évidemment l'idée d'une commémo- ration spéciale de la descente de l'Esprit saint.

(5) Can. 43 : a Pravam institutionom erocndari placuit, iuxta auc- toritatem Scripturarum, ut cuncti diem Pentecostes celebremus ; ne, si quis non focerit, quasi novam haorcsom induxisse notetur.

(G) En Cappadoce, cette fctc portait le nom d"E7ri(Ta)i;oit€VTi [Greg. Nyss.^ Mignc, P. G»-., t XLVI, p. G90) ; le même nom était attribué , à Antiochc, au dimanche d'avant ou d'après (Chrys. , t. II, p. 188). Cette désignation n'a encore pas été expliquée d'une manière satis- faisante.

LES FÊTES CHRÉTIENNES. 231

doivent, je crois, s'entendre d'un jeûne unique et non ; interrompu (1). TertuUien ne connaît aussi, comme jeûne solennel prescrit par TEglise catholique, que le -, jour de Pâques, c'est-à-dire, suivant le sens spécial qu'il :." donne ici à ce terme, le vendredi saint ; il atteste que le jeûne comprenait seulement les jours quibus abla- ivs est sponsus , c'est-à-dire depuis le vendredi saint jusqu'au matin du dimanche (2). A Alexandrie , vers le milieu du troisième siècle, on jeûnait toute la se- maine avant Pâques , les uns d'un seul trait , les au- tres par intervalles. La lettre de saint Denys d'Alexan- drie à Basilide (3), il est question de cet usage, est le plus ancien témoignage qui subsiste sur la semaine sainte ou semaine de Xérophagie. Dès avant cette époque, les montanistes jeûnaient deux semaines au lieu d'une ; cet usage se perpétua chez eux jusqu'au cinquième siècle, si bien qu'après avoir affecté de jeûner plus longtemps que les autres, ils se trouvè- rent dépassés (4).

De la Quarantaine (Tcffcrapaxod'n^ , Quadragesima , Ca- rême), il ne reste pas de traces antérieures au qua- trième siècle (5). Le canon cinquième du concile de

(1) a 01 {lèv yàp otovrai (iCav :7i(iépav SeTv aÙToii; VY)<TTeOe(v, ol Se SOo, ol de xal irXeCovo; * ol TetraapàxovTa âpac i^(i8pivàç te xa2 vuxTeptvà; (TU(x.- |i.eTpoO(Tt T^v :?i|iépav aÛTûv. » Eusèbe, Hist. eccUy V, 24. II n'y a pas à tenir compte ici du contresens par lequel Rufin, préoccupé de la discipline de son temps, a dénaturé la fin de ce texte.

(2) De ieiunio, 2, 13, 14 ; De orafionc, 18.

(3) Migne, P. G., t. X, p. 1277.

(4) TertuUien, De zeiwniis, 15; cf. Eusèbe, H. E., V, 18; Sozomène, H. JE., VII, 19.

(5) L'homélie d'Origène (m Luc, X), que l'on voit alléguer quel- quefois , n'existe que dans le remaniement latin do Rufin et ne peut ainsi témoigner de l'usage contemporain du grand docteur d'Alexan- drie. Ce qu'elle dit du carême de quarante jours est en contradiction manifeste avec 1^ suite des idées qu'il développe en ce morceau. Il faut mentionner ici le traité de la Vie contemplative du Pseudo- Philon, ouvrage de la fin du troisième siècle. On y parle d'un jeûne de sept semaines qui aurait été observé par les prétendus Théra-

i

232 oAiaiNBS DU gultb chrétien.

Nicée (325) est le plus ancien texte il en soit ques- tion. Depuis lors, elle est souvent mentionnée, mai5 d'abord plutôt comme temps de préparation au bap- tême ou à Tabsolution des pénitents , ou encore comme saison de retraite, de recollection pour les fidèles vivant dans le monde. Parmi les exercices de ces semaines sacrées, le jeûne avait naturellement une place importante, mais qui différait beaucoup d'un pays à l'autre . On peut suivre dans les lettres festales de saint Athanase (1) les progrés de l'obser- vance quadragésimale en Egypte. Au commencement, Athanase parle du temps du carême et de la semaine

pcutes, dcrriôro lesquels il n'est pas difficile de discorner les pre- mières communautés de moines égyptiens. Cette apparition est inté- ressante à constater, parce qu'elle montre que le jeûne du carême a commencé par être une forme d'ascèse, pratiquée d'abord par des personnes soucieuses d'une perfection spéciale, puis introduite peu à peu parmi les fidèles, et enfin imposée par les lois ecclésiastiques. (1) Voir surtout celles de 329, 330, 340, 341 , 347. Dans la première (329) , il n'est question que de la préparation à la fête de Pâques , d'une manière générale et sans que la Quarantaine soit même men- tionnée ; le jeûne est indiqué dans le dispositif comme commençant au lundi saint. En 330, il est parlé du temps quadragésimal , dont la durée est de six semaines, mais le jeûne par excellence est toujours celui de la semaine sainte. l\ est bien entendu que , dans la sainte quarantaine, le jeûne figure au nombre des exercices par lesquels on doit se préparer à la fête ; cependant il n'est indiqué ni comme de stricte obligation, ni comme d'usage accepté par tout le monde. Les Egyptiens , pour la plupart , persistaient à ne jeûner que la se- maine sainte. Pendant son séjour à Rome, en 340 et les années sui- vantes, on fit, à ce sujet, des reproches à saint Athanase. l\ s'en plaint dans un billet annexe à sa lettre fcstale de 341 , datée de Rome ; ce billet est adressé à son ami Sérapion, évêque do Thmuis, chargé, en son absence, de la direction supérieure des églises d'Egypte. Il l'y exhorte vivement à faire observer le jeûne par les Egyptiens, disant que ceux-ci se font moquer do tout le monde. Depuis lors, le dispo- sitif mentionne régulièrement le jeûne de la Quarantaine et la sainte semaine de Pâques ; auparavant, saint Athanase disait le temps du carême et la semaine du jeûne. Dans la lettre festalo de 347, il est formellement déclaré que celui « qui méprisera l'observance du ca- rême, no célébrera pas la Pâquo », autrement dit, sera excommunié pour un temps.

JLBS FÊTES CHRÉTIENNES. 233

déjeune ; plus tard, il dit « le jeûne du carême et la sainte semaine de Pâques. » A Rome, on se contenta d'abord d'observer les trois dernières semaines avant Pâques (1).

On s'y prit de diverses façons , suivant les lieux ,

pour combiner la Quarantaine avec la Semaine sainte.

A Antioche et dans les pays furent adoptés les

usages de cette grande église , on distingua les deux

temps avec une netteté plus grande qu'ailleurs. Dans

une de ses homélies (2) , saint Chrysostome s'exprime

à peu près ainsi : « Voici que nous avons atteint le terme

de la Quarantaine ; nous allons maintenant entrer dans

iîi grande semaine. » De même, dans les Constitutions

^apostoliques (3), il est dit formellement que le jeûne du

Carême est terminé quand on commence celui de la

grande semaine pascale. A Rome , au contraire, à

Alexandrie et même à Jérusalem (4), on comprit la

semaine sainte dans la Quarantaine , de sorte que le

jeûne total ne durait que six semaines , tandis qu'à

Constantinople et dans l'Orient proprement dit , pays

régis par l'ancien usage d' Antioche, il en durait sept.

A Rome les dimanches seulement, à Constantinople,

les dimanches et les samedis , sauf le samedi saint ,

étaient affranchis de la loi du jeûne; de sorte que,

(1) Socrate, H, E., V, 22. Mais ce passage m'inspire quelque dé- fiance, car il y est dit que, dans ces trois semaines, on exceptait les dimanches et les samedis. L'exception des samedis est bien peu con- forme aux usages romains. Je serais plutôt porté à croire que les trois semaines de jeûne, suivant l'usage primitif de Rome, étaient espacées, que l'on jeûnait la première, la quatrième et la sixième se- maine. La première est actuellement consacrée aux Quatre-Temps de printemps ; la quatrième, appelée autrefois mcdianay a conservé des spécialités liturgiques; la sixième est la semaine sainte. Ces trois semaines sont des semaines d'ordination.

(2) Hom. XXX in Gen,, 1.

(3) V. 13.

(4) Pour Jérusalem, il y eut des fluctuations, car la Peregrinatio de Silvia atteste un carême de huit semaines (p. 84, 85, Gamurrini).

234 ORIftINBS DU CULTE GHRÈTIEN.

dans un pays comme dans l'autre, on ne jeûnait ^=3j réalité que trente-six jours. Encore y eut-il, jusqu'^tf cinquième siècle, des églises le Carême- ne comp- tait que trois semaines de jeune, espacées ou noD, mais tombant toujours dans les six ou sept semai- nes consacrées (1). Vers le milieu du cinquième siè- cle , la plupart des diversités s'étaient effacées. : les deux usages de Rome-Alexandrie et d'Antioche-Cons- lantinople avaient conquis leurs domaines respectifs et pris leur assiette définitive.

Cependant on ajouta encore quelques appendices. Les trente-six jours de jeune effectif avaient semblé d'abord offrir un nombre parfait, correspondant au dixième de Tannée entière (2). Plus tard on remarqua le désaccord entre ce chiffre et le nom de Quaran- taine. L'auteur du Liber pontificalis, à Rome, cherche déjà à insinuer l'obligation d'une septième semaine, ce qui, eu égard aux usages romains, aurait donné qua- rante-deux jours de jeune. Au septième siècle (3), on ne peut dire au juste par quel pape, furent ajoutés les quatre jours qui sont depuis passés en usage dans tout l'Occident. C'est vers le même temps que fu- rent instituées les messes stationales des trois diman- ches in Septuagesima, in Sexagesima, in QuadrcLgesima; par ce dernier usage, le cycle des solennités pascales s'étend jusqu'à la neuvième semaine avant Pâques. A

(1) Socrate, V, 22; Sozomène, VH, 19. Socrate ne peut s'expliqaer que, les uns jeûnant trente-six jonrs, les antres quinze, tout le monde parle d'une Quarantaine. Il ne voit pas que la période de quarante jours a été introduite d'abord pour tout autre chose que le jeûne, et que ce n'est que par une sorte de dilatation continue que le jeûne est parvenu à s'étendre à toute la Quarantaine.

(2) Cassien, ColU XXI , 30.

(3) Saint Grégoire ne connaît encore que les trente-six jours [Hom. 16 in Ev.)\ le sacramentaire gélasien, exécuté au coraramencement du huitième siècle, a déjà les messes stationales des jours complé- mentaires.

\

LES FÊTES CHRÉTIENNES. 235

Constantinople aussi on ajouta trois dimanches, coor- donnés à la fête de Pâques, comme les sept du Ca- rême proprement dit (1). Les deux premiers sont dé- signés par les évangiles que Ton y lit à la messe : di- manche du publicain et du pharisien (xuptax^ tou TeXwvou xal-roij ^ptffaCou), dimanche de Tenfant prodigue (tou 'Aaco- H; le troisième est le dimanche du Carnaval ('Aw)- xp«») (2).

Ces innovations ne pénétrèrent pas dans les pays de rit gallican. On s*y tint aux six semaines de Tancien usage romain (3) ; mais je crois que cet ancien usage lui-même avait été précédé d'un carême à sept se- maines avec exemption du samedi , c'est-à-dire d'un carême semblable à celui de Constantinople. A Milan, du temps de saint Ambroise , on ne jeûnait pas le samedi (4). Le concile d'Agde (5) (506) et le quatrième concile d'Orléans (6) (541), postérieurs à l'introduc- tion de la coutume romaine , sont obligés d'insister

(1) Ces dix semaines comprennent ce que l'on appelle, dans les livres d'office, le Tpwjiôiov ; le temps pascal, y compris l'octave de la Pentecôte, forme le nevxYixoaràpiov ; les autres semaines de l'année constituent TOxtwtixo;.

(î) A partir de ce dimanche , on ne mange plus de viande , bien qu'on ne soit pas encore en carême ; le dimanche suivant s'appelle , pour une raison semblable, le dimanche du fromage (t>j; Tupoçàyou), parce que, depuis lors, l'abstinence quadragésimalo exclut les laitages.

(3) Telle est encore la coutume do l'église de Milan ; le carême commence à Milan non le mercredi des Cendres , mais le dimanche suivant.

(4) De Elia et ieiunio, 10 : « Quadragesima, totis praeter sabbatum et dominicam ieiunamus diebus. »

(5) C. 12 : « Placuit etiam ut omncs ecclesiae , exceptis diebus do- niinicis, in quadragesima, etiam die sabbati, saccrdotali ordinatione et districtionis comminatione ieiunent. »

(6) C. 2 : « Hoc etiam decernimus observandum ut quadragesima ab omnibus ecclesiis aequaliter tcneatur, neque quinquagesimam aut sexagcsimam anto Pascha quilibct sacerdos praesumat indicere. Sed neque per sabbata absquc infirmitato quisquam solvat quadra- gesimao ieiunium, nisi tantum die dominico prandeat, quod sic fieri spccialiter patrum statuta sanxerunt. Si quis hanc regulam irruperit, tanquam transgressor disciplinae a sacerdotibus conseatur. »

236 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

sur robligation de jeûner les samedis de carême, dernier de ces conciles interdit en même temps d' longer le carême par des Quinquagésimes ou à Sexagésimes. Ces prescriptions supposent que Tusa» oriental se défendait encore sur quelcjues points.

Le carême avait, au point de vue du service divh quelques spécialités. En Orient, dans les localités o s'était introduit l'usage de célébrer la liturgie aux sy naxes du mercredi et du vendredi, cet usage fut sup primé (1). En revanche les synaxes étaient plus nom- breuses. Saint Chrysostome prêchait, à Antioche, tous les jours de carême. En Occident, on arriva, au coa traire, quoique un peu tardivement , à multiplier lei synaxes liturgiques. Le missel mozarabique contient de messes pour les mercredis et vendredis de carême le sacramentaire gélasien en a pour tous les jours d la semaine, les jeudis exceptés (2). Il est difficile d dire jusqu'où remonte cette institution. Plusieurs de églises romaines indiquées comme lieux de statio: dans le sacramentaire d'Hadrien ont été fondées dan le courant du septième siècle ; mais il est possibl que les stations aient été attribuées dans le principe d'autres églises. Quoi qu'il en soit, les stations roma: nés du carême n'ont pas de documents plus ancien que le septième siècle environ. Ce que j'ai dit plu haut (3) sur celles du lundi et du mardi de la semain sainte porterait à croire qu'elles ont été instituée après saint Léon.

(1) Pour r Asie-Mineure , concile de Laodicée, c. 49 : « "Oti ou Ô év T^ Te(T(Tapaxo(TT^ àpTOv TupoŒfépetv, el {i^ èv (ja66àT(p xal xupiax^ (xévov. Pour Jérusalem, Peregrin, Silv,f p. 86.

(2) La messe du jeudi fut ajoutée par Grégoire II (715-731). Voy. 1 Liber pontif,, t. I, p. 402 ; cf. p. 412, note 19.

(3) P. 224.

LES FÊTES CHRÉTIENNES. 237

4* La semaine sainte.

La semaine sainte, qui termine le carême, s*ouvre par un dimanche que, dans l'église grecque comme dans Téglise latine, on désigne sous le nom de di- manche des Palmes ou des Rameaux. La messe est précédée ce jour-là d'une procession, l'on tient en main des branches d'arbres préalablement bénites, souvenir de l'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, six jours avant sa mort. Ce rite, comme beaucoup d'autres cérémonies du même genre, fut d'abord par- ticulier à Jérusalem. Il est décrit dans la Pérégrina- tion de Silvie (1) ; Cyrille de Scythopolis, écrivain du sixième siècle, le mentionne aussi (2). En Occident il s'introduisit assez tardivement, à partir du huitième et du neuvième siècle. Les anciens livres liturgiques latins ne le mentionnent en aucune façon. Amalaire de Metz en parle, mais en termes qui n'indiquent pas que l'usage fût universel (3). Toutefois saint Isidore , sans mentionner explicitement la procession, parle du dies Palmarum (4), de l'usage de porter ce jour-là des rameaux à l'église et de crier Hosanna,

Le jeudi saint, qui, dans le cycle des fêtes mobi- les, ramène l'anniversaire de l'institution de l'Eucha- ristie, ne pouvait manquer d'être un jour de réunion liturgique. En Afrique, l'Eucharistie était célébrée, par extraordinaire, après le repas du soir, en vue d'une conformité plus grande avec les circonstances de la dernière Cène (5).

(1) P. 91.

(2) Vita s. Euthymii, c. 11, 103 (Acta SS., t. II, 20 janvier).

(3) De off.y I, 10 : « In memoriam illius rai nos par ecclesias nos- tras solemus portare ramos et clamare Hosanna. »

(4) De off., I, 28.

(5) Concile de Garthage, de 397, c. 29 : « Ut sacramenta altaris non nisi a ieiunis hominibus celebrantur, excepto uno die anniversa-

238 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Le vendredi saint, consacré au souvenir de la pa- si on et de la mort du Sauveur, on ne célébrait nul ~ part la liturgie eucharistique. J'ai dit plus haut qi_-a le service de ce jour, suivant le rit romain, nous conservé, dans sa première partie, le type exact d^i anciennes réunions sans liturgie. Il se compliqua, ver? le septième ou le huitième siècle , des deux cérémo- nies de Tadoration de la croix et de la messe des pré- sanctifiés. La première est venue de Jérusalem, on la constate dès le quatrième siècle. Dans la ville sainte, le bois de la croix était solennellement pré- senté ce jour-là aux fidèles, qui pouvaient s'en appro- cher et le baiser (1).

Les anciens livres liturgiques romains parlent pres- que tous (2) de Fadoration de la croix comme faisant partie du service religieux du vendredi saint, mais ils diffèrent beaucoup dans la façon dont ils la combi- nent avec les autres cérémonies (3). Les chants que Ton exécute maintenant pendant Tadoration de la croix ont certainement une touche fort antique, mais pour la plupart une touche gallicane (4); ils

rio, quo caena Domini celebratur. » Saint Augustin parle aussi de cet usage dans son ep. 118^ ad lanuarium, c. 7. Il dit même que, comme certaines personnes ne jeûnaient point ce jour-là, on célébrait deux fois Voblatiorty le matin et le soir. De cette façon, ceux qui ne jeûnaient pas pouvaient y participer après le repas du matin ; ceux qui jeûnaient, après le repas du soir. L'abstention du jeûne était motivée par l'usage de prendre un bain ce jour-là. Le bain et le jeûne étaient incompatibles.

(1) Peregr. Silviae^ p. 95 et suiv.

(2) Le sacramentaire d'Hadrien n'en a pas conservé trace, sans doute parce qu'il ne contient que lesprières du pape célébrant. ïj'Ordo du manuscrit de 8aint-Amand indique la cérémonie comme se fai- sant dans les titres ; mais il ne la mentionne pas dans sa description de la station papale.

(3) Comparer les trois Ordines décrits p. 141, 142, et le sacramen- taire gélasien, I, 41.

(4) Ainsi, le Trisagion, en grec et en latin, les Impropères, Thymne Pange lingua. Ici, je fais abstraction de l'Antiphonaire grégorien, livre qui est bien loin d'être homogène et pur de retouches gallicanes.

LBS FÊTES CHRÉTIBKNES. 239

ne figurent pas dans les anciens livres romains (1).

La « messe des présanctifiés » n*est pas marquée avec beaucoup plus de relief. Ce n'est autre chose que la communion, isolée de la liturgie eucharistique proprement dite. Le détail de la cérémonie ne se ren- contre que dans les livres du huitième au neuvième siècle; mais elle doit être beaucoup plus ancienne. Au temps les synaxes sans liturgie étaient d'usage fréquent, il en devait être de même de la « messe des présanctifiés ».

Dans l'église grecque , elle se célèbre tous les jours de carême , sauf le samedi et le dimanche ; dans l'église latine, le vendredi saint seulement. A Rome, cette cérémonie était des plus simples. On apportait sur Tautel la cassette [capsa) contenant la réserve de pain consacré ; on récitait le Pater aivec sa petite pré- face et son embolisme [Libéra nos) ; puis on déposait un fragment de pain consacré dans un calice rempli de vin ordinaire, et tout le monde communiait avec le pain consacré de la capsa et le vin sanctifié comme il vient d'être dit. Il est à croire que, quand les fidè- les s'administraient eux-mêmes la communion à do- micile, ils suivaient un cérémonial analogue à ce- lui-ci (2).

(1) L*appendice de VOrdo I de Mabillon mentionne seulement Tan- tienne Ecce lignum Crucis combinée avec le long psaume Beati im- m&culati. D'après VOrdo d'Einsiedeln , cette antiphone s'exécutait pendant la procession du Latran à la basilique Sessorienne et au retour. L'adoration de la Croix se faisait pendant les leçons de la synaxe.

(2) La communion à domicile , très fréquente aux temps de persé- cution, fut maintenue, après la paix de l'Eglise, pour les solitaires, les monastères dépourvus de prêtres, et, en général, pour les per- sonnes qui se trouvaient trop éloignées de l'église. En 519, l'évéque de Thessalonique, Dorothée, s'imaginant que la persécution allait sévir .sur son troupeau, lui fit distribuer la communion à pleines cor- beilles, canistra plena, ne imminente persecutione comm,unicare non passent (Thiel, Epp» Rom, pont», t. I, p. 902).

240 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Le samedi saint , il n'y a aucune réunion spéciale . Les cérémonies de la vigile pascale étaient déjà , vers le huitième siècle , transférées à Taprès-midi du sa- medi ; actuellement, on les célèbre dès le matin. En dehors des rites qui se rapportent à Tinitiation bap- tismale , et qui seront décrits plus loin , cette solen- nelle vigile offre quelques particularités , la bénédic- tion du feu nouveau, celle du cierge, enfin la messe, se sont conservés certains traits archaïque».

C'est par un symbolisme assez naturel que Ton est arrivé à ces rites. La mort du Christ , suivie de près par sa résurrection, trouvait une image expressive dans le feu , le cierge , la lampe , qui s'éteint et qu'on rallume. On sait quelle est encore, de nos jours, l'im- portance de la cérémonie du feu nouveau dans le ri- tuel pascal de l'église grecque , à Jérusalem. Cepen- dant , en Orient, cette cérémonie est particulière à la ville sainte ; elle ne figure pas dans le rituel byzantin commun.

En Occident, la légende de saint Patrice suppose que , dès le sixième siècle au moins , les Irlandais avaient coutume d'allumer de grands feux au com- mencement de la nuit pascale. Il résulte de la corres- pondance de saint Boniface avec le pape Zacharie (1) que ces feux étaient allumés, non point avec d'autres feux, mais avec des lentilles : c'étaient vraiment des feux nouveaux. Cette coutume parait être une parti- cularité bretonne ou irlandaise d'origine, qui aura fait son chemin à travers l'Anglo-Saxonie et de passé sur le continent avec les missionnaires du huitième siècle. Les anciens livres mérovingiens n'en ont au- cune trace (2).

(1) Jaflfé, 2291.

(2) Dans le missel mozarabique actuel^ H y si) comme dans le miS' sel romain , une bénédiction du feu au commencement de la vigile

LBS fAtbs chrétiennes. 241

Oti ne la connaissait pas non plus à Rome. Cepen- dant on y observait un rite de sens analogue. Le jeuài saint, au moment de la consécration du saint chrême, on recueillait dans toutes les lampes de la basilique de Latran une quantité d*huile suffisante pour remplir trois grands vases qui étaient déposés dans un coin de Téglise. L^huile y brûlait à Taide de mèches, jusqu'à la vigile pascale. C'est à ces grosses lampes que Ton allumait les cierges et autres lumi- naires qui servaient, la nuit de Pâques, à éclairer la cérémonie du baptême (1). Il est possible que cette prise de feu ait été faite avec quelque solennité, car le pape Zacharie y fait intervenir un prêtre , ou même l'évéque {per sacerdotem). Mais il n'y a aucune trace de cela ni dans les Ordines , ni dans les sacramen- taires.

C'est encore une coutume étrangère à Rome que celle de bénir solennellement le cierge pascal et , en général , le luminaire de l'église , au commencement de la nuit sainte. Il est inutile de dire que cette cou- tume a le plus étroit rapport avec celle de conserver conmie une étincelle des anciens feux ou d'en pro- duire solennellement un nouveau. A Rome, la bé- nédiction du cierge pascal n'était pas en usage , les grosses lampes préparées le jeudi saint servaient le Vendredi et le samedi saint à allumer les deux cier-

^^cale ; le feu est obtenu en battant un briquet. Je ne sais si la ce- ''^Httonie est vraiment primitive dans le missel mozarabique. A coup ^^^, elle ne Test pas dans le missel romain.

(1) Zacharie à Boniface , loc. cit, : a De igné autem paschali quod

^ïVquisisti..., quinta feria Paschae, dum sacrum chrisma consecratur,

^^Qs lampades magnae capacitatis ex diversis candclis ecclcsiae oleo

^ollecto in secrctiori ecclesiae loco , ad fîguram interioris taberna-

^xdi insistante , indeficienter cum multa diligentia ardebunt , ita ut

oleom ipsum suffîcere possit usquc ad tcrtium diem. De quibus can-

Ûelis sabbato sancto pro sacri fontis baptismate sumptus ignis per

sacerdotem renovabitur. De crystallis autem, ut asseruisti , nullam

babemus traditionem. »

16

242 ORIGINES DU GULT£ CHRÉTIEN.

ges que Ton portait, ces jours-là, en procession de- vant le pape, à la place des sept cierges qui le précé- daient ordinairement.

En dehors de Rome, c'est-à-dire dans la Haute Italie , en Gaule , en Espagne , la bénédiction du cierge fut de bonne heure en usage. Elle était si po- pulaire que les papes, sans Tadopter pour leur pro- pre église , furent obligés de la permettre dans celles du diocèse suburbicaire. Dès le milieu du sixième siècle , le Liber pontificalis (2® édition) constate cette concession, qu'il attribue au pape Zosime. On ren- contre le cierge pascal à Ravenne , au temps de saint Grégoire, à Naples, au huitième siècle (1). C'est même dans la Basse Italie que la bénédiction du cierge a laissé les traces les plus imposantes dans la paléo- graphie liturgique.

La formule de bénédiction, elle était en usage, était prononcée , non par Tévêque (2) , ni par un prê- tre, mais par Tarchidiacre, qui montait à cet effet sur l'ambon , auprès duquel se dressait le cierge à bénir. Il annonçait d'abord, dans une sorte d'învitatoire, le commencement de la grande fête; puis, prenant le ton et le style de la prière la plus solennelle, la prière eucharistique, il appelait la bénédiction divine sur cette colonne lumineuse qui allait éclairer les mystè- res de la Pâque chrétienne, comme jadis une colonne de feu avait guidé dans le désert l'exode des fils d'Israël. Il en célébrait poétiquement les éléments di- v-ers , le papyrus (3) qui fournit la mèche , l'huile

(1) Lib. pont, y t.*I, p, 225; saint Grégoire , £p., XI, 33; GesttL epp, iVeap., p. 426 de l'édition Waitz {M, G. Scr. Lang.).

(2) A Ravenne cependant , ces prières étaient récitées par Tévéque (saint Grégoire , loc. cit.) ; elles étaient fort longues , de sorte que l'officiant était exposé à s'en trouver fatigué.

(3) Voy. les deux bénédictions du cierge qui figurent dans les Opuscules d'Ennodius, n" 9 et 10.

LBS F&TES GHRÉTIBNNB8. 243

vierge et la cire des abeilles , qui en forment la ma- tière. Ici se plaçait un curieux éloge de l'abeille, chaste et féconde comme la Vierge-mère, et qui, dans son mode de génération, offre un symbole de l'origine éternelle du Verbe divin (1).

Voici la formule qui est maintenant en usagée; je la reproduis telle qu'elle figure dans les plus anciens manuscrits (2) , sans tenir compte des retouches pos- térieures.

Exultet iam angelica turba caelorum ! Ei^ultent divina mysteria ! Et pro tant! régis Victoria tuba intonet salutaris ! Gaudeat (3) et tellud tantis inradiata fulgoribus , et aeterni regni splendore lus- trata , totius orbis se sentiat amisisse caliginem ! Laetetur et ma- ter Ecclesîa tanti luminis adoruata fulgore, et magnis populorum Yocibus haec aula resultet !

Quapropter, adstautibus vobis, Fratres karisimi, adtam miram sancti huins luminis claritatem, una mecum, quaeso, Dei omni- potentis misericordiam invocate ; ut qui me non meis meritis intra levitarnm (4) numerum dignatus est adgregare, luminis sui gratia

(1) Voici ce passage dans la formule Deus mundi conditor, du sa- cramentaire gélasien : a Apcs vero sunt frugales in sumptibus , in procreationo castissimae; aedificant cel]ulas ccreo liquore fundatas, quarum humanae peritiae ars magistra non coacquat. Lcgunt pedi- bus flores et nullum damnum in floribus invenitur. Partus non edunt, âed ore legentes concepti foetus reddunt examina, sicut exemplo mi- rabili Christus ore paterno processit. Fecunda est in bis sine partu virginitas, quam utique Dominus sequi dignatus carnalem se matrem habere virginitatis amore constituit. Talia igitur, Domine, digna sa- cris altaribus tuis munera offeruntur, quibus te laetari religio chris- tiana non ambigit. »

(2) C'est celle qui figure dans les trois sacramentaires gallicans , d*où elle est passée dans le supplément du sacramentaire d'Hadrien, compilé probablement par Alcuin (ci-dessus, p. 115). Ce supplément contient aussi la formule Deus mundi conditor, propre au sacra- mentaire gélasien. Ennodius de Pavie (Opusc, 9, 10) nous a laissé deux formules de ce genre, composées sans doute pour son propre usage, pendant qu^il était diacre de l'église de Pavie.

(3) Les trois sacramentaires gallicans portent : Gaudeat se tantis illius inr.

(4) Sacerdotum, dans le Miss, goth. C'est une variante qui corres- pond au cas l'officiant est prêtre ou évéque.

À

244 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

infundeDte, cerei huius laudem implere praecipiat. Per reso tem filium suum domiDum nostram, etc.

Sursum corda ! l^. Habemus ad Dominum !

Gratias agamus Domino Deo nostro ! ^. Dignum et iasta

Vere , quia dignum et iustum est invisibilem Deum on tentem, Patrem Filiumque eius unigenitum, dominum no lesum Christum, toto cordis ac mentis afiectu et vocis mia persooare. Qui pro nobis aeterno Patri Adae debitum so ▼eteris piaculi cautionem pio cruore detersit. Haec sont festa Paschalia, in quibos verus ille Agnus occiditur, eiusqn guis postibus consecratur. In qua (1) primum patres nostros Israhel educens de Aegypto Rubrum mare sicco vestigio tr fecisti. Haec igitor noz est quae peccatorum tenebras coli inluminatione purgavit. Haec nox est quae hodie per univ< mundum in Christo credentes, a vitiis saeculi segregatos e gine peccatorum , reddit gratiae, sociat sanctitati. Haec no: in qua destructis vinculis mortis Christus ab inferis victor s dit. NihU enim nasci profuit nisi redimi profuisset.*

O mira circa nos tuae pietatis dignatio 1 O inaestimabilis di caritatis! Ut servum redimeres filium tradidistil O ccrte i sarium Adae peccatum , quod Christi morte delelum est ! C cnlpa, quae talem ac tantum meruit habere redemptorem ! O nox ! quae sola meruit scire tempus et horam, in qua Christ inferis resurrexit! Haec nox est de qua scriptum est : E sicut dies inluminabitur , Et nox inluminatio mea in delieiis Huius igitur sanctificatio noctis fugat scelera, culpas lavât, i innocentiam lapsis et maestis laetitiam , fugat odia , concoi parât , et curvat imperia.

In huius igitur noctis gi'atia, suscipe, sancte Pater, incen huius sacrificium vespertinum , quod tibi in hac cerei obk solemni per ministrorom manus de operibus apum sacros reddit Ecclesia. Sed iam columnae huius praeconia novimos in honorem Dei rutilans ignis accendit ; qui licet divisus in { mutuati luminis detrimenta non novit. Alitur liquantibus ( quas in substantiam pretiosae huius lampadis apis mater e<

(1) Ce pronom, 'comme le verbe fecisti, à la fin de la phrase, relie pas bien avec la suite du discours. Il doit manquer ici qu chose, comme avant la phrase Nihil entm, un peu plus bas.

(2) Incensi a ici un sens figuré. Le sacrificium vespertinut censi (cf. Ps. 140 , v. 2) n'est autre que le cierge lui-même. M mot d'encens a donné lieu à la cérémonie des cinq grains d'en qui, bénits avec le feu nouveau, sont ici insérés dans le cor] cierge.

LES FÊTES CHRÉTIENNES. 245

Apis (1) caeteris quae subiecta sunt homini animantibus ante- cellit. Cam sit minima corporis parvitate, ingentes animos angusto versât in pectore; viribus imbecilla, sed fortis ingenio. Huic (2), ezplorata temporam vice, cum Gaaitiem pruinosa hyberna posue- rint et glaciale senium verni temporis moderatio (3) deterserit, statim prodeundi ad laborem cura succedit; dispersaeque per agros , Hbratis (4) paululum pinnis , cruribus suspensis insidunt, parte (5) ore légère flosculos, oneratae (6) victualibus suis ad castra remeant ; ibique aliae inaestimabili arte cellulas tenaci glu- tino instruunty aliae liquantia mella stipant, aliae vertunt flores in ceram , aliae ore natos fingunt , aliae coilectis e foliis nectar in- cludunt. O vere beata et mirabilis apis ! Cuius nec sexum masculi violant, foetus non quassant, nec filii destruunt castitatem ! Sicut sancta concepit virgo Maria : virgo peperit et virgo permansit.

O vere beata nox ! quae expoliavit Aegyptios, ditavit Hebraeos ! Nox, in qua terrenis caelestia iunguntur !

Oramus te, Domine, ut cereus iste in honorem nominis tui consecratus, ad noctis huius caliginem destruendam indeficiens perseveret, et in odorem suavitatis acceptus supernis luminaribus misceatur. Flammas eius Lucifer matutinus inveniat ; ille, inquam, Lucifer, qui nescit occasum ; ille, qui regressus ab inferis humano generi serenus inluxit.

Precamur ergo te , Domine , ut nos famulos tuos (7) , omnem clerum et devotissimum populum, quiète temporum concessa, in his Paschalibus gaudiis conservare digne ris.

Ces formules étaient , en Italie au moins , récitées sur des rouleaux détachés, que l'on se plut à décorer le plus magnifiquement possible. Le texte était coupé à divers endroits de miniatures analogues à ses diver- ses phrases. On y voyait le Chœur des anges, la

(1) Cet éloge de l'abeille , rempli de réminiscences virgiliennes , a été éliminé tout entier du texte actuellement en usage. . (2) Haec codd.

(3) Moderata codd.

(4) Libratim p. pinnibus codd.

(5) Raptim (?).

(6) Oneratis codd. Il doit encore manquer ici quelque chose. Tout ce passage est fort altéré.

(7) La chrétienté locale. Ici s'intercalent , suivant les exemplaires , des formules l'on nomme le pape, l'évéque, le souverain.

246 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Terre illuminée des clartés célestes, T Eglise, le dia,c officiant , les abeilles , etc. A la fin , le nom du soi verain était quelquefois accompagné de son po trait (1). Une particularité de ces rouleaux illustrés c'est que les figures y sont disposées au rebours d texte, de sorte que, pour celui qui lit, les personnage ont la tête en bas. Ceci s'explique par Tusage l'o: était de laisser retomber le rouleau , du haut de l'am bon , à mesure qu'on le lisait. Les fidèles se saisis saient de Textrémité qui pendait et contemplaient le miniatures , pendant que le diacre continuait à chan ter en déroulant le reste.

La liturgie mozarabique comporte ici , outre la hi nédiction du feu nouveau, qui n'y est peut-être primitive , une double bénédiction , de la lampe et d cierge. Il y avait deux officiants, deux diacres, qi devaient ou avoir composé eux-mêmes leurs formule ou tout au moins les savoir par cœur.

Après ces cérémonies d'ouverture, venait la loi gue série de leçons, de chants et de prières q constitue le service de vigile , puis la bénédiction d fonts baptismaux, la célébration du baptême et de confirmation , enfin la messe , célébrée autrefois ai premières lueurs de l'aube. A Rome , cette premiè messe pascale conserva et conserve toujours la disp sition primitive. Elle s'ouvre, après la* litanie, par chant du Gloria in excelsis, réservé d'abord à la seu fête de Pâques; mais les autres chants introdui vers la fin du quatrième siècle , l'Introït, l'Offertoir l'Antiphone de la communion, sont tous exclus. II < est de même, à plus forte raison, de VAgnus De

(1) C'est le cas de Tun des ExuUets conservés dans les archives la cathédrale de Bari; on y voit les portraits de deux emperev d'Orient, alors souverains du pays. Ce rouleau présente une formi un pou différente du texte ordinaire. Je regrette que l'on m'ait ei péché d'en prendre copie.

LB8 FÊTES CHRÉTIENNES. 247

plus jeune de trois siècles. Les seuls chants qui soient admis, ceux du Graduel et du Sanctus , sont ceux qui remontent à la plus haute antiquité.

§ 3. Les fêtes fixes.

!• Noël et l'Epiphanie.

Le deuxième point cardinal de Tannée ecclésiati- que, c'est la fête de la Nativité du Christ. Comme celle de Pâques , cette fête , une fois connue , en dé- termine un grand nombre d'autres.

Il n'y a aucune tradition sur le jour de la naissance du Christ. L'année même est incertaine. Cependant on la détermina d'assez bonne heure en partant des deux textes Luc, III, 1 et Luc, III, 23, qui établissent un synchronisme entre la trentième année de Jé- sus (1) et l'an 15 de Tibère (28-29). Quant au mois et au jour, ils étaient absolument inconnus. Clément d'Alexandrie (2) parle de calculs qui aboutissaient au 18, au 19 avril ou encore au 29 mai; mais c'étaient des calculs privés , que ne consacrait aucune obser- vance festale. Le livre intitulé De Pascha computus, publié en 243 , soit en Afrique , soit en Italie , dit que N.-S. était le 28 mars (3). Ces faits supposent que, vers le milieu du troisième siècle, la fête de Noël était encore inconnue en Occident. A plus forte

(1) *Û<T6l èTéSv xpiàxovTa. Ce chiffre est donné par Tévangéliste lui- même comme approché. ï\ est inconciliable avec la donnée, commune à saint Matthieu et à saint Luc , que Jésus naquit du vivant d'Hé- rode le Grand. La première année de Jésus commençait ainsi l'an 2-1 avant notre ère (752-753 u. c.) , tandis qu'Hérode mourut en Tan 4 av. J.-C. (750 u. c), au printemps.

(2) Strom.y I, 145, 146 (Pharmouthi, 24 ou 25; Pachon, 25).

(3) On trouvera ce curieux écrit dans les appendices aux éditions de saint Cyprien, éd. Hartel, p. 267.

248 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

raison Tétait-elle en Orient, elle a été importai de Rome.

Sa plus aiH'Jenno attestation est lo calendrier phi- - localion , drossô h Homo on IVM). On y lit : VIII kal. ian,, natKs Chrislvs in Betleem ludeae. Ce fut d*abord uno f(Mo propro h rôfj;liso latine. Saint Jean Chrysos- tome atteste, dans une homélie prononcée en 386, qu'elle n'avait été introduite h Antiocho que depuis dix ans environ, soit vers 375 (1). Au temps il par- lait, la fôte n'était encore observée ni à Jérusalem (2), ni à Alexandrie. Dans cette dernière métropole elle fut adoptée vers 430 (3). Les Arméniens, après l'avoir ad- mise, la répudièrent (piand ils se séparèrent do la communion (catholique (4). Ces églises avaient cepen- dant une fête de même sens ou de sens analogue à celui de la fôte latine du 25 déc(^ml)re ; c'est ce qu'el- les appelaient la fôte « des apparitions », tJi ïmçtÉvia, l'Epiphanie, qu'elles célébraient le 6 janvier. Le plus lointain indice qui se rapporte à cette fôte nous est , fourni par Clément d'Alexandrie. Il raconte que les m Basilidiens célébraient le jour du Haptôme du Christ ^ par une fête précédée d'une vigile ou veillée, passée àen tendre des lectures (5). Ils variaient cependant sur la *j date; les uns célébraient la fête le 10 janvier, les autres

le 6. On ne sait au juste à quel moment cet usage futac

cepté par les églises orthodoxes d'Orient, mais il esl^

(1) Migne, P. G., t. XLIX, p. 351.

(2) Ceci résulte do la Pere<jrinatio Silviae, L'ancion usago persistait encore, à Jérusalem, au sixième siècle {Cosmas Indicopl.., V; Mi- gne, P. G., t. LXXXVIII, p. 197).

(3) Cassien, ColL, X, 1 ; Gonnadius, De viritt, 59. L'évôquo d*EmÔ80, Paul , prêcha lo dimanche 25 décembre (29 khoïak) 432, dans la grande église d'Alexandrie , un sermon d'oU il résulte que l'on célébrait ce jour-là le souvenir do la naissance de N. 8. (Ilardouin, Conc, t. I, p. 1G93).

(4) Cf. ci-dessus, p. 72, n. 2.

(5) ToO pawT((j|iaTo; aOxoO ti^v ifiiw'pocv ioptdÇouffi icpoôiavuxTtptOovTe; àvayvudeai {loc, cit»).

LES FÉTBS CHRÉTIENNES. 249

sûr que, dans le courant du quatrième siècle, la fête du 6 janvier y était universellement observée ; on y célébrait une triple commémoration, celle de la nais- sance du Christ, celle de son adoration par les Mages, enfin celle de son baptême. La plus ancienne mention qui en soit faite se trouve dans la passion de saint Phi- lippe, évêque d'Héraclée enThrace,à propos d'un évé- nement du temps de la persécution deDioclétien (1). Elle était observée aussi dans les pays de rit gallican. Ammien Marcellin (2) rapporte que, en 361 , Julien, déjà en état d'hostilité contre Constance, mais dissi- mulant encore ses sentiments païens , assista publi- quement au service religieux chrétien, à Vienne, le jour de TEpiphanie, feriarum die quem célébrantes mense ianuario christiani Epiphania dictitant. Le con- cile de Saragosse (380) la mentionne (c. 4) aussi comme une très grande fête (3).

A Rome et en Afrique on ne connaissait pas plus la fête du 6 janvier que les Orientaux celle du 25 dé- cembre (4). L'Epiphanie n'est pas marquée dans le calendrier philocalien ; les Donatistes ne l'observaient pas. Saint Augustin le leur reproche en termes qui supposent que la fête avait été importée d'Orient , quia nec unitatem amant, neo orientali ecclesiae... com- municant (5). Sauf l'exception des Donatistes, les deux fêtes étaient acceptées partout en Occident dès le commencement du cinquième siècle.

Ainsi, vers la fin du troisième siècle, l'usage s'éta-

(1) Ruinart, c. 2.

(2) XXI, 2.

(3) « XXI a XVI kal. ian. usque in diem Epiphaniao qui est VIII id. ian. continuis diebus , nulli liceat de ecclesia absentare. » II semble que, si la fête du 25 décembre avait été observée alors en Es- pagne, on Teût mentionnée dans ce canon.

(4) S. Epiphane (Haer. , LI , 16, 24 ; Exp. fidei, 22) a toujours été pour le 6 janvier, exclusivement.

(5) Sermon 202.

250 ORiaiNBS ou culte cihrétien.

blit dans toute TEglise , de célébrer Tanniversaire la naissance du Christ ; mais on n'adopta pas p tout le même jour. En Occident on choisit le 25 cembre, en Orient le 6 janvier. Les deux usages, d bord distincts, finirent par se combiner, de sorte qu^ les deux fêtes furent observées par tout le monde q\j^ à peu près.

Comment est-on arrivé à ces dates? Plusieurs sys- tèmes ont été proposés. Je vais les indiquer.

D'abord on a pensé aux Saturnalia du calendrier romain ; on aurait voulu détourner les fidèles de cé- lébrer une fête populaire, en dirigeant leur piété vers le souvenir du Christ. Mais ce système doit être écarté, car il n'y a pas coïncidence : la fête des Saturnalia commençait le 17 décembre et ne se prolongeait pas au delà du 23.

Une explication meilleure , c'est celle qui est sug- gérée par la fête du Natalis Invicti, marquée au 25 dé- cembre dans le calendrier profane de la collection philocalienne. VInvictus est le soleil, dont la nais- sance coïncide avec le solstice d'hiver, c'est-à-dire avec le 25 décembre, suivant le calendrier romain. Le culte mithriaque et, d'une manière plus générale, le culte du soleil , eut beaucoup de relief et de popu- larité au troisième siècle et au quatrième. On peut être porté à croire que l'église romaine choisit le 25 dé- cembre pour faire concurence au mithriacisme (1). Mais cette raison ne rend pas compte de la fête du 6 janvier. Voici une autre solution , qui a l'avantage de s'appliquer aux deux fêtes à la fois.

On est arrivé à la date de la naissance du Christ en partant de celle que Ton croyait être celle de sa mort.

Cette dernière date ne peut être déterminée histo-

(1) Voir les textes cités par Mommsen, Corp, inscr. lat., t. I, p. 410.

LB8 FâTBS CHRÉTIENNES. 251

^^^ement : les données fournies par les Evangiles et t^^r la tradition ne suffisent pas à établir une solution ^^crtaine. De bonne heure, cependant, on s*évertua à ^^"ésoudre le problème. Clément d'Alexandrie (1) cite c3es calculs privés qui aboutissaient, pour le jour, au SI mars, au 13 ou au 19 avril. Le De Pascha compu- lius, cité plus haut, donne le 9 avril; Lactance (2), le 23 mars. Une solution plus généralement admise , c'est celle du 25 mars. TertuUien est le premier qui Fait mentionnée : Passio perfecta est sub Tiberio Cae- sare , consulibus Rubellio Gemino et Fuflo Gemino [29] , mense martio^ temporibus Paschae ^ die VIII kal. april.^ die prima azymorum (3). Hippolyte, dans sa table pas- cale, marque la Passion du Christ à une année le 14 nisan tombe un vendredi 25 mars. Le catalogue philocalien des papes donne la même date, de jour et d'année, que Tertullien. 11 faut remarquer que le cy- cle d'Hippolyte et le catalogue philocalien dérivent de documents officiels et peuvent être invoqués comme indices de Tusage ecclésiastique romain. Cette même ;date du 25 mars figure dans certains actes de Pilate, qui, vers le commencement du quatrième siècle , à tout le moins , jouissaient en Orient d'une grande publicité et même de quelque considération. Cet écrit, très répandu en Asie Mineure, porta les Quartodécimans de Phrygie à fixer la Pâque au 25 mars ; en Cappadoce , les tenants de cette secte se partageaient entre le 25 mars et le 14 nisan, se refu- sant toujours à solenniser le dimanche (4). En Gaule, au cinquième et au sixième siècle, la tradition du

(1) Loc. cit,

{Tj De mort, pers., 2; Divin. Inst,, IV, 10.

(3) Adv. ludaeos (écrit vers 207), c. 8. Ces données sont inconcilia- bles. Le 25 mars 29 la lune était au dernier quartier; la Pàque ne pouvait tomber ce jour-là.

(4) Epiphane,fHaer., L, 1; cf. Philastrius, Haer., 58.

252 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

25 mars était tellement ancrée qu'elle avait donné lieu à une fête, et même à deux, celle de la Passion et celle de la Résurrection, qui se célébraient le 25 et le 27 mars, sans préjudice des solennités mobiles du vendredi saint et du dimanche de Pâques (1).

Ces observances festales donnent Tidée d'une tra- dition invétérée. Il ne faut pas croire pourtant que cette tradition ait un fondement historique. La Pas- sion n'a certainement pas eu lieu un 25 mars (2). Ce jour a être choisi arbitrairement, ou plutôt suggéré par sa coïncidence avec l'équinoxe (officiel) de prin- temps. La mort du Christ se trouvait ainsi tomber le jour même , suivant une idée universellement ré- pandue , le monde avait été créé.

Une fois cette date obtenue , et obtenue en partant de considérations astronomico-symboliques, il est as- sez naturel que l'on s'en soit servi pour aboutir à une autre coïncidence. Le Christ n'a pu passer en terre qu'un nombre entier d'années ; les fractions sont des imperfections qui ne cadrent pas avec le symbolisme des nombres; on est toujours porté à les éliminer le plus possible. Dès lors , l'Incarnation a avoir lieu le 25 mars , comme la Passion ; et T Incarnation étant comptée à partir du premier instant de la grossesse de Marie, la naissance du Christ doit avoir eu lieu le 25 décembre.

(1) Calendrier de Perpétuas, évéque de Tours (f v. 490), dans Greg. Tur., Hist. Fr., X, 31 ; Martyrologe hiéronymien , 25 et 27 mars. Cf. Martin de Braga, De Pascha, 1 (Migne , P. L., t. LXXII, p. 50) : « A plerisque Gallicanis episcopis usque ante non multum tempus custo* ditum est ut scmper VIII kal. april. diem Paschae (inexact) celebra- rent, in quo facta Christi resurrectio traditur. » Il y a ici une con- fusion. C'est passio qu'il faudrait au lieu de resurrectio, à moins que Martin n'ait écrit VI hal. au lieu de VIII hal,

(2) En 29 et en 35 , le 25 mars tombe un vendredi ; mais ce ven- dredi ne peut être ni le jour ni le lendemain de la Pàque juive; l'âge de la lune s'y oppose. Dans l'intervalle de ces deux dates, le 25 mars ne coïncide pas avec le vendredi.

LES FÊTES CHRÉTIENNES. 253

Cette explication serait plus facilement acceptable si on la trouvait toute faite dans quelque auteur (1) ; malheureusement , il reste encore à produire un texte qui la contienne et Ton est réduit à la supposer. Elle est d'ailleurs de ce que Ton pourrait appeler le style reçu en ces matières.

Du reste, je vais proposer une coïncidence qui peut servir à la fortifier. Jusqu'à présent, nous ne rendons compte que de la date du 25 décembre. Celle du 6 avril reste à expliquer.

Sozomène (2) mentionne une secte de montanistes qui célébraient la Pâque le 6 avril au lieu du 25 mars, en vertu de cette considération que, le monde ayant été créé à Téquinoxe, c'est-à-dire, selon eux, le 24 mars, la première pleine lune du premier mois avait eu lieu quatorze jours plus tard, le 6 avril (3). Or, entre le 6 avril et le 6 janvier , il y a juste neuf mois, comme entre le 25 mars et le 25 décembre. La date grecque de la Nativité , le 6 janvier , se trouve ainsi en rapport avec un comput pascal fondé sur des considérations symboliques et astronomiques, tout à fait semblables avec celui d'où l'on parait avoir dé- duit la date du 25 décembre.

En somme, il est possible que l'on soit arrivé à

(1) On la trouve bien , mais après coup , alors que la fête de Noël est reçue depuis longtemps. Ainsi saint Augustin reproche aux Juifs d'avoir violé le précepte Non coques agnum in lacté matris suae. L'agneau , c'est J.-C. , égorgé le 25 mars , c'est-à-dire le même jour sa mère avait commencé d'avoir du lait : « Dicuntur enim feminae ex quo conceperint lac colligere » {In Heptat., II, 90).

(2) H. E., VII, 18.

(3) Ce raisonnement ne serait pas concluant pour la date de la Passion, événement séparé de la Création par un intervalle de quel' ques milliers d'années ; mais il est sous-entendu que la Pâque du Christ, étant la vraie Pâque , a tomber suivant l'échéance-type , celle de l'origine des choses. Il est sûr que la Passion n'a pu avoir lieu 6 avril, un vendredi 6 avril ne coïncidant jamais, dans les an- nées entre lesquelles on doit choisir, avec une pleine lune.

254 ORIGtlNfiS DU GULTB GàRÉTIËN.

fixer la date de la naissance du Christ en partant de la date présumée de sa Passion. Parmi les solutions proposées, celle-ci me parait préférable; mais je ne voudrais pas dire que , en ce qui regarde le 25 dé- cembre , la coïncidence du Sol novus n*ait exercé au- cune influence, directe ou indirecte, sur les décisions ecclésiastiques qui sont nécessairement intervenues en cette affaire.

Les fêtes d'après Noël.

Une fois fixée la fête de Noël, on j rattacha, et cela de très bonne heure, diverses commémorations rela- tives aux plus grands saints du Nouveau Testament. Dans son oraison funèbre de saint Basile , prononcée en 379 à Césarée de Cappadoce , saint Grégoire de Nysse dit que Tusage était de célébrer après Noël et avant le premier janvier les fêtes des saints Etienne, Pierre , Jacques , Jean et Paul. Ce témoignage est confirmé par le ménologe syriaque publié par M.Wright, d'après un manuscrit daté de Tannée 412 (1). J'ai étu- dié Torigine de ce texte et montré qu'il n'est qu'un abrégé fait sur un martyrologe grec d'Asie Mineure, dont une rédaction plus complète est entrée dans la compilation latine appelée Martyrologe hiéronymien (2). Le martyrologe grec est de la fin du quatrième siècle ; il est donc, en somme, du même temps et du même pays que saint Basile et saint Grégoire de Nysse. Or, voici ce qu'il contenait pour les jours après Noël (3) :

(1) Journal of Sacr. LitL, t. VIII, Londres, 1865-66, p. 45, 423.

(2) Les sources du Martyrologe hiéronymien , dans les Mélanges de l'Ecole de Romey 1885.

(3) Je suis ici le Ménologe syriaque : dans le Martyrologe hiérony- mien , la fête des saints Pierre et Paul a été reportée, suivant l'usage romain, au^ 29 juin.

LES FÊTES CHRÉTIENNES. 2S5

Décembre, 26, s. Etienne.

27, ss. Jacques et Jean.

28, ss. Pierre et Paul.

La coïncidence est parfaite. Elle n'est pas isolée, -fes églises nestoriennes et arméniennes nous offrent, ans leurs calendriers respectifs, la trace évidente du éme usage. Les Arméniens n'ont pas la fête de 3^1 (1); néanmoins, avant de commencer, le 29 dé- rxibre, la préparation immédiate à la fête de TEpi- ^inie, ils célèbrent les quatre fêtes suivantes : iDécembre, 25, s. David et s. Jacques, frère du Sei- gneur (2).

26, s. Etienne.

27, ss. Pierre et Paul.

28, ss. Jacques et Jean.

lue calendrier nestorien distribue ces fêtes d'une ^nière un peu différente ; Tusage est, dans cette §lise, de consacrer les vendredis aux commémora- ons des saints. Voici Tordre consacré :

vendredi après Noël , sainte Marie ;

l^^ après TEpiphanie, s. Jean-Baptiste;

ss. Pierre et Paul ;

les quatre évangé-

listes (3).

s. Etienne.

(1) Les Arméniens-unis ont adopté cette fête; ils n*en célèbrent as moins les quatre que je vais dire, et cela dans le même ordre; eulement celle des saints David et Jacques est anticipée et placée vant Noël.

(2) Ces deux saints sont introduits ici comme parents du Christ : )avid est ^eoiràTwp et Jacques àôeXçôOeoç. Photius {Bibl,, cod. 275) larle d'un discours d'Hésychius de Jérusalem (cinquième siècle ?) en 'honneur de Jacques, frère du Seigneur, et de David , « aïeul de >ieu ». n est sûr que cette fête est d'origine palestinienne. Cosmas ndicopleustes atteste (P. G., t. LXXXVIII, p. 197) qu'on la célébrait mcore de son temps à Jérusalem.

(3) Cette fête est, je crois , une transformation de la fête primitive les deux fils de Zébédée. Saint Jean aura attiré à lui les trois au^es

256 ORIGINES DU GULTB GHRÉTIBN.

Il est sûr que ces dates d'anniversaire ont été fixé arbitrairement, qu'elles n'ont été fournies par aucua^ie tradition historique. De tous ces saints personnages, il n'y a que Jacques, fils de Zébédée, dont la mort puisse être rapportée à une époque de Tannée plutôt qii'e une autre. Or, il fut décapité vers le temps de Pâ-^ ques (1) et non au mois de décembre.

Les plus anciennes de ces fêtes sont celles qui figu- rent dans rénumération de saint Grégoire de Nysse et dans le ménologe syriaque. La fête de saint Etienne remonte, on le voit, à une époque notablement anté- rieure à la découverte de son tombeau, qui eut lieu eu 415 et donna un grand élan à son culte. Elle est du resite mentionnée dans les Constitutions apostoli- ques (2). Tous les calendriers et livres liturgiques (3) occidentaux, depuis le cinquième siècle, marquent cette fête à la date orientale (4).

évangélistes , et, la fête changeant ainsi de caractère , saint Jacques aura été éliminé.

(1) Actes, XII, 1-5.

(2) y III, 33. Le jour n'est pas marqué, mais il ne peut être que le 26 décembre.

(3) Le sacramentaire léonien présente une anomalie apparente. Dans ce recueil, fort en désordre, les messes en l'honneur de saint Etienne, premier martyr, au lieu de se trouver au 26 décembre, sont rangées sous la rubrique du 2 août et de saint Etienne, pape. C'est sans doute à l'homonymie du pape et du diacre que la fête de l'In- vention du corps de saint Etienne (2 août) doit son origine. Cette fête a été marquée dans le Martyrologe hiéronymien, mais pas dans tous les manuscrits ; aussi l'interpolation ne saurait-elle remonter jus- qu'à la recension auxerroise (v. 590). Aucun ancien livre liturgique latin, gallican ou romain (sauf le sacramentaire léonien), ne contient une fête de saint Etienne , diacre , au mois d'août. En revanche , la fête de l'àyaxopiiSi^ tùjv Xei4'àv(ov toù àyioM ZTs^dcvou figure au 2 août dans les calendriers byzantins, au moins depuis la fin du dixième siècle (Martinov, Annus ecclesiasticus graeco-slavicus , p. 192); elle est célébrée aussi par les Arméniens.

(4) L'église do Constantinople la recule au 27, car elle consacre le lendemain de Noël à une commémoration de la sainte Vierge et de saint Joseph.

LES FÊTES CHRÉTIENNES. 257

La fête du 27 décembre fut d*abord commune à saint Jacques et à saint Jean. Elle est marquée comme telle dans le calendrier de Carthage, dans le Martyrologe hiéronymien et dans les livres liturgiques gallicans. Sur ce point, comme en tant de choses, l'usage gallican était conforme à l'ancien usage oriental.

A- Rome, au contraire, on n'admit que la commé- moration de saint Jean. A Constantinople , les deux apôtres furent transportés à d'autres jours.

Quant aux apôtres Pierre et Paul , leur fête com- mune était célébrée en Occident le 29 juin , et cela au moins depuis le temps de Constantin. L'anniver- saire oriental du 28 décembre n'a pu éliminer une tradition trop bien établie. A Constantinople aussi, on adopta de très bonne heure la date romaine (1). En d'autres pays d'Orient on trouva moyen de les combiner (2).

La fête des saints Innocents dut être instituée de bonne heure, vers le cinquième siècle environ. On la trouve dans tous les anciens calendriers et livres li- turgiques latins depuis le sixième siècle (3) , au 28 décembre. L'église de Constantinople a aussi cette fête, mais un jour plus tard, le 29 décembre (4).

(1) Cod, Theod., XV, V, 5; la loi est de 425, les termes sont un peu vagues; ils semblent pourtant désigner la féto du mois de juin; elle était célébrée à Constantinople à la fin du cinquième siècle (Théod. Lect., II, 16).

(2) A Jérusalem, on célébrait encore, au septième siècle, la fête du mois de décembre, comme il résulte d'une homélie de l'évéque 8o- phronius (Migne, P. Gr., t. LXXXVII, p. 3361). La fête de saint Etienne avait lieu le 27, celle des saints apôtres Pierre et Paul le 28.

(3) Je parle ici de la fête , non de la mention des Innocents dans les hymnes, comme celle de Prudence, ou dans les homélies, comme celles de saint Pierre Chrysologue.

(4) Le terme à* Innocents appartient à la langue liturgique romaine ; le calendrier de Carthage et les livres gallicans emploient le mot Infantes,

17

258 ORIGINES OU OULTB CHRÉTIEN.

3* Les fêtes de la Vierge et de saint Jean-Baptiste.

On a VU que le calendrier arménien consacre en ces derniers jours de décembre une fête spéciale à deux parents du Christ , le roi David et Jacques , « frère du Seigneur ». La personne qui avait le 4roit le plus clair à une commémoration spéciale au milieu des fêtes de la Nativité , c'était assurément la sainte Vierge. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner que le calendrier nestorien marque sa fête aussitôt après Noël. Le calendrier copte a une fête semblable le 16 janvier, peu après la fin des solennités de l'Epipha- nie, qui duraient jusqu'au 14.

En Gaule, au sixième siècle, nous trouvons aussi une fête de la sainte Vierge en janvier, media/nte mense undecimOy dit Grégoire de Tours (1). Le Marty- rologe hiéronymien, dans sa recension auxerroise (v. 590), la marque au 18 de ce mois (2); dans les livres liturgiques elle figure aussi, quoique avec une préci- sion moindre, au même endroit du calendrier.

En Espagne, la fête existait, mais à des dates di- verses, suivant les églises. Le dixième concile de To- lède (656) prescrivit une date fixe et universelle, celle du 18 décembre, huit jours avant Noël (3).

(1) GU M&rt. ,8. Il n'y a pas, pour la Gaule , d'attestation plus ancienne ; la fête no figure pas au calendrier de Perpetuus (Gkreg. Tur., H. Fr., X, 31).

(2) Dans le Lectionnaire de Luxeuil , elle est placée à la suite da 2* dimanche après l'Epiphanie, avant la fête de la Chaire de saint Pierre, qui se célébrait alors le 18 janvier ; dans le Missale gothicum , entre l'Epiphanie et la Sainte- Agnès (21 janvier) ; dans le sacrameii' taire de Bobbio , entre l'Epiphanie et le Carême , avec (et après) la fête de la Chaire do saint Pierre. Le Martyrologe hiéronymien réunit les deux fêtes au même jour.

(3) Can. 1. Des termes employés par le concile on a quelquefois conclu, mais à tort, qu'il connaissait la fête du 25 mars comme en vi- gueur dans certaines églises. Il n'en est rien. Le concile se borne i

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LES FÊTBS CHRÉTIENNES. 259

L'église de Rome ne parait avoir solennisé aucune fête de la Vierge avant le septième siècle, alors qu'elle adopta les quatre fêtes byzantines dont je vais bientôt parler (1).

L'Evangile (2) fournit, pour la fête de saint Jean- Baptiste, une donnée qui n*a pas été négligée. La naissance du Précurseur doit avoir précédé de six mois celle du Sauveur. Cependant je soupçonne que la fête du 24 juin a été précédée, en Orient au moins , par une autre commémoration , placée aux environs des fêtes de la Nativité du Christ. On a vu plus haut quel est, à cet égard, Tusage nestorien ; dans Téglise ar- ménienne aussi, la fête du Précurseur est la première que Ton célèbre après TEpiphanie (3). Le calendrier de l'évêque de Tours Perpetuus (460-490) place le Natale *• lohannis entre T Epiphanie et la Chaire de saint Pierre, précisément à la même époque de Tannée (4).

Cette fête fut remplacée plus tard par une autre, CôUe de la Passion ou Décollation de saint Jean, le 29 août, qui fut adoptée dans les pays gallicans et à Constantinople avant de l'être à Rome (5).

*^^ que cette date, qui est celle de l'Incarnation, serait très convc- ^ole pour la fête de la sainte Vierge, mais que la concurrence du

*J*eme et des fêtes pascales ne permet pas de l'adopter. - // ^- pourtant ce qui est dit, page 262, du sens de la fcte du

'^.^"^^ier à Rome.

W iNUles, K&lend. manu&le, t. II, p. 564, 566. W I3aiis le Calendrier de Carthage, au 27 décembre, on lit : S. /o- 7*^*« B&ptistae et lacobi apostoli quem Herodes occidit. Mais il y * ^P^^ lieu de voir ici une faute de copiste , Baptistae pour £van-

^ ' ^our Constantinople, voy. Martinov, Annua eccL graecoslavi-

H\f * ^' ^^^* ^* ^^^® ®^^ marquée au 29 août dans le Martyrologe ronyjjjjgjj Q^ jjg^Qg jg sacramentaire gélasien. Les livres liturgiques

fi» ^catis ont tous une messe de la Passion de saint Jean, qu'ils pla-

*pTès celle de la Nativité du même saint , à une distance plus

^*^ïii8 grande, mais sans noter la date précise. Les livres romains

® ^*ont pas cette fête; dans le sacramentaire gélasien, elle repré-

1

260 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Quant à la fête du 24 juin, elle paraît être, comme celle du 25 décembre, d'origine occidentale (1). On ne lui connaît pas d'attestation plus ancienne que les sermons de saint Augustin (2). Depuis le milieu da cinquième siècle , tous les documents de Tusage oc- cidental témoignent de l'existence de cette fête. Ell^ apparaît aussi de très bonne heure à Constantinopl^ et dans l'Orient byzantin. Cependant il y eut des en-" droits la vieille fête de janvier tint bon contre 1^^ nouvel usage. Le calendrier de Tours, du cinquièmes siècle , représente une sorte de compromis ; le Natale de saint Jean est maintenu au mois de janvier ; mai^ la fête de juin est adoptée aussi , et, chose étrange^ comme anniversaire de la Passio du saint.

Les fêtes de la sainte Vierge, telles qu'elles son maintenant observées dans l'église latine et dan^ l'église grecque, ont une autre origine et une autr histoire que la commémoration primitive dont il a et question tout à l'heure.

La plus ancienne est celle de la Présentation Ai l'enfant Jésus au temple , que Ton appelle générale ment , en Occident , fête de la Purification de l sainte Vierge. Sa date est donnée par celle de la fêt^ de la Naissance du Christ, qu'elle doit suivre à qua rante jours de distance. C'est à Jérusalem que nou9>

sente une des nombreuses retouches gallicanes qui ont été apportées à cette compilation.

(1) Noter que la fête se célèbre le 24 juin et non le 25 ; pourquoi pas le 25, qui aurait donné exactement Tintervalle de six mois entre le Précurseur et le Christ ? Parce que Ton a fait le calcul suivant le calendrier romain; le 24 juin est le VIII kal. iul. comme le 25 dé- cembre est le VIII kal, ian. A Antioche , avec le comput des jours d'un bout à Tautre du mois, on aurait certainement choisi le 25.

(2) Sernt. 196 et 287. Elle ne figure ni dans le calendrier philoca- lien, ni dans celui de Polemius Silvius (448). L*état du Ménologe sy- riaque ne permet pas de dire si elle y était ou non.

LES FÊTES CHRÉTIENNES. 261

4 la trouvons d'abord instituée, et cela dès la seconde

f ffloitié du quatrième siècle. La Peregrinatio de Silvia

i ia décrit sous le nom de Quadragesimae de Epiphania.

Comme on n'avait pas encore adopté la fête de Noël,

1^ Présentation était célébrée le quarantième jour

après TEpiphanie , c'est-à-dire le 14 février (1).

Dans la description de Silvia , on ne remarque aucun

indice d'une préoccupation spéciale de la sainte Vierge.

U^ édit de Justinien , en 542 (2) , prescrivit de solen-

m^er cette fête à Constantinople.

La fête. V Annonciation, au 25 mars, n'a pas d'at-

^^^tation bien sûre (3) avant le concile in Trullo (692),

^^i en parle (c. 52) comme d'une institution établie.

^ Gomme la précédente , cette fête est coordonnée à la

îête de Noël.

Vers le temps du concile in Trullo , nous trouvons à Rome un document non seulement sur ces deux fê- tes , mais encore sur deux autres fêtes de la sainte Vierge, celle de la Nativité (8 septembre) et celle de la Dormition (15 août) (4). Les quatre fêtes sont marquées dans le sacramentaire gélasien du commencement du huitième siècle. Elles étaient donc entrées, dès le septième siècle, dans l'usage romain (5). Je ne saurais

(1) C'est encore, et pour la même raison, la date du calendrier ar- ménien.

(2) Théophanc, a. m. 6034.

(3) n y a une homélie de saint Sophronius, évoque de Jérusalem, sur le mystère de l'Annonciation (Migne, P. Gr.y t. LXXXVII, p. 3217); s'il était sur qu'elle eût été prononcée à l'occasion d'une fête spé- ciale, elle donnerait un témoignage un peu antérieur au milieu du septième siècle.

(4) C'est vers ce temps qu'ont été prononcées les homélies d'André de Crète sur la Nativité, l'Annonciation et la Dormition de la sainte Vierge (Migne, P. Gr., t. XCVII).

(5) n est sûr qu'elles n'existaient pas encore au temps do saint Gré- goire. Non seulement il n'en parle jamais et il en est ainsi de tous les documents de l'usage romain qui sont ou peuvent être réputés antérieurs au sixième siècle, le calendrier de Carthage, le sacramen- taire léonien, etc. ; mais ce qui est tout à fait concluant, c'est que ces

262 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

indiquer, même par conjecture, et comment on est arrivé aux deux dates du 15 août et du 8 septembre. Ces quatre fêtes sont , pour l'Occident , d'importa- tion byzantine. Elles furent d'abord introduites à Rome; les pays de rit gallican ne les connurent pas avant Tadoption de la liturgie romaine (1).

4* La fête du 1" janvier.

La fête de la Circoncision, comme telle, n'est pas d'origine romaine. Il y avait à Rome, dès le septième siècle, une station solennelle, le 1" janvier, à la ba- silique de Sainte-Marie ad Martyres, Mais les textes- liturgiques attribués à ce jour ne parlent pas de la Cir- concision (2). La désignation oflBcielle de la fête, c'est Octavas Domini; c'est une sorte de renouvellement des la solennité de Noël , avec une préoccupation spéciale de la Vierge-mère. Au contraire, les plus anciens ca- lendriers byzantins (3) présentent au 1®' janvier la double fête de la Circoncision du Christ et de l'anni- versaire de saint Basile. Dans les documents du rit

fêtes étaient encore inconnues de Téglise anglo-saxonne an commen- cement du huitième siècle.

(1) Elles ne figurent ni dans la recension auxerroisc du Martyro- loge hiéronymien, ni dans les livres de la liturgie gallicane. Une inscription (Le Blant , n* 91) mentionne la dédicace d'une église du diocèse de Coutances, dédicace célébrée mtnse agusto medio. L'église avait été élevée in honore aime Maria. H ne faudrait pas conclure de que la fête du 15 août fût alors observée en Neustrie. Ce que l'inscription désigne comme ayant eu lieu à la mi-août et comme de- vant être commémoré tous les ans au même jour, ce n'est pas la Dormitio s. Mariae^ c'est la dédicace de l'église du Ham. Cette dédi- cace eut lieu en 681 (Bull, des Antiquaires de France , 1886, p. 287).

(2) Ce mot est prononcé , il est vrai, dans la préface du sacramen- taire gélasien, mais sans qu'il soit rattaché à la commémoration de la circoncision de l'enfant Jésus. Il désigne simplement l'ensemble des Juifs, comme le mot praeputium, qui lui fait antithèse, désigne l'en- semble des Gentils.

(3) Celui de Morcelli {Kal. CP^, Rome, 1788), attribué au huitième siècle, celui de Naples (neuvième siècle), le Ménologe de Basile, etc.

LES FÊT^S CHRÉTIENNES. 263

gallican, la Circoncision apparaît seule, et d^assez bonne heure, au concile de Tours, en 567 (can. 17), dans la recension auxerroise du martyrologe hiéro- nymien (v. 590), dans les livres liturgiques du sep- tième au huitième siècle (1). Du reste, dans les pays gallicans (2) , il y avait à ce moment de Tannée un jeûne solennel , institué pour détourner les fidèles des fêtes carnavalesques qui se célébraient le l®"* janvier.

5* Les fêtes de la Croix.

La fête de la Croix, le 14 septembre, est, comme celle de la Présentation, une fête d'origine palesti- nienne. C'est l'anniversaire de la dédicace des basi- liques constantiniennes élevées sur le Calvaire et le Saint-Sépulcre. Cette dédicace fut célébrée en 335 par les évéques du concile de Tyr, ceux qui prononcèrent contre saint Athanase une sentence de déposition. On y rattachait aussi le souvenir de la découverte de la vraie Croix. A Jérusalem c'était, dès le déclin du qua- trième siècle, une très grande solennité, celle qui at- tirait le plus grand concours d'évêques, de moines et de pèlerins (3). Elle durait huit jours, comme celles

(1) Miss, gothicum , Sacramentaire de Bobbio, Lectionnaire de Luxeuil.

(2) Aux textes cités, ajouter Isidore, De off,, I, 41; Conc. Toi., IV, c. 10.

(3) « Item dies cncaeniarum appellantur, quando sancta ecclesia quae in Golgotha est, quam Martyrium vocant, consecrata est Deo ; scd et sancta ecclesia quae est ad Anastaso, id est in eo loco ubi Dominus rcsurrexit post passionem, ea dio et ipsa consacrata est Deo. Harum ergo ccclesiarum sanctarum cncaenia cum summo ho- nore celebrantur, quoniam crux Domini inventa est ipsa die. Et ideo propter hoc ita ordinatum est, ut quando primum sanctae ecclesiac suprascriptae consecrabantur , ea dies osset qua crux Domini fuerat inventa, et simul omni laetitia eadem die celebrarentur. Et hoc per Scripturas invenitur quod ea dies sit encaeniarum qua et sanctus Salomon consummata domo Dei quam aedifîcavcrat, steterit ante al- tarium Dei et oraverit, sicut scriptum est in libris Paralipomenon (p. 108, Gam.).

264 ORIGINES DU CULTE GHRÂTIEN.

de Pâques et de TEpiphanie. De Jérusalem elle passa à Constantinople et à Rome ; c'est au septième siècle seulement qu'elle fut introduite à Rome (1).

Les églises gallicanes, qui ne connaissaient pas cette fête, en avaient une autre de même sens, au moins en ce qui regarde la découverte de la vraie Croix. Elles la célébraient le 3 mai. C'est à ce jour qu'elle est marquée dans plusieurs anciens manuscrits du mar- tyrologe hiéronymien (2); dans les deux sacramen- taires gallicans d'Autun [Missale gothicum) et de Bob- bio, on la trouve, sans indication plus précise, entr^ l'octave de Pâques et les Rogations. Le sacramentair^ gélasien la marque au 3 mai ; comme elle est omise dans. les plus anciens documents de l'usage romain, le sacramentaire léonien et celui du pape Hadrien, il est à croire que sa présence dans le sacramentaire gélasien est due à une retouche opérée en Gaule. Même en Gaule, elle parait avoir été importée assez tard, dans le courant du septième siècle, et peut-être n'était-elle pas acceptée partout quand fut introduit l'usage romain (3). La date parait avoir été empruntée à la légende de l'invention de la vraie Croix, figure le personnage de Judas-Cyriaque (4).

6* Saint Michel, les Machabées.

Le seul ange dont on rencontre la fête avant le neu- vième siècle est saint Michel. Des fêtes de cette nature

(i) L. p., t. I, p. 374.

(2) Ceux de Berne et de Wolfenbûttel , celui-ci de 772 , Tautre un peu postérieur. Le manuscrit d'Epternach (Parisinus 10,837), du commencement du huitième siècle, n'a pas cette fête. Elle manque aussi au Icctionnairc de Luxeuil. Grégoire do Tours ne la mentionne pas non plus dans un passage (G/. Af art. , 5) Ton s'attendrait à la rencontrer.

(3) Voy. la note précédente.

(4) L. P., t. I, p. cviii.

LES FÊTES CHRÉTIENNES. 265

ne peuvent être que des dédicaces d'églises. C'est le cas , en effet , pour la fête byzantine du 8 novembre, relative à l'église Saint-Michel dans les thermes d'Ar- cadius (1) , pour la fête du 8 mai , relative au célèbre sanctuaire de Monte Gargano, enfin pour celle du 29 septembre, relative à une église (détruite depuis longtemps) de la banlieue romaine , au sixième mille de la voie Salaria. Cette fête est la seule qui figure dans les anciens livres liturgiques romains ; elle s'y présente dès le sacramentaire léonien, c'est-à-dire dès le sixième siècle. Les livres et calendriers galli- cans ne désignent aucun jour comme spécialement consacré à l'arôhange Michel.

La fête des Machabées (1®'' août) parait avoir été universelle dans l'Eglise , vers le cinquième siècle. Elle est marquée dans tous les calendriers , depuis la plus ancienne rédaction du martyrologe hiéro- nymien (2). Cependant elle n'est pas mentionnée dans les livres liturgiques, soit gallicans, soit romains, sauf dans le sacramentaire gélasien. Leur culte, surtout au jour des calendes d'août, aura été éclipsé par la fête de saint Pierre a vinculis.

Les fêtes des Apôtres.

J'ai déjà parlé plus haut de quelques fêtes d'apô- tres, célébrées au temps de Noël; je veux mainte- nant parler des autres fêtes de cette nature , non pas de toutes , mais seulement de celles qui ont été an- ciennement célébrées en Occident. La plus considé-

(1) Martinov, Anniis eccl, graeco-slavicus, p. 273.

(2) Ménologe syriaque (412) ; calendriers de Polemius Silvius (448), de Carthage (V-VI* siècle) ; martyrologe hiéronymien, tous les ma- nuscrits; homélies de saint Grégoire de Nazianze, de saint Chrysos- tome y saint Augustin, saint Gaudence do Brcscia, saint Léon , saint Césaire d'Arles, etc.; inscription d'Arles, De Rossi, Bull» 1874, p. 148.

266 ORIGINES DU GOLTB GHRÉTIBN.

rable est celle de saint Pierre et de saint Paul, au 29 juin. Elle est marquée déjà dans le calendrier philo- calien de Tannée 336, et accompagnée d'une date con- sulaire, celle de 258. J*ai expliqué ailleurs (1) com- ment cette date peut servir à déterminer Torigine de la fête. Nous avons ici, non pas l'anniversaire du martyre de Tun ou l'autre des deux apôtres ou des deux à la fois , mais celui de la translation commune de leurs restes à l'endroit appelé ad Catacumbas^ au troisième mille de la voie Appienne. Au commence- ment du quatrième siècle , lorsque fut constitué le calendrier de l'église romaine d'où dérive le texte phi- localien, les deux apôtres reposaient* encore en ce lieu. Ils en furent tirés plus tard , pour être déposés dans les basiliques élevées en leur honneur par l'em- pereur Constantin, sur les tombeaux primitifs du Va- tican et de la voie d'Ostie. Ces translations n'appor- tèrent aucun changement à la date festivale, déjà entrée sans doute dans les habitudes de la population chrétienne de Rome.

Le même calendrier de l'année 336 contient, au 22 février, une fête intitulée Natale Pétri de cathedra. Elle avait pour objet de solenniser le souvenir de l'inauguration de l'épiscopat ou de l'apostolat de saint Pierre. Son rapport avec la fête du 29 juin était exac- tement le même que celui qui existe entre les deux anniversaires natalis et depositionis de chaque évo- que , anniversaires que les papes , au moins , avaient coutume de célébrer , dès la première moitié du qua- trième siècle. Le choix du jour n'avait été dicté par aucune tradition chrétienne. 11 suffit de jeter les yeux sur les anciens calendriers de la religion romaine (2)

(1) Liber pontif,, t. I, p. civ.

(2) Mommsen, C. /. L., t. I, p. 386.

LBS FÊTB8 CHRÉTIENNES. 267

pour voir que le 22 février était consacré à une fête populaire entre toutes, celle des défunts de chaque famille. L'observation de cette fête et les rites qui raccompagnaient étaient considérés comme incompa- tibles avec la profession chrétienne. Mais il était très difficile de déraciner des habitudes particulièrement chères et invétérées. C'est pour cela, on n'en peut douter, que fut instituée la fête du 22 février.

Cette fête intéressait l'église de Rome plus spécia- lement que les autres. Aussi ne voit-on pas qu'elle ait été jamais adoptée en Orient. En Afrique non plus elle n'a laissé aucune trace (1). En Gaule, au contraire, on la trouve d'assez bonne heure. Dès l'an- née 448, elle est marquée dans le calendrier de Polemius Silvius(2); diverses homélies attestent son existence et sa coïncidence avec la fête de la Car a cognaiio (3). Il en est de même du concile de Tours de l'année 567 (4). On voit par ces textes combien l'antique repas funè- bre du 22 février était difficile à supprimer. Il dura en Occident jusqu'au douzième siècle au moins. Je l'ai vu pratiquer en Epire, par les Grecs orthodoxes et même par les musulmans.

Le Natale PetH de cathedra avçiit une autre coïnci- dence, dont on finit par sentir l'inconvénient : il tom- bait souvent en Carême. Dans les pays gallicans, l'on considérait l'observance quadragésimale comme incompatible avec les solennités en l'honneur des

(1) Le calendrier de Carthage n'en parle pas ; les sermons do saint Augustin relatifs à cette fête ont été reconnus apocryphes.

(2) Avec la fojmule inexacte Depositio saneti Pétri et P&uli.

(3) Voy., en particulier, les sermons 190-192, dans l'appendice aux sermons de saint Augustin.

(4) Can. 22 : « Sunt etiam qui in festivitate cathedrae domni Pétri apostoli cibos mortuis offerunt, et post missas redenntes ad domos proprias ad gentilium revertuntur errores, et post corpus Domini sacratas daemoni escas accipiunt. »

268 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

saints (1), on se tira de cette difficulté en avançant la fête. Les livres liturgiques la placent au mois de jan- vier , avec la fête de la sainte Vierge qui se célébrait le 18 (2). Le Martyrologe hiéronymien, dans sa recen- sionauxerroise, est plus précis; il indique le 18 janvier comme le jour de la fête de la chaire de saint Pierre à Rome. En ceci le recenseur auxerrois s'est conformé à l'usage fle son pays. Mais comme le texte sur lequel il opérait marquait un Natale s. Pétri de cathedra au 22 février, il eut l'idée de conserver les deux anni- versaires et d'attribuer ce dernier à Antioche, siège que Ton considérait comme ayant été aussi occupé par k prince des apôtres.

Cette combinaison ne fit pas d'abord fortune. En Gaule on continua à célébrer la fête le 18 janviei seulement. C'est ce dont témoigne le vieux sacramen taire de Gellone (VlIP-IX* s.), cette fête est accom- pagnée de l'indication secundum Gallos, Quant i Rome . la fête du 22 février fut maintenue à l'exclu- sion de l'autre, et cela jusqu'au seizième siècle (3).

(1) Conc. Toi. y X, c. 1.

(2) Le lectionnaire de Luxeuil ne compte que deux dimanche entre l'Epiphanie et la fête de la Chaire ; il en place trois entr celle-ci et le Carême. Le sacramentaire de Bobbio met la fête de l Chaire immédiatement avant celle de la Vierge (18 janvier) ; quant ai Misssile golhicum , il intercale entre la fête de la Vierge et celle d' la Chaire les messes de sainte Agnès (21 janvier), sainte Cécile (22 no vembre), saint Clément (23 novembre), saint Saturnin (29 novembre] saint André (30 novembre), sainte Eulalie (10 décembre), et do 1 Conversion do saint Paul (25 janvier). Il est clair qu'il ne suit pas ic l'ordre du calendrier et que son témoignage ne saurait étro invoqu contre l'accord dos autres documents.

(3) De Rossi, Bull.^ 1867, p. 38. Sur bien des points, les conclusion exprimées dans le savant mémoire auquel renvoie cette citation dif forent de celles que j'expose ici. La différence ne doit pas étro attri buée, en ce qui me regarde, à un examen trop superficiel des raison et des solutions écartées. Je ne saurais admettre, en particulier qu'il y ait eu, avant le bas moyen âge, un lien entre le Natale Ca thedrae s. Pétri et le culte de la relique vénérée à Rome sous le non de Chaire de saint Pierre. Les textes allégués pour démontrer qu

i

LES FÊTES CHRÉTIENNES. 269

Une troisième fête de saint Pierre se célébrait à 'Eloirie le 1" août. C'était la fête de la dédicace de Té- glise des Apôtres d), sur TEsquilin, reconstruite sous "Xystus III (432-440) aux frais de la famille impériale d'Orient. On conservait dans cette église les chaî- nes de saint Pierre, reliques très vénérées, dont le nom servait souvent à désigner la basilique elle- même (2).

Cette fête était particulière à Rome; elle ne passa ni en Orient (3), ni dans les pays de rit gallican. Il est sûr qu'elle avait pour but de commémorer la dé- dicace de la basilique de TEsquilin; cette dédicace avait donc eu lieu le i" août. Comme le l" août était, depuis Auguste, un jour de fériés solennelles et de

cette chaire se trouvait , dès le quatrième siècle , dans le baptistère dn Vatican, n*ont pas le sens qu'on leur a attribué. Us ne parlent que ^^ la sedes Pétri, de la sedes aposlolica, dans un sens métaphorique. Celai d'Ennodius, il est question d'une sella gestatoria, a rapport ^ îa 8ella sur laquelle les consuls étaient portés le jour de la proces- sion consulaire (Revue de philologie, t. VII (18«3), p. 81). En réalité, ^ plus ancienne mention de cette relique se trouve dans le catalogue ^^ Konza, du temps de saint Grégoire et de la reine Théodelinde (De ^ssi, Roma sott., t. I, p. 176) : Oleo de sede ubi prius sedit sanctus ^clrtis. Cette huile avait été recueillie loin du Vatican, probable- 'Qent dans le cimetière Ostrien, sur la voie Nomentane. Le sanc- '^^ire d'où elle provenait contenait une sedes s. Pétri , qui aura été "**iXsportée plus tard au Vatican. Elle ne parait pas avoir été très en reixQiQ^ jusqu'au dixième siècle à tout le moins ; ni saint Grégoire, ni ®^ topographes du septième et du huitième siècle , ni le Liber pan- "^Galis n'y font jamais la moindre allusion.

CX) Un prêtre de cette église, Philippe, fut envoyé comme légat au 5?^^cile d'Ephèse (431) et en signa les actes (Hardouin, t. I, p. 1483). ^^^ existait donc avant Xystus III.

Ç^) Cette désignation a vinculis s. Pelri se rencontre pour la prê- tre fois dans le Liber pontif., t. I, p. 261 , à propos d'un événe- 'nt de Tannée 501, puis dans une inscription de l'année 533 {ibid», P-* ^). Sur les chaînes de saint Pierre, voy. le poème d'Arator, lu ^^•ïis cette basilique en 544.

C3) Il y a , en Orient , des fêtes en l'honneur des chaînes de saint '^i^rre ou de la délivrance de saint Pierre (Actes, XII); mais elles ne ^^t)cédent pas de la fête romaine que nous considérons ici.

270 OfiiaiNBS DU CULTE CHRÉTIEN.

réjouissances (1) , il est possible qu'on Tait choisi à dessein.

La fête spéciale de saint Paul, le 25 janvier, a beau- coup moins d'importance que les précédentes. Dans la recension auxerroise du martyrologe hiéronymien, elle est désignée (25 janvier) par le nom de Trcmslatio s. Pauli apostoli^ sans que Ton dise cette translar tion a eu lieu. Dans le Missale gothicum, il y a une messe in Conversione s. Pauli y qui parait devoir être assignée à la même date (2). Les anciens livres romains ignorent absolument cette fête (3).

La fête de saint Jean Tévangéliste , le 6 mai, doil être l'anniversaire de la dédicace de l'église qui lui était consacrée près de la porte Latine. Cette église est mentionnée pour la première fois dans le Liber pontificalis , à l'article du pape Hadrien 1 (772-795) (4) : la fête de saint Jean ante portam Latinam n'a pas d£! document plus ancien que le sacramentaire de ce même pape. On doit noter cependant que les Grecs célèbrent le 8 mai (5) une fête en commémoration d'un miracle qui se produisait sur le tombeau de l'apô- tre à Ephése. Ce miracle était connu en Gaule ; Gré- goire de Tours (6) en fait mention. Dans le Missale go- thicum, on trouve une messe s. lohannis apostoli et evangelistae entre la fête de l'Invention de la Croix (3 maîj et les Rogations. Je pense qu'elle est plutôt en rapport

(1) Le populaire romain observe encore le jour du felice Agosto.

(2) Cf. p. 268, note 2.

(3) n faut noter cependant que la messe romaine du dimanche de Sexagésime est , en réalité , une messe en Thonneur de saint Paul. La station avait lieu, ce jour-là, dans la basilique de cet apôtre, sur la voie d'Ostie. U y a des sermons de saint Augustin sur la conver- sion de saint Paul; mais il n*en résulte pas que la fête existât au temps de saint Augustin.

(4) T. I, p. 508, 1. 23 ; on y lit lohannis Baptist&e, par erreur.

(5) Martinov, loc. cit., p. 124.

(6) Gi. mare., 30.

LB8 FÉTBS CHRÉTIENNES. 271

avec la fête grecque qu'avec la fête romaine. Mais rien n'empêche de croire que celle-ci , qui doit avoir été instituée au temps Rome était sous le régime by- zantin, n'ait été elle-même fixée avec quelque égard à la solennité d'Ephèse (1).

La fête du 1®"^ mai, en l'honneur des saints Philippe et Jacques, est aussi un anniversaire de dédicace, ce- lui de l'église appelée les Saints-Apôtres, à Rome. Cette église , fondée d'abord par le pape Jules (337- 352), fut rebâtie vers 561 par les papes Pelage I et Jean III et placée sous le vocable des deux apôtres Philippe et Jacques. Le jour de la dédicace fut fixé au l®*" mai, à cause de la fête de saint Philippe qui se célébrait ce jour-là (2). Je ne saurais dire quel est , des deux ou trois apôtres Jacques, celui dont le vo- cable fut adjoint à celui de saint Philippe. Le marty- rologe hiéronymien indiquait la fête de saint Philippe à Hiérapolis en Phrygie ; on l'interpola en y ajoutant le nom de saint Jacques , qui se trouve ainsi placé sous une fausse rubrique topographique.

Les livres liturgiques gallicans ne contiennent au- cune fête, soit de saint Philippe seul, soit des saints Philippe et Jacques associés. En Orient, on trouve des fêtes en l'honneur de saint Philippe l'apôtre et de saint Philippe le diacre; mais elles n'ont aucune coïncidence avec celle-ci.

La fête de saint André , le 30 novembre , est beau- coup plus importante et plus répandue. Elle est mar- quée à ce jour dans tous les calendriers , depuis le sixième siècle (3). Il est difiBcile d'en indiquer l'ori-

(1) Déjà , dans le martyrologe d'Adon, on voit localisée à la porte Latine l'histoire de la chaudière d'huile bouillante , , d'après une tradition qui existait déjà au deuxième siècle (TertuUien, Prescr.^ 36), saint Jean aurait été plongé.

(2) Lib. pontif., t. I, p. 306, note 2.

(3) On ne la trouve pas dans les calendriers de Philocalus, de >Po«

272 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

gine, à moins de supposer, comme il semblerait r( sulter de la célèbre lettre (apocryphe) sur le ma tyre de Tapôtre, que c'était le jour de sa fête Patras. En tout cas , ce n'est pas le jour de î translation à Constantinople (3 mars) , ni celui de seconde dédicace de Téglise des S8. Apôtres en cet ville (28 juillet) , ni celui de la dédicace de la pr( miére église qui lui ait été consacrée à Rome (3 m vembre) (1).

8* Les martyrs ; autres fêtes locales.

Quelle que soit la dignité des personnages en l'ho: neur desquels furent instituées les fêtes flbces do] nous avons parlé jusqu'ici, ces fêtes, sans exceptioi le cèdent en antiquité aux anniversaires des martyr Ceux-ci remontent jusqu'au deuxième siècle. L'ani versaire du martyre de saint Poly carpe (f 155) f institué à Smyrne aussitôt après sa mort (2). Je i pourrais indiquer, en ce qui concerne Rome, une r férence aussi ancienne. Il est même à remarquer qi les martyrs romains du second siècle , j'entends 1 martyrs indubitables et indubitablement du secoi siècle , comme le pape Télesphore et saint Justin Tap légiste , ne furent point inscrits dans les calendrie ecclésiastiques du temps de Constantin. Les anniv( saires marqués dans ces calendriers se rapporient à d martyrs du troisième siècle au plustôt. A Rome, du rest les épitapbes chrétiennes antérieures au troisième si cle ne marquent jamais le jour de la mort du défur

lemius Silvius, de Perpetuus. Elle figure dans celui de Carthag dans tous les livres liturgiques romains et gallicans, dans les cale driers byzantins, etc.

(1) Lib, pontif., t. I. p. 250; Mart. hier.; 3 nov.

(2) Martyr. Polyc, , 18 : « Ilapé^ei ô Rupio^ iTCixeXeTv xi^v xou piapTupi aÔTov VJtUpocv YSvéOXiov. »

LES FÊTES CHRÉTIENNES. 273

martyr ou non. Il en serait autrement si Tanniver- saire funèbre avait été, dès lors, l'objet d'une com- mémoration religieuse, et, en ce qui regarde les mar- tyrs, d'une solennité ecclésiastique. Au contraire, à partir du troisième siècle, la célébration de l'anniver- saire devient d'un usage universel.

Les anniversaires des martyrs étaient naturellement des fêtes locales. Chaque église honorait ses saints. Quelquefois, soit à défaut de fêtes spéciales pour cha- cun d'eux, soit en concurrence avec ces fêtes , on cé- lébrait une commémoration générale de tous les mar- tyrs de la localité.

On vit bientôt se produire des emprunts. Les saints les plus célèbres furent fêtés ailleurs que dans leur patrie ; quelques-uns arrivèrent à une vénération à peu près œcuménique , comme saint Xyste et saint Lau- rent de Rome, saint Cyprien de Carthage, etc. Les translations de reliques , réelles ou représentatives , donnèrent , à partir du quatrième siècle , un grand essor à cette forme de culte et aux fêtes qui s'y rat- tachaient.

Aux martyrs furent bientôt assimilés les saints con- fesseurs, c'est-à-dire ascètes, suivant la signification que le terme prit au quatrième siècle , saint Martin , saint Antoine, saint Siméon, Stylite , etc.

Mentionnons encore, comme fêtes locales, les an- niversaires de dédicaces d'église, ceux de l'ordination (natale) et des funérailles [depositio) des évêques.

9' Jeûnes , Octaves , Litanies.

Outre les fêtes proprement dites, l'année ecclésias- tique comprenait encore les jours de jeûne et de li- tanie.

A l'origine , le jeûne pascal et les stations de cha- que semaine représentaient seuls l'observance com-

18

mi ORiaiNBS DU CULTE CHBÉTIEN.

mune, publique, obligatoire. Cependant les évoques prescrivaient des jeûnes* extraordinaires , suivant les nécessités. Peu à peu ces indictions arbitraires, qui semblent avoir été très fréquentes et partant assez onéreuses, furent femplacées par des observances fixes , à des jours déterminés. C'est ainsi, que nous avons vu (1) le concile d'Elvire restreindre à une foia par mois l'usage des superpositions hebdjomadaires. A. Rome,, on n'en faisait plus que quatre par ans, dès le temps de saint Léon; une cinquantaine d'années au- paravant elles paraissent avoir été plus fréquentes (2).

Les Quatre-Temps caractérisent, comme il a été dit plus haut , l'usage romain en ce qui regarde les jeû- nes en dehors du carême. En dehors Rome , on observait partout les jours qui terminent le temps pascal ou qui le suivent immédiatement. A Milan, les dix jours qui séparent l'Ascension de la Pentecôte étaient , au quatrième siècle , des jours de jeûne (3). Saint Isidore (4) mentionne cette coutume et l'expli- que. Cependant il était plus général que Ton attendit jusqu'après la Pentecôte : tel était l'usage en Orient, en Gaule et en Espagne (5), avec quelque diversité dans le nombre des jours et le commencement du jeûne.

Les Quatre-Temps d'été offraient, à Rome, une certaine analogie avec ce jeûne de Pentecôte.

En pays gallican on observait aussi le jeûne des

(1) Ci-dessus, p. 221.

(2) Saint Augustin, ép. 46 : « Christianus qui quarta et sexta feiia et ipso sabbato ieiunare consuevit quod fréquenter plebs Romana facit. »

(3) Philastrius, Haer., 119.

(4) De o/f., I, 38.

(5) Const, Apost., y, 20; cf. Athanase, Apol. de fug^ sua (t. I,p.323); concile de Gerunda [517], c. 2; Isidore, loc, ciL; concile de Tours [567], c. 17 (pour les moines seulement). En Orient, on ne commen- çait qu'après Toctave de la Pentecôte. C'est ce jeûne qui, étendu jus- qu'à la fête de saint Pierre et saint Paul (29 juin), est devenu le jeûne grec des 8S. Apôtres.

LES FÊTBS CHRÉTIENNES. 215

calendes de janvier. C'est peut-être ce que Philas- fecius appelle déjà, au quatrième siècle, le jeûne de l'Epiphanie (1). En Gaule et en Espagne (2) , cette obseirvance avait pour but de détourner les fidèles des mascarades et pratiques païennes du 1®"^ janvier, vieil usage païen, dont la trace s*est .conservée jus- qu'à nous. Il est possible cependant que, tout à fait à l'origine, ce jeûne ait été adopté comme préparation à la fête de l'Epiphanie (3). L'exemple du jeûne qui précédait la fôte de Pâques donnait à penser qu'une grande fête doit avoir toujours un jeûne pour prépa- ration immédiate. Telle est l'origine du jeûne d'avant rNoël y mentionné aussi par Philastrius (/. c.) et que l'on trouve plus tard en Oaule (4). C'est ce jeûne qui a donné lieu à la solennisation spéciale des quatre se- maines avant la fête de Noël , déjà indiquée dans les livres: liturgiques romains du huitième siècle.

A la même idée se rattache l'usage de jeûner les veilles de grandes fêtes , de celles pour lesquelles on avait conservé l'antique pervigiliv/m ou synaxe noc- turne. Mais ces jeûnes n'entrèrent qu'assez tardive- ment dans la pratique générale. Ce qui est ancien ici, ce n'est pas le jeûne, c'est la vigile (5).

La fête de Pâques était vraiment la fête modèle , celle que l'on cherchait à imiter dans toutes les au-

(1) In Epiphania (loc. cit,),

(2) Concile de Tours [567], c. 17; Isidore, De off., I, 41, 42.

(3) On a vu pins hant, p. ^49, que la fétc de l'Epiphanie parsdt avoir en d'abord, en pays gallican, plus d'importance que celle de Noël.

(4) Calendrier de Perpetuus ; concile de Tours , c. c. ; concile de Mâcon (581) , c. 19. Je ne trouve pas cet usage en Espagne. U était plus particulièrement observé par les moines (Bédé, H. E., III, 27 ; rV, 30). Il faut noter que, dans le système indiqué par Philastrius, il 7 a, comme à Rome, quatre jeûnes solennels par an : ceux du Ca- rême, de la Pentecôte, de Noël et de l'Epiphanie ; mais ce n'est pas la même idée qui a présidé au choix des semaines et des mois.

(5) Cf. ci-dessus, p. 219.

276 ORIGINES DU CULTB CHRÉTIEN .

très. Avant que celles-ci ne fussent pourvues d'ui jeûne préparatoire elles avaient déjà une octave, re- production de la semaine pascale (1). A Jérusalem, dèî le quatrième siècle, l'Epiphanie et la Dédicace étaien' déjà solennisées pendant huit jours. Ce système fu- suivi un peu partout de très bonne heure et appliqui à d'autres fêtes.

Les litanies sont des supplications solennelles, iiL stituées pour appeler la protection céleste sur le biens de la terre. On les faisait au printemps, dansl. saison des gelées tardives, si redoutées des labou- reurs. Il ne faut pas s'étonner que, sur ce point, !■ christianisme se soit rencontré avec les usages reli gieux antérieurs à lui. Les mêmes besoins, le mêmi sentiment de certains dangers, la même confianci dans un secours divin, ont inspiré des rites assez sem blables. Le fond en était une sorte de lustration de champs cultivés, la récolte future donnait ses pre mières espérances. On s'y rendait en procession, ei chantant cette prière dialoguée que nous appelons tanie, développée, pour la circonstance, par une lon- gue suite d'invocations, à Dieu, aux anges, aux saints.

A Rome, le jour consacré était le 25 avril, date tra- ditionnelle, à laquelle les anciens Romains célébraient la fête des Robigalia. De celle-ci le rite principal était une procession, qui , sortant de la ville par la porte Flaminienne, se dirigeait vers le pont Milvius et se rendait à un sanctuaire suburbain situé à quelque dis- tance , au cinquième mille de la voie Claudia (2). La procession chrétienne qui lui fut substituée suivait le

(1) Inutile de rappeler que celle-ci a son origine dans le rit de la pàque juive.

(2) Ovide, Fastes j IV, 901. Le flamen Quirin&lis immolait, dans ce temple , un chien et une brebis.

LES FÊTES CHRÉTIENNES. 277

même parcours jusqu'au pont Milvius. Elle partait de l'église Saint-Laurent m Lucina, la plus voisine de la porte Plaminienne , faisait station à Saint- Valentin , en dehors des murs, puis au pont Milvius ; de , au lieu de s'engager sur la voie Claudia, elle obliquait à gauche, vers le Vatican, s'arrêtait d'abord à une croix dont remplacement n'est pas indiqué, puis dans le pa- radis ou atrium de Saint-Pierre , enfin dans la basi- lique elle-même, avait lieu la station (1).

Le plus ancien document de cette cérémonie est «ne formule de convocation qui figure dans le regis- tre de saint Grégoire le Grand (2) , et qui a servir d'abord pour l'année 598.

En Gaule , on avait adopté , depuis la fin du cin-

ïuième siècle, les trois jours avant l'Ascension. C'est

ât Yienne que Tévêque Mamert (v. 470) avait d'abord

introduit cet ouvrage, qui fut étendu à toute la Gaule

fic^anque (3) par le premier concile d'Orléans (511) (4).

n appelait ces prières des Rogations (5). Les jours des

ogations étaient des jours de jeûne sévère. Les Roga-

"tions furent introduites à Rome sous le pape Léon III,

ers l'an 800 (6).

Les litanies de printemps n'étaient pas usitées en

(1) Ces stations sont marquées dans le sacramentaire du pape adrien.

f2) Jaffé, 1153; Ep. app. , 3. Ne pas confondre cette litanie annuelle yec la litanie extraordinaire de 590, décrite par Grégoire de Tours^ ist. Fr., X, 1.

(3) Sans préjudice, bien entendu, des litanies en usage dans les ^^lises particulières. A Auxerre, il y avait une litanie au commence- "Paient de chaque mois (Gesta epp. Autissiod.y c. 19; Migne, P. L. , -%. CXXXVIII, p. 233).

(4) Sidoine Apollinaire, Ep, V, 14; VII, 1, concile d'Orléans, c. 27.

(5) C'est le terme de Sidoine et aussi de saint Avit , successeur de Kamert, dans son homélie in Rogalionibus. Le concile d'Orléans dit aussi : Rogationes ^ id est litanias.

(6) Sur ce sujet, voy. le Liber poniificalis ^ t. II, p. 35, note 17, et p. 40, note 58.

mS ORKÏlNËâ DU GULTB GHRÏâTIBN.

Espagne. En revanche on en faisait aîu commence- - ment de novembre (1), au temps des semailles. Ce ^ n'étaient pas les^ seules : suivant le^ lieux on eri fai- sait d'autres, au jeûne de la Pentecôte (2), ou à î'équi- noxe d'automne (3).

En Orient , les litanies n'étaient pas moins usitées^ qu'en Occident. Cependant elles paraissent pa^H avoir été rattachées à des jours déterminés.

10* Calendriers et martyrologes.

Les fêtes célébrées chaque année étaient marquée^S sur le calendrier local. Chaque église devait avoir 1 sien. Les plus anciens qui se soient conservés son ceux de Rome, de Tours et de Carthage.

Le calendrier de Rome nous est parvenu sous deu formes différentes. La plus complète est celle qu présente le martyrologe hiéronymien. Dans cette compilation, il est vrai, le calendrier romain n'est pa^ isolé : il est mêlé, jour par jour, avec beaucoup d'au- tres documents analogues et il faudra un certain tra- vail critique pour l'en dégager. L'autre forme est re- présentée par les deux tables intitulées Depositiones episcoporum et Depositiones martyrum, qui figurent dans la collection dite philocalienne. Cette collection, ou du moins la partie qui contient nos deux tables, fut formée en 336. Le calendrier inséré dans le martyro- loge hiéronymien présente diverses retouches, dont les . dernières sont contemporaines du p^^pe Xys- tus III (432-440); mais il offre aussi la trace d'une ré- daction contemporaine du pape Miltiade (311-314). De cette circonstance et de quelques autres considéra- tions , on peut conclure que ces deux rédactions dé-

. (1) Concile de Girone [517], c. 3; Isidore, De off.^ I, 40.

(2) Concile de Girone, c. 2.

(3) Isidore, De off.^ I, 39.

LÏS FÉtBS GRRÉTIBNNES; 279

rivent d^un- texte établi en 312 environ, au lendemain de la diéfûière persécution (1).

Le calendrier des jeûnes et des vigiles dans Téglise de Tours nous a été conservé par Grégoire, évêque de cette ville, dans son Historia Francorum (X, 31); il ne mentionne que les fêtes les plus solennelles, celles qui étaient précédées d'une vigile. Ce règlement avait été établi par Tévêque Perpetuus (460-490).

Le calendrier de Téglise de Carthage, publié par Mabillon (2) et reproduit par Ruinart à la suite de ses Acta martyrum sincera, est un peu moins ancien. Il contient le nom de saint Eugène, mort en 505.

C'est en réunissant les calendriers des diverses égli- ses, principalement ceux des grandes métropoles comme Rome, Carthage, Alexandrie, Antioche, Ni- comédie , que Ton forma ce qu'on appelle les marty- rologes. Les plus anciens recueils de ce genre parais- sent avoir été constitués vers le milieu du quatrième siècle, en Afrique et en Asie Mineure. Ils ne se sont pas conservés sous leur forme primitive; nous ne les avons que dans le martyrologe hiéronymien, compi- lation exécutée en Italie , vers le milieu du cinquième siècle, puis transportée en France, elle fut, vers Tannée 590, à Auxerre, l'objet d'une recension de laquelle dérivent tous les manuscrits actuellement existants. En dehors du martyrologe hiéronymien, le martyrologe primitif d'Asie Mineure nous est parvenu sous la forme d'une traduction syriaque très abrégée (3) .

(1) Voy. mon mémoire sur Les sources du Martyrologe hiérony^ mierif dans les Mélanges de l'Ecole de Rome^ t. V (1885), page 137, et suiv. Cf. Liber pontif., t. I, p. ix, cxLViii.

(2) Analecta, t. III, p. 398; éd. in-f, p. 163. Mabillon le trouva dans la couverture d'un manuscrit de Cluny, du septième siècle environ. Le titre est ainsi conçu : Hic continentur dies nataliciorum marty- ris et depositiones episcoporum quos ecclesia Carth&genis anniver- saria célébrant (sic).

(3) Sur le Martyfologe hiéronymien , voy. le mémoire cité note 1 ; cf. De Rossi, i2oma sotterranea^ t. II, p. X.

280 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Le Martyrologe hiéronymien atteignit, du septième au neuvième siècle, une trèsgrande publicité ; mais sa com- plexité , les erreurs dont le remplirent bientôt les co- pistes, embarrassés au milieu de tant de noms propres d'hommeset de lieux, lui firent préférer des textes moins complets au point de vue du nombre des saints, mais contenant pour ceux que Ton y conservait de petites notices historiques, extraites de leurs actes. C'est ce qu'on appelle les martyrologes historiques. Les plus anciens et les plus connus sont ceux de Bède, Ra- ban-Maur, Adon et Usuard. Ce dernier, exécuté i Saint-Germain-des-Prés vers Tan 875, a joui d'uni grande vogue pendant le moyen âge. Le Martyrolog» romain actuel n'en est qu'une réédition, revue €= complétée par le cardinal Baronius.

CHAPITRE IX.

l'initiation chrétienne.

L'initiation chrétienne, telle que nous la décrivent les documents depuis la fin du deuxième siècle, com- prenait trois rites essentiels : le baptême , la confir- mation et la première communion. Elle n'était pas accordée, au moins dans les cas ordinaires, sans une préparation plus ou moins longue. Dès le déclin du deuxième siècle, le nombre des aspii*ants au christia- nisme rendit nécessaire de systématiser cette prépa- ^9.tîon, d'en préciser les règles, de déterminer le ^^mps d'épreuve. De sortit la discipline du caté- ^huménat.

Le catéchuménat était un stage pendant lequel les tionvertis apprenaient leurs devoirs essentiels de croyance et de conduite , en même temps qu'ils s'exer- çaient à les pratiquer. Les catéchumènes étaient considérés comme appartenant à la société chrétienne, comme chrétiens ; les rites qui consacraient l'entrée du converti dans cette catégorie inférieure portent, dans les vieux livres liturgiques, la rubrique ad chris- Hanum faciendum^ ou une autre de même sens. On pouvait rester catéchumène aussi longtemps qu'on le désirait; au quatrième siècle, les empereurs Con- stantin et Constance restèrent catéchumènes jusqu'à l'article de la mort. Ce système , qui allégeait beau-

282 ORIGINES DU GULTB CHRÉTIEN.

coup les obligations disciplinaires, plaisait à raristo- cratie ; elle le pratiqua largement.

Si le catéchumène désirait compléter son initiation et si les chefs de Téglise le jugeaient digne de rece- voir le baptême , il passait dans la classe des éltis ou compétents (1). On inscrivait , au commencement du. Carême, les noms des compétents qui devaient parti- ciper au baptême dans la nuit de Pâques. Pendant Idu sainte quarantaine, ils devaient se présenter souvent à Téglise pour subir les exorcismes et entendre lesi instructions préparatoires au baptême.

C'était à Pâques, en effet, que Ton célébrait ordi- nairement le baptême , et cela dès la plus haute anti- quité (2). La vigile du dimanche de Pâques était con- sacrée à cette cérémonie. Si elle ne suffisait pas, ou3 si quelques néophytes ne pouvaient, pour une raison, ou pour une autre, prendre part à l'initiation ce jour-là, on les renvoyait à un autre jour du temps pascal. La dernier jour, celui de la Pentecôte, tant parce qu'il était le dernier qu'en raison de sa solennité spéciale, ne tarda pas à devenir comme une seconde fête bap- tismale.

L'église romaine s*en tint là. En Orient, TEpipha- nie, la grande fête de la naissance du Christ et de son baptême, parut être indiquée pour célébrer la^ se- conde naissance, la régénération, le baptême des chrétiens. Les Pères grecs de la fin du quatrième siècle constatent l'usage Ton était, dans leur pays, de bénir ce jour-là les eaux baptismales et de baptiser les néophytes. L'exemple de l'Orient fut suivi par beaucoup d'églises occidentales ; peu à peu la fête de

(1) M. Fr. X. Funk (Theologische Qu&rt&lschrift, 1883, p. 41 et suiv.) a très bien établi qu'il n'y a pas d'autres catégories à distinguer parmi les catéchumènes et que l'idée de leur distribution en quatre classes repose sur une mauvaise interprétation des textes anciens.

(2) TertuUien, De baptismo, 19.

l'initiation ghrëtibnnb. 283

"Noël et même beaucoup d'autres fêtes furent , sur ce point, assimilées à l'Epiphanie (1). Mais les papes ré- clamèrent avec insistance et parvinrent, non sans peine, il est vrai, à obtenir que les églises latines se conformassent à la vieille pratique romaine, de beau- coup antérieure à toute idée de solenniser la fête de la Nativité du* Christ.

Les rites du catéchuménat , du baptême et de la conflnnation, se diversifièrent , comme ceux de la li- turgie eucharistique, suivant les pays. Je vais passer en revue les différents usages.

§ 1. Le baptême suivant Vusage romain.

Les documents de la liturgie baptismale suivant l'usage romain sont :

L'Ordo Baptismi, publié par Mabillon sous le ^* VII. Cet Ordo est, comme texte, du temps de Char- lemagne, à tout le moins ; on le retrouve presque tout entier et mot à mot dans une instruction sur le bap- ^^me adressée par Jessé, évêque d'Amiens, au clergé ^e son diocèse, probablement en 812 (2; ;

Le sacramentaire du pape Hadrien, qui ne donne ^e bien peu de détails, sauf pour la cérémonie anale;

(1) Lettre de Sirice à Himère de Tarragone, c. 2. Elle paraît n'avoir pas été suivie d'effet, car le concile de la province de Tarragone» en 517, reconnaît encore Noël comme fête baptismale (Conc. Gerund.f c. 4); lettre de saint Léon aux évéques de Sicile (Jaffé, 414), c. 1 ; lettre de Gélase aux évéques de Lucanie, etc., c. 12; Victor de Vite, Hist. pers, Vandal., II, 47; Synodus Pafrtcii, II, 19 (Hardouin, t. I, p. 1795) : il résulte de ces deux pièces que l'Epiphanie était une fête baptismale en Afrique et en Irlande. Les conciles de Mâcon [585] f c. 3, et d'Auxerre [v. 585] attestent que l'usage romain faisait loi en Gaule, vers la fin du sixième siècle. Pour l'Orient, voy. surtout saint Grégoire de Nazianze, hom. 40 ; diverses homélies de saint Jean Chrysostome, t. II, p. 268, 433; t. XI, p. 25 ; Théodoret, Hist. eccl., n, 27.

(2) Migne, P. L., t. CV, p. 781. Cf. ci-dessus, p. 139.

284 ORIGINBS DU CULTE CHRÉTIEN.

3** Le sacramentaire gélasien , en général d'accord avec VOrdo; mais, ici encore, il faut prendre garde aux retouches gallicanes.

L*accord presque continuel entre le sacramentaire gélasien et VOrdo Baptismi prouve que celui-ci cor- respond à Tusage du septième siècle au moins. De - certains détails, comme les formules bilingues , l'em- ploi du symbole dit de Nicée, la substitution des aco- lytes aux exorcistes, on doit conclure que ce rituel - n'a été définitivement rédigé que dans le courant du septième siècle, en pleine période byzantine.

En ce temps-là, le baptême des adultes était devenu exceptionnel; c'était ordinairement sur des enfants que s'accomplissaient les rites d'initiation. Aussi l'Ot-rfo et les rubriques des sacramentaires parlent-ils d'en- fants que l'on tient sur les bras, qui sont accompagnés- de parrains ou de marraines chargés de répondre en_ leur nom. Mais il est clair que les formules ont été composées pour des adultes, et que les cérémonies elles-mêmes n'ont tout leur sens que quand il s'agit de personnes arrivées à l'âge de raison. Aussi faut-il considérer comme des retouches les détails qui ne supposent que des enfants et faire subir à tout le texte une sorte de transposition chronologique , pour le placer dans son véritable jour. C'est ce que je vais faire dans la description suivante (1).

1*> Rites du catéchuménat.

L'entrée dans le catéchuménat est accompagnée des cérémonies suivantes : . l'exsufflation, avec une formule d'exorcisme ;

(1) Les rites ici décrits sont encore en usage, pour la plupart, lors- que le baptême est conféré solennellement à des adultes; mais tout se passe dans la même séance. Pour les enfants, on observe un rituel identique au fond, mais considérablement abrégé.

l'initiation chrétienne. 285

rimposition de la croix sur le front ;

rimposition du sel.

Le converti se présente au prêtre , qui commence par lui souffler au visage (1), puis le marque au front du signe de la croix , en disant : In nomine Patris et Filii et Spiritus sancti. Cette cérémonie est suivie d'une prière pendant laquelle le prêtre étend la main sur le candidat (2) :

Omnipotens, sempiterne Dcus, Pater domini nostri Jesu Christi,

respicere dignare super hune famulum tuum quem ad rudimenta

fidei vocare dignatus es. Omnem caecitatem cordis ab eo expelle;

disrumpe omnes laqueos Satanae quibus fuerat conligatus. Aperi

^^> Domine, ianuam pietatis tuae, et signe sapientiae tuae imbutus

^ttïnium cupiditatum foetoribus careat, et suavi odore praecepto-

''^oa tuorum laetus tibi in Ecclesia deserviat, et proficiat de die in

^i^îii, ut idoneus eflSciatur accedere ad gratiam, baptismi tui

P^rcepta medicina.

Vient ensuite l'imposition du sel (3), qui est d'abord ^Oumis à Texorcisme :

Dxorcizo te, creatura salis, in nomine Dji Patris omnipotentis

Çl) Cette cérémonio n'est pas marquée dans VOrdo ni dans les sa- ^^amentaires ; mais elle est attestée par le diacre romain Jean, dans ^^ lettre à Senarius , fonctionnaire du temps de Théodoric (Migne , "^« L., t. LIX, p. 402). Il dit même qu'elle était suivie d'un exorcisme '^t exeat et reced&t (disibolus). Ces mots se retrouvent dans les ^OrDttules d'exorcisme que l'usage du septième siècle assigne aux scru- tins du Carême.

(2) Je donne le texte du sacramentaire gélasien, I, 30, en le met- t:«uit au singulier. On y trouve , à la suite de cette prière , deux au- tres formules qui paraissent être des variantes. Celle-ci se trouve ^ussi dans le sacramentaire grégorien, p. 60 (Muratori), mais incom- plète à la fin. Outre le rituel 1 , 30-32 , le sacramentaire gélasien en contient un autre, I, 71, qui a fourni beaucoup au rituel actuellement en usage ; mais je soupçonne ce second rituel d'être gallican , sauf l'imposition du sol, qui est certainement romaine, mais qui n'est ici accompagnée d'aucune formule. Les formules I, 71, ou des formu- les similaires se retrouvent dans le Missale gothicum et dans le sa- cramentaire gallican. (3) L'imposition du sel bénit est mentionnée par le diacre Jean :

286 ORIGINES DU CULTE GHHÉTIBN.

et in charitate domini nostri lesu Christi et in virtute Spirituf sancti. Exorcizo te per Deum vivum et per Deum verum, qui U ad tutelam humani generis procreavit et populo venienti.ad cre< dulitatem per servos suos consecrare praecepit. Proiode rogamui te, domine Deus noster , ut haec creatura salis in nomine Trini tatis efficiatur salutare sacramentura ad effugandum inimicum Quam tu , Domine , sanctificando sanctifiées , benedicendo bcnet dicas ; ut fiât omnibus accipientibus perfecta medicina, permaneai in yisceribus eorum, in nomine domini nostri lesu Christi qa venturus est iudicare vives et mortuos et saeculum per ignem.

Le prêtre met alors un grain de sel dans la bouch( du candidat, en lui disant : Àccipe iV., sal sapientiae propitiaPus in vitam aeterna/m. Puis il termine par un prière :

Deus patrum nostrorum, Deus universae conditor veritatis, t supplices exoramus, ut hune famulum tuqm respicere digneri propitius ; ut hoc primum pabulum salis gustantem non diutiu esurire permittas quominus cibo expleatur caelesti , quatenus si semper, Domine, spiritu fervens, spe gaudens, tuo semper no mini serviens. Perdue euro ad novae regenerationis lavacrum, u cum fidelibus tuis promissionum tuarum aeterna praemia conseqa mereatur.

#

Après cette cérémonie, on était réputé catéchu- mène ; on était admis à prendre part aux assemblées religieuses, mais non point à la liturgie eucharistique proprement dite. Les catéchumènes avaient une place spéciale dans Téglise; on les congédiait avant le commencement des saints mystères (1).

2* Préparation au baptême.

. La préparation au baptême comportait, à Rome

Accipiet iam catechumenus benedictum s&l. U semble qu'à l'ori- gine cette cérémonie ait été réitérée fréquemment. Un canon di concile d'Hippone (393) suppose que les catéchumènes recevaient 1< sel tout le long de Tannée, même à Pâques {Conc, Carth. , III, c. 5) L'imposition du sel est un trait caractéristique du rit romain. (1) Voy. ci-dessus, p. 57, 163, 192.

L*INITUTION GHRÉTIBNNB. 287

coi&me partout, une suite d'instructions et d'exerci- ces qui Avaient lieu pendant le Carême. Les séances que Ton y consacrait portaient le nom de scrutins; au septième siècle elles étaient au nombre de sept. II» ne subsiste aucun recueil de catéchèses romaines, gui puisse être comparé aux catéchèses de saint Cyrille de Jérusalem ; mais celles-ci peuvent donner une idée de la nature et de la forme des instructions prépara- irés au baptême (1).

Comme le nom rîndique, les scrutins étaient des-

& à vérifier la préparation des candidats, en particu-

et aies présenter aux fidèles, qui pouvaient, au besoin,

rotester contre l'admission des indignes. Sur ceci ,

documents sont nécessairement muets. Ils ne con-

îennent. autre chose que les prières et les rites.

^euix-ci ont pour but de chasser peu à peu le mauvais

esprit , de. le décider à quitter les personnes qui vont

3)asser sous l'empire du Christ.

Au septième siècle, les scrutins commençaient dans la troisième semaine de Carême. A la messe stationale du lundi, on annonçait (2), du haut de l'ambon, la pre- mière de ces réunions :

Scrutinii diem, dilectissimi Fratres, quo electi nostri divioUiis iDstruàntur, imminei*e cogDOScite. Ideo sollicita devotione, succe- dente seqaente t72a feria, circa horam diei sextam, convenire digne- mini, ut caeleste mysterium quo diabolus cum sua pompa dea- truitur et ianua regni caelestis aperitur inculpabili, Deo iuvante, ministerio peragere valeamus.

(1) Les sermons ad Compétentes de saint Augustin (n** 56-59, 112- 116) peuvent représenter ici l'usage latin et même l'usage romain, car TÂfrique suivait, pour le baptême comme pour les autres rites, l'or- dre en vigueur à Rome.

(2) Gél. , I, 29. Le sacramentaire gélasien donne ensuite les rites du catéchuménat, tels qu'ils viennent d'être décrits. L'Ordo les assi- gne également au premier scrutin, mais ce ne peut être leur place primitive.

^88 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Au premier scrutin, les élus donnaient leurs ne que l'on inscrivait sur un registre , puis on les ( sait en deux groupes, les hommes à droite les i mes à gauche.

La messe commençait. Après la collecte et a' les lectures, un diacre appelait les catéchumènes, invitait à se prosterner et à prier. La prière se te nait par VAmen que tous disaient à haute voix. 1 jours au signal du diacre, ils se signaient, en di In nomine Patris^ etc. A ce moment avaient lieu exorcismes. Un des clercs (1) chargés de ce minis s'approchait des candidats, des hommes d'abord, faisait le signe de la croix sur le front et leur in sait les mains en prononçant une formule d'exorcis puis il passait aux femmes et leur faisait la m cérémonie. Après lui elle était répétée parundeuxi exorciste , puis par un troisième. Voici l'une des mules :

Deus Abraham , Deus Isaac , Deus lacob , Deus qui Moys mulo tuo in monte Sinai apparuisti et filios Israël de terra Ae^ eduxisti, deputans eis angeium pietatis tuae qui custodiret eoi ac nocte ; te quaesumus , Domine , ut mittere digneris san( angeium tuum ut similiter custodiat et hos famulos tuos et ducat eos ad gratiam baptismi tui.

Ergo (2), maledicte diabole, recognosce sententiam tuam c honorem Deo vivo et vero, et da honorem lesu Chris to Filio et Spiritui sancto ; et recède ab his famulis Dei , quia istos Deus et dominus noster lesus Christus ad suam sanctam gra et benedictionem fontemque baptismatis dono (3) vocare dign est. Et hoc signum sanctae crucis frontibus eorum quod damus, tu, maledicte diabole, numquam audeas violare.

(1) L'Ordo et le sacramentaire parlent ici d'acolytes ; mais il i pas douteux que, tant qu'il y eut des exorcistes en fonctions , c* fût leur rôle spécial.

(2) Cette partie de la formule est constante ; elle se répète à chs des six exorcismes.

(3) Donum cod. Cf. plus loin, p. 292. Plus bas, le même manui porte per au lieu de et.

l'initiation chrétienne. 289

Après le passage de chacun des exorcistes, les caté- chumènes étaient invités à se prosterner, à prier et à se signer. Les trois exorcistes ayant terminé leur tâche , un prêtre s'approchait, répétait l'imposition du signe de la croix et l'imposition des mains, en disant :

Aeternum ac iustissimam pietatem tuam deprecor, domine sancte, Pater omnipotens, aeterne Deus lumJDis et veritatis, super bos famulos et famulas tuas, ut djgneris eos inluminare lumiue intelligentiae tuae. Munda eos et sanctifica; da ois scioiUiam verara, ut digni eflSciantur accedere ad gratiam baptismi tui Te- neant firmam spem, consiiium rectum, doctrinam sanctam, ut apti sint ad percipiendam gratiam tuam.

Il est à remarquer que le prêtre, à la dififérence des exorcistes, ne s'adresse qu'à Dieu; ce n'est pas son rôle, en ce moment au moins, de conjurer le démon. Après une dernière prostration , les catéchumènes re- prenaient leur place et la messe continuait en leur présence, jusqu'à l'évangile exclusivement. Avant l'évangile ils étaient congédiés. Leurs parents ou parrains ne manquaient pas de prendre part à l'of- frande; les noms des parrains et marraines étaient récités au Mémento , ceux des élus, dans la prière Hanc igitur, avec une recommandation spéciale (1).

Ces exorcismes se répétaient, dans la même forme et avec le même appareil, aux autres jours de scru- tin, sauf au septième. Le troisième avait une impor- tance particulière. C'est ce jour-là que le candidat était oflBiciellement initié à l'Evangile, au Symbole, et à l'Oraison dominicale. Dans les autres pays , cette cérémonie se bornait au symbole et s'appelait la Tra- dition du symbole. A Rome on livrait à l'initié , non seulement le symbole, mais l'ensemble des titres de

(1) Cf. ci-dessus, p. 172.

19

290 ORIGINBS DU CULTE CHRÉTIEN.

la loi chrétienne, instrumenta sacrosanctae legis (1), Aussi la cérémonie avait-elle un nom plus compré- hensif ; on l'appelait TOuverture des oreilles.

Ce jour-là les catéchumènes n'étaient pas congé- diés aussitôt après le graduel. Ce chant terminé, qua- tre diacres sortaient de la sacristie, en grande pompe^. tenant chacun l'un des quatre évangiles. Ils s'avan- çaient ainsi vers l'autel; les volumes sacrés étaien- déposés sur les quatre coins de la table sainte. Un prêtre prenait la parole et expliquait ce que c'est qam l'Evangile. Puis, les élus ayant été invités (2) à se tes nir debout, attentifs et respectueux, l'un des diacres lisait les premières pages de saint Matthieu. Le prê- tre en donnait aussitôt un court commentaire. Or recommençait de même pour les trois autres évangé- listes.

Après la tradition de l'Evangile venait celle du sym- bole. Elle était encore précédée et suivie d'une allo- cution du prêtre. Aux temps byzantins, on se servait de la formule de Nicée-Constantinople et Ton avait même l'attention de la réciter d'abord en grec , puis en latin. La population de Rome était alors bilingue : les catéchumènes se groupaient, pour cette lecture, suivant leur langue. Chaque groupe était présenté séparément au prêtre par l'acolyte (3) chargé de cette fonction. Le prêtre demandait : Qua lingua confitentur dominum nostrum lesum Christum? L'acolyte répon- dait Graece, ou Latine, et le prêtre l'invitait à leur en- seigner, dans leur langue, la formule de foi.

Il n'est pas douteux que la formule primitivement

(1) En Afrique, pays de rit romain, on trouve aussi la tradition du Pater j non cependant celle de l'Evangile. Aug. , Serm. 57, 58; Fer- randus, Ep. ad Fulgentium (Migne, P. L., t. LXV, p. 379.

(2) Cf. p. 162.

(3) L'acolyte est encore ici , très probablement, substitué à l'exor- ciste, peut-être au lecteur.

l'initiation chrétienne. 291

employée à Rome n'ait été celle du symbole des Apôtres, qui est à proprement parler le symbole ro- main. C'est le symbole des Apôtres qui est expliqué dans les sermons de saint Augustin relatifs à cette cérémonie (1).

Venait ensuite la tradition du Pater, Le prêtre lui- même y procédait. Il commençait par une exhortation d'ensemble, puis il récitait phrase par phrase le texte de Toraison dominicale, en le commentant à mesure. Après la dernière demande, une petite allocution ter- minait la cérémonie (2).

Ce rite fort simple, mais très imposant, devait pro- duire une vive impression sur les candidats au bap- tême. Je serais porté à croire que nous en avons une expression artistique dans la célèbre scène du Don de la loi, qui figure sur tant de monuments chrétiens, peintures , sarcophages , vases décorés , et surtout dans les mosaïques absidales des basiliques. Le Christ est assis sur un trône glorieux, au sommet d'une montagne d'où s'échappent les quatre fleuves du Paradis. Autour de lui sont groupés les Apôtres. Saint Pierre, leur chef, reçoit des mains du Sauveur un livre, emblème la loi chrétienne, sur lequel on lit la devise DOMINUS LEGEM DAT ou quelque au- tre de même sens. Au-dessus de ce groupe, apparais- sent , dans l'azur du ciel , les quatre animaux symbo- liques, avec les quatre livres de l'Evangile. Je n'oserais assurer que cette scène ait été composée ex- pressément d'après le rituel de la Traditio legis chris- tianae ; mais il y a entre ces deux choses un rapport

1^1) Sur le symbole romain et son histoire, ainsi que sur l'usage du grec dans la liturgie romaine, voy. Caspari, Quellen zur Geschichle des Taufsymbols, etc., t. III, Christiania, 1875. Cf. A. Harnack, PP. apostolici, fasc. I, part. 2 (2* éd.), p. 115.

(2) Plusieurs sermons de saint Augustin (56-59) ont été composés pour la tradition et l'explication du Pater.

292 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

trop évident pour qu'il n'ait point été remarqué. Beau- coup de fidèles , en jetant les yeux sur les peintures qui ornaient le fond de leur église , devaient se rap- peler une des plus belles cérémonies de leur ini- tiation.

Le septième et dernier scrutin précédait de très près le baptême. Il avait lieu la veille de Pâques ; les livres du huitième siècle lui assignent l'heure de tierce; mais il est probable qu'à une époque plus an- cienne il se célébrait dans l'après-midi. Comme il n'y- avait pas de messe le samedi saint, la cérémonie était indépendante de toute réunion stationale. Cette fois, ce ne sont pas des clercs inférieurs qui accomplissent l'exorcisme ; c'est un prêtre qui est chargé d'adjurer Satan pour la dernière fois. Il passe dans les rangs des candidats, leur fait au front le signe de la croix, et leur impose la main , puis il prononce le dernier exorcisme :

Nec te latet, Satanas, imminere tibi paenas, imminere tibi tor- menta, imminere tibi diem iudicii, diem supplicii, diem qui ven- turus est velut clibanus ardens, in quo tibi atque universis angeiis tuisaeternus veniet interitus. Proinde, damnate, da honorera Deo vivo et vero ; da honorem lesu Christo Filio eius et Spiritui sancto , in cuius nomine atque virtute praecipio tibi ut exeas et recédas ah hoc famulo Dei, quem hodie dominus Deus noster Jésus Ghristus ad suam sanctam gratiam et benedictionem fon- temque baptismatis dono vocare dignatus est, ut fiât eius tempium per aquam regenerationis in remissionera omnium peccatorum, in nomine domini nostri lesu Christi qui venturus est, etc.

Vient ensuite le rite de VEffeta, Le prêtre touche , avec le doigt trempé dans sa salive, le dessus des lè- vres [nares) (1) et les oreilles de chacun des candidats.

(1) Malgré les mots m odorem suavitatis de la formule, il n*est pas douteux que les narines n'aient été substituées ici à la bouche.

l'initiation GHIiÉTIBNNE. 293

Cette espèce d'onction , reproduite de la guérison du sourd-muet dansai' Evangile, est accompagnée delà for- mule suivante :

EflTeta, quod est aciaperire, in odorem suavilatis. Tu autem effugare, diabole, adpropinquavit enim iudicium Dei.

Les candidats se dépouillent alors de leurs vête- ments et reçoivent sur la poitrine et sur le dos une onction d'huile exorcisée. Toute cette cérémonie est symbolique. On est arrivé au moment critique de la lutte avec Satan. Les candidats vont le renier solen- nellement pour s'attacher à Jésus-Christ. On leur dé- lie les organes des sens, afin qu'ils puissent entendre et parler; on les oint d'huile, comme des athlètes qui vont combattre. L'onction terminée, chacun d'eux se présente devant le prêtre :

Abrenuntias Satanae? Abrenunlio.

Et omnibus operibus eius? Abrenuntio.

Et omnibus pompis eius? Abrenuntio.

Le renoncement à Satan est accompli ; le nouveau disciple du Christ prononce alors la formule de foi , en récitant le texte du symbole (1). C'est ce que l'on appelle rendre symbolo [Redditio symholi) (2).

La cérémonie terminée, les candidats se proster- nent, prient et sont congédiés par l'archidiacre.

L'auteur du De Sacramcn/is en donne la raison : « Quia mulieres baptizantur » (I, 3).

(1) Dans les livres du huitième siècle, c'est le prêtre lui-même qui le récite, en «'tendant la main sur les enfants , comme pour marquer qu'il agit en lour nom.

(2) Cette Redditio symholi est une cérémonie ; en Afrique (Aug. ^ Serm.f 58, 59), et à Jérusalem {Peregrinalio), elle était précédée d'une récitation en forme privée: on tenait à s'assurer, quelque temps avant la cérémonie solennelle du samedi saint , que les candidats savaient par cœur le symbole de la foi.

294 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

3** Bénédiction des saintes huiles.

Il faut ici revenir un peu en arrière. Pendant qu« s'achève la préparation des candidats, l'Eglise fait se^ dispositions pour les recevoir. Le jeudi saint a lieu 1^ messe chrismale^ sont consacrées les huiles qui secr viront à la cérémonie de l'initiation. Elles sont pré- parées dans deux ampoules distinctes , dont l'une ae contient que de l'huile pure, l'autre de l'huile parfu- mée par un mélange de baume. C'est le pape qui verse lui-môme le baume dans l'huile avant la messe, à la sacristie. Pendant la messe , les deux ampoules sont tenues en avant de l'autel , par des clercs infé- rieurs.

La messe est célébrée en grande pompe , à cause de la solennité du jour. Vers la fin du canon, les fidè- les présentent, pour qu'on les bénisse, de petites am- poules d'huile destinées à leur usage personnel. C'est l'huile des malades; les fidèles s'en servent eux-mê- mes ; mais elle sert aussi pour l'extrôme-onction. Les vases qui la contiennent sont déposés sur la balus- trade ou podium qui limite l'enceinte sacrée. Les dia- cres vont en prendre quelques-uns et les apportent à l'autel le pontife les bénit en prononçant la for- mule suivante (1) :

Emilie, quaesumus Oomine, Spiritum saDCtum Paraclitum de caelis in banc pinguedincin oici, quam de viridi iigno producere dignatus es ad refectionem mentis et corporis ; et tua sancta be- nedictionc sit omni ungenti, gustanti, tangcnti. tutamentum men- tis et corporis, animae et spiritus, ad evacuandos omoes dolores, omnem infirmitatem, omnem aegritudinem mentis et corporis, unde unxisti sacerdotcs, reges et prophetas et martyres, chrisma tuum perfectum a te, Domine, benedictum, permanens in visceri- bus nostris in nomine Domini nostri lesu Ghristi.

(1) Elle est commune au sacramentaire gclasien et à celui d'Ha- drien.

l'initiation chrétienne. 295

La bénédiction terminée, l'évoque continue la messe à partir de la finale du canon Per quem haec om- nia, etc. (1). Les diacres reportent les ampoules ils les ont prises. Quant à celles qui n'ont pas été apportées à Tautel , elles sont bénies de la balustrade par des évoques ou des prêtres, qui répètent sur elles la formule prononcée par le pape.

La consécration des grandes ampoules a lieu aussi- tôt après la communion du pape, avant celle du <îlergé et des fidèles. Les diacres reportent sur l'autel la patène et le calice ; ils étendent un linge blanc par- dessus ; les acolytes qui tiennent les scyphi avec le vin de la communion pour les fidèles, les recouvrent aussi. Des sous-diacres vont chercher les ampoules eX les apportent à Tarchidiacre et à Tun de ses collè- gues. L'archidiacre prend celle qui contient l'huile parfumée et la présente au pape. Le pontife souffle trois fois dessus, y fait le signe de la croix et dit : In nomine Patris et Filii et Spiritus sancti. Puis il sa- lue l'assistance comme à la préface de la messe, pro- nonce le Sursum Corda , le Grattas agamus et récite une prière eucharistique :

Vere dignura ... aeterne Deus, qui in principio , inter caetera bonitatis et pletatis tuac mimera, terram producere fructifera ligna iussisti, inter quae hiiius pinguissimi liquoris ministrae oleae nascerentur, quarum fructus sacro chrismati deserviret. Nam David prophetico spiritu gratiae tuae sacramenta praenoscens vultus nostros in oleo exhilarandos esse cantavit. Et cum mundi crimina diluvio quondam expiarentur eflfuso, in similitudinem fu- turi oauneris columba demonstrans pei* olivae ramum pacem terris redditam nuntiavit. Quod in novissimis temporibus manifestis est effectibus declaratutn, cum baptismatis aquis omnium criminum oommissa delentibus, baec olei unctio vultus nostros iucundos efficiat et serenos. Inde etiam Moysi famulo tuo mandata dedisti ui Aaron fratrcm suum prius aqua lotum per infusionem huius

(1) Cf. ci-dessus, p. 175.

296 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

unguenti conslitueret sacerdotem. Accessit ad hoc amplior honorr cutn Filius.tuus dominus nostcr lesus Christus lavari a lohanntfb. undis lordanicis exegisset, et Spiritu sancto in columbae simili- tudine desuper misso Unigenitum tuum in quo tibi optime com— piacuisse testimoniosubsequentis vocis ostenderes, hoc illud ess» manifestissime connprobares, quod eum oleo iaetitiae prae consor- tibus suis ungendum David propheta cecinisset. Te igitur depre^ camur, Domine sancte , Pntcr omnipotens, aeterne Deus , pes lesum Christnnn Filiiim tuuni dominuiti nostrum , ut huius crea_i turae pinguedinem sanctificare tua benedictione digoeris et it sancti Spiritus immiscere virtutem por potenliam Christi lui; t cuius sanclo nomine chrisma nonicii accepit, unde unxisti sacer- dotes, rcges, prophetas et martyres tuos ; ut sit his qui renati fue^ rint ex aqua et Spiritu sancto chrisma sakitis, eosque aeterna- viiae participes et caelestis gloriiie facias esse consortes.

On présente ensuite au pape l'ampoule d'huile pure il la consacre avec moins de cérémonie. L'exsufflation, le signe de la croix ont lieu comme pour le saint- chrême : mais la bénédiction est prononcée sur le ton ordinaire. En voici le texte :

Deus incrementorum et profectuum spiritalium munerator , qui virtute sancti Spiritus tui imbccillarum mentium rudimenta con- firmas; te oramus, Domine, ut venturis ad beatae regenerationis lavacrum tribuas per unctionem istius creaturae purgationem mentis et corporis; ut si quae illis adversantium spirituum inhae- sere reliquiae, ad tactum sanctificati olei huius abscedant. Nullus spiritalibus nequitiis locus, nuila refugis virtutibus sit facultas; nulla insidiantibus malis latendi licentia relinquatur; sed venien- libus ad fidem servis tuis et sancti Spiritus operatione mundandis sit unctionis huius praeparatio utilis ad saiutem; quam etiam per caelestis regenerationis nativitatem in sacramento sunt baptismatia adepturi (1).

(1) J'ai donné ici les prières communes au sacramentaire gélasien et à celui du pape Hadrien, mais en suivant le texte gélasien, mieux conservé que l'autre. Quant au rituel, je m'en suis tenu aux Ordines, avec lesquels le sacramentaire d'Hadrien est pleinement d'accord. Dans le sacramentaire gélasien, on trouve d'abord la prière Deus incrementorum et le canon consécratoire Deus qui in principio, qui semblent ainsi se rapporter à la même ampoule, celle du saint-

l'initiation chrétienne. ' 297

4* Le baptême.

Les « élus » assistaient à la vigile solennelle de Pâques. Les lectures que Ton y faisait avaient été choisies de manière à présenter un résumé de l'his- toire des rapports de Thomme avec Dieu et à former conmie une instruction suprême, au moment allait s'accomplir le mystère de l'initiation. Elles sont à peu près les mêmes dans tous les rites latins : on y voit se succéder les plus belles pages de l'Ancien Tes- tament, la Création, le Déluge, la Tentation d'Abra- ham, le Passage de la mer Rouge, la Vision d'Ezé- chiel, l'Histoire de Jonas, celle de la statue de Nabuchodonosor ; quelques passages des prophètes, comme celui Isaïe prédit le baptême et chante la vigne du Seigneur , le Testament de Moïse, l'Institu- tion de la Pâque. Des cantiques analogues aux lectu- res en interrompent de temps en temps la série ; c'est celui de Marie, sœur de Moïse, Cantemus Domino ] ce- lui d'Isaïe, Vinea fada est; celui du Deutéronome, Attende^ caelum^ et loquar\ enfin le psaume Sicutcervus desiderat ad fontes.

L'heure venue, le pontife et ses clercs se dirigent en compagnie des « élus » vers le baptistère.

Le baptistère du Latran existe encore, dans son gros œuvre. Il s'ouvre sur la cour qui s'étend (1) der-

chréme. La première est évidemment hors de place, car elle a été composée en vue de l'huile destinée à l'onction qui précède le bap- tême, tandis que l'autre vise clairement l'onction qui le suit. Après le canon consécratoire , vient un exorcisme de l'huile avec une prière eucharistique ; ces deux pièces ne semblent pas cadrer avec le rituel des Ordines; il est possible qu'elles soient de provenance gallicane et non romaine.

(1) Qui s' elenda.it y car, depuis les agrandissements que la vieille basilique a subis œs dernières années , cette cour a été singulière- ment rétrécie. Sur ces édifices, voy. le Liber pontif, , t. I, p. 191,

298 ORIGINES DU GULTB CHRÉTIBN.

rière la basilique; un portique le précède, terminé à droite et à gauche par deux absides; Tune d'elles con- serve encore sa mosaïque, de la fin du quatrième siè- cle ou à peu près. Elle représente la vigne du SeL gneur, parsemée çà et de croix d'or. Quand on franchi ce portique, on entre dans le baptistère luE même, édifice de forme octogonale, dont le centrz est occupé par une piscine de mémo dessin. Hu grosses colonnes de porphyre soutiennent la partie si- périeure de rédifice,_qui se terminait autrefois ^ dôme au-dessus de la piscine et en une voûte circt laire au-dessus des côtés. Sur Tarchitrave on lit eiz core rinscription qu'y fit graver le pape Xystus I (432-440) :

Gens sacranda polis hic semine nascitur almo

quam fecundatis Spiritus edit aquis. Virgineo fétu genitrix Ecclesia natos

quos spirante Deo concipit, amne parit, Coelorum regnum sperate, hoc fonte renati ;

non recipit felix vita semel genitos. Fons hic est vitae qui totum diluit orbem

sumens de Christi vulnere principium. Mergere, peccator, sacro purgande fluento :

quem veterem accipiet proferet unda novum. Insons esse volens isto mundare lavacro

seu patrio premeris crimine seu proprio. Nulla renascentum est distanliay quos facit unum

unua fons, unus spiritus, una fides, Nec numerus quemquam scelerum nec forma suorum

terreat : hoc natus flumine sanctus erit.

En face de l'entrée, une porte ouvrait autrefois (1) sur une cour oblongue, au fond de laquelle s'élevait le sanctuaire de la Croix, bâti sous le pape Hilaire(461-

192,236, 245. Cf. Rohaut de Fleury, Le Latran au moyen âge, pi. XXXIII-XXXV.

(1) Actuellement, elle ouvre sur la place S. Giovanni in Laterano; c'est par que l'on pénètre ordinairement dans le baptistère. L'ora- toire do la Croix, ou de Saint-André, avec son atrium particulier, a disparu depuis le seizième siècle.

l'initiation chrétienne. 299

468). Ce même pape avait fait pratiquer, à droite et à gauche du baptistère, deux autres oratoires, en l'hon- neur des deux saints Jean, le précurseur et Tévangé- liste; ils existent encore.

Du milieu de l'eau surgissait un grand candélabre de porphyre, terminé par une vasque d'or, pleine de baume , brûlait une mèche d'amiante , répandant à la fois la lumière et le parfum. Sur un des côtés de la piscine s'élevaient deux statues d'argent, le Christ et saint Jean , ayant entre eux un agneau d'or avec la devise Ecoe Agnus Dei, ecce qui tollit peccata mundi. Au-dessous de cet agneau jaillissait un jet d'eau qui se déversait dans la piscine. Sept têtes de cerf, dis- posées sur les côtés, laissaient aussi échapper des courants d'eau.

C'est dans cet édifice que le pape célébrait le « bap- tême de Pâques », la plus auguste des cérémonies pontificales. Il entrait avec son cortège , en tête du- quel étaient portés deux grands cierges, au chant de la litanie. Quand celle-ci s'arrêtait, le pontife, debout prés de la piscine , saluait l'assistance et l'invitait à la prière collective, suivie bientôt d'une prière de forme eucharistique. Voici les formules des anciens sacra- mentaires; elles sont encore en usage :

Omnipotens, sempiterne Deus, adesto magnae pietatis tuae xnysteriis, adesto sacramentis ; et ad creandos novos populos quos tibi foDS baptismatis parturit spiritum adoptionis emitte; et quod humilitatis nostrae gerendum est ministerio tuae virtutis com- pleatur eflfectu.

Vere dignum ... aeterne Deus, qui invisibili potentia tua sacra- mentorum tuorum mirabiliter operaris eflfectum. Et licet nos tantis mysteriis exequendis simus indigni, tu tamen gratiae tuae dona non deserens etiam ad nostras preces aures tuae pietatis inclina. Deus , cuius spiritus super aquas inter ipsa mundi pri- mordia ferebatur , ut iam tune virtutem sanctificationis aquarum natura conciperet ; Deus, qui nocentis mundi crimina per aquas abluens regenerationis speciem in ipsa diluvii effusione sigiiasti ,

300 ORIGINES DU GULT£ CHRÉTIEN.

ut unius eiusdemque elcmcnti mysterium et finis esset vitiis ^ «, origo virtutis; respice, Domine, in facicrn Ecclesiae tuae et mim^- tiplica in ea generationos tuas, qui gratiae tuae cffluentis impetLO iaetificas civitatem tuam fontemque baptismatis aperis toto ort?^ terraiMun goiitibus innovandis, ut tuae maiestatis imperio sumat Unigcniti tui gratiam de Spiritu sancto , qui banc aquaai rcgene- randis bominibus praeparatam arcana sui luminis admixtioDe fecundet; ut sanctificatione concepta ab immaculato divini fonlis utero in novfim renata creaturani progenies caelestis emergat ; et quos aut soxus in corpore aut aetas discernit in tempore omoes in unam pariât gratia mater infantiam. Procul ergo bine, iubente te, Domine, omni» spiritus immundus abscedat; procul tota ne- quitia diabolican fraudis absistat. Nibil bic loci babeat contrariae virtutis ammixtio ; non insidiando circnmvolet, non latendo sub- ripiat, non inficiendo corrumpat. 8it baec sancta et innocens creatura libéra ab omni impu^natoris incursu, et totius ncquitiae purgata disccssu. Sit fons vivus aquae regenerans, unda puri- ficans, ut omnes boc lavacro salutifcro diluendi, opérante in eis Spiritii sancto perfccti, purgationis indulgentiam consequantur. Unde bonodiro te, creatura aquae, per Dcum vivutn , f)er Deum sanctum , per Doinn (|ui te in principio verbo 8e|)aravit ab arida et in quatuor fliiniinibtis totam terram rigare praece{)it, qui te in deserto aniaram suavitate indita fecit esse potabilem et sitienti populo d(» potra jiroduxit. Hcnedico te et per lesum Christum, Filiiirn cius uiiicum, dorninuin nostrum, qui te in Gana Galilcae siprno admirabili sua potcntia convertit in vinum, qui pedibus super te ambulavit et a lobanne in lordane in te baptizatus est, qui te una cum sanguine de iaterc suo produxit et discipulis suis iussit ut crodenies baptizarentur in te, dicens : Ite, docete omnes gentcs, baptizanteseosin nomine Patris et Filii et S|>iritus sancti. Haec nobis praoce()ta s^Tvautibu'i tu, Deus oinnipotcns, clemens adeHto, tu benignus aspira, tu bas simplices aquas tuo oi*e bene- dicito; ut praeter naturalem emundationem quam lavandis pos- suntadbiberecorporibuSy sintetiampurificandismentibus efficaces. Descendat in banc plenitudinem fontis virtus Spiritus tui et totam buius aquae substanliani regoiierandi fecundet effectu. Hic om* nium peccatoruni maculae deleantur; bic natura ad imaginera tuam condita et ad boiiorem sui reformata principii cunctis vêtus- tatis squaloribus emundetur; ut omnis bomo boc sacramentum régénération is ingressus in vera innocentia nova infantia reuas- catur.

Les rituels du huitième siècle prescrivent d'inter-

l'initiation chrétiennb. 301

îompre trois fois cette longue prière pour faire le si- gne de la croix sur l'eau ou dans Teau, une autre fois pour souffler dessus. Au moment le pontife pro- aonçait les mots : Descendat in hanc plenitudinem fon- tis virlus Spiritus tui^ les deux dignitaires qui por- taient les cierges les plongeaient dans la piscine. Le canon fini , le pontife prenait une ampoule pleine de chrême, la versait en forme de croix dans Teau, quMl agitait ensuite avec sa main (1).

Tout était prêt; le baptême commençait. Entière- Dïeut dépouillés de tout vêtement (2) , les <( élus »

s'avançaient vers la piscine. L'archidiacre les présen-

*^it un à un au pape, qui leur posait les trois ques-

*^ons se résume tout le svmbole :

^redis in Deum Palrem omnipotentem?

Oredjs et in Icsutn Christum, Filium eius unicum, dominum '^^^trum, natum et passa m ?

Oredis et in Spiriturn sanctuin, saiictim Ecclesiain, romisï-ionem '^^Ctcatorum, carnis resurreclionem?

Sur sa triple réponse affirmative, le candidat était

Cl) Les mêmes Orclines portent qu<,' le pape aspergeait alors Tas- ^^Xnblée avec Teau sainte et que les fidèles pouvaient on prendre , à ^^ moment, comme phylactère. Ceci ne peut guère être primitif.

(2) Dans Tappendice de l'Ordo / de Mabillon, l'un des oratoires la- *"^raux du baptistère est appelé ad s. lohannem ad Vestem, C'est ^i*obablement qu'on se déshabillait. Comme il y a deux oratoires ^^métriques, on peut supposer qu'ils servaient tous les deux, l'un ^^ur les hommes, l'autre pour les femmes. Il est à peine besoin ^'avertir que, malgré cette prescription d'entière nudité, des précau- tions étaient prises pour que la décence, comme on l'entendait alors, ^e fût pas blessée. Les diaconesses avaient ici un rôle important, en Cie qui regarde le baptême des femmes {Const. Ap.^ III, 15, 10). Il ne ^aut pas croire, du reste, que la pudeur antique fût aussi aisée à ef- taroucher que la pudeur moderne. L'auteur du De shKjuluritnte cle- y^icorum (Cyprien, App., p. 189, Hartel) ne comprend pas que in ipso i)apti8mate cuiusquam niidilas erubescaty ubi Adae et Evae reno- -vatur infantia^ nec exponit sed po/iws accipit lunicam. Cf. la singu- lière histoire racontée par Jean Moschus, dans son Pré spirituel, c. 3.

302 ORIGINBS DU GULTB CHRÉTIEN.

immergé trois fois , pendant que le pontife prononçai la formule : Baptizo te in nomine Patris et Filii et Spi ritris sancti.

L'immersion baptismale ne doit pas s*entendre e" ce sens que Ton plongeât entièrement dans Teau I personne baptisée. Elle entrait dans la piscine, oii I hauteur de Teau n'était pas suffisante pour dépassa la taille d'un adulte; puis on la plaçait sous l'une bouches d'oii s'échappaient des jets d'eau ; ou encore, c prenait de l'eau dans la piscine elle-même pour la r pandre sur sa tête. C'est ainsi que le baptême est i^ présenté sur les anciens monuments.

Le pape ne procédait pas seul à la cérémonie c baptême; des prêtres, des diacres, même des cler^ d'ordre inférieur, entraient dans Peau, vêtus d'un longue, tunique de lin, et administraient le bain s; cré à la foule des néophytes.

5* La confirmation.

Pendant que le baptême continuait , le pontife se rendait au consignatorium , les néophytes lui étaient amenés pour la cérémonie de la Consignation. Le lieu consacré était, depuis le pape Hilaire (461-468), la chapelle de la Croix, en arrière du baptistère. Avani d'y entrer, les nouveaux baptisés se présentaieni d'abord à un prêtre qui leur faisait sur la tête une onction avec l'huile parfumée du saint chrême, en disant :

Deus omnipotens, Pater domini nostri lesu Christi, qui te re- generavit ex aqua et Spiritu sancto, quique dédit tibi remissionen omnium peccatorum , ipse te linit chrismate salutis in vitam aeternam.

Les baptisés reprenaient alors leurs habits, ou plu- tôt ils en revêtaient de nouveaux, de couleur blan-

l'initiation chrétienne. 303

che, assistés par leurs parrains ou marraines. Arrivés devant Tévéque , ils se formaient en groupes sur les- quels le pontife prononçait d^abord Tinvocation (1) au Saint-Esprit :

Omnipotens, sempiterne, Deus, qui regenerare dignatus es hos famulos et famulas tuas ex aqua et Spiritu sancto, quique dedisti eis remissionem omnium peccatorum, emitte in eos septiformem 8piritum sanctum tuum Paraclitum de caelis : Spiritum sapientiae et intellectus, Spiritum consilii et fortitudinis, Spiritum scientiae et pietatis; adimple eos Spiritu timons tui et consigna eos signo crucis Christi in vitam propitiatus aeternam (2).

Le pontife faisait ensuite le signe de la croix, sur le front de chaque néophyte , avec son pouce trempé dans le saint chrême. En même temps il disait à cha- cun d'eux : In nomine Patris et Filii et Spiritus sanctù Pax tibi.

6* La première communion.

La consignation terminée , le cortège se reformait pour rentrer dans la basilique. La schola cantorum y était depuis longtemps. Pendant les longues cérémo- nies du baptistère, elle n'avait cessé de chanter les litanies, en répétant les invocations, d'abord sept fois , puis cinq fois, puis trois fois. A la fin de la lita- nie ternaire , le pontife faisait son entrée et allait se prosterner devant l'autel ; puis se relevant , il enton- nait le Gloria in eœcelsis et commençait ainsi la première messe de Pâques. Avant la fin du canon, il bénissait le breuvage d'eau , de lait et de miel que l'on devait donner aux néophytes après la communion. Les nou-

(1) Texte grégorien.

(2) D'après VOrdo de Saint- Amand, cette prière est accompagnée de l'imposition des mains, sur les hommes d'abord, puis sur les- femmes.

304 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

veaux initiés participaient pour la première fois auxa saints mystères. L'aurore se levait sur la fin de cette auguste cérémonie.

L'octave de Pâques était , comme il a été dit plu_ haut, une fête continuelle. Tous les jours il y ava3 messe stationale; les néophytes y assistaient, avec leurs vêtements blancs , et prenaient part à la com- munion. Le soir ils se réunissaient à la basilique du Latran, pour l'office de vêpres. On chantait, dans la basilique elle-même , trois antiphones , accompagnées de mélodies sur TAlleluia et de répons; cette partie de l'office se terminait par le chant de Y Evangile^ c'est-à-dire du Magnificat , et la prière ; puis on con- duisait les néophytes au baptistère et à l'oratoire de la Croix; ils accomplissaient ainsi une sorte de pèle- rinage au sanctuaire du baptême et à celui de la con- firmation. Cette double procession était accompagnée de chants, tantôt en latin, tantôt en grec (1).

§ 2. Le baptême gallican.

Il est assez difficile de reconstituer le rituel baptis- mal gallican. Les documents sont tous plus ou moins incomplets ; de plus, s'ils s'accordent sur la plupart des points, ils trahissent çà et certaines particularités propres à tel ou tel pays. Je vais les classer dans l'ordre géographique.

Haute Italie, Le traité De mysteriis, de saint

(1) Les deux derniers jours, au lieu d'aller directement au baptis- tère , on se rendait, le vendredi, à Sainte-Croix en Jérusalem, le samedi , à Sainte-Marie-Majeure ; ces jours-là on supprimait la sta- tion à l'oratoire de la Croix. Toutes ces stations sont marquées dans le sacramentairo du pape Hadrien. U y a bien longtemps qu'elles sont tombées en désuétude à Rome. Mais on les observe encore en certains pays, par exemple, dans le diocèse de Paris, le dimanche de Pâques. Peu de personnes , sans doute , en connaissent l'origine et la haute signification.

L*INITIATION GHRÉTIBNNB. 305

A^mbroise , le traité anonyme De sacramentis , un peu postérieur, les discours de saint Maxime de Turin, le sacramentaire de Bobbio.

Gaule, Quelques détails dans la deuxième lettre de saint Germain de Paris ; le Missale gothicum , le Missale gallicanum vetiLS.

Espagne. Le De officiis de saint Isidore, le De cog- riitione baptismi de saint Hildefonse.

l"* Le catéchuménat.

Le rituel du catéchuménat comportait trois céré- naonies : l'exorcisme , Fonction et l'exsufflation.

L'exorcisme est mentionné par Isidore et Hilde- fonse. Une formule assez remarquable, conservée par 1b Missale gallicanum, se rapporte probablement à G^tte cérémonie (1) :

^dgredior te, immundissime, damnate spiritus, etc.

L'onction, mentionnée aussi par les auteurs espa- gnols , est surtout l'onction des oreilles et de la bon- ite; à cet égard elle correspond à VEffeta romain; ïtiais elle se fait aussi sur d'autres parties du corps , ^t, de cette façon, elle correspond à l'onction de la ï>oitrine et des épaules qui , dans le rit romain , suit immédiatement VEffeta, Nous avons donc ici, au début xnême du catéchuménat, la cérémonie qui, suivant l'usage rotnain, termine cette période de stage et pré-

(1) Saint Isidore, De off. , II, 21, ajoute à Texorcismo l'imposition <lu sel : « Exorcizantur , deinde sales accipiunt et unguntur. » Mais cette cérémonie n'était pas universelle en Espagne; Hildefonse (De eognii, baptismiy 26) dit qu'elle était observée en quelques endroits, mais il n'approuve pas cet usage. C'était peut-être, dans la province

de Bétique , un reste de l'usage romain , antérieur dans ce pays à

Vusage gallican.

?0

306 ORIGINES DU GULTB CHRÉTIEN.

cède immédiatement le renoncement au démon (1). Enfin cette onction était accompagnée de l'impression du signe de la croix , et , à ce point de vue , elle co^ respond à la cérémonie romaine de l'imposition de la croix , dans le rituel du catéchuménat.

A Milan, Fonction et TEffeta étaient renvoyées, comme à Rome, au samedi saint (2). Cette différence dans l'ordre des cérémonies parait remonter assez haut. On s'en préoccupait vers l'an 400 , car nous voyons , dans un document de ce temps (3) , que les évoques de Gaule avaient consulté le pape à ce pro- pos. A Rome, pourvu que l'onction eût lieu après le troisième scrutin , on ne tenait pas au jour. On voit que l'église de Milan conforma sur ce point son usage à celui de Rome ; il en fut tout autrement en Espa- gne. Pour la Gaule les documents ne permettent pas de voir quel système on suivait (4).

(1) s. Hildefonse indique l'onction comme suivant immédiatement l'exorcisme (loc. ciL, c. 21, 27, 28). l\ fonde cet usage sur la guérison du sourd-muet par VEffeta et l'onction de salive , -citant à ce propos MarCf VII, 32, 33; il dit aussi qu'à la messe se faisait l'exorcisme, on lisait ce passage de TEvangilc. Tout cela montre que c'est bien l'Effeta gallican que nous avons ici. Du reste , le même auteur spé- cifie (c. 29) que « post exorcismos tanguntur auriculae oleo..., tangi- tur et os , D tout cela avant la tradition du symbole, au moment ot de gentilis on devient catechumenus,

(2) Il y a cependant une différence , car, à Rome , VEffeta et le re- noncement au démon avaient lieu le matin, dans une réunion bien distincte de celle le baptême lui-même était célébré, tandis qu'à Milan ces cérémonies avaient lieu au moment le néophyte allait descendre dans la piscine. De plus , VEffeta de Milan se faisait avec l'huile sainte, non avec la salive.

(3) Canones ad Gallos, 11 ; Constant, Epistolae Rom. Pont., p. 693.

(4) Dans le Missale gothicurrif le rituel du catéchuménat, sous la ru- brique Ad christianum faciendum^ est placé au samedi saint. Dans le Missale gallicanum , ce rituel précède , il est vrai , la Traditio symbolif mais il y a, à cet endroit, une lacune qui ne permet pas de voir si la cérémonie de l'onction y figurait. Elle n'est pas marquée au samedi saint. Voici , pour cette cérémonie , deux formules dont la première figure dans le Missale gothicumy l'autre, encore en

l'initution chbétibnnb. 307

L'exsufBation figure aussi au nombre des rites énui- mérés par saint Isidore. On la retrouve dans le sacra- mentaire de Bobbio ; d'après ce livre elle se faisait à trois reprises, sur le visage du candidat , et Tofflciant disait : Àccipe Spiritum sanctv/m et in corde teneas.

2* La préparation au baptême.

Nous n'avons aucun renseignement sur le nombre ■et Tordre des scrutins gallicans. Tout ce qui subsiste de cette partie du rituel , ce sont deux formules de prière dans le Missale gallicanum, elles figurent sous le titre Praemissiones ad scrutamen.

En revanche, la « Tradition du Symbole » est souvent inentionnée. Elle avait lieu le dimanche avant Pâ- ^es. Pour ceci nous avons le témoignage de saint Ambroise et des attestations certaines en Gaule et ^n Espagne (1). C'est Tévêque lui-même qui procé-

Usage, est commune au sacramentaire gélasien (cf. ci-dessus, p. 284) ^ à celui de Bobbio.

Bigno te in nomine Patris et Filii et Spiritus s&ncti, ut sis chris-

^^nu8 : oculos f ut videas claritalem Dei; aures, ut audias vocem

^knKini ; nares, ut odores suavitatem Christi; conversus, ut confi-

tatHa Patrem et Filium et Spiritum sanctum; corf ut credas Trini-

Utem tn9eparai)tlem. Pajc lecum.

Accipe signum crucis, tam in fronte quam in corde ; sume fidem Càelestium praeceptorum ; talis esto moribus ut templum Dei esse Um possis ; ingressusque Ecclesiam Dei evasisse te laqueos inortix l&etu8 agnosce. Horresce idola , respue simulacra , cote Deum Pa- trem omnipotentem et lesum Christum Filium eius qui vivit cum. Pâtre et Spiritu sancto per omnia saecula saeculorum.

Suit, dans le sacramentaire gélasien, l'oraison Te deprecor^ actuel- lement en usage (pour les adultes), et une autre prière, Deus qui es et qui eras, etc.

(1) Ambr. , Ep, 20 : « Sequenti die , erat autem dominica (le di- manche avant Pâques), post lectiones atque tractatum, dimissis ca- tecbumenis, sjmbolum sdiquibus competentibus in baptisteriis trade- bam basilicae. » Concile d'Agde (506) , c. 3 : « Symbolum etiam placnit ab omnibus ecclesiis una die, id est ante octo dies dominicae Resurrectionis , publice in ecclesia competentibus tradi. » S. Ger- main de Paris et tous les livres liturgiques, Isidore et Uildefonse

3U8 OniGINBS DU GULTB CHRÉTIEN.

•dait à cette cérémonie , entre la messe des catéieta mènes et celle des fldéles. Il commençait par une . locution, puis il récitait trois fois le symbole dLt Apôtres, enfln il le commentait article par article (î)

Saint Germain de Paris décrit cette cérémonie comme jointe à celle de la bénédiction des sainte^ huiles. Il était assez naturel de choisir, pour la béné-* diction des huiles , le dimanche qui s'appelait dies unctionis (2).

Enseigné le dimanche avant Pâques, le symbole était rendu, c'est-à-dire récité publiquement, le jeudi saint (3). Cette récitation était ainsi séparée de l'ab- juration de Satan à laquelle elle fait suite dans les au- tres rites.

3* Le baptême et la confirmation.

La veillée de Pâques était organisée à peu près

(foc. cit.) indiquent le même dimanche. Cf. Mabillon, Mus. ItaL, 1. 1, p. 95, et le Missel mozarabique, au dimanche des Rameaux.

(1) Le MissHU gaiUictLnum contient deux formules de tradition du symbole, Tuno ontiôre , l'autre interrompue par une lacune ; il y en a une troisit^mo dans le sacraraentaire de Bobbio. Ces deux livresi contionnont, en outre, avec quelques abréviations, la cérémonie ro- maine de VApertio aunum. Leur complexité sur ce point est d'ac- coni avec le caractère général de leur rédaction , formée partout d\^lémonts romains et d'éléments gallicans.

C}) Kp, Ili et Hildcf., loc, cit,, c. 34. Cette H>peUation vient de ce qu'on lisiait ce jour-U , A la messe , Tévangile il est question de Tonotion du Christ à Béthanic.

(S) Martin do Braga, can, 49; Hildefonse, Joe, cit., c. 34. L'attesta- tion directe ne se rencontre qu'on Espagne; mais, dans tous les au- tres l^a^vs gallicans , on voit que le renoncement à Satan n'est paa suivi de la récitation du symbole, contrairement à l'usage de Roum et de l'i^rient. Cette omission concourt avec les témoignages espa- gnols pour établir que nous avons ici une particularité non pas sinm plement es)>agno1e, mais gallicane, au plus large sens du mot. n faul voir une conÀrmation de cette conclusion dans le fait que le concile de l*aodicée fixe au jeudi et probablement au jeudi saint la reddi- tion du symN\le : "Oti ètt t«^ ^rtCoficv»»; d^v «iorw ixfutvMvtcv vmû

<c, 4t^i. Ce can<m ftot renouvelé au concile in TruUo (c 78).

l'initiation chrétienne. 309

comme à Rome. Les passages bibliques dont on don-<

nait lecture étaient presque les mômes. Ils étaient aussi

entrecoupés de cantiques et d'oraisons. L'heure ve-

nxie, on se rendait au baptistère (1) et la cérémonie de

l*înitiation commençait par la bénédiction de Teau.

L'officiant récitait d'abord une prière collective , I>X'écédée d'un assez long invitatoire, suivant le style allican (2). Voici l'une des formules qui nous ont conservées :

Deum immortaliura munerum et salutarium gratiarum, Fratres

ilectissimi , concordi mente et humili oratione poscamus, ut per

^^erbum, Sapientiam et Virtutem suam, dominum nostrum lesum

^hristum Filium suum, concurrenti ad baptismum salutarem plebi

9uae gratiam novae regenerationisindulgeat; atque accessus hioc

3)eoitus malignae contagionis avertens infundat vitaii lavacro

Bpiritum suum sanctum; ut dum sitiens fidem populus aquas

salutares ingpeditur, vere, ut scriptuna est, peraquam et Spiritum

sanctum renascatur, et consepultus in lavacro Redemptori suo, in

(1) Divors auteurs parlent de piscines baptismales qui se remplis- saient d'elles-mêmes dans la nuit de Pâques. Il y on avait une en Sicile: Paschasinus, évéque de Lilybée, en parle dans une lettre adressée au pape saint Léon (Ballerini , t. I , p. 607) ; une autre à Marcelliana, prés de Consilinum, en Lucanie (Cassiodore, Var., Vlll, 33); d'autres en Asie-Mineure (Moschus, Pra(. spir,, 214, 215). La plus célèbre est celle d'Osset, près de Séville, en Espagne, dont Gré- goire de Tours parle souvent (HisU Fr , V, 17 ; VI, 43 ; Glor. mart,, 23, 24 ; cf. Hildefonse, De baptismo, 105, 106). Il ne manquait pas de s'informer, dans les années de Pâque douteuse, si la piscine mira- culeuse s'était remplie le jour il avait célébré la fétc.

(2) C'est l'une des deux qui figurent dans le Missale gallicanum. L'autre a un invitatoire gallican suivi de l'oraison romaine citée p. 299. Dans le MLssale gothicum, l'invitatoire a été si mal copié, qu'il est inintelligible. Âpres les mots Stantes^ fratres karissimi, 9uper ripam vitrei fontiSy viennent quelques mots qui n'offrent aucun sens, puis le texte continue : navigantes puisent mare no- vum non virga sed cruce, non tactu sed sensu ^ non baculo sed sa- cramento. Locus quidem parvus sed gratia plenus^ etc. La formule du sacramentaire de Bobbio a été bizarrement découpée dans celle du rit romain. Le missel mozarabique ne contient aucune formule de ce genre. '

310 ORiaiNBS DD CULTE GHRÉTIBN.

similitudinem sacri divinique mysterii , cai commoritur per bap* tismum eidem conresurgat in regno.

Benedic, Domine, banc aquam salutaris et sanctifica eam, om- nipotensTrinitas. qui humanum genus formare creareqae iassisti, quique etiam dedisti nobis per tui baptismatis mysterium (1) gn* tiam renascendi. Respice propitius; super istius aqaae creataram religionis mysterio (2) procuratam, spiritalem tuam benedictionem perfunde, ut sit eia qui in ea baptizandi sunt fons aquae salutaris in remissione veterum criminum, te. Domine, largiente, in vitam aeternam.

Après cette prière préparatoire, Tévêque procédait à Texorcisme de Teau (3).

Exorcizo te, creatura aquae, exorcizo te omnis ezercitus diabôli, omnis potestas adversaria , omnis umbra dacmonum. Exorcizo te in nomine domini nostri lesu Cbristi Nazarei , qui incarnatus est in Maria virgine, oui omnia subiecit Pater in caelo et in terri. Urne et treme, tu et omnis malitia tua; da locum Spiritui sancto, ut onines qui desœnderiot in bunc fontem, fiât eis lavacrum bap- tismi, regenerationis in remissionem omnium peccatorum^ Per dominum nostrum lesum Cbristum , qui venturus est in sede maiestatis Patris sui cum sanctis angelis suis iudicare te, inimice, et saeculum per ignem, in saecula saeculorum.

Cette partie de la cérémonie a , en dehors des li- vres liturgiques , des attestations assez anciennes. Elle est mentionnée par Fauteur du De Sacramentis (4) et par Grégoire de Tours (5).

(1) Mysteriis, éd.

(2) Mysterium, éd,

(3) Je donne ici la formule dn Missale gothicum, U y en a d^autres dans le Missale gallicanum, dans le sacramentaire de Bobbio et dans le missel mozarabique. Celle du Missale gallicanum est en partie empruntée au canon consécratoire romain.

(4) I, 5 : « Ubi primum ingreditur sacerdos, exorcismnm facit se- cundum creaturam aquae , invocationem postea et precem defert itt sanctificetur fons et adsit praesentia Trinitatis aeternae. »

(5) Glor, mar(., 23.

l'initiation chrétienne. 311

Vient ensuite la Contestatio ou prière eucharisti- que (1).

Djgnum et iustum est, vere aequum et iustum est, nus tibi gra- ttas agcre, Domine Deus aeternc, qui solus habes immortalitatem, ^cunque ne solus possideas nobis quoque renovata aetate tribuisti; <lw humano generi amissam per transgressionem pristinae origi- Ois dignitatem reformare in melius tam pretioso quam fclici bap- smatis muncrc voluisti Adsiste, quaesumus, ad invocationem ominis tui ; sanctifica fontem hune, sanctificator generishumani; at locus iste dignus in qucm Spiritus sanctus influât. Sepeliatur Â.1Iic Adam vêtus, resurgat novus ; moriatur omne quod Garnis est, ^r^esurgat omne quod spiritus ; cxuantur sordentes vitiis, et disclssis ^z^iminis amictibus, splendoris et immortalitatis indumenta suman- "^ur. Quicumque in Cbristo baptizabuntur induant Christum; qui- ^^umque hic renunciaverint diabolo da eis triumphare de mundo; ^ui te in hoc loco invocaverit tu eum cognoscas in regno. 8ic in lioc fonte extinguantur crimina ne resurgant, sic invalescat aquae istias beneficium ut aeterni ignis restinguat incendium. Mitte fonte (2) altaribus tuis quos altaria regnis tuis mittant. Totus hic horror mortis intereat ; quicumque hic tuus esse ceperit tuus esse non desinat; quicumque hic se sibi negaverit te lucrifaciat, et per ministcrium nostrum et mysterium tuum consecratus tibi populus aeternis ad te praemiis consecretur.

A ce moment a lieu Tinfusion du chrême dans la piscine. L'évéque le verse dans Teau en forme de croix (3), et dit :

Infusio chrismae salutaris domini nostri lesu Christi, ut fiât fons aquae salientis cunctis descendentibus in ea, in vitam aeternam (4).

(1) Je donne la formule du Miss&le gallicanum , identique à celle du missel mozarabique ; les deux autres sacramentaires en ont d*aa> très, de teneur différente.

(2) Fontis, éd.

(3) Le Missale gallicanum dit que cette infusion se fait en trois fois. Ici , le Missale gothicum mentionne une triple insufiElation ; mais, comme il transporte à ce moment l'exorcisme de Teau, que tous les autres documents placent avant la Contestatio, il est possible que ce rite se rapporte à l'exorcisme lui-même et non à la consécration proprement dite. ^

{4) .CiQtte formule se rencontre dans le MUsale gothicum et dans le

3t2 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Il récite ensuite une dernière prière, appelant -Ae bienfait de Dieu sur ceux qui vont descendre dar:z5^ Teau. sainte :

Deus ad quem sitientcs animae vivendi (i) immortaiitatis amore festinant, da eis famulis tuis supplicantibus iovcnire munus quod cupiunt, adipisci gratiaai quod mcrcntur; ingrediantur fontem regeneratlonis auctorem, in quo lethiferam illam primi parentis pffensam , mutata in novum hominem caducae Garnis fragilitate, deponant (2).

La bénédiction de Teau se faisait sans doute hors de la présence des candidats. Le moment venu, on leur ouvre les portes du baptistère. Chacun d'eux se présente, entièrement nu (3). On le fait regarder vers rOccident, et par trois fois il est sommé de renoncer au démon, à ses pompes et à ses voluptés (4). Sur sa triple réponse, il est introduit dans la piscine et on le requiert de confesser, par trois fois , la foi chré- tienne (5). Par trois fois il répond Credo. Il est alors

sacramentaire de Bobbio. Elle manque dans le Missale gaWicAnum. Le missel mozarabique en contient une autre : Signo te, sacr&tis- 8ime fons^ etc.

(1) Bibendique, éd,

(2) C'est la formule du Miss&le gallicanum ; il y en a d'autres dans les autres sacramentaires , sauf dans le Mis^&le gothicum , qui omet cette prière.

(3) C'est ici qu'à Milan avait lieu la cérémonie de VEffeta et de l'onction.

(4) a Abrenuncias Satanae, pompis saeculi et voluptatibus eius ? {Miss, g&llic), Abrenuncias Satanae, pompis eius, luxuriis suis, saeculo huic ? » (Sacram. de Bobbio). La formule n'est pas mar- quée dans le Miss, gothicum,

(5) La formule fait encore défaut dans le Missale gothicum. Celle du sacramentaire de Bobbio n'est autre chose que le symbole des apôtres, sous forme interrogative , distribué en trois articles. Voici celle du Miss, g&llic&num, :

Credis Patrem. et Filium, et Spiritum sanctum, unius esse virtutis t Credis P. et F. et Sp. s. eiusdem. esse potestatis ? Credis P. et F. et Sp. s. trinae veritatis una m,anente substantia^ Deum esse perfectum. ? Cette formule , évidenunent inspirée par l'horreur de l'arianisme ,

l'initiation chrétienne. 313

plongé dans l'eau sainte , trois fois aussi, sauf en Es- pagne, où rimmersion unique était considéré comme une protestation contre Tarianisme (1).

Les formules. baptismales qui figurent dans les li- vres gallicans ajoutent toutes quelque chose au texte usité à Rome. Dans leur variété elles s'accordent à introduire les mots tt* habeas vitam aeternam (2).

Sorti de l'eau, le néophyte était conduit à Tévéque, qxii lui faisait sur la tête une onction d*huile parfu- mée (3), en récitant la formule :

XDeus omnipotens , qui te regeneravit ex aqua et 8piritii sancto ^oncessitque tibi peccâta tua, ipse te ungat in vitam aeternam (4).

^G peut remonter au delà du cinquième siècle, au temps les bar- ^^^*es ariens vivaient en Gaule parmi les catholiques. Saint Maxime 7^^ Turin {De baptism.^ tract. 2) donne la formule suivante : « Credis ^5^ Deum Patrem omnipotentem ? Credis et in lesum Christum, Fi- ^Vun eius, qui conceptus est de Spiritu sancto et natus est ex Maria ^^irgine ? Credis et in Spiritum sanctum ? » Plus loin, il ajoute : « Cre- ^t.s in sanctam Ecclesiam et remissionem peccatorum ? »

(1) Conc, Toi., IV, can. 5. Les Eunomiens, ariens extrêmes et

endurcis, pratiquaient aussi l'immersion unique (Sozom., Hist. Eccl.,

'V'i, 26), contrairement à l'usage de toutes les églises catholiques

^'Orient. On voit qu'ici le symbolisme est tout à fait arbitraire ; le

i^ite n'a pas d'autre sens que celui qu'on lui donne.

(2) Miss, goth. : « Baptizo te, in nomine P. et F. et Sp. s. in re- missionem peccatorum ut habeas vitam aeternam. Miss, gall. : Baptizo te credentem in nomine P. et F. et Sp. s. ut habeas vitam aeternam in saecula saeculorum. Sacr&m, Bobb. : Baptizo te in nomine P. et F. et Sp. s., unam habentem substantiam, ut habeas vitam aeternam, partem cum sanctis. u

(3) Le sacramentaire de Bobbio spécifie : Suffundis chrisma in fronte eius,

(4) Cette formule est donnée par le De Sacramentis ; elle se ren- contre, avec quelques variantes, dans le Miss, gallicanum et dans le sacramentaire de Bobbio. C'est à peu près la même que la formule romaine de la chrismatio. Le Miss, gothicum contient ici une for- mule qui semble altérée et amalgamée avec celle de la tradition du vêtement blanc : « Perungo te chrisma sanctitatis, tunicam immorta- litatis, quam d. n. lesus Christus traditam a Pâtre primus accepit, ut eam integp^am et inlibatam perferas ante tribunal Christi et vivas in saecula saeculorum. o Cependant, comme il y a plus bas une for- mule spéciale pour la tradition du vêtement, il est possible que

314 ORIGINES DU CULTE CHRâTIEN.

Il recevait ensuite un vêtement blanc ; Tévéque àz. sait, en le lui remettant :

Âccipe veatem candidam quam immacuiatam perforas aote tri- bunal domiai nostri lesu Christi (1).

Avant ou après (2) cette cérémonie avait lieu le la- vement des pieds : Tévéque, les reiiils ceints, lavait les pieds aux néophytes , en leur disant :

Ego tibi lavo pedcs, sicut dominus noster lesus Christus fecit discipulis suis, ut tu facias hospitibus et peregrinis, ut habeas vitam aeternarn (3).

Le rite du lavement des pieds s'observait en Gaule et à Milan, mais non en Espagne, il avait été for- mellement proscrit par le concile d'Elvire (4). On n'en trouve pas trace en Orient , et il est très sûr qu'on ne l'admettait pas à Rome. C'était une particularité locale, introduite d'abord dans les églises du midi de la Gaule ou de la Haute Italie.

L'initiation se terminait par l'imposition des mains sur les néophytes, avec une prière spéciale. Dans les documents de l'ancien usage milanais, cette prière comportait une invocation à l'Esprit septiforme. Les auteurs espagnols semblent aussi faire allusion à une invocation de ce genre. Les formules conservées dans les livres liturgiques ne contiennent autre chose

celle-ci soit correcte. Alors elle nous offrirait un symbolisme spécial, suivant lequel le chrême serait considéré comme un vêtement.

(1) C'est la formule du Misa, gothicum et du sacramentaire de Bobbio. Le Miss, galL omet cette cérémonie.

(2) Avant, d'après le Miss. goUi.; après, suivant le sacramentaire de Bobbio.

(3) Texte du Miss, goth, Los autres sacramentaires offrent à peu près la môme teneur. Saint Césairo (serm. 160, De temp,) suppose une formule toute semblable à celle-ci. On peut en dire autant de saint Maxime de Turin {De bapi,, tract. 3).

(4) Can. 48.

l'initiation chrétienne. 315

qxl'une prière pour la persévérance des nouveaux bap- tisés (1).

Après cette prière, Tévéque rentrait à Téglise et commençait la messe, à laquelle communiaient les làéopliytes. Les fêtes pascales ne semblent pas avoir présenté (l'autre particularité que la double messe ^u dimanche de Pâques et la célébration quotidienne la liturgie pendant la semaine suivante (2).

S 3. L^ rites de l'initiation dans les églises orientales.

Kous sommes assez bien renseignés sur Tancien ^it\iel baptismal de TOrient proprement dit. Le qua- *^îéme siècle nous fournit les catéchèses de saint ^'yrille de Jérusalem, les descriptions des Constitu- tions apostoliques (3) et celles de la Peregrinatio de ^îlvie* Au commencement du sixième siècle, nous ^Vons le faux Denys TAréopagite. Autour de ces textes fondamentaux, on peut grouper les rensei- gnements épars dans les auteurs et ceux qui se dé- ciuisent des livres liturgiques actuellement en usage. Le plan de ce travail m'interdisant de descendre trop bas et de m'étendre trop au long, je m'en tiendrai aux quatre documents que j*ai mentionnés en premier lieu.

Avec saint Cyrille nous pouvons suivre toute la sé- rie des rites préparatoires et de ceux de Tinitiation elle-même. Ses catéchèses se divisent en deux grou- pes, suivant qu'elles précèdent l'initiation ou qu'elles

(1) Le Miss, goth. contient deux invitatoires , mais aucun texte d*oraison ; le Miss. g&ll. a une oraison sans invitatoire. Les deux se trouvent dans le sacramentaire de Bobbio.

(2) Les livres de la liturgie ambrosienne ont, pour chaque jour de la semaine de Pâques , deux messes , dont Tune suppose toujours la présence des néophytes.

(3) III, 15, 16.

316 ORiaiNBS DU CULTB CHRÈTIBN.

la suivent. La première , sorte de discours prélimi- naire, appelé Procatéchèse, nous montre les catéchu- mènes se présentant au commencement du carême, pour se faire inscrire comme candidats au baptême. C'est aussi ce que nous apprend la Pérégrination de Silvie. Les noms inscrits, on prenait jour, et Tévé- que , assisté de ses prêtres et de tout son clergé, pro- cédait à une sorte de scrutin général. Les candidats comparaissaient un à un devant lui , accompagnés de leurs parents. L'évoque interrogeait les voisins de chacun d'eux, s'enquérant de sa conduite; si le can- didat était étranger, il exigeait de bons certificats. Au cas le candidat n'était pas jugé digne de se pré- senter au baptême, on le remettait à une autre fois. Si les renseignements étaient favorables , on l'accep- tait, et dès lors il était rangé au nombre des compé- tents {compétentes , ^toxiWfxivoi).

P(îndant tout le carême, les compétents étaient convoqués chaque matin, à l'église, pour subir les exorcisnies et entendre la prédication de l'évêque (1) ou de son délégué. Les exorcismes étaient faits par des clercs inférieurs; ils étaient accompagnés d'exsuf- flations. Cyrille semble dire que, pendant que Ton prononçait les formules de conjuration , les candidats avaient le visage couvert.

Au bout d'un certain temps (2), avait lieu la Tradi-

(1) La Peregrinaiio suppose que c'est l'évêque qui prêche ; mais il est clair qu'il pouvait se faire remplacer. Cyrille était encore prêtre quand il prononça ses catéchèses.

(2) Dans la série dos catéchèses do saint Cyrille, celle de la Tradi- tion du symhole occupe le cinquième rang. Bilvie rapporte que les cinq premières semaines du Carême sont consacrées, d'une manière générale, à l'explication dos Ecritures et des dogmes, et que la Tra- dition a lieu au commencement de la sixième semaine. 11 en est de mémo dans le rit gallican ; mais , commo le carême de Jérusalem était do huit semaines au temps de Silvie, la Tradition se trouvait placée trois semaines avant Pâques.

i

l'initiation chrétienne. 317

tion du symbole. Comme partout ailleurs, le symbole était enseigné de vive voix et non par écrit. Cyrille , pour cette raison, s*est abstenu d'en insérer le texte dans ses catéchèses. Après la tradition, renseigne- ment suivait les articles du symbole et se continuait jusqu'au commencement de la semaine sainte. Alors avait lieu la Reddition du symbole ; chacun des can- didats se présentait devant Tévôque et lui récitait le symbole appris par cœur. Dans les catéchèses du ca- rême, on réservait la doctrine sur les mystères de Teucharistie et du baptême ; elles formaient le thème des instructions que les néophytes recevaient pendant la semaine de Pâques.

A Jérusalem, les solennités de la Passion avaient trop d'importance et prenaient trop de temps pour que l'on pût s'occuper des candidats au baptême pen- dant la semaine sainte. Ils reparaissaient dans la nuit de Pâques, pour les cérémonies de l'initiation. On les recevait dans le vestibule du baptistère et la cérémo- nie commençait par l'abjuration de Satan (1). Le can- didat se tournait vers l'Occident , la région des ténè- bres , étendait la main et prononçait la formule de re- niement, en s'adressant à Satan, comme s'il eût été présent :

« Je renonce à toi , Satan , à toutes tes œuvres , à toutes tes pompes, à tout ton culte (2). » Il se retour- nait ensuite vers l'Orient, le côté de la lumière, et récitait, pour la seconde fois, la formule du symbole. Cette cérémonie , avec ses deux parties symétriques ,

(1) Suivant Denys, le candidat se dépouillait préalablement de presque tous ses vêtements.

(2) Cette formule est celle de saint Cyrille, qui mentionne expres- sément remploi de la seconde personne ; dans les Constitutions apos- toliques, le candidat s'exprime ainsi : « Je renonce à Satan, à ses œuvres, à ses pompes, à son culte, à ses usages, à ses inventions et à tout ce qui est de son domaine. »

318 0RI0INB8 DU CULTB GHRÉTIBN.

formait ce que Ton appelle en grec Tâit^aStç et h

advTQtÇic (1).

Le candidat quittait alors ses vêtements et péné^ trait dans Tintérieur du baptistère. Il recevait aussitôt une onction (2) d'huile exorcisée, depuis la tête jus- qu'aux pieds. Pour les femmes, cette onction était pratiquée par des diaconesses.

Après cette onction, le néophyte entrait dans la piscine, préalablement bénie par Tévôque (3). Il con- fessait encore sa foi, en répondant à une triple inter- rogation de l'officiant, et par trois fois il était plongé dans Teau sainte.

Sorti de la piscine , le candidat (4) recevait Tonction d'huile parfumée (fAupov, chrême). D'après saint Cyrille, elle se faisait au front, aux oreilles, au nez, à la poi- trine. Il se tournait enfin vers l'Orient et récitait l'oraison dominicale (5).

§ 4 . Comparaison des rites , leur antiquité.

Sous cette diversité des rituels il est facile de re- trouver partout les mêmes cérémonies principales. Elles se divisent en deux séries. Avant le baptême, il y a d'abord une cérémonie d'admission au catéchu- ménat, puis une préparation, comportant des exorcis- mes multipliés, des instructions, la tradition et la reddition du symbole, une onction, la renonciation à Satan. L'initiation elle-même comprend la profession

(1) Ici Denys place une prière accompagnée de l'imposition des mains.

(2) D'après Denys , Tévéque commence lui-môme cette onction par une triple consignation; les prêtres l'achèvent.

(3) Denys marque que la bénédiction était accompagnée d'une triple infusion de chrême, en forme de croix.

(4) C'est ici que, d'après Denys, il reprend ses habits.

(5) Cette prière n'est mentionnée ni par Cyrille, ni par Denys.

l'initiation ghrétiemnb. 319

de foi, rimmersion, Tonction d'huile parfumée, la consignation, l'imposition des mains.

Le rite d'admission au catéchuménat comporte l'ex- sufflation, cérémonie en rapport avec l'exorcisme, et l'impression du signe de la croix. A Rome, on y joint l'imposition du sel ; en Espagne, et probablement en Gaule , on fait à ce moment l'onction , qui , dans les autres pays, est renvoyée au jour du baptême.

La préparation immédiate des compétents ou fftniiiéiuvoi a lieu partout pendant le carême (1). A un certain moment, on enseigne solennellement aux candidats le symbole de la foi chrétienne. A Rome , la tradition du symbole est accompagnée de la tradi- tion de l'Evangile et de l'oraison dominicale.

Au dernier moment, sauf en Espagne (et peut-être en Gaule), les candidats reçoivent l'onction prépara- toire, avec impression du signe de la croix sur les organes des sens, notamment sur les oreilles et sur la bouche. A Rome , la consignation des organes des sens se fait avec la salive; en Orient et dans les pays gallicans, avec la même huile qui sert à l'onction du corps (2). Dans tous les pays latins, cette cérémonie précède le renoncement à Satan; dans les autres , elle le suit immédiatement.

Le triple renoncement à Satan , ou abjuration du paganisme, est commun. lui aussi à tous les rites. Partout , sauf dans les pays gallicans , il est suivi de la récitation du symbole (3), par laquelle le candidat

(1) C'est même de cette préparation que dérive le carême, selon toute vraisemblance. Voy. ci-dessus, p. 232.

(2) A Alexandrie, on sépare l'onction de VEffeta, h'Effeta se fait, comme à Home, avant la veillée pascale, après lo dernier exorcisme. Peut-être employait-on la salive ; en tout cas, l'usage de l'huile n'est pas indiqué. Ceci résulte d'un rituel copte traduit en grec par Lagarde et publié par lui dans ses Reliquiae iuris ecclesiastici antiquissimae ; cf. Bunsen, Christianity and Manhindy t. VI, p. 465.

(3) En Orient, il y avait deux « redditions » du symbole (voy.

320 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

exprime son adhésion à son nouveau maître, Jésus-^ Christ.

La dernière profession de foi, sous forme de ré- ponse à une triple interrogation , se rencontre par- tout. Il en est de même de la triple immersion , sauf en Espagne, l'immersion ne se fait qu'une seule fois. Une particularité spéciale à la Gaule et à la Haute Italie , c'est le lavement des pieds après le baptême.

L'onction parfumée, la consignation et l'imposition des mains (1) sont aussi des cérémonies universelle- ment observées. La consignation a lieu avec la même huile odoriférante que l'onction elle-même. A Rome et à Alexandrie (2), l'onction ou chrismation est sépa- rée de la consignation. Elle est opérée par un prêtre, tandis que la consignation est réservée à l'évêque. En Orient et dans les pays gallicans, la consignation se fait en même temps que la chrismation, par l'évêque s'il est présent, par un prêtre ordinaire, s'il est absent ou empêché.

Toutes ces cérémonies étaient en usage au com- mencement du quatrième siècle : cela ne fait aucun doute. Elles ont donc été introduites avant la paix de l'Eglise et même avant la persécution de Dioclétien. Mais jusqu'où peut-on les suivre, enremontant le cours des trois siècles antérieurs ?

Le Nouveau Testament (3) nous présente, dès les premiers jours , une initiation distribuée en deux ac- tes, dont run,jle baptême d'eau, a la vertu de purifier

p. 317) : l'une avant le jour de l'abjuration , l'autre aussitôt après cette cérémonie. Le rit gallican n'a conservé que la première.

(1) Les rituels grecs ne mentionnent pas express.ément l'imposition des mains ; mais il est sûr qu'elle a été autrefois jointe à la prière qui accompagne la consignation , prière dans laquelle le Saint-Esprit est invoqué. Cf. ci-dessous, p. 327 note 3.

(2) Rituel cité plus haut, p. 319, note 2.

(3) Surtout Actes, VIII, 12-17; XIX, 5, 6.

K.'lNITIATION OHR^IBIfNB^ 321

le converti de ses péchés , Tautre fait descendre TEs- prit-8aint dans Tâme du néophyte (1). Le baptême esl absolument indispensable, la collation de TEsprit-Saint n'est que le complément de l'initiation ; cependant , tandis que le baptême peut être conféré par des mem- bres secondaires de la communauté chrétienne , la collation de TEsprit-Saint est réservée aux grands chefs, aux apôtres et aux personnages revêtus de pou- voirs apostoliques. Ils procèdent par Timposition des mains ; dans ces temps anciens le rite de Fonction n'est mentionné nulle part.

Les Pères apostoliques, les apologistes du deuxième siècle, ne nous en apprennent pas davantage. Saint Justin, dans sa description de l'initiation des néophy- tes (2) , ne parle que du premier acte du baptême d'eau ; il en est de même de la Doctrine des Apôtres.

Il faut descendre jusqu'au temps des Sévère , aux environs de l'an 200, pour trouver l'onction mention- née avec une entière précision (3). TertuUien et saint Hippolyte (4), le premier surtout, s'expriment avec une clarté qui ne laisse rien à désirer. TertuUien décrit en plusieurs endroits les rites de l'initiation. Il a écrit un traité spécial sur le baptême. Il enseigne que le baptême doit être donné par Tévêque , et , sous son autorité, par les prêtres et les diacres, mais que pour- tant il peut être, en certains cas, conféré par des laï- ques. Le candidat doit s'y préparer ar la prière , le jeûne, es veilles saintes. On le célèbre ordinairement à Pâques ou dans les cinquante jours qui suivent.

(1) Les textes ci-dessus supposent que TEsprit-Saint manifestait alors sa présence dans les initiés par des signes analogues à ceux dont il a été question ci-dessus , p. 47.

(2) Apol., I, 61-65.

(3) V07. cependant, dans Théophile, Ad Autolycum, I, 12, une al- lusion qui, si elle n'est pas sûre, est pourtant assez probable.

(4) In Dan. y V, 17 ; De Christo et AntichristOy 59.

21

322 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Avant d'entrer dans la piscine, préalablement bénite, le néophyte renonce solennellement au diable , à ses pompes et à ses anges (1). Après le bain sacré , con- féré au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, il reçoit une onction d'huile bénite et l'imposition des mains, pendant laquelle Tévêque appelle le Saint-Es- prit sur lui. Dans son traité de la Résurrection de la chair ^ le même auteur condense en quelque mots tout le rituel baptismal; il mentionne ici, non seule- ment la chrismation, mais la consignation (2) et aussi la première communion : Caro abluitur , lU anima emaculetur ; caro ungitur, ut anima consecrePur ; caro signatur, ut et anima muniatur ; caro manus im^osi' tione adumbratur, ut et anima spiritu illuminetu/r, caro corpore et sanguine Christi vescitu/r^ ut et anima Dec saginetur (3). Enfin, dans son traité contre Mar- cion (4) , il parle du breuvage de lait et de miel qu Ton donnait aux néophytes.

Nous avons donc ici presque tous les rites du bap téme et de la confirmation, au moins ceux qui étaientjcr au quatrième siècle, d'usage universel. Il n'y en qu'un qui ne soit pas marqué, c'est celui de l'onctio préalable au baptême. Pour celui-là je ne saurais in diquer de références antérieures au quatrième siè- cle (5).

TertuUien parle de tous ces rites comme de choses reçues , reçues partout et depuis longtemps. Il argu-

(1) Ce détail ne se trouve pas dans le traité De baptismo, mais dan: le De corona militiSt c. 3.

(2) Cf. Prescript.y 40.

(3) De resurr, , 8.

(4) I, 14.

(5) Il est possible qu'il soit beaucoup moins ancien que les autres à la fin du quatrième siècle , sa place était encore un peu flottant, dans les rituels occidentaux. Cf. ci-dessus, p. 306. Je serais porté croire que ce n'est qu'un dédoublement do l'onction d'après le téme.

r

L*U<ITIATION GHRl&TIEMNB; 323

mente contre Marcion (1) en constatant que la secte de celui-ci a le même rituel baptismal que T Eglise ca- tholique, en particulier, le baptême d'eau, Tonction, la consignation du front , le breuvage de lait et de miel. On sait du reste que les Valentiniens et autres sectes gnostiques donnaient beaucoup d'importance à 1 onction , beaucoup plus que ne le faisait l'Eglise catholique (2). Il est difficile de croire (3) que (Tes sec- tes, fort anciennes, n'aient pas emprunté ces usages ^^ rituel déjà établi lors de leur séparation, quelles î"Ue soient d'ailleurs les modifications qu'elles ont pu 7 introduire par la suite.

Quoiqu'il en soit de ce raisonnement chronologique ^Vir les cérémonies de l'onction , de la consignation , ^\i breuvage de lait et de miel , il est sûr que la dis- tx^ibution de l'initiation en deux actes distincts, telle que nous la trouvons déjà dans le Nouveau Testa- xàent, se maintint dans l'usage. La distinction se ma- Xiifesta avec beaucoup d'évidence au moment éclata la controverse à propos du baptême des hérétiques. Il va de soi que des cérémonies aussi importantes étaient présidées par l'évêque. Cependant, comme elles fussent devenues interminables si l'évêque avait lui-même accompli tous les rites sur tous les initiés, il se produisit de bonne heure un partage d'attributions. L'évêque bénissait les huiles saintes, puis la piscine, et baptisait de sa main quelques néophytes. Les prê- tres, assistés de ministres d'ordre inférieur, conti- nuaient l'administration du bain sacré. Quant aux dernières cérémonies, lachrismation, la consignation,

(1) Loc. cit. ; cf. III, 22.

(2) Irén. , I, 18-22; voy. aussi les Actes apocryphes de saint Tho- mas (édition Max. Bonnet), et la curieuse épitaphe gnostique trouvée à Rome {Corp. inscr. gr aec^ n* 9595 a).

(3) Le contraire est facile à dire (Renan, L'Eglise chrétienne y p. 154), mais non à démontrer.

324 ORIGINES DU GULTB GHRÉTIBN.

Timposition des mains, elles furent réservées à l'évo- que. A Rome, cependant, et à Alexandrie, sans doute à cause de la longueur du service, les prêtres ré- pandaient d'abord Tonction (Ihuile parfumée (saint chrême) sur la tête du néophyte ; le pape n'avait plus que la consignation à faire, avec l'imposition des mains.

Quand les églises locales furent subdivisées, et qu'il se fut créé, en dehors de la ville épiscopale, des pa- roisses sujffragantos , il fallut bien confier aux prêtres de ces paroisses le droit de célébrer le baptême. Mais on ne le leur accorda nulle part dans toute son éten- due. La bénédiction du chrême, et, en général, des huiles servant aux onctions baptismales, fut partout interdite aux prêtres. Ils étaient obligés de recourir à révêijue pour obtenir ces éléments, tout consacrés (1). Par cette réserve fut symbolisée l'idée que nul n'en- tre dans la communauté chrétienne sans une certaine intervention personnelle de celui qui en est le chef suprême.

Pour le reste, le baptême d'eau, que, de tout temps, ^ ^, on considéra comme valide alors même qu'il était •* it conféré par un siini)le chrétien, fut rangé dans les at- —•at- tributions des prêtres chefs de paroisse. Il en fut de ^^ ic même de la l)énédiction des piscines, et même, dans ^ les pays de rit romain, de la chrismation. Dans ces ^3 «s pays hi consignation seule, avec l'imposition des^s^s mains, fut réservée à l'évêque, qui les accomplissait J* ît soit dans sa ville épiscopale, soit dans ses visites J^ 5 diocésaiiKîs. En Orient, comme il n'y avait pas de distinction entre la chrismation et la consignation , « les prêtres eurent le droit d'accomplir toute la céré-

(1) Innocont, leltre à Docontius, c. 3 ; III* concilo de Garthage [397], c. 3») ; I" concile do Tolcdo [4{X)], c. 20 ; I" concile do Vaison [442], c. 2, etc.

l'initiation chrétibnnk. 325

ûiorue (1). Il y a lieu de croire qu'il en était aussi de Diéme dans les pays de rit gallican, pour la même raison; mais Tinfluence de la discipline romaine pa- rtit avoir introduit quelques restrictions (2).

S 5. La réconciliation des hérétiques,

Ija question de savoir jusqu'à quel point l'initiation ctiïétienne est valable quand elle est célébrée dans ^ïXe secte hérétique , avait déjà préoccupé les esprits ^ès avant la fin du deuxième siècle. Tertullien la traite *^ns son traité du baptême , ou plutôt il rappelle la Solution qu'il lui avait déjà donnée dans un livre ^t^écial, rédigé en grec (3). Suivant lui, l'initiation ^^lébrée par des hérétiques séparés de l'Eglise n'a ^Xacune valeur. Un homme qui s'est converti du pa- ganisme (4) à une secte hérétique, qui a été initié par A^s chefs de cette secte et qui l'abandonne ensuite l^our entrer dans TEglise catholique, doit être traité Oomme un païen, comme un non-initié : il faut le fcaptiser, car le baptême qu'il a reçu n'est pas valable.

Le système de Tertullien était celui de l'église

(1) Même en Egypte, oii pourtant cette distinction existait. Hilaire i^Ambrosiàster) , în Eph., IV, 21 ; Quàesi. Vet, et Norù. Testatnentiy 101 (Migne, P. L., t. XVII, p. 388 ; t. XXXV, p. 2302).

(2) La lettre d'Innocent à Decentius, c. 3, constate, en le combat- tant, Tnsage qui accordait aux prêtres le droit de confirmer; cet usage est indiqué, pour la Gaule, par les coocileis d'Orange (441, c. 1,2) et d'Epaoae (517, c. 16); pour rÊspaf^e^ par le premier concile de Tolède (400, c. 20), et par les Capitula Martini ^ c. 52. Sur un débat qui se produisit dans l'île de Sardaigne, probablement par le conflit de» deux usages, voy. Greg., M., Èp. IV, 9, 26; cf. l'épitaphe de Maréas (Lib, pontif,, t. I, p. 302, note 34).

(3) De baptismoy 15.

(4) C'est le seul cas qui soit considéré ici. Celui de l'enfant de parents hérétiques et baptisé en bas âgo dans leur secte doit lui être attiéremenil assimilé. Quant aux chrétiens qui abandonnaient l'Eglise pouv entrer dan» mne secte, et qui, revenant à leur première foi, de- mandaient à être réintégrés dans la communauté , ils étaient soumis à la pénitence.

326 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

d'Afrique, en particulier de Téglise métropolitaine de Carthage. On suivait la môme pratique daiis les égli- ses de Syrie et d'Asie-Mineure. Il n'en était pas de même à Rome et à Alexandrie. Dans ces deux gran- des églises et dans celles qui suivaient leur direction, il s'était introduit une distinction. On admettait comme valable le baptême d*eau, quel qu'en fût le ministre, et dans quelque secte qu'il eût été conféré , pourvu que les formes essentielles eussent été respectées. Quant au reste de l'initiation, on le rejetait ; il devait donc être réitéré pour l'hérétique qui demandait à entrer dans l'Eglise.

Cette divergence donna lieu , vers l'année 256 , à un débat très vif entre le pape Etienne et saint Cy- - prien, évêque de Carthage ; mais les usages en con- - Ait ne furent pas modifiés pour autant. Ce n'est d qu'en 314, au concile d'Arles, que l'Eglise catholique ^

d'Afrique renonça à son ancienne pratique (1). Cel

le-ci fut maintenue avec persistance par les Donatis- tes ; ils l'appliquèrent même à l'Eglise catholique, trai- tée par eux comme une secte dissidente. En Orient ^ aussi, on continua à considérer le baptême des héré- - tiques comme invalide (2). Cependant il s'introduisit - bientôt des distinctions. Déjà. le concile de Nicée prescrit un traitement différent pour les Novatiens et les partisans de Paul de Samosate (3). Le septième canon de Constantinople, qui, bien qu'il n'émane pas du concile œcuménique de 381 , témoigne cependant de l'usage de l'église de Constantinople au cinquième siècle, distribue les sectes hérétiques en deux caté- gories, celles dont on accepte le baptême sans la con-

(1) Conc, ArelSLLt I, c. 8; cf. Conc. Carthag. I (347), c. 1.

(2) Const. App., VI, 15; Can. App.^ 46, 47; saint Cyrille de Jéni- salem, Procsitech.y 7. La rebaptisation pratiquée si longtemps par les barbares ariens procède de cet usage.

(3) Cf. s. Basile, ép. 188.

l'initiation ghrétibnnb. 327

flnnation, et celles dont le baptôme et la confirmation sont répudiées (1). Les Monophysites, séparés au cin- quième et au sixième siècle, furent traités avec moins de rigueur. On les admettait sur une simple profes- sion de la foi orthodoxe (2). L'Occident demeura fidèle à la vieille pratique ro-

lûaîne. Elle est souvent recommandée par les papes;

les conciles, les histoires relatives aux conversions

d'hérétiques, les livres liturgiques eux-mêmes témoi-

^ent de sa persistance (3j.

(1) Ce canon fut inséré dans le concile in Trullo (c. 95), et prit *i^à8i place dans le droit canonique byzantin.

(2) Greg. M., Ep., XI, 67.

(3) Jaflfé, 255 (Sirico ; cf. le concile romain de 386, c. 8), 286, 303 (ÏXinocent), 536, 544 (Léon); Greg. M.. Ep,, XI, 67; concile d'Orange (Ml), c. 1; de Tolède (589); Grégoire de Tours, Hist, Fr., II, 31, 34; *V, 27, 28; V, 38; IX, 15; Viri. s. Martini, 1,11; sacram. gélasien, ^ » 85, 86, etc. Il n'est pas inutile de signaler ici une différence ^'«xpression qui se retrouve perpétuellement dans les textes quand ^ s'agit du rite collateur du Saint-Esprit, soit qu'on le considère ^^mme célébré à la suite d'un baptôme régulier, soit qu'on le pré- ^^nte comme servant à la réconciliation des hérétiques. Tantôt on ^«rle d'onction , de chrismation, tantôt d'imposition des mains. ;Mai8 ^X saf9t de rapprocher les textes pour voir que l'un ne va pas guère ^ans Tautre. En général, les documents romains emploient le terme de ^^onsign&tio quand il s'agit de la confirmation ordinaire , et celui de "^Tianus impositio pour la réconciliation des hérétiques. Il est même 1[>08sible que, dans les pays de rit romain, on n'ait pas renouvelé toute la cérémonie sur les hérétiques convertis. Certains passages de saint Optât et de saint Augustin donnent lieu de le croire , et on peut en dire autant du texte de saint Grégoire le Grand {Ep, , XI , -67) : a Arianos per impositionem manus Occidens , per unctionem vero sancti chrismatis... Oriens reformat. » Mais les lettres de saint Léon et des autres papes citées plus haut ne permettent pas de dou- ter que, s'il en était réellement ainsi, on plaçait l'essentiel du rite, la collation du Saint-Esprit, dans l'imposition des mains. En pays galli- can, c'est toujours la chrismation, et non l'imposition des. mains, •qui est mentionnée dans les textes. Quant à l'Orient, la phrase de saint Grégoire est entièrement d'accord avec la règle posée par le septième canon de Gonstantinople ; mais cela n'empêche pas que les livres rituels ne mentionnent expressément l'imposition des mains quand il s'agit des hérétiques. En revanche, ils ne la mentionnent pas dans la confirmation ordinaire , bien que les auteurs , Chrysos-

ORiMMiB nv eovtm cHBÉTmf.

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tome, Théodoret, Gennadiiit, Photivs, Vi$/ié Us oow ttt^ta Hebr,, VI, 1, aa manquent Jamait d'en j;>arler expreM réete, Tmiteiir des Con$HiuîUmê tLpoêtoliques, VIII, 2S, toi eer lldée que le prêtre a le pouvoir de confirmer maie no HfTi f'fsprieie ainal : f Q^fêtfdTfpoç*.. x«*P«****^ ^ x<^P«*^< p^lle aqfii (III, 15) imposition des mains (xtcpoOsoia) la dans laqndle l'éféqne fait l'onction parfumée après le b fsnt donc ic| se défier on pen des termes isolés et consi< Jours la chose plutôt que Texpression.

V

tl

CHAPITRE X.

L ORDINATIOK.

S 1. la hiérarchie ecclésiastique.

La hiérarchie ecclésiastique, dans son état primi- tif, comprenait, comme on Ta vu plus haut, les trois degrés de Tépiscopat, du presbytérat et du diaconat. Les fonctions des deux premiers ordres ne pouvaient être exercées que par des hommes, mais les femmes avaient été associées, dans une certaine mesure, aux

$oins du ministère diaconal. A côté des diacres du sexe masculin, Tancienne Eglise connaissait des dia- conesses (1), qui portaient aussi le nom de Veuves, X^ipat, viduae, ou môme de Vierges, virgines canonicae.

(1) L'inscription suivante, découverte dans le cimetière de Priscille, est peut-être la plus ancienne des inscriptions chrétiennes qui men- tionne un membre du clergé. C'est Tépitaphe d'une diaconesse {jk^qql) :

^XéJSik * APKAC XHPA HTIC IÇïldeN AITH DE MHTPI YXuxuTATH 4>A(£BIA . eEO^IAA »vyAtHP M>mCEN

» Flavia Areas, veuve, qui vécut quatre-vingt-cinq ans. A sa mère » chérie Flavia Théophila , sa fille , a fait (ce tombeau). » H est diA* cile qu'il soit question ici d'une veuve ordinaire. A quatre-vingt- cinq ans , la viduité n'est pas une situation si rare qu'on soit porté k la mentionner dans les épitaphes (De Rossi , Bull,, 1886, p. 90 ; cf, Bull, critique, t. VUI, p. 255).

330 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Elles s'occupaient surtout des œuvres de charité et d'hospitalité ; mais elles avaient aussi quelques fonc- tions liturgiques , dans la célébration du baptême et des agapes. Quant au ministère de Tautel , il était ré- servé aux diacres, et l'on ne voit pas que, sauf abus, les diaconesses y aient eu aucune part.

Le diaconat des femmes se maintint jusqu'au cin- quième et au sixième siècle. Alors les baptêmes d'adultes étant devenus de plus en plus rares, les dia- conesses perdirent l'occasion d*exercer leurs, fonctions liturgiques ; les monastères de femmes attirèrent peu à peu à eux les saintes personnes qui vivaient dans le siècle de la vie religieuse. On s'habitua à se pas- ser de cet ordre spécial , exceptionnel. Déjà , au mi- lieu du troisième siècle , les diaconesses de Rome étaient rangées dans le canon, c'est-à-dire dans le groupe des personnes assistées par Téglise, et non dans le clergé proprement dit (1).

Pendant que le diaconat des femmes perdait ainsi de son importance, celui des hommes prenait un grand développement; les fonctions des diacres se répartissaient entre les degrés d'une hiérarchie plus ou moins compliquée. En Orient, on s'en tint à deux degrés, celui de diacre et celui de sous-diacre. A Rome, le sous-diaconat fut lui-même subdivisé : outre les sous-diacres, il y eut des acolytes ou suivants, La lec- ture des livres sacrés , dans les assemblées liturgi- ques, avait d'abord été confiée à des personnes quel- conques , désignées par les présidents. Elle devint de très bonne heure une fonction : les lecteurs apparais- sent dès la fin du deuxième siècle ; on les rangea aussi dans le clergé. Il en fut de même, à Rome, des exorcistes et des portiers. En Occident , les exorcistes

(1) Sur les diaconesses, voy. Thomassin, Discip. de l'Eglise , I, i, 52 ; II, I, 43.

l'ordination. 331

^v^sûent des fonctions assez actives dans le service de ^^ préparation au baptême. En Orient, ces fonctions ^^^nt dévolues à d'autres clercs , les exorcistes furent PÎ^xitôt considérés (1) comme des personnes inves- ti ^s de pouvoirs surnaturels extraordinaires, qui leur étaient donnés par Dieu directement et non pas par l'Eglise. Ils restèrent, pour cette raison, en dehors ^e la hiérarchie ecclésiastique. Quant aux portiers, On ne jugea pas à propos d'agréger au clergé propre- ment dit des employés d'un ordre aussi vulgaire (2). Il y eut donc deux types de hiérarchie, Tun à cinq, l'autre à huit degrés.

La lettre écrite, en 251, par le pape Cornélius (3) à Tévêque d'Antioche Fabius contient un dénombre- ment précis du clergé romain. Il y avait alors qua- rante-six prêtres, sept diacres, sept sous-diacres, qua- rante-deux acolytes, cinquante-deux clercs inférieurs, exorcistes, lecteurs, portiers ; outre cela plus de quinze cent veuves ou assistés. Nous avons ici, en y com- prenant le pape lui-même, les huit ordres de la hié- rarchie ecclésiastique latine (4). Fabien, le prédéces- seur de Cornélius, avait constitué les sept régions ecclésiastiques (5) et les avait réparties entre les

^1) Const. Ap., VIII, 26.

(2) Cependant, au-dessous des degrés de sous-diacre et de lecteur, ou plutôt en dehors de la hiérarchie proprement dite, TOrient con- naissait d'autres catégories, les unes communes à toutes les églises, les autres diversifiées suivant les localités et leurs nécessités spécia- les, confesseurs, vierges, veuves, psalmistes, portiers, interprètes, copiâtes , parabolans , etc. Const. Ap, , VIII , 23-28 ; Pseudo-Ignace , Àntioch., 12; Epiphane, Expos, /îd., 21 ; Concile d'Antioche, c. 10; de Laodicée, c. 23, 24.

(3) Eusébe, H. E,, vi, 43.

(4) La correspondance de saint Cyprien prouve qu'à Carthage aussi et au milieu du troisième siècle, on connaissait tous ces degrés, sauf peut-être celui de portier, que je n'y vois pas mentionné. Mais le silence sur cet ordre s'explique par le peu d'occasions que saint Cy- prien et ses correspondants pouvaient avoir de les mentionner.

(5) Catal. libérien ; voy. mon édition du Liber pontif.f t. I, p. 5.

332 ORiaiNBS ou cultb chrétien.

Bopt diacres. Cette répurtitiou eutmlna aussitôt u distribution du clergé qui subsista bien lougtemp après, la distribution en sept régions. Le diacre Jean au commoncemont du sixième siècle, le remarque ex< pressèment : « Septem regionibus ecclosiasHca a^ nos milUia continetur (1). » Les Ordines Homani d huitième et du neuvième siècle sont encore plut clairs h co sujet. U faut noter, du reste, que le nom bro d()s régions, non seulement est égal, dès Torigine à colui dos diacres et des sous-diacres, mais qu'il évidemment influé sur celui des acolytes. Quarante-— deux acolytes , cela fait six par région. Ajoutées l^v sous-diacre, vous avez, dans chaque région, septi^ clercs inférieurs au diacre, les six acolytes et le sous diacre, qui est comme l'acolyte eu chef.

Il y a donc lieu de considérer les fonctions de sous diacre (it d'acolyto comme un développement de (iel-^ les du diacre. Du reste ces trois catégories do clercs oat^ ceci de comnuin qu'elles sont attachées au service à& Tautel, co qui n'(^st pas le cas pour les clercs info— ritiurs (2).

Les acolytes se rencontrent à Rome et à Carthage dès le milieu du troisième siècle. Mais il n'en faut pas con(ilure (pie, mémtï en Occident, toutes les égli- ses, et surtout les petites , fussent pourvus de clercs de cet ordre. Tandis que les degrés d'exorciste et de lecteur se rencontrent un peu partout, celui d*acolyte

(1) Ep. 9Ld Sen&rium, 11 (Migno, P, L., t. LIX, p. 405.)

(2) Ceci eat trài bion expoHÔ par lo diacre Joan, loc» cit., 10 : « Acu- lythi autoin oxorciaUH hoc ordiuc difforunt quod exorcisUt portandi •acramenta oaquo Har.ordutibus miniHtrandi negata potostat est, tan- tumquo manuB iiupositioai vacent, proptor quod exorcistae dicuntur, yel caetera quae intra acolyUioruni ordiuoin etse probantur explore f«8tiaont. Acolytbi vero Aacramontorum purianda vasa suscipiuut et miniatraudi sacordoiibui ordinein goruiit. Idooque exorcista àori po« test acolytbuH ; iste vero ad oxorcistarum offlciuiu uulla penituo pro» moUone descendit. »

f

l'ordination. 333

manque dans certains pays de Textrôme Occident (1). A I Rome, depuis Tinstitution de la schola cantorum , les I acolytes se trouvant être les seuls bas clercs en ser- I vice actif, prirent une importance plus grande encore

que par le passé. Ils sont mentionnés à chaque ins- tant dans les Ordines du huitième et du neuvième siè- cle. Les prêtres cardinaux n'ont point d'autres assis- tants dans leurs églises titulaires ; dans les cérémonies pontificales, ils sont chargés de tous les services infé- rieurs, de plus en plus compliqués ; pendant le Ca- ï^^me et aux solennités baptismales, ils exercent les foxictions dévolues autrefois aux exorcistes, comme les sons-diacres ont absorbé celles des lecteurs.

Des portiers, lecteurs, exorcistes, le pape Cornélius

'^ e marque que le nombre total , embrassant les trois

Catégories. Chacune d'elles en contenait moins qu'il

y avait d'acolytes. Le nombre do ces clercs devait

re en rapport avec des nécessités de service que

ous ne connaissons que très vaguement (2).

Les portiers sont assez rarement nommés dans les

documents romains (3). Les lecteurs y figurent , au

(1) Voy. plus loin, p. 352. L'opigraphio chrctienno de la Gaule ïie donne, à ma connaissance, qu'un seul acolyte, à Lyon, en 517 (Le Blant, 36). Les Statuta prouvent que ce degré était connu dans la province d'Arles.

(2) Dans le procès-verbal de saisie de l'église de Girta, en 303, on voit figurer avec l'évéque trois prêtres, trois diacres, quatre sous- diacres, des fossores en nombre plus considérable, mais indéterminé ; six seulement sont nommés. Outre ce clergé, présent à la saisie, il y a sept lecteurs. I\ n'est question ni d'acolytes , ni d'exorcistes , ni de portiers (Migne, P., L., t. VIII, p. 731). Remarquer la conformité du nombre des prêtres et des diacres avec les prescriptions de la Con- stitution apostolique égyptienne, Funk, Doctrina apostolorurriy p. 62, 66; cf. Bulletin critique, t. VIT, p. 366.

(3) Le plus ancien , à ma connaissance , est ce Romanus ostinrius, que le Liber pontificalis (t. I, p. 155) assigne pour compagnon de mar- tyre à saint Laurent, en 2^. Les décrétales des papes Sirice, Zo- sime, Gélase (Jaffé, 255, 339, 636), sur l'avancement dans la carrière ecclésiastique, ne font pas mention de l'ostiariat comme d'un ordre

334 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

contraire , très fréquemment. La série de leurs épi- taphes commence dès le deuxième siècle , par des monuments probablement antérieurs à Tertullien, le premier auteur qui les mentionne (1). Au quatrième siècle, c'était par excellence Tordre de début et de probation. C'est par lui que commençaient les jeunes clercs ; ils demeuraient lecteurs jusqu'à Tâge adulte, nécessaire pour exercer les ordres supérieurs (2). La plupart des carrières ecclésiastiques dont on connaît le détail ont commencé par le lectorat. C'est le cas de saint Félix de Noie , de saint Eusébe de Verceil, du père du pape Damase, des papes Libère et Sirice, du diacre de Fiesole Messius Romulus, de saint Epi- phane de Pavie et de bien d'autres (3). On ne doit donc pas s'étonner que ces clercs aient été fort nom- breux au quatrième et au cinquième siècle (4). Ceux

de début. Gélase , le seul qui le nomme , Toppose aux autres degrés en disant que la connaissance des lettres est obligatoire pour entrer dans les ordres, et que, sans elle , vix fortassis ostiarii {quis) possit implere ministerium. Le L. P. contient (t. I, p, 164, 171) deux énumé* rations des degrés de la hiérarchie; Tordre de portier no figure que dans la seconde : le Constitutum Silvestri l'omet cinq fois sur sept dans des cnumérations du même genre. Je ne connais pas d'inscrip- tion romaine qui mentionne ce degré. On le rencontre dans une loi de 377 {Cod, Theod., XVI, xii, 24) ; voy. aussi l'inscription de Trêves, Le Blant, 292, et la lettre des ss. Loup et Euphrone (Hardouin, Conciles, t. II, p. 791). Les portiers furent remplacés de bonne heure, à Rome, par les mansionarii, sorte de sacristains en dehors des or- dres, que l'on trouve dès le sixième siècle.

(1) Sur les ôpitaphes des lecteurs Fauor et Claudins Atticianus, voy. De Rossi, Bull, 1871, p. 32. Tertullien, Praescr., 41.

(2) Voy. les décrétales citées plus haut, p. 333, note 3. Les per- sonnes qui entraient dans le clergé à l'âge adulte pouvaient com- mencer aussi par le degré d'exorciste ; les enfants étaient toujours rangés parmi les lecteurs.

(3) Pour Félix de Noie, Paulin, Nat. IV Fel., v. 104 ; pour Eusébe, s. Jérôme, De Vtris, 96; pour le père de Damase, pour Libère, Si- rice, Romulus, inscriptions publiées dans mon édition du L. P., 1. 1, p. 213, 210, 217 ; dans le Bull, de M. de Rossi, 1883, p. 17; pour Epi- phane, sa vie par Ennodius (p. 332, Hartel).

(4) Le Constitutum Silvestri en compte quatre-vingt-dix à Rome.

l'ordination. 33&

dont les épitaphes nous sont parvenues étaient, en géné- ral, arrivés à Tâge adulte. Mais il y avait dans la corpora- tion beaucoup de jeunes enfants. Leurs voix argentines perçaient les immenses espaces des basiliques et por- taient jusqu'aux rangs les plus lointains de Tassem- Wée. Dans ce ministère, bien grave pour un âge si tendre , ils étaient exposés aux tentations d'espiègie- rte. L'épitaphe du pape Libère ne néglige pas de si- gnaler la sagesse dont il fit preuve dans ce stage de la carrière : jamais on ne l'entendit lire malicieuse- Hieiit de travers , estropier le texte saint pour Tamu- Senient des têtes légères. Les lecteurs étaient répartis entre les titres paroissiaux (1), ce qui n'excluait pas leur groupement régional. De bonne heure aussi on les forma en corporation, la schola lectorum^ dont l'existence à Rome n'est, il est vrai, attestée par au- cun document direct (2). Mais il y avait de ces scho- lae dans d'autres églises (3) ; et à Rome , la schola cantorum^ qui est très apparente depuis le septième siècle, était composée surtout de lecteurs. Ceux-ci, il est vrai , avaient perdu leurs fonctions liturgiques. Les vigiles étant tombées en désuétude d'assez bonne

En 484, le clergé de Carthage comprenait environ cinq cents person- nes, inter quos quam plurimi erant lectores infantuli (Victor Vit., III, 34). Voy. De Rossi, Bull. 1883, p. 17-22.

(1) Voy. les pa^es que j'ai consacrées à cette question dans les Mélanges de l'Ecole de Rome, t. VII, p. 55-57.

(2) Lo Constitutum Silvestri, après avoir mentionné les quatre- vingt-dix lecteurs de Rome, dit qu'ils étaient accompagnés au con- cile par leurs parents. Ceci n'indique pas une corporation d'internes»

(3) On connaît à Lyon un primicerius scholae lectorum (Le Blant, 667 A, inscription do 552); à Tongres ou à Reims, un primicerius scholae clarissim.aey m.ilitiaeque lectorum, (Lettre de s. Rémi, dans Migne, P. L., t. LXV, p. 969) ; à Perrhé, dans la province Euphraté- sienne, un prim.icerius lectorum {Conc. C/iaZced., sess. XIV) ; à Car- thage {Victor Vit.f toc. cit.), on parle d'un maître de ces enfants. Cf. répitaphe d'un princeps cantorum, sacrosancte aeclisiue Mirtilliae (Myrtilis, en Lusitanie), publiée par M. de Laurière, dans le Bulletin des Antiquaires de France, 1882, p. 217.

336 ORIGINES DU GULTV CHRÉTIEN.

heure , les leçons de la messe se trouvant, dès le cin- quième siècle, réduites à Tépitre et à l'évangile, la . lecture de l'évangile étant réservée aux diacres, les lecteurs n'avaient plus que d'assez rares occasions de ^ remplir leur ministère. Ce qui restait de leçons infé rieures en dignité à celles de l'évangile fut confié aux^^ sous-diacres ; les lecteurs adultes disparurent , et les ^ jeunes enfants de la schola cantorum n'eurent plus-« d'autre fonction que de chanter. De le nom de^ schola cantorum (1).

Les fonctions d'exorciste étaient aussi des fonction&s de début, mais seulement pour les adultes (2). Il sem ble que , avant le cinquième siècle , elles aient été^ plus exercées que depuis. Les épitaphes romaines^ d'exorciste sont toutes du troisième ou du quatrièmes siècle; au concile d'Arles de 314, sur neuf clercs in férieurs qui sont nommés comme venus avec leurs évê ques, on trouve sept exorcistes et deux lecteurs (3). Les-» fonctions de ces clercs étant étroitement en rapport avec-^

(1) La schola cantorum se recrutait, surtout vers le huitième et 1^ neuvième siècle, parmi les orphelins {Liber diurnus, VII, 19, Gar- nier ; Liber pontificalis ^ t. II, p. 92, 195). Elle occupait un édifice situé dans la via Merulana, entre les deux églises de Saint-Matthieu et de Saint-Barthélémy (Urlichs, Codex 17. R. topogr,, p. 173) ; la pre- mière seule de ces églises est de position connue. On voit, dans les Ordines Romani ^ que la schola avait à sa tète plusieurs sous- diacres : le prior ou prim.iceriu8y le secundus ou secundicerius ^ le tertius et le quartus ou archiparaphonista étaient les dignitaires de la corporation. Au-dessous d'eux il y avait des chefs de groupe, ou paraphonistae. Dans les cérémonies, les enfants s'alignaient sur deux rangs, les dignitaires en tête , les paraphonistes en serre-file.

(2) Voy. la célèbre épitaphe de FI. Latinus, évêque de Brescia, C. I. L., t. V, n* 4846. Saint Martin commença par être exorciste.

(3) D'après le Constitutum Silvestriy le stage dans les fonctions d'exorciste ne durait qu'un jour ; un mois , d'après le L. P. (Silyes- tre) ; cependant, le second concile pseudo-silvestrin réclame encore dix ans. Sur la discipline réelle , voy. les décrétales citées plus haut, p. 333, note 3. Le Constitutum, qui compte à Rome quatre- vingt-dix lecteurs et quarante- cinq acolytes, ne marque que vingt- deux exorcistes.

l'ordination. 337

la préparation au baptême , elles disparurent en môme temps que le catéchuménat. Les inscriptions qui les mentionnent ne les rattachent jamais aux titres ou aux régions de Rome, bien qu'ils dussent être groupés d'après celles-ci , comme les autres clercs. Depuis le commencement du sixième siècle on n'en entend pres- que plus parler (1) ; s'il y a encore des exorcistes à Rome , c'est parmi les petits clercs de la schola ccm-

§ 2. Les rituels latins de Vordination.

Les documents qui nous restent sur les rites de 1* ordination dans l'église latine sont :

Les Statuta ecclesiae àntiqua, recueil de canons disciplinaires et liturgiques formé en Gaule , dans la {Province d'Arles, vers le commencement du sixième Siècle (2). On y trouve marqués les principaux rites cîe l'ordination, pour tous les ordres. L'usage dont il "témoigne est évidemment l'usage gallican. C'est le seul texte cet usage se soit conservé pur de tout xaélange, car les livres liturgiques gallicans ne con- tiennent pas les cérémonies de l'ordination.

Les sacramentaires romains, Ici il ne faut te- nir compte, en général, que du sacramentaire léonien et de celui du pape Hadrien. Ils contiennent identi- quement les mêmes prières pour l'ordination des dia- cres, des prêtres et des évêques, et ils ne contiennent

(1) Les inscriptions donnent encore un exorciste à Eclane, mort en 511 ; un autre à Côme, en 526 (C. /. L., t. IX, 1381 ; t. V, 6428).

(2) Maassen, Quellen, t. I, p. 382. Ce recueil fut inséré, sous le titre Concilium Carthaginiense quartum, dans la collection canonique d'Espagne (Hispana), d'où il passa dans celle du faux Isidore. Beau- coup de personnes le citent encore sous ce titre et, ce qui est plus grave, l'allèguent comme document des usages ecclésiastiques afri- cains au quatrième siècle.

22

338 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

que celles-là. On n'y trouve aucune mention des or- dres inférieurs au diaconat.

Les Ordines Romani. J'en ai trois à citer : a) ce- lui du manuscrit de Saint-Amand (1), qui ne contient que les ordinations romaines des Quatre-Temps, c'est- à-dire celles des diacres et des prêtres ; b) VOrdo VIII de Mabillon, qui contient de plus l'ordination des clercs inférieurs et celle des évêques; c) VOrdo IX de Mabillon, se trouvent les cérémonies relatives aux diacres, aux prêtres, aux évêques et au pape lui-même. Les trois Ordines sont en somme d'accord entre eux, et le rituel qu'ils décrivent cadre exactement avec ce- lui que supposent les deux sacramentaires.

4** Le sacramentaire gélasien et le Missale Franconm, Ces deux compilations nous ofiFrent le rituel au grand complet , pour tous les ordres ; mais il n'est pas besoin de les étudier longtemps pour s'apercevoir que beaucoup de choses très différentes de provenance y sont mêlées et combinées. On y trouve : a) un passage d'une lettre du pape Zosime sur les interstices des or- dinations ^2); b) les chapitres I-X des Statuta eccle- siae antlqua (3); c) des prières pour l'ordination des cinq degrés inférieurs (4); d) des prières pour les or- dinations des diacres, des prêtres, des évêques (5). Dans cette dernière partie, les prières romaines, celles du sacramentaire léonien et du sacramentaire d'Ha- drien, sont encadrées dans d'autres prières qui suppo- sent un rituel très différent de celui de Rome.

De cet exposé il résulte que l'usage romain doit être cherché dans les deux sacramentaires léonien et

(1) Voy. l'Appendice.

(2) Ceci dans le gélasien seul, I, 95.

(3) Dans le Missale Francorurriy il manque les chapitres relatifs aux lecteurs et aux sous-diacres.

(4) Gél., I, 96.

(5) Gél., I, 20, 99.

l'ordination. 339

grégorien ainsi que dans les Chdines, Les Statuta et les parties non romaines du sacramentaire gélasien et du Missale Francorum représenteront l'usage gal- lican.

§ 3. Les ordinations à Rome.

1* Les ordres mineurs.

Après ce qui a été dit plus haut, on trouvera tout naturel que les livres romains ne contiennent aucune cérémonie d'ordination pour les trois degrés inférieurs. Cette cérémonie, si elle avait lieu, était toute privée; elle se passait à l'intérieur de la schola cantorum, hors de la vue du public.

Même pour l'acolyte et le sous-diacre, il n'y avait pas d'ordination solennelle. Au moment de la communion, à une messe quelconque, même non stationale, le futur acolyte s'approchait soit du pape, s'il était pré- sent, soit de l'un des évêques de la cour pontificale, tenant le sac de lin, emblème et instrument de la plus haute fonction de ces clercs, celle de porter aux prêtres les oblatae ou hosties consacrées, au moment de la fraction du pain. Il se prosternait, et le pontife lui don- nait sa bénédiction en ces termes : Intercedente beata et gloriosa semperque virgine Maria et beato apostolo Petro , salvet et custodiat et protegat te Dominus. S'il s'agissait d*un sous-diacre , au lieu du sac de lin , il tenait un calice vide qui lui avait été présenté par l'archidiacre ou par l'évêque lui-même; mais toute la cérémonie consistait en une simple bénédiction, de môme teneur que dans le cas précédent, sans aucun rapport spécial avec une collation d'honneur ou de pouvoir. Encore cette formule de bénédiction n'est- elle pas d'une saveur très ancienne ; je ne la crois pas antérieure au septième siècle. Le diacre romain Jean,

340 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

au commencement du sixième siècle, parle de la tra- dition du calice comme constituant le seul rite de l'ordination des sous-diacres (1).

2* Ordinations des Quatre-Temps (prêtres et diacres).

Les ordinations des diacres et des prêtres étaient aussi d'un rituel très simple, mais elles se célébraient avec la plus grande publicité et en station solennelle. Il n'y avait pas d'ordination tous les ans ; quand le besoin s'en faisait sentir, on choisissait toujours un samedi des Quatre-Temps (2).

Les ordinands, choisis par le pape, étaient d'abord présentés aux fidèles [pendant les messes stationales du mercredi et du vendredi, à Sainte-Marie-Majeure et aux Saints-Apôtres. Peu après le commencement de la messe, un notaire montait à l'ambon, proclamait les noms des élus et engageait les personnes qui auraient eu quelque chose à dire contre eux à le faire sans aucune crainte :

Auxiliante Domino Deo Salvatore nostro lesu Christo, elegimos in ordine diaconi (sive presbyteri) illum subdiaconum (sive dia- conum) (de titulo illo). Si quis autem habet aliquis contra hos vires, pro Deo et propter Deum cum fiducia exeat et dicat Verumtamen memor sit communionis suae.

C'est la formule du sacramentaire gélasien (I, 20); les deux autres ne la contiennent pas. UOrdo IX , et celui de Saint-Amand ont des formules à peu près identiques. Dans la rubrique du sacramentaire géla-

(1) « Cuius hic apud nos ordo est ut accepte sacratissimo calice... subdiaconus iam dicatur » Migne, P. L., t. LIX, p. 405.

(2) Il semble qu'à l'origine, jusque vers la fin du cinquième siècle, les Quatre-Temps de décembre aient été choisis de préférence, car le Liber pontificalis mentionne presque toujours les ordinations comme célébrées mense decembri.

l'ordination. 341

sien, c'est le pape qui prend la parole : adnunciat pontifex in populo, dicens. Les Ordines lui substituent, l'un un lecteur, l'autre un scriniarius ou notaire. Ces deux expressions doivent être considérées comme équivalentes , car , dans le premier cas , le mot lector ne désigne pas Tordre de lecteur , mais la fonction remplie au moment dont on parle. Il est à croire d'ail- leurs que, bien que la formule soit présentée dans VOrdo gélasien comme prononcée par le pape et rédi- gée en son nom, elle fut toujours lue à sa place par une autre personne.

Les ordinands étaient placés à un endroit spécial, bien en vue , afin qu'il ne pût y avoir d'erreur sur leur identité. Cette épreuve publique avait été précé- dée d'une déclaration devant les plus hauts dignitai- res de l'église ; le candidat avait jurer qu'il n'avait jamais commis aucun des quatre péchés énormes qui, suivant la discipline du temps (1) , étaient des empê- chements aux ordres.

C'est le samedi soir, à la messe de vigile, qu'avait lieu l'ordination. Les textes du huitième siècle suppo- sent déjà que cette messe était anticipée et célébrée dans le courant de l'après-midi. A l'origine elle se cé-

(1) Ces péchés sont énumérés dans VOrdo VIII de Mabillon ; ce sont : la sodomie , la bestialité , l'adultère , la violation des vierges consacrées. Cette énùmération ne comprend pas tous les péchés qui, dans l'ancienne discipline, étaient soumis, secrets ou non, à la péni- tence publique, et constituaient ainsi un empêchement aux ordres. U y a donc ici une difficulté qui n'a pas, que je sache, été résolue d'une manière satisfaisante. Je crois , quant à moi , que ces interrogatoires préalables à l'ordination remontent à un temps oîi le baptême se re- cevait, en général, à l'âge adulte, et qu'elles concernaient, non pas rétat présent de la conscience de l'ordinand, mais sa conduite avant de recevoir le baptême. Tout en proclamant la rémission des péchés, si énormes qu'ils fussent, par la vertu du sacrement de baptême, TEglise pouvait avoir des exigences spéciales pour les personnes qui se présentaient aux ordres. C'est ainsi que l'on excluait les bigames, sans s'inquiéter de savoir si le premier mariage avait été contracté avant ou après le baptême.

342 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

lébrait la nuit, comme la messe du samedi saint (l). On commençait par l'antiphone ad Introïtum^ puis ve- nait la longue série des leçons, en grec et en latin, entrecoupée de chants et de prières. Un peu avant TEvangile , l'archidiacre allait prendre les candidats et les conduisait devant le pape. Le pontife se levait et adressait à l'assemblée une invitation à la prière.

Oremus, dilectissimi , Deuin Patrem omnipotenteoi , at saper hos famulos suos quos ad officium diaconii vocare dignatur bene- dictionem gratiae suae clementer effundat et coDsecratioDis io« dultae propitius dona conservet.

Cette formule est celle que les sacramentaires léo- nien et gélasien indiquent pour l'ordination des dia- cres ; il y en a une autre, peu différente, pour Tordi- nation des prêtres. Dans le sacramentaire d'Hadrien, avec lequel concorde VOrdo VIII de Mabillon, la fo^ mule est disposée de telle façon qu'elle peut s'appli- quer en même temps au diaconat et à la prêtrise. Cet Ordo suppose, comme aussi les deux autres documents de même nature, que les diacres et les prêtres étaient ordonnés en même temps , les sous-diacres destinés à la prêtrise recevant d'abord la bénédiction du diaco- nat, puis, aussitôt après, celle de la prêtrise (2).

Sur l'invitation du pape, tout le monde se proster- nait, le pontife lui-même, les ordinands, le clergé, les fidèles, et la schola cantorum entonnait la litanie. Celle-ci étant terminée, le pape se relevait, posait

(1) Saint Léon, dans une lettre à Tévéquc d'Alexandrie Dioscore (Jaffé, 406), insiste beaucoup sur ce point.

(2) Cet usage de conférer simultanément le diaconat et la prêtrise explique pourquoi les biographes pontificaux du neuvième siècle, en décrivant le cursus honorum des papes choisis parmi les cardinaux prêtres , omettent invariablement de mentionner le diaconat et pas- sent toujours du sous-diaconat à la prêtrise. Cf., dans le Liber pori" tificsLlis, le début des vies de Léon III, Pascal I, Grégoire IV, Serge II, Léon IV, Benoît III, Adrien II, Etienne V.

l'ordination. 343

les mains sur la tête de chacun des ordinands et pro- nonçait une double formule de prière, une oraison ordinaire et un canon consécratoire (1) (prière eucha- risHque),

Deus (2), conlatoi* sacrarum magnifiée dignitatum , quaesumus, at hos famulos tuos quos ad officium Icvitarum vocare dignaris » altaris sancti ministerium tribuas sufficienter implere. cunctisque donis gratiae redundantes et fiduciam sibi tuae maiestatis acqui- rere et aliis praebere facias perfectae devotionis exemplum.

Vere dignum ... Âdesto(3) quaesumus, omnipotens Deus, hono- rum dator, ordinum distributor , offîciorumque dispositor. Qui in te manens innovas otnnia; et cuncta disponens per Verbum, Vir- tatem, Sapientiamque tuam, lesum Ciinstum, Filium tuum, domi- num nostrum, sempiterna providentia praeparas et singulis qui- busque temporibus aptanda dispensas. Cuius corpus Ëcclesiam tuam caelestium gratiarum varietate distinctam, suorumque coQ- nezam distinctione membrorum, per legem totius mirabilem com- pagis unitam, in augmentum templi tui crcscere dilatarique largiris, sacri muneris servitutem trinis gradibus ministrorum nomini tuo militare constituens; electis ab initio Levi filiis qui mysticis operationibus domus tuae fidelibus excubiis permanentes, haereditatem benedictionis aeternae sorte perpétua possiderent. Super hos quoque famulos tuos, quaesumus. Domine, placatus intende, quos tuis sacris altaribus servituros in officium diaconii suppliciter dedicamus. Et nos quidem, tanquam bomincs, divioi sensus et summae rationis ignari, horum vitam quantum possu- mus aestimamus. Te autem, Domine, quae nobis sunt ignota non transeunt, te occulta non fallunt. Tu (4) cognitor peccatorum, tu scrutator es animarum, tu veraciter in eis caeleste potes adhibere iudicium, et vel indignis donare quae poscimus. Emltte in eos, Domine, quaesumus, Spiritum sanctum , quo in opus ministerii

(1) Cette oraison doit être considérée comme la conclusion de la prière collective que l'on vient de faire après l'invitatoire Oremus^ dilectissimû Ici la prière que l'assemblée faisait ordinairement en silence (cf. ci-dessus, p. 101) est remplacée par la litanie.

(2) Cette formule est propre au sacramentaire léonien. Je corrige conlaior ; le manuscrit porte consolator.

(3) Formule commune aux trois sacramentaires.

(4) Greg, : « Tu cognitor secretorum, tu scrutator es cordium ; tu eorum vitam caelesti poteris examinare iudicio quo semper praeya- les, et admissa purgare et ea quae sunt agenda concedere. Emitte...»

344 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

fideliter exsequendi munere septiformi tuae gratiae roborentar. Abundet in eis totius forma virtutis, auctoritas modesta, pudor coDStans, innocentiae puritas et spiritalis observantia disciplinae. Iq moribus eorum praecepta tua fulgeant, ut suae castitatis exem- plo imitationem sanctae plebis acquirant, et bonucn conscieotiae testimonium praeferentes in Ghristo firmi et stabiles persévèrent, dignisque successibus de inferiori gradu per gratiam tuam capere potiora mereantur.

Ces prières terminées , les nouveaux diacres rece- vaient Taccolade du pape, des évoques et des prêtres, et prenaient place avec les autres diacres , aux côtés du pontife.

Les candidats à la prêtrise se présentaient alors, soit qu'ils eussent été promus depuis longtemps au diaconat (1), soit qu'ils fissent partie du groupe de dia- cres que Ton venait d'ordonner. Ils se prosternaient devant le pontife et celui-ci récitait sur eux deux au- tres prières de même forme que les précédentes. Après quoi, ils recevaient l'accolade du pape, des évo- ques et des prêtres, et prenaient place en tête de ceux-ci.

Voici , sauf la litanie , les formules (2) en usage pour l'ordination des prêtres.

Invitatoire :

Oremus, diiectissimi , Deum Patrem omnipotentem , ut saper hos famulos su os quos ad presbyterii munus eiegit caelestia dona multiplicet , quibus quod eius dignatione suscipiuDt eius exse- quantur auxilio.

Litanie. Oraison :

Exaudi nos, Deus salutaris noster, et super hos famulos tuos benedictionem sancti Spiritus et gratiae sacerdotalis effunde vir-

(1) Ceci devait être rare ; on ne passait pas facilement du diaconat à la prêtrise. C'était , en réalité , déchoir et s'écarter du chemin qui conduisait à la papauté.

(2) Toutes ces formules sont communes aux trois sacramentaires.

l'ordination. 345

tutem , ut quos tuae pietatis aspectibus ofierimus consecrandos perpétua muneris tui largitate prosequaris.

Eucha/ristie :

Yere dignum ... Deus, honorum omnium et omnium dignitatum quae tibi militant distributor , per quem profîciunt universa , per quem cuncta firmantur, amplifîcatis semper in melius naturae rationabiiis incrementis per ordinem congrua ratione dispositum. Unde sacerdotales gradus et officia tevitarum sacramentis mjsticis instituta creverunt; ut cum pontifîces summos regendis popiHis praefecisses, ad eorum societatis et operis adiumentum sequentis ordinis viros et secundae dignitatis eligeres. Sic in eremo per septuaginta virorum prudentum mentes Moysi spiritum propa- gasti; quibus ilie adiutoribus usus in populo, innumerabiles mul- titudines facile gubernavit. Sic in Eleazaro et Ithamar filiis Aaron paternae plenitudinis abundantiam transfudisti, ut ad hostias sa- lutares et frequentioris officii sacramenta sufficeret meritum sa- cerdotum. Hac providentia, Domine, Apostolis Filii tui Doctores fidei comités addidisti, quibus illiorbem totum secundis praedica- toribus impie verunt. Quapropter infirmitati quoque nostrae, Do- mine, quaesumus, baec adiumenta largire, qui quanto magis fra- giliores sumus tanto bis pluribus indigemus. Da, quaesumus, Pater, in hos famulos tuos presbyterii dignitatem; innova in vis- ceribus eorum spiritum sanctitatis ; acceptum a te, Deus, secundi meriti munus obtineant, censuramque morum exempio suae conversationis insinuent. Sint probi cooperatores ordinis nostri; eluceat in eis totius forma iustitiae, ut bonam rationem dispensa- tionis sibi creditae reddituri aeternae beatitudinis praemia conse- quantur.

3* Ordination des évêques.

On voit que tout le rite de Tordination des diacres et des prêtres, suivant Tusage romain, consistait en prières , les unes faites en commun par toute l'assis- tance, les autres récitées par le pape sur Ferdinand prosterné. Le cérémonial n'était pas plus compliqué pour les évoques.

Les évêques que le pape ordonnait étaient presque toujours ceux de sa province métropolitaine. Ce n'était pas lui qui les choisissait; ils étaient élus dans leurs

346 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

localités. L'élection faite, on en dressait un procès- verbal ou décret , que signaient les notables de l'en- droit, clercs et laïques , puis le futur évéque, escorté de quelques représentants de son église , se rendait à Rome, l'on procédait à la vérification de l'élection et à l'examen du candidat. Si l'élection était recon- nue régulière et si le pape approuvait le choix des électeurs, on célébrait la consécration. Pour celle-ci, aucun temps de l'année n'était spécialement désigné, mais la cérémonie devait toujours avoir lieu un di- manche.

Comme aux ordinations des Quatre-Temps , on dif- férait la litanie et le Kyrie eleison jusqu'après le gra- duel. Ce chant étant terminé, le pape invitait les fidè- les à la prière; tout le monde se prosternait et l'on chantait la litanie. Après la litanie, le pape se levait et prononçait sur le candidat une double formule de prière, tout à fait de même type que pour les diacres et les prêtres. Le nouvel évêque se relevait alors, re- cevait l'accolade du pape , des évêques et des prêtres et prenait place en tête des évêques. Le chœur en- tonnait alors V Alléluia ou le trait et la messe conti- nuait comme à l'ordinaire. Voici les formules spécia- les pour l'ordination des évêques :

Invitatoire (1) :

Oremus , dilectissimi nobis, ut his viris ad utilitatem Ecclesiae provebcndis i2) benignitas omaipoteatis Dei gratiae suae tribuat largitatem.

Litanie. Oraison :

Propitiare, Domine, supplicationibus nostris, et inclinato super

(1) Cette formule et la suivante sont communes aux trois sacra- mentaires.

(2) Gélasien seul. Je corrige providendis en provehendis.

h ORDINATION. 347

'^c^s famulos tuos cornu gratiae sacerdotalis benedictionis tuae in ^c>s effunde virtutem.

Eucharistie :

Vere dignuni ... Oeus bonorum omnium, Deus omnium digni- tsfctum quae gioriac tuae sacratis famulantur ordinibus; Deus qui NAoysen famulum tuum secreti familiaris a£fatu , inter cetera cae- lestis documenta culturae de babitu quoque indumenti sacerdotalis instituens, electum Aaron mystico amictu vestiri inter sacra ius- sisti ; ut intelligentiae sensum de exemplis priorum caperet secu- '^ui'a postcritas, ne eruditio doctrinae tuae uUi deessct aetati, cum ^t apud veteres reverentiam ipsa signifîcationum species obtineret ^t apud nos certiora essent expérimenta rerum quam aenigmata :fi^urarum. Iliius naraque sacerdotii anterioris habitus nostrae mentis ornatus est , et pontificalem gloriam non iam nobis honor oomoiendat vestium sed splendor animorum. Quia et illa quae tune carnalibus blandiobantur obtiitibus ea potius quae in ipsis erant intcUigenda poscebant. Ei idcirco bis famulis tuis quos ad suiDQii sacerdotii ministcrium delegisti, banc quaesumus, Do- mine, gratiam largiaris, ut quidquid illa velamina in fulgore auri, in nitoregemmarum, in multimodi oporis varietate signabant, boc in horum moribus actibusque clarescat. Comple in sacerdotibus tuis mysterii tui summam, et ornamentis totiu;^ glorificationis instructos caeiestis ungucnti fluoré sanctifica. Hoc, Domine, copiose in eorum caput influât, hoc in oris subiecta decurrat, hoc in totius corporis extrema descendat, ut tui Spiritus virtus et interiora horum repleat et exteriora circumtegat. Abundet in bis coiistantiafidei, puritasdilectionis,sinceritaspacis [(1). Sintspeciosi tnunere tuo pedes horum ad evangelizandum pacera , ad evange- lizandum bona tua. Da eis , Domine, ministerium reconciliationis in verbo et in factis et in virtute signorum et prodigiorum. Sit sermo eorum et praedicatio non in persuasibilibus humanae sa- pientiae verbis , sed in ostensione Spiritus et virtutis. Da eis , IDomine, claves regni caelorum ; utantur, nec gloricntur, potestate c^uam tribuis in aedificationem non in destructionem. Quodcum-

(1) Les phrases entre crochets ne figurent ni dans le sacramentaire léonicn, ni dans le grégorien ; mais elles se trouvent dans le géla- sien et même dans le Missa,le Francnrum, qui contient aussi cette formule. Le style , la tournure de ce passage est tout à fait conforme au reste du morceau. Dans le conflit des autorités paléographiques, cette circonstance me porte à croire qu'il a faire partie de la for- mule romaine originale.

348 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

que ligaverint super terram sit ligatuni et in caelis, et quodcum- que solverint super terram sit solutum et in caelis. Quorum deti- nuerint peccata, detenta sint, et quorum dimiserint tu dimittas. Qui benedixerit eis sit benedictus et qui maledixerit eis maledic- tionibus repleatur. Sint fidèles servi, prudentes, quos constituas tu, Domine, super familiam tuam, ut dent illis cibum in tempore necessario, utexhibeant omnem hominem perfectum. Sint sollici- tudine impigri, sint spiritu ferventes. Oderint superbiam, diiigant veritatem , nec eam umquam deserant aut iassitudine aut timoré superati. Non ponant lucem ad tonebras, nec tenebras [ad] lucem. Non dicant malum bonum , nec bonum malum. Sint sapientibus debitores et fructum de profectu omnium consequantur.] Tribuas eis cathedram episcopalem ad regendam Ecclesiam tuam et plebem universam. Sis eis auctoritas, sis eis potestas, sis eis firmitas. Multiplices super eos benedictionem et gratiam tuam, ut ad exorandam scmper misericordiam tuam , tuo munere idonei , tua gratia possint esse devoti.

Dans cette cérémonie , comme dans les ordinations de diacres et de prêtres , le pape procédait seul. IL pouvait y avoir des évoques dans son entourage, et en général il y en avait; mais il était seul à officier- Cette dérogation au principe qu'un seul évoque n*eir peut ordonner un autre est mentionnée, au sixième siècle, dans le Breviarium de Ferrandus (1).

4* Ordination du pape.

Le cérémonial de la consécration du pape n'était pas beaucoup plus compliqué, mais il présentait des particularités spéciales. La cérémonie avait lieu le di- manche , comme pour les évêques , mais toujours à Saint-Pierre, comme pour les diacres et prêtres de Rome. On tenait à ce que tout le haut clergé de Rome reçût l'ordination dans le sanctuaire même de l'apô-

(1) Cap. 6 : Ut unus episcopus episcopum non ordinet^ excepta ecclesia Romana, Ce canon est emprunté au concile romain de 386; mais les mots excepta ecclesia Romana sont de Ferrandus lui-même, et témoignent de Tusage du sixième siècle.

l'ordination. 349

tre. L'élu (1) se revêtait au secretarium des vêtements liturgiques du pape, sauf le pallium. Au chant de rintroït, il s'avançait vers l'autel et se prosternait de- vant, comme à l'ordinaire. Mais au lieu de se relever aussitôt pour aller à son siège, il demeurait prosterné pendant que l'on chantait la litanie. Après la litanie, il se relevait à moitié et les trois évêques d'Albano , de Porto et d'Ostie récitaient sur lui une première , puis une seconde oraison, enfin une prière eucharistique. Pendant celle-ci, qui était récitée par l'évêque d'Ostie, des diacres tenaient l'évangile ouvert au-dessus de la tête de l'ordinand. La bénédiction terminée, l'ar- chidiacre disposait le pallium sur les épaules du nou- veau pontife, celui-ci montait à son siège et entonnait aussitôt le Gloria in excelsis (2). La messe continuait comme de coutume ; après la messe , le pape était re- conduit au Latran avec une pompe extraordinaire. Les formules de bénédiction étaient les mêmes que pour les autres évêques. Cependant la phrase Et idcirco, est exprimée la dignité conférée à l'ordi- nand, était modifiée ainsi qu'il suit :

Et idcirco huic famulo tuo , quem Apostolicae sedis praesulem et primatem omnium qui in orbe terrarum sunt sacerdotum ac universalis Ecclesiae tuae doctorem dedisti et ad summi sacerdotii. ministerium elegisti, etc.

§ 4. Les ordinations suivant le rite gallican. Les cérémonies des ordinations, suivant le rite gal-

(1) C'était toujours un diacre ou un prêtre de Rome, plutôt un diacre qu'un prêtre. Avant les dernières années du neuvième siècle, aucun évéque ne fut promu à la papauté. On sait assez à quels dé- sordres et à quelles controverses donna lieu le cas de Formose, évéque de Porto avant d'être élu pape. Au dixième siècle, les infrac- tions à la règle ancienne se produisirent plusieurs fois ; elle cessa dés lors d'être considérée comme obligatoire.

(2) Outre VOrdo IX de Mabillon, ce rituel est décrit dans le Liber DiurnuSy II, 8 (Garnier), 57, Rozière.

350

ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

lican, sont décrites sommairement dans les Statuta Ec- clesiae antiqua\ saint Isidore, dans son De ofj^ctis ec- clesiasticis , 1. II, en parle d'une manière tout à fait conforme à cette description, dont même il reproduit le texte. Dans le sacramentaire gélasien et dans le Missale Francorum on trouve à la fois les cérémo- nies des Statuta et les prières romaines que nous ve- nons d'étudiëV, et, de plus, certaines prières qui sont ou incompatibles avec Tusage romain ou tellemeat identiques de sens avec les prières romaines qu'elles forment avec elles une sorte de pléonasme. Encore ceci ne concerne-t-il que les trois ordres supérieurs; pour les cinq ordres inférieurs, il n'y a aucun trait commun aux deux liturgies ; les cérémonies des Sa- tuta et des deux livres liturgiques sont entiéremert différents de ce que nous trouvons dans Tusage ro- main. Je vais les décrire successivement en reprodui- sant les formules telles qu'elles se trouvent dans les deux sacramentaires mérovingiens.

Portiers. Le portier est d*abord instruit par ^a^ chidiacre de la conduite qu'il doit tenir dans la «mai- son de Dieu » ; puis Tarcliidiacre le présente à Tévè- que. Celui-ci prend sur l'autel les clefs de l'église et les remet à l'ordinand, en lui disant (1) :

I

k

El 4

Sic âge quasi redditurus Deo rationem pro his rébus quaeistis clavibus recluduntur (2).

(1) Cette formule et les suivantes , à moins d'indication contraire, figurent, avec peu de modifications, dans le pontifical actuel, quii comme tous les livres romains postérieurs au neuvième siècle, con- tient, pour les ordinations, un mélange des deux antiques rituels romain et gallican.

(2) Ces formules, comme les formules analogues de l'ordination des lecteurs (Accipe^ et esto) et des exorcistes {Accipe, et commenàî sont déjà dans les Statuta, ce qui suppose qu'elles étaient en usage» à Arles au moins, dès la fin du cinquième siècle.

l'ordination. 35t

Alors a lieu la bénédiction, précédée, suivant le style gallican, d'un invitatoire ou préface :

Deum Patrem omnipotentem suppliciter deprecemur ut hune

famulum suum nomine lllum benedicere dignetur, qucm in

officium ostiarii eligere dignatus est , ut sit ci fidelissima cura in

<lîebus ac noctibus ad dislinctionem horarum certarum ad invo-

oandum nomen Oomini.

Domine sancte , Pater omnipotens , aeierne Deus , benedicere digneris hune famulum tuum ostiarium nomine Jllum^ ut inter LDitores eccicsiac paret obsequia et intcr eiectos tuos partem ireatur habere mercedis.

Lecteurs. L'évoque s'adressant au candidat, lui dit :

Eiigunt te fratres tui, ut sis lector in domo Dci tui; etagnoscas officium tuum ut impleas illud : potens est enim Deus ut augeat tibi gratiam.

Ces paroles (1) supposent qu'il y a eu d'abord une élection. L'élection proclamée, le pontife adresse au peuple une allocution (2) dans laquelle il met en relief la foi et le talent de l'élu ; puis, à la vue de tout le monde, il lui remet le livre il doit lire, et lui dit :

Accipe, et esto verbi Dei relater, habiturus , si fideliter et uti-

(1) Elles figurent y dans les deux sacramentaircs , sous la rubrique S^raefntio lectoris, formant ainsi le pendant des invitatoires usités pour les autres ordres ; mais leur forme est très différente. J'ai cru devoir les placer au commencement de la cérémonie, c'est-à-dire au moment qui est indiqué par le sens de la formule. De cette façon, la l>énédiction se présente sans invitatoire. Peut-être l'allocution de l'évéque en tenait-elle lieu ; mais cela est peu probable. Le pontifical actuel a un invitatoire spécial.

(2) Nos manuscrits n'ont aucun formulaire de cette allocution. H y en a une dans le pontifical actuel, de même que pour les trois autres ordres mineurs, de portier, d'exorciste et d'acolyte. Je ne saurais dire à quelle date elles remontent au juste ; mais elles doivent être fort anciennes.

352 . ORIGINES DU CULTE GHKÉTIBN.

liter impleveris officium , partem cum his qui verbum Dei minis

traverunt.

Puis vient la prière :

Domine sancte , Pater omnipotens, aeterne Deus, benedicew^

digneris famulum tuum nomine lllum in offîcio lectoris, ut assi

duitate lectionum distinctus atque ornatus curis modulis spirital: _2 devotione resonet ecclesiae (1).

Exorcistes, L'évêque remet au candidat le livr^ des exorcismes, en disant :

Accipe et commenda, et babeto potestatem imponendi manuon super energumenum, sive baptizatum sive catecbumenum.

Puis vient la bénédiction :

Deum Patrem omnipotentem supplices deprecemur, ut hune famulum suum nomine lllum benedicere dignetur in officium exor- cistae, ut sit spiritalis imperator ad abiciendos daemones de cor- poribus obsessis cum omni nequitia eorum multiformi.

Domine sancte , Pater omnipotens , aeterne Deus , benedicere digneris famulum tuum hune nomine lllum in offîcio exorcistae, ut per impositionis manuum et oris officium eum eligere digneris, et imperium habeat spiritus immundos coercendi (2) , et proba- bilis sit medicus Ecclesiae tuae , gratiae curationum virtute confirmatus.

Acolytes, L'ordre d'acolyte ne paraît pas avoir été partout en usage dans les pays gallicans. Sans

(1) Ce texte, qui est celui du sacram. gélasien, est altéré et inintel- ligible à la fin. Celui du Missale Francorum n'est pas en meilleur état : Ut assiduitate electionum distinctus atque ordin&tus curis modolis spiritali devotione lingua resonet Ecclesiae. Dans le ponti- ficat actuel on trouve ici un texte clair, qui procède de celui-ci, mais avec de fortes retouches.

(2) Les deux mss. portent spirituum immundorum coercendo (coercendum Miss. Fr.); je corrige d'après le Pontifical. Miss, Fr, Plus haut, le sacram. gél. porte oris in officium. Les mots eum eligere digneris semblent superflus ; ils sont omis dans le pontifical.

l'ordination. 353

doute les Statuta (1) décrivent cette ordination comme les autres ; mais le sacramentaire gélasien omet les for- mules de bénédiction ; dans le Missale Francorum^ on ne trouve que l'oraison , sans invitatoire , et encore à une place insolite , entre la bénédiction des portiers et celle des lecteurs. Dans la collection canonique ir- landaise , l'ordre d'acolyte n'est point compté au nombre des sept degrés ecclésiastiques; on le range avec celui de psalmiste ou de chantre , en dehors de la hiérarchie ordinaire (2). D'après les Statuta^ l'ordi- nand était d'abord instruit par l'évêque des devoirs de sa fonction , puis l'archidiacre lui remettait un chan- delier avec un cierge , pour signifier qu'il aurait le soin d'allumer les luminaires de l'église, de plus un "urceolus ou burette , vide , signe de la fonction de présenter à l'autel le vin de l'eucharistie. Voici la formule de bénédiction (3) :

Domine sancte, Pater omnipotens, aeterne Oeus, qui Mojsi ^^ Aaron locutus es ut accenderetur lucerna in tabernaculo testi- ^ooii, sic benedicere et sanclificare digiieris hune famulum tuum ^^ Bit acoiitus Id Ecclesia tua.

SouS'diacres. L'ordinand reçoit des mains de l'évêque la patène et le calice, vides, et des mains de 1' B.Tchidiacre , l'aiguière avec sa cuvette et une ser- viette. Avant la tradition de ces objets, l'évêque ^clresse au candidat une allocution dont le Missale ^r^ancorum nous a conservé le texte :

Tide cuius ministerium tibi traditur. Et ideo si usque nunc ^^isti tardus ad ecclesiam, amodo debcs esse assiduus; si usque

(1) Les Staiiuta,^ rédigés à Arles, correspondent à'; l'usage de Tune ^cs plus considérables parmi les églises des Gaules.

(2) Ed. Wasserschleben, p. 23, 26.

(3) L'invitatoire, qui manque au Miss. Fr., se trouve dans le ponti- ^cal actuel. l\ est de style gallican, comme toutes ces prières.

23

354 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

nunc soin nolen tus , amodo vigil; si usque nuDC ebriosas , Ambdà sobrius; si usque nunc iniionestus, amodo castas. Oblatioaei quae vcniunt in altai-io, panes propositionis appeliaotur. De ipan oblationibus (1) tantum débet in altario poni quantum populo possit suffîcere , ne aliquid putridum in sacrario maneat. PalUe vero quae sunt in substraturio in alio vase debent lavi , in ali( corporales pallae. Ubi pallae corporales lavatae fuerint, nnlloii linteamen ibidem aliud débet lavi ; ipsa aqua in baptisterio débet vergi. Ideo te admoneo ; tu ita te exhibe ut Dec piacerepos8i8(2}.

C'est ici qu'a lieu la tradition des instruments. L'évéque invite ensuite à la prière :

Oremus Deum et Dominum nostrum, ut super servum saoïi Illum quem ad subdiaconatus offîcium evocare digoatus estinfon* dat benedictionem et gratiam suam , ut in conspecta suc fidelitdr servions destinata sanctis praemia consequatur.

La bénédiction a lieu ensuite :

Domine sancte, Pater omnipotens aeterne Deus , benedicere digneris famulum tuum hune Illum, quem ad subdiaconatus offîcium eligere dignatus es, uti eum sacrario tuo sancto strenaon soUlcitumque caelesti militiae instituas , et sanctis altaribus fide- liter subministret. Requiescat super eum Spiritus sapientiae et intellectus , Spiritus consilii et fortitudinis , Spiritus scientiae et pietatis; repleas eum Spiritu timoris tui ut eum in ministerio divino confirmes, ut obediens atque dicto parens, tuam gratiam consequatur.

Diacres. Les formules du Missale Francorum sup- posent que le candidat, choisi préalablement par Tévêque, est présenté au peuple, qui doit témoigner de son acceptation par une acclamation exprimée. A

(1) Cette partie de l'instruction est incompatible avec Tusage ro- main, oU le choix des oblatae est l'affaire, non des sous-diacres, mais des diacres. Dans le rit gallican, ce choix, se faisant à la sacristie, pouvait être confié aux sous-diacres.

(2) Cette allocution figure au pontifical actuel , mais on y a ajonté un certain nombre de phrases.

l'ordination. 355

Rome, le silence des fidèles est considéré comme une approbation du choix fait par Tévôque; dans le rit gallican il faut que cette approbation soit manifestée expressément. De plus , Tusage des Quatre-Temps étant inconnu dans les pays de rit gallican , la pré- sentation au peuple n'a lieu qu'au jour même de Tor- dination. Voici le discours que Tévôque adresse au peuple , en lui présentant Télu :

Dilectissimi fratres , quamlibet possint ad ordinationem ecclc- siastici ministerii promovendam sibi ipsa sufficere privilégia sacer- dotum, attamen quia probabilior et nostra apud Doniinum cod- ^^rsatio est et eorum quorum honor augctur maior est gratia si d quod arbitria nostra eligunt etiam vestrac confirmet dilectionis •<l.seDsuSy idcirco filium nostrum lUum cupio ad offîcium diaco- '^.tus ia consortium nostrum divinitatis auxilio promovere ; an ^^m dignum bocoffîcio ceuseatis scirc desidcro; et si vestra apud ^«am concordat electio, testimonium quod vultis vocibus ad- 'Bz-obate.

Les fidèles s'écriaient alors : Dignus est (1) ! Puis ^^ évéque reprenait la parole pour inviter à la prière :

Commune votum communis prosequatur oratio, ut bic totius âcclesiae prece qui in diaconatus ministerio praeparatur leviticac ^ii^nedictionis (2) et spiritali conversatione praefulgens gratia ^anctificationis eluceat.

L'évoque prononce (3) alors la formule de bénédic-

(1) Cette acclamation, do mémo que rallocution à laquelle elle sert de réponse, a été supprimée dans les livres d'où dérive le pontifical actuel. Mais lo début do la prière qui suit , Commune votum, sup- pose qu'on vient d'exprimer des suffrages. Ces paroles n'ont plus de sens avec la disposition actuelle de la cérémonie.

(2) Texte altéré. Pontifical : qui ad diaconatus ministerium prae- para/ur, leviticae benedictionis ordine clarescat et spirituali, etc.

(3) Le pontifical actuel présente ici l'invitatoiro gallican Commune volvcm , puis un invitatoiro romain , formé lui-mcme do deux formu- les romaines de ce genre, enfin le canon consécratoire romain, Dnus honorum, d&tor (ci-dessus, p. 343).

356 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

tion , en tenant la main étendue sur la tête de Tordi- nand :

Domine sanctc, spei, fîdci, gratiae etprofectuum inaDerator,<iai in caelestibus et terrenis angelorum ministeriis ubique disposai per omnia elementa voluntatis tuae défendis affectum , huDC qoo- que famulum tuum Hlum speciali dignare inlustrare aspecta, ut tuis obsequiis expeditus sanctis altaribus minister purus adcresci^ et indulgcntia purior, corum gradu quos Apostoli tui in septenam numéro , beato Stcphano duce ac praevio , sancto Spirltu aocton elegerunt dignus existât , et virtutibus universis quibus tibi se^ vire oportet instructus compleat.

Prêtres. La suite des cérémonies était exactement la même pour les prêtres que pour les diacres, sauf que les premiers recevaient l'onction des mains; en- core celle-ci était-elle d'usage pour les diacres en certains endroits (1). Voici la formule d'allocution :

Quoniam, dilcctissimi fratrcs , rectori navis et navigio deié- rendis eadem est vel sccuritatis ratio vel timoris, commonis eorum débet esse sententia quorum causa communis existit. Nec frustra a Patribus rominiscimur institutum ut de electione eoram qui ad regimon altaris adhibendi sunt consulatur et populus; qoia de actu et convcrsationc praesenti quod nonnumquam ignoratora pluribus scitur a paucis, et neccssc est ut facilius quis obedien- tiam cxhibeat ordinato cui adscnsum praebuerit ordinando. Pratris nostri et conpresbyteri conversalio , quantum nosse mihi videor, probata ac Deo placita est , et digna , ut arbitrer , ecclesiastid honoris angmento. Sed ne unum fortasse vel paucos aut decipiat adsonsio aut fallat affectio, sententia est expetenda multorum. Itaque, quid de eiiis actibus aut moribus noveritis, quid demerito

(1) Gildas, Liber quevulus^ III, 21, parle d'une bénédiction qua ini- tifintur sacerdotum vel ministrorum manus. Cette expression sem* ble viser un rite spécial , probablement une onction , accomplie sur les mains des prêtres et des diacres. L'onction des mains pour ces deux ordres se rencontre dans les livres liturgiques anglo-saxons du dixième et du onzième siècles ; il résulte de la lettre de Nicolas I" i l'archevcque de Bourges Rodulfe (Jaffé, 2765) que, vers le temps de Charles le Chauve, l'onction des diacres était en voie de s'introduira en France.

l'ordination. 357

censeatis, Deo teste, consulimus. Débet banc fidem habere caritas vestra quam secundum praeceptum Evangelii et Deo exhibere debetis et proximo, ut buic testimonium sacerdoti magis pro me- , rito quam pro affectione aliquid tribuatis. Et qui devotionem omnium expectamus, intelligerc tacentes non possumus ; scimus tamen, quod est acceptabilius Deo.aderit per Spiritum sanctum consensus udus omnium animarum. Et ideo electionem vestram <'ebetis voce publica profiieri.

Après racclamation Dignus est (1) ! Tévêque conti- nuait ;

Sit nobis, fratres, commuais oratio , ut hic qui in adiutorium et 't;ilitatem vestrae salutis eligitur presbyteralus benedictionem di- ""^ni indulgentia muneris consequatur ; ut sancti Spiritus sacerdo- ^lia dona privilcgio virtutum , ne impar loco deprebendatur , ^Ijtineat.

Puis venait la bénédiction, pendant laquelle non feulement l'évêque, mais tous les prêtres présents étendaient la main sur la tête de Ferdinand :

Sanctificationum omnium auctor, cuius vera consecratio, plena benedictio est, tu, Domine, super hune famulum tuum Illum quem presbyterii honore dedicamus manum tuae benedictio- nis (2) infundc ; ut gravitale actuum et censura vivendi probet se esse seniorem, bis institutus disciplinis quas Tito et ïimotheo Paulus exposuit ; ut in lege tua die ac nocte , Omnipotens, medi- tans, quod legerit credat, quod crediderit doceat, quod docuerit imitctur ; iustitiam, constantiam, misericordiam, fortitudinem, in se ostcndat, exemple probet, admonitione confirmet; ut purum

(1) L'allocution qui précède a été conservée dans le pontifical ac- tuel ; mais sa finale a été remplacée par l'admonition romaine , ci- dessus, p. 340. Le Dignus est est également supprimé, avec l'invita- tion Sit nobis, qui forme le pendant de la formule Commune votum de l'ordination des diacres. A la place de l'invitatoire Sit nobis et de la prière Sanctificationum ^ on trouve les formules romaines données ci-dessus, p. 344, 345.

(2) Ici le Miss. Fr, ajoute eum ; le sacram, gélasien , la formule est au pluriel, porte his au même endroit; c'est encore un passage altéré.

358 ORIGINES DU GUI.tr CHRÉTIEN.

atque}iminaculatuin ministerii tui donum custodiat , et per oba^^ quium plebis tuac corpus et sanguiocm Filii tui immacalata beo^^ dictione transformet, et inviolabili caritatc in virum perfectum, i ^ mensuram aetatis plenitudiDis Christi , in die iustitiae aeterU^ iudicii, conscientia pura, fide piena, Spiritu sancto plenus persolvat-^

Venait ensuite Tonction des mains, accompagnée^^ de cette formule (1) :

Consecrentur manus istae et sanctificentur per istam unctionem ^ et nostram benedictionem ; ut quaecumque bcnedixerint bencdicta ^M siDt, et quaecumque sanctificaverint sanctificentur.

Evêques. Dans les pays de rit gallican , la con sécration des évêques était célébrée, le plus souvent,^ dans l'église même qu'ils étaient appelés à gouver lier (2). Le métropolitain et les évêques de la pro vince se transportaient sur les lieux, dirigeaient Félec tion et célébraient Tordination. On commençait pa s'entendre, en dehors de toute forme liturgique, su le choix d'un candidat ; puis , quand on avait acquit la certitude qu'il réunirait l'unanimité morale des suf- frages, le président du corps épiscopal le présentait officiellement au clergé et au peuple assemblé dans l'église. Cette présentation (3) était accompagnée d'un

(1) L'onction et la formule ont passé du rituel gallican dans le pon- tifical romain.

(2) Cependant les suffragants de l'évéque do Milan se transportaient dans la cité métropolitaine (Ennodius, Vita Epip/i. , p. 341, Hartel). Les métropolitains de Milan et d'Aquilée se consacraient l'un Tautre, mais la cérémonie devait avoir lieu dans la ville de Ferdinand (Let- tre de Pelage I", Jaffé, 983; Migne, P. L., t. LXIX , p. 411). Le IV- concile de Tolède (C33) laisse au métropolitain le choix du lieu, en ce qui regarde ses suifragants ; quant à lui-même, il doit être consacré dans sa ville épiscopale. En Gaule , la cérémonie avait lieu -ordinai- rement dans l'église qu'elle concernait {Conc. Aur., IV, 5), à moins qu'elle ne se fît à la résidence royale.

(3) Quand les rois franks se furent réservé l'approbation des élec- tions ou même le choix des titulaires, cette présentation devint une pure cérémonie. Il n'en avait pas été de même à l'origine.

L*0RDINATI0N. 359

discours , dont une formule (1) s'est conservée dans fes livres liturgiques :

Servanda est, dilectissimi Fratres, in excessu sacerdotum lex (2)

^intiqua Ecclesiae ut decedcntibus fpastoribusj alii (3) dignissimi

^%ibrogentur, per quorum doctrinam fides catholica et religio chris-

"^AaDa subsistât; ne ovili Domini praedo violentus inrumpat, et

^^^Jspersas absque pastore oves fur nocturnus invadat. Recepto

^faque dispensatione Dei saccrdote vestro, sollicite vobis agendum

^^st ut in locum defuncti talis successor praeparctur ecclesiae ,

^suius pervigili cura et instanti sollicitudine ordo ecclesiae et cre-

^entium fides in Dei timoré melius convalescat ; qui, praecipiente

Apostolo, in omni doctrina formam boni operis ipse praebeat,

cuittsque habitus, sermo, vultus, incessus, doctrina, virtus

sit; qui vos ut pastor bonus fîdc instruat, exemplo patientiae do-

ceat, doctrina religionis instituât, in omni opère bono confirmet

caritatis exemplo. Secundum voluntatem ergo Domini in locum

sanctae memoriae Illius nomine , virum venerabilem Illum testi-

monio presbyterorum et totius cleri et consilio civium ac consis-

tcntium (4) credimuseligendum ; virum, ut nostis, natalibus nobi-

lem, moribus clarum, religione probum, fide stabilem, misericordia

abundantem, bumilem, iustum, pacifîcum, pationtem, caritatem

habentem, tenacem, cunctis quae sacerdoti (5) eligcnda sunt, bonis

moribus exuberantem. Hune ergo, dilectissimi fratres, tcsti-

monio boni operis clectum, dignissimum sacerdotio consonantcs

laudibus clamate et dicite : Dignus est.

L'acclamation Dignus est (6) s'étant fait entendre ,

(1) Cotte formule, incompatible avec l'usage romain , n'est pas en- trée dans le pontifical, p) Sacerdotum et antiquae Miss. Fr.

(3) Decidentibus aliis quidem dignissime. Miss. Fr.

(4) Les cives sont les citoyens du lieu; les consistcntes y les rosi- dents qui appartiennent à une autre cité.

(5) Sacerdos M, Fr. Plus bas. tcstimonii.

(6) Cette acclamation est souvent indiquée dans les récits d'élec- tion épiscopale. Cf. Grégoire de Tours, II, 13; Sidon. Apoll., Ep. , VII, 9; vio do saint Gôry, évoque do Cambrai {Anal. Boll. , t. VII, p. 391). Le discours que Sidoine prononça lors de l'ordination de Simplicius do Bourges est l'équivalent exact do la formule que jo donne ici.

360 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

le prélat consécrateur invite les assistants à la prière

Deum totius sanctificationis ac pictatis auciorem.qui placatioD& suam et sacrifîcia et sacra constituit. Fratres dilectissimi, depr mur, uti hune famulum suumquem exaltare in Ëcclesia et senLo- rum cathedrae, concordibus sua inspiratione iudiciis et effu^is super plebem suam votis fîdelibus ac vocum testimoniis, vol^mit imponi , conlocans eum cum principibus populi suî; ad eorimi. nu ne precem universam eundem summo sacerdotio débita hocà ris plenitudine, charismatum gratia, sanctifîcationum ubertate, praecipue humilitatis virtute locupletet; ut rector potius non tollatur , sed in omnibus se quantum est maior humilians sit ipsis quasi unus ex illis; omnia iudicia Domini nostri non pro tantum sed et pro omni populo qui sollicitudini suaecreditur con^ tremiscens ; ut qui mcminerit de speculatorum manibus omnium animas requirendas , pro omnium salute pervigilet, pastorali erga créditas sibi oves Domini diligentia eius (1), semper se flagrantissi- mum adprobansmandatorum. Ut igitur praefuturus omnibus, elec- tus ex omnibus, univcrsis sacris sacrandisque idoneus fiât, sab bac, quae est bomini per hominem postrema benedictio, consum- mata atque perfecta, suae consecrationis, nostrae subplicationis , adtentissimis concordissimisque omnium precibus adiuvemur; omnium pro ipso oratio incumbat, cui exorandi pro omnibus pondus imponitur. Impetret ei affectus totius Ecclesiae virtutem, pietatem, sanctiûcationem, et caeteras summi sacerdotii sacras dotes universae Ecclesiae profuturas, Domino Deo nostro, qui sacrorum munerum profluus fons est, qui dat omnibus adfluenter, quod sacerdoti pio aSectu poscitur, ad exundandam in omnibus sanctifîcationem suorum omnium, promptissime ac plenissime conferente (2).

Vient ensuite la prière consécratoire. Le Missale Francorum et le sacramentaire gélasien s^accordent à donner le texte romain Deus honorum omnium^ mais

(1) Ce passagejest très altéré dans lo Miss. Fr. ; on y lit : pastorali erga créditas sibi oves Domini diligeniiae eius semper se flagrari' tissimum, adprobans. Te dcUctorum adigitur pvacfuturuSy ex om.- nibus electus^ ex omnibus universis

(î) Cette formule, elle aussi incompatible avec l'usage romain, n'est pas entrée dans le pontifical, qui suit ici le formulaire donné ci-des- suSjfp. 347. Construisez : Domino... conferente, ad exundandam... quod poscilur sacerdoti {consecrando) .

l'ordination. 361

augmenté d'un long développement qui manque aux

sacramentaires léonien et grégorien (1). Comme tout

^e reste de la formule , elle suppose que Ton consacre

ôxî même temps plusieurs évêques, tandis que les

dçux allocutions ci-dessus sont constamment au sin-

Slilier (2). Hors de Rome, la consécration simultanée

^6 plusieurs évoques devait être un cas très rare. J'in-

olinerais donc à croire que la formule est toute ro-

^*^:»iaine et qu'il ne subsiste pas de formule gallicane pour

^liette partie de la cérémonie.

Pendant que Tévéque président, c'est-à-dire le mé- tropolitain, prononce la prière consécratoire, deux évê- ^es tiennent ouvert le livre des évangiles sur la tête de Tordinand; tous les évêques présents étendent la main sur lui.

Après la prière consécratoire vient Tonction des mains (3) , accompagnée de la formule suivante (4) :

UnguaDtur manus istae de oleo sanctifîcato et cbrismate sanc^ tificationis, sicut unxit Samuel David in regem et prophetam; ita anguantur et consumraentiir in nomine Dei Patris et Filii et Spi- ritus sancti, facientes imaginem sanctae crucis Salvatoris domini nostri lesu Ghristi qui nos a morte redemit et ad régna caelorum perducit. Exaudi nos, pie Pater, omnipotens, aeterne Ocus, et pracsta quod te rogamus et oramus.

(1) Voir plus haut, p. 347.

(2) n en faut dire autant des oraisons préparatoires romaines que le Missale Francorum place avant Tallocution. Au contraire, les for- mules de la messe d'ordination, qui viennent après le canon consé- cratoire, sont toutes au singulier.

(3) L'onction des mains est la seule dont il soit question dans les anciens livres mérovingiens. Celle de la tête n'y figure pas. Au temps de Louis le Pieux, elle était d'usage ordinaire en France (Amalairo, De eccl. officiiSf II, 14).

(4) Elle ne se trouve que dans le Missale Francorurrif à la suite de celle des prêtres, ci-dessus, p. 358, sous la rubrique item alia. Je pense que ce n'est pas une simple variante, mais une formule spé- ciale pour les évoques. Cette distinction est conforme à l'usage ac- tuel , la formule Consecrentur sert pour les prêtres , la formule Unguaniur pour les évêques.

362 ORIGINES DU GULTB GHRÉTIBN.

§ 5. Le8 ordinations en Orient.

Pour les rites orientaux je me bornerai aux descrip- tions contenues dans les Constitutions Àpostoli- quesj VIII, 4, et suiv., et dans le De ecclesiastica hierar- chia de Denys l'Aréopagite, c. 5.

S*il s'agit d'un évêque , le candidat est présenté à rassemblée, à laquelle président plusieurs évéques, entourés du clergé local. Le premier des évéques, c'est-à-dire , en droit , le métropolitain ou son sup- pléant, interroge l'assistance sur l'identité du candi- dat et sur ses qualités. Est-ce celui-ci que l'on veut? A-t-il telle et telle qualité essentielle à son état? Ces demandes se reproduisent trois fois, la troisième fois avec plus de solennité. Le peuple doit répondre à haute voix : « Il est digne ! *A5i<Jç eerrtv, »

Alors trois d'entre les évéques s'approchent de l'autel. L'ordinand s'agenouille , et , pendant que deux diacres tiennent le livre des Evangiles ouvert sur sa tête,, le président prononce une prière consé- cratoire, de forme eucharistique. Quand elle est ter- minée, on répond Amen.

Le nouvel évéque est ensuite conduit à son siège, reçoit le baiser de paix et célèbre lui-même la messe.

La môme forme s'observe pour les prêtres, les dia- cres , les diaconesses , les sous-diacres et les lecteurs, sauf que l'évêque diocésain préside seul à la cérémo- nie. Les prières consécratoires sont toujours accom- pagnées de l'imposition des mains.

Tel est le rituel des Constitutions apostoliques (1). Celui de Denys est identique au fond ; mais il y a

(1) Aprt^s le canon consécratoire récité sur révoque , Tauteor des Consl, ajoute : « El; Tt5v iTCKTxéTCuv àvoiçep^Tco ti^v OuaCav HtX tûv x*^P^ x'oO x6ipoTovY)6<vTo;. r> Ces mots n'ont pas, pçurmoi, un i^ens bien clair.

l'ordination. 363

quelques détails plus précis. Ainsi, pendant la prière ^orisécratoire, le diacre ne s'agenouille que d'un seul g^nou. Après cette prière, Tofficiant fait le signe de 1^ croix au front du nouvel ordonné, et proclame so- lennellement son nom.

On voit que, dans tous les rites , la cérémonie de l*ordination consiste surtout dans une prière récitée ^Ur Tordinand, en assemblée publique et solennelle. Cette prière est accompagnée de l'imposition des xnains (1). Dans cette généralité, le rituel est déjà at- testé par les livres du Nouveau Testament (2). On y voit également que le choix des chefs et des minis- tres de TEglise fut, dès l'origine, réservé aux apôtres ou à leurs représentants. Il passa naturellement aux évoques, leurs successeurs et continuateurs, en ce qui regardait la direction des chrétientés locales. Quant à l'installation des évéques eux-mêmes, on considéra qu'il était indispensable de la confier à une autorité d'un ordre plus élevé que l'évéque isolé. Cette auto- rité ne pouvait être que l'autorité supérieure de l'Eglise, l'ensemble de sa hiérarchie épiscopale. Comme il était impossible d'en réunir tous les membres à chaque ordination , on s'accorda à admettre qu'elle serait représentée par le groupe des évoques voisins, ou, * en certains endroits, par l'évêque de la mère-église. De l'obligation des trois évéques, universellement admise, dès le commencement du quatrième siècle , à moins qu'il ne s'agisse d'un consécrateur assez qua-

(1) Il convient do rappolor ici le mot do saint Augustin ; « Quid aliud est manuum impositio quam oratio super hominem ? » Cette observation est si juste que l'on voit souvent les livres rituels omet- tre de mentionner on termes exprès l'imposition des mains. EUq était censée indiquée par Voratio super hominem,

(2) Actesy VI, 6; XIII, 3; I Tim., IV, 14; U Tim., I, 6.

364 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

lifié pour représenter à lui seul Tensemble de Tépis- copat (1).

Outre rintervention d'au moins trois évoques, Tor- dination épiscopale fut caractérisée , avec la même universalité, par le rite de TEvangile ouvert sur la tête de Tordinand (2). Ce rite, déjà établi au quatrième siècle, ne peut être primitif, mais il est sûrement fort ancien.

L*onction, propre au rit gallican, aura été suggérée par l'Ancien Testament, il est si souvent question de l'onction des prêtres. Elle ne paraît pas très an- cienne; quelques indices porteraient à en chercher l'origine dans les églises de Bretagne (3) , qui la pra- tiquaient dès le sixième siècle.

C'est vers le même temps, ou plutôt un peu après, que la tradition des vêtements liturgiques et autres insignes analogues commença à prendre place parmi les cérémonies de l'ordination. J'ai négligé jusqu'à présent les indications que nous fournissent, à ce sujet, les Ordines romains et les autres documents rituels. Voici le moment de s'en occuper.

(1) C'est le cas du pape. Je ne serais pas étonné qn*il y ait ou an usage semblable à Alexandrie ; mais je n'en ai pas la preuve. Le pa- triarche d'Alexandrie était , comme le pape , le seul évéque de sa province dont l'ordination fût accompagnée du rite de l'imposition de l'Evangile.

(2) Voir cependant les restrictions indiquées à la note précédente. Elles n'atteignent pas , d'ailleurs, le caractère d'universalité que l'on reconnaît ici à ce rite.

(3) Gildas est le premier auteur qui la mentionne. Les Statuts l'ignorent évidemment; il en est de même, je crois, des auteurs franks du sixième siècle et des auteurs espagnols jusqu'à saint Isidore in- clusivement. Elle a toujours été plus largement pratiquée en Grande- Bretagne qu'ailleurs. Cf., ci-dessus, p. 356, note 1.

CHAPITRE XL

LE COSTUME LITURGIQUE. 1* La tunique et la planète.

A Rome , au cinquième siècle , le costume de ville des personnages officiels se composait essentiellement d'un vêtement de dessous, tunique avec ou sans manches, et de Idipaenula, immense pardessus, sans ouvertures sur le devant et sans manches. On passait la tête par une ouverture ménagée au milieu du vête- ment, et on le relevait sur les bras quand on voulait se servir de ses mains. Nous trouvons ce costume prescrit par une loi de 397 (1) , qui interdit aux séna- teurs de paraître à Rome avec la chlamyde, habit mi- litaire, et ne leur permet que le colobus, tunique sans manches, et la paenula. C'est aussi celui qui est figuré dans une peinture du cinquième siècle environ, est représenté un préfet de Tannone avec son fils (2). Cependant , quand ils étaient dans Texercice de leurs fonctions, les magistrats portaient encore la toge. Les ofjîciales (appariteurs, employés) en tenue portaient aussi Is. paenula sur la tunique; mais celle-ci devait être serrée à la taille par une ceinture ; de plus ils devaient porter bien ostensiblement un pallium

(1) Cod. Theod., XIV, x, 1.

(2) Annali delV Istituto, 1885, pi. 1.

366 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

de couleur voyante, qui servait à faire reconnaître leur dignité (1). Ce pallium était une sorte d'écharpe; on peut voir par les deux figures 1914 et 1915 du dic- tionnaire des antiquités de M. Saglio comment il

m

était porté , soit sur la paenula , soit même sur la tu- nique.

Sauf cet insigne, sur lequel nous aurons à revenir, le costume du clergé romain était absolument identi- que au costume civil des personnes de quelque situa- tion. Le pape Célestin, dans une lettre (2) adressée aux évoques de Provence, blâme Tusage d'un costume ecclésiastique spécial , bon signe qu'il n'y en avait aucun dans son église et dans les pays de sa juri- diction immédiate (3). Les documents, liturgiques ou autres, de Tusage romain, supposent que tous les clercs, depuis le pape jusqu'à l'acolyte et même au- dessous , portent la planète ou paenula par-dessus la tunique. La planète est ordinairement de couleur fon- cée, brune ou violette (jpurpurea) , la tunique de cou- leur claire. Or ce costume était encore porté, au sixième siècle, par les laïques de distinction. Le bio- graphe de saint Fulgence rapporte que, lorsque ce saint évêque débarqua en Afrique, à son retour de

(1) a Discoloribus palliis pectora contegentes conditionis suae ne- cessitatem ex huiusmodi agnitione testentur. » U pourrait bien se faire que cette écharpe ne fût qu'une réduction de la toge antique. Tout est possible en ce genre de transformations. Les reUgieux de certaines congrégations de clercs réguliers (au mont Saint-Bernard, par exemple, à Klosterneubourg et ailleurs) portent actueUement, sur leurs habits, une bande de toile qui pend par devant et par der- rière. Elle n'est pas large de trois doigts. C'est pourtant un surplis, c'est-à-dire une tunique longue et à manches. Après cela on ne peut guère s'étonner de voir la toge se réduire à une écharpe.

(2) Jaffé, 369.

(3) Le long développement sur le sens des vêtements sacerdotaux de Tancienne Loi , qui se trouve dans la prière pour l'ordination des éyéques (ci-dessus, p. 347), suppose aussi qu'il n'y avait point, au temps oU cette prière fut rédigée (vers le cinquième siècle), de vête- ments liturgiques bien caractérisés.

LE COSTUME LITÙHGIQUB. 367

Tèxil , comme il pleuvait , les nobles étendirent leurs planètes au-dessus de sa tête, pour l'abriter. Jean Diacre, dans sa vie de saint Grégoire, décrit, d'après des peintures contemporaines , le costume de ce pape et de son père Gordianus : tous deux étaient habillés de la même façon ; ils portaient , sur la dalmatique , une planète couleur châtain.

La tunique inférieure est devenue l'aube, d'où sont dérivés, par diverses modifications, le rochet des chanoines et le surplis; ces vêtements peuvent être portés par des clercs de divers ordres. La planète est devenue la chasuble , qui n'est plus guère portée que par les prêtres et les évêques. C'était un vêtement coûteux; les simples clercs y renoncèrent d'assez bonne heure.

En dehors de Rome le costume liturgique compre- nait essentiellement les mêmes pièces, l'aube {tunica, linea, alba^ ortxbtpiov) et la planète, appelée aussi cap- sula (chasuble) ou amphibalum (1) , et, en grec , phe- lonion {(fik6)fm). L'aube du diacre, sans avoir la forme de la dalmatique spéciale, à l'usage romain, était ce- pendant d'une matière plus précieuse que celle des clercs ordinaires; on ne la serrait pas à la taille par une ceinture : elle tombait librement (2).

2* La dalmatique.

Outre ces deux vêtements essentiels et communs à tous les clercs , le pape et ses diacres portaient , aux

(1) Ces deux termes se rencontrent pour la première fois, avec le sens bien net de vêtement liturgique, dans le traité de saint Ger- main de Paris. A Rome, on se servait du mot planeta, dont l'origine est inconnue; le terme casula ou plutôt casulis y apparaît pour la première fois dans la vie d'Etienne II (L. P, , t. I, p. 443 , 1 , 18), et encore sous une forme bien altérée (quodsulis).

(2) C'est ainsi qu'elle est décrite par saint Germain de Paris; les diacres grecs l'ont toujours portée de cette façon.

368 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

jours de fête , entre la tunique ordinaire {linea) et la planète, une seconde tunique à manches larges, ap- pelée dalmatique. Cette combinaison des trois pièces de vêtement est bien antérieure au temps se constitua le costume ecclésiastique. Le jour de son martyre (258), saint Cyprien portait une tunique de lin, une dalma- tique, et un vêtement de dessus, analogue à Is, paenula ou planète (1). Dès la fin du cinquième siècle, la dal- matique, démodée sans doute comme vêtement com- mun, était devenu un insigne propre au pape et à ses clercs (2). Le pape l'accordait quelquefois, comme une décoration honorifique , à des évêques à des dia- cres d'autres églises. Le pape Symmaque (v. 513) en conféra le privilège aux diacres d'Arles : saint Gré- goire (599) à l'évêque de Gap et à son archidiacre (3). Les évoques et les diacres de Ravenne représentés dans les mosaïques du sixième siècle portent aussi la dalmatique, sans doute en vertu de quelque conces- sion analogue.

(1) ActSL procons, , 5 : et Se lacorna byrro oxspoliavit et genu in terra flexit et in orationem se Domino prostravit. Et cum se dalma- tica oxspoliasset et diaconibus tradidissot , in linea stetit ot coepit speculatorom sustinoro. »

(2) Le Liber pontificalis (t. I , p. 171 do mon édition) en attribue l'introduction au pape Silvostro. La vie légendaire do saint Silvostre, écrit do la fin du cinquième siècle , ne la fait pas remonter aussi haut, mais elle on suppose Tusago existant depuis environ un siècle. Il est à remarquer que , pour Tautour de ce document , la tunique diaconalo romaine a d'abord été ce mémo rolobus que Tempereur Ilonorius imposa aux sénateurs comme tunique de ville (ci-dessus , p. 3G5).

(3) Vita 8, Cîiesarii, c. 4 (Migno, P. L. , t. LXVII, p. lOKi); Grog. M,, Ep.f IX, 107. Saint Grégoire a mémo l'attention d'envoyer à Gap les dalmatiquos toutes faites, signe (ju'on n'en trouvait pas ordinaire- ment dans le pays. On cite souvent une concession analogue faite par le pape Zacharie à l'évêque do Vienne, Austrobert ; mais lo do- cument qui la contient est une lettre apocryphe (Jaffé, 2258).

LB GOSTUIIK LITURGIQUE. 369

3* La mappula et les manches.

^ Le Liber pontifioalis. au commencement du sixième Siècle, mentionne, outre la dalmatique, un autre in- signe des diacres romains, et même des diacres du ^ocèse suburbicaire (1). C'est le pallium linostimum, 9^i se porte sur le bras gauche. Ce pallium linosti- ^u^n, en tissu de laine et de lin, n'est qu'une variété la serviette ou mappula, qui fait partie de certains Costumes de cérémonie, par exemple de celui du con- ^^1 inaugurant les jeux du cirque. Les Ordinesdu neu- ^ème siècle parlent de la mappula du pape. Cepen- ^^nt on ne rencontre jamais cet insigne dans les Mosaïques et autres monuments figurés , à Rome , ^Vant le douzième siècle. Cela tient sans doute à ce ^e la mappula ne servait qu'à certains moments et cîue , comme on pouvait à chaque instant la déposer et la reprendre, elle n*était pas considérée comme fai- sant partie du costume. En revanche, quand on figure des personnages dans Tacte de présenter ou de rece- voir quelque chose , il ont presque toujours sur les mains une serviette précieuse, déployée. Quelques monuments anciens (2), qui n'ont rien à voir avec le costume liturgique, nous montrent comment on por- tait la mappula, quand on ne s'en servait pas pour offrir ou recevoir quelque chose. Elle était pliée et posée sur le bras gauche , les extrémités pendantes , comme les prêtres, diacres et sous-diacres latins por- tent actuellement le manipule , lequel n'est du reste qu'une transformation de l'antique mappula.

La m^ippula, comme insigne liturgique, ne se ren-

(1) T. I, p. 171, 189, note 62 ; p. 225, note 2.

(2) Peinture de Syracuse, publiée par M. de Rossi, Bull. y 1877, pi. xi ; cf. le bas-rclicf trouvé à Travaux (Jura) et public par le P. Thédenat dans le Bulletin des antiquaires de France^ 1887, p. 178.

24

370 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

contre pas en dehors de Rome (1). Mais en Orient et dans les pays gallicans (2) , on portait des manches {manualia, manicae, emfjtavCxta) en étoffe précieuse, qui recouvraient la tunique aux extrémités des bras.

Les pièces du costume liturgique que nous avons étudiées jusqu'ici ne sont autre chose que des vête- ments communs , auxquels on donna peu à peu un caractère sacré. Venons maintenant aux insignes ecclésiastiques proprenjent dits.

4* Le pallium.

Le pape portait déjà, dès la fin du cinquième siè- cle, un insigne auquel on donnait le nom de pallium. C'était une longue bande de laine blanche, drapée autour des épaules, et dont les deux bouts retombaient Tun par devant, l'autre par derrière.

L'évéque d'Ostie le portait aussi, par un privilège spécial, comme consécrateur ordinaire du pape; les évoques de Ravenne avaient le même privilège , dès le sixième siècle, comme on le voit parles mosaïques ils sont figurés. Le pape Symmaque en fit la con- cession à saint Césaire d'Arles, et cette concession se renouvela pour les successeurs de celui-ci. On voit saint Grégoire conférer le pallium aux évoques de Sy- racuse, de Messine, de Milan, de Salone, de Nicopo- lis , de Corinthe , de Justiniana Prima , d'Autun , de Séville, de Cantorbéry.

Cet insigne parait remonter à une concession im- périale. Tel est encore, à la fin du huitième siècle, le sentiment du fabricateur de la donation de Cons-

(1) n est possible que riiriYovàTiov , sorte de bourse en forme de losange (jue les évoques grecs portent suspendue à Ja ceinture, da côté droit, dérive aussi do la mappula.

('2) Saint Germain, ép. 2.

LB COSTUME LITURGIQUE. 371

tantîn, lorsqu'il fait décerner par Constantin à saint Silvestre le superhumerale , videlicet lorum qui impé- riale circumdare assolet coUum, Au sixième siècle, les papes, quand ils accordaient le pallium à des évéques qui n'étaient point sujets de l'empire grec, avaient cou- tume de demander d'abord l'autorisation de l'empe- reur (1). Celui-ci, du reste, se reconnaissait le droit de l'accorder directement. Au septième siècle, Maur, archevêque de Ravenne, le demanda à l'empereur Constant II , et l'obtint. Mais dès lors une telle dé- marche était synonyme de révolte contre la supréma- tie du pape. Peu à peu le pallium romain prit une signification symbolique. On le considéra comme une relique, comme une sorte de répétition du manteau de saint Pierre. Avant de l'expédier à son destinataire, on le déposait, une nuit durant, dans le sanctuaire de la Confession , immédiatement au-dessus du tombeau de Tapôtre. Saint Pierre était censé avoir dormi une nuit sous ce manteau , qui était devenu le sien. De à l'idée d'une sorte de transmission de pouvoirs , comme celle que symbolisait le manteau d'Elie, légué à son successeur Elisée , il n'y avait pas loin (2). Le pallium devenait ainsi le signe naturel d'une juridic- tion supérieure, d'une sorte de participation au Pasce oves meas] dès le sixième siècle, les évéques d'Arles, au siècle suivant ceux de Cantorbéry, le portèrent

(1) C^est ce que fit Vigile pour les évéques d'Arles , Auxanius et Anrélien; pour les autres évéques, Sapaudus, Virgile, Florian, la per- mission n'est pas mentionnée; il est possible que l'autorisation ait fini par être accordée , à titre perpétuel , pour les évéques d'Arles. Saint Grégoire la demanda pour l'évéque d'Autun. Il ne paraît pas ravoir demandée pour les évéques de Séville et de Cantorbéry. Mais ce dernier était un moine romain , sujet de l'empereur Maurice , et Léandro de Séville avait séjourné à la cour do Constantinoplc , il était fort connu.

(2) Un sens analogue fut attaché, dès le sixième siècle, au pallium d'Alexandrie (Liberatus, Brev,, 20).

372 OniGINEH DU GULTR CHRÉTIEN.

(U)rnni(^ un insi^nin dos pDiivoirs spéciaux qui leur voi)iii<*iil (i(i RoiiKî.

Quand fui c.oncJuo ralliancu) (într6 le i)a))0 el la mai- son r.arolin^Monnn , dI quo Tégliso franque se trouva ratlac.hro plus (HroiUuiuinl au saint-si(^.go , les métro- politains funiiit obligés d'ac.c.cptor le pallium romain av(i(î son synil)olisni(3.

( '(^Ito c.ouc^eplion du pallium comme un manteau a été suggérée par lo mot plutét que par la chose. L'in- signe (|ue Ton désignait par ce terme n*a jamais eu la forme d'un vétiMuent, mais d'une écharpe. Ici il faut revenir aux discolora pallia du Code théodosien, qui sont bien évidemment des échappes, et deséchar- pes-insignes, que l'on porte sur la paenula, comme le pallium pontific.al se porte sur la planète. Le Gode théodosiiîu ne parle de cet insigne qu'à propos de fonctionnaires d'un ordre relativement humble; mais les monuments nous le présentent sur les épaules des consuls, ce qui permet de croire que le gouvernement impérial donna en réalité une très grande marque d'honneur aux dignitaires ecclésiastiques en le leur conférant.

Il sulllt de jeter les yeux sur un diptyque consu- laire pour comprendre ce que je veux dire. Le consul y est représenté dans l'acte le plus solennel de son inauguration, au moment ob il va donner le signal de laisser* courir les chevaux dans Tarène. Par-dessus s<ïs babils , on dislingue une longue écharpe ainsi disposée : un bout pend de Tépaule gauche , par devant, pn^sque jusqu'aux pieds; cette extrémité est pliée et [)résente l'aspect d'un long orfroi ver- tical ; de l'épaule gauche, l'écharpe passe, par derrière le dos, sous le bras droit, remonte en diagonale, sur la poitrine, v(;rs l'épauhi gauche, s'étale, si Ton veut, sur le baul (bi dos et repas.se sous le bras droit pour al)outir à la main ^'au('.ll(^ en drapant au-dessous delà

LE COSTUME LITURGIQUE. 373

ceinture ; Textrémité est tenue à la main gauche , ou rejetée sur le poignet gauche. Dans les diptyques du sixième siècle, au lieu de tomber de Tépaule gauche, la première extrémité tombe de Tépaule droite ; mais on a soin de l'amener d* abord au milieu de la poitrine, de sorte que le bout tombe droit au milieu du corps, entre les jambes. Cette déviation est obtenue, soit au moyen d*une fibule qui saisit l'orfroi sur la poitrine , soit tout simplement en serrant Técharpe d'une ma- nière convenable.

L'eflfet de cette draperie est d'une analogie frap- pante avec l'aspect du pallium pontifical, tel que nous le présentent les anciens monuments. Celui-ci, cependant, a beaucoup moins d'ampleur. Ce n'est pas une draperie richement brodée et terminée par un orfroij c'est une longue bande de laine blanche, étroite, et partout d'égale largeur, sans autre ornement qu'une petite croix noire à chaque extrémité. Par ailleurs elle est drapée exactement comme l'écharpe consulaire, sauf que la seconde extrémité, au lieu de revenir par devant aboutir à la main gauche, retombe librement derrière le dos. Pour qu'elle ne traîne pas, elle est écourtée à la hauteur des pieds, ou même plus haut.

Ainsi, par sa forme elle-même, le paWmm pontifical révèle son origine officielle. Il est à regretter que nous n'ayons, en ce qui regarde l'église romaine, aucun document de sa provenance et de son usage avant le commencement du sixième siècle. Au moment il en est d'abord question, sous le pape Symmaque, l'église romaine était séparée de Constaii- tinople par un schisme; ce n'était pas pour elle le temps des faveurs impériales. Cette situation remon- tait à l'année 484. Plusieurs années avant cette der- nière date, Rome avait cessé d'obéir aux empereurs pour passer sous Tautorité de souverains barbares. Il

374 ORIGINES DU GULTB CHRÉTIEN.

faut donc remonter assez haut dans le cinquième siè- cle pour trouver un temps favorable. D'autre part, les évoques de Gaule et d'Espagne (1) avaient, en dehors du pallium romain , concédé depuis le sixième siècle à quelques-uns d'entre eux, un pallium qui leur ser- vait d'insigne et qui semble bien avoir eu la môme forme que celui du pape. Ceci porterait à croire que la concession impériale remontait à un temps la Gaule était encore romaine dans son ensemble, c'est-à-dire la première moitié du cinquième siè- cle. Les évoques d'Afrique portaient aussi le pal- lium comme insigne de leur dignité (2). S'ils le tenaient de l'empereur, ils devaient l'avoir reçu avant l'invasion des Vandales. C'est au même temps que nous reporte la plus ancienne mention du pallium que l'on trouve dans la littérature ecclésiastique d'Orient. Saint Isidore de Péluse (3) connait déjà cet insigne sous son nom grec à*omophorion ; il lui rattache même une signification symbolique , ce qui donne lieu de croire que l'introduction n'en était pas récente.

Je serais donc disposé à croire que l'origine de cet insigne doit être cherchée plutôt dans le quatrième siècle que dans le siècle suivant.

En ces temps anciens, le pallium était l'insigne par excellence de l'autorité épiscopale dans son plein

(1) Saint Germain de Paris, cp. 2. Le premier concile de Màcon (58!) interdit aux évéques de célébrer la messe sans pallium : Ut epif- copus sine pallio missas dicere non praesumat. La leçon archiept^ copus, qui se trouve dans les textes imprimés, n*est qu'une correc- tion d'éditeur; les manuscrits portent episcopus. Cf. Lœning, Deutsch. Kirchenrecht , t. II, p. 94. Pour TEspagne, voy. ci-dessous, p. 377.

(2) Vie de saint Fulgcncc, c. 18. Saint Fulgence , par humilité, s'abstenait de le porter : u Orario quidem sicut omnes episcopi num- quam utcbatur. » Le terme iVorarium ne doit pas donner le change; il est employé en Espagne [Conc. Tol.^ IV, c. 27) , et mémo à Rome {Lib. pont,, 1. 1, p. \T2, I. 3\ dans le sens de pallium épiscopal.

(3jEp., 1, I3(î.

LB 008TU1CE LITURaïQUE. 375

exercice. Un pape, un patriarche, était-il déposé, on lui enlevait son palliujn. Le pape Félix IV voulut in- vestir son successeur avant sa mort : il lui remit son pallium (1). Il semble qu'en Orient, comme dans les pays gallicans, le pallium fût porté indistinctement par tous les évoques, et l'on ne peut môme dire qu'ils eussent besoin d'en être investis par leurs métropo- litains ou leurs patriarches. L'usage romain de ré- server cet insigne à certains évéques et de le leur en- voyer de Rome , parait être une modification de l'institution primitive. Je ne serais pas éloigné de croire qu'il a quelque rapport avec le changement qui transforma, dans l'opinion et dans le langage, un insigne d'origine officielle en une relique de l'apôtre Pierre.

Bien qu'ayant au fond la môme origine que celui des autres évoques , le pallium du pape prit peu à peu une signification différente et plus élevée. Une circonstance qui dut concourir à lui donner beaucoup de prestige, c'est que, sauf les exceptions d'Ostie et de Ravenne , les évoques suffragants de Rome n'avaient pas l'usage de cet insigne, soit que le pape se fût opposé d'abord à ce qu'ils le reçussent, soit qu'il les en eût privés par la suite (2) , ce qui serait bien extraordinaire.

(1) Voy. Lib. pontif., t. I, p. 282, note 4; p. 293, 1. 2 ; p. 353, 1. 2, 3; p. 472, 1. 3; Théophane, a. m. 6221 ; cf. cr-dessous, p. 381, note 1.

(2) Les évêqucs du diocèse suburbicaiçe étaient, vis-à-vis du pape, dans une situation beaucoup plus subordonnée que celle des autres évéques vis-à-vis de leurs métropolitains. Us étaient obligés de venir à Rome se faire ordonner ; le pape les ordonnait tout seul , sans le concours d'autres évéques; ils n'avaient pas le droit de fonder, sans son autorisation, des églises rurales. Il suflSt de parcourir les regis- tres de Gélase, de Pelage et de saint Grégoire pour constater la dif- férence entre le régime de la province romaine et celui de la pro- vince d'Arles, par exemple, ou de Milan. Comme ceux d'Afrique, les prélats de la Basse-Italie font plutôt l'effet de curés importants (et encore !) que de véritables chefs de diocèse.

376 0RIGINB8 OU GULTB CHRÉTIEN.

5* L'étole.

Les évêques n'étaient pas les seuls dignitaires ec- clésiastiques à qui fût attribué un insigne distinctif. Les prêtres et les diacres avaient aussi le leur. Cepen- dant il y a ici une différence à faire entre Tusage ro- main et celui des autres pays. A Rome on parait avoir été d'abord peu favorable aux insignes ; la lettre du pape Célestin aux évéques de Provence le montre déjà. Mais ce qui le fait voir encore plus clairement, c'est que Vorarium du prêtre et du diacre , considéré comme insigne apparent et distinctif, y demeura in- connu, au moins jusqu'au dixième siècle, tandis qu'il était adopté partout ailleurs. Sans doute il est ques- tion de Vorarium dans les Ordines du neuvième siè- cle; mais on y voit aussi que ce vêtement est porté par les acolytes et les sous-diacres tout aussi bien que par les clercs majeurs, et que sa place est sous le vêtement apparent, dalmatique ou planète, et non par-dessus. Cet orarium n'est que le sudarium anti- que, mouchoir, cravate, qui a fini par prendre une forme spéciale et même par devenir un accessctire du vêtement de cérémonie i : ce n'est pas un msi^ne. Je n'en connais aucune représentation romaine ânî^ rieuro au douzième siècle. Les prêtres, les diacres, .jj: ficurent dans les mosaïques ne présentent janiais ?:■ détail de costume.

11 n'en était pas de même ailleurs. Vers la fin du quatrième siècle, le concile de Laodicée en PLrrrit

/t" On f.'.::; tat Iv.: c:nnvr. comr.^-e au t-^'.:.:.'^ en part*, -rm* s^urjt àe con>.>crA:::u eu: le îr.\r.>f-rr:.r.:î ei: reliçu*. Lfs c^a-^ ûroms AUX :r.^.:usu.;> . le samoi: -i^> Qu:!::"*:— Tercrs . etAieui Qf«i*c»«i;»5 . * ï i ï -A V. v>>-. u -■- rr.-i r.T-i'iv^t', li rs; rfEûATCiiuM'

LB GOSTUMB LITURaïQUB. 377

interdit aux clercs inférieurs , sous-diacres , lecteurs , etc., d'usurper Vorarin/m. Saint Isidore de Péluse (1) le connaît comme quelque chose d'analogue au pal- Hum épiscopal, sauf qu'il est en lin, tandis que le pallium est de laine. Le sermon sur l'enfant prodigue, attribué à saint Jean Chrysostome, emploie le même terme d'ôôrfvYi; il ajoute que cette pièce de costume était disposée sur l'épaule gauche, et que son flotte- ment rappelait les ailes des anges.

Les diacres grecs portent encore l'étole de cette manière, bien apparente, sur le vêtement de dessus, et fixée à l'épaule gauche. Le nom antique d!orarimrh (àpcÉpiov) lui est resté. Quant à Yorarium des prêtres, il se porte, comme l'étole des prêtres latins, autour du cou, les deux bouts retombant par devant , presque jusqu'aux pieds. C'est ce qu'on appelle Vépitrakilion

Ces distinctions se retrouvent en Espagne et en Gaule. Le concile de Braga, en 561 (2), ordonna aux diacres de porter leurs oraria, non sous la tunique, ce qui les faisait confondre avec les sous-diacres, mais par-dessus, sur l'épaule. Le concile de Tolède, en 633, désigne (c. 27) Yorarium comme un insigne commun aux trois ordres supérieurs, évêques, prêtres, diacres ; il spécifie (c. 39) que le diacre doit porter le sien sur l'épaule gauche , et que cet insigne doit être blanc, sans mélange de couleurs ou de broderies d'or. Un autre concile de Braga, tenu en 675, interdit aux prêtres (c. 3) de célébrer la messe sans avoir un ora- rium passé autour du cou et croisé sur la poitrine, exactement comme le font maintenant les prêtres

(1) Loc. cit, : « *H ôOovri ti.e6' ^c XeiToup^oOdiv sv àYioi; ot Siàxovot. »

(2) a Item placuit ut quia ia aliquantis huius proviaciae ccclesiis diacones absconsis infra tunicam utuntur orariis, ita ut nihil differri a subdiacono vidcantur, de cetero superposito scapulae, sicut dccet, utantur orario. »

378 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

latins. Saint Germain de Paris parle de Tinsigne épis- copal et de Tiiisigne diaconal ; il donne au premier le nom de paUium^ dit qu'il se porte autour du cou, qu'il descend sur la poitrine et qu'il est terminé par des franges. Quant à l'insigne diaconal, il rappelle étole {stola)\ il dit que le diacre le porte sur l'aube. Cette façon de porter Tétole diaconale se répandit, pendant le moyen âge, dans presque toute l'Italie et jusqu'aux portes de Rome (1). Mais à Rome môme on semble avoir maintenu l'ancien usage, avec un compromis toutefois. On finit par adopter Tétole des diacres et par la disposer sur l'épaule gauche ; mais on passa toujours la dalmatique ou la planète par dessus (2).

On accepta aussi l'étole presbytérale : dans la mo- saïque de Sainte-Marie in Trastevere^ on voit un prê- tre orné de cet insigne. Il est à remarquer que les quatre papes qui figurent dans la môme mosaïque portent le pallium, mais sans étole. L'un semble ex- clusif de l'autre. En fait, les Oi^dines àxx neuvième siècle , quand ils décrivent le costume du pape, omet- tent toujours l'étole. Du reste, dans les monuments on peut les voir rapprochés , les deux insignes of- frent une ressemblance frappante. Il suflBt, pour s'en convaincre , de jeter les yeux sur la mosaïque que je viens de citer , ou encore sur les miniatures du car- tulaire de Tivoli. Dans celles-ci, on voit, groupés en- semble, le pape, avec son pallium sur la planète, et des évoques suburbicaires avec leur étole sous le même vêtement. C'est exactement la môme forme, la même couleur, la même décoration de petites croix noires. On conçoit très bien que celui qui porte

(1) Voir le costume de saint Laurent dans les iUustrations du car- tulairc de Tibur (Bruzza, Il regesto di Tiuolî, pi. iv).

(2) C'est ce qui fait que l'on a été obligé de la saisir à la ceinture, de sorte qu'elle se porte eu bandoulitM'o.

LB COSTUME LITURGIQUE. 379

l'un des deux insignes ne doit pas porter l'autre (1).

Cependant ils finirent par se combiner. A Ravenne, Ton a toujours eu le goût des décorations, Tévê- que Ecclesius porte, dans la mosaïque de Saint- Vital, à la fois l'étole presbytérale et le pallium romain. Ce monument semble isolé ; les autres évéques de Ra- venne, successeurs d'Ecclesius, sont figurés avec le pallium seul. On retrouve les deux à la fois dans le sacramentaire d'Autun (2) et sur le paliotto de saint Ambroise de Milan ; tel parait avoir été dès lors l'usage du clergé frank.

Si Ton tient compte de ces faits, de ces différences et de ces changements , on est porté à se figlirer ainsi qu'il suit rhistoire des insignes appelés pallium, omophorion, orarium, étole, épitrachilion. Tous ont la môme origne. Ce sont des marques de dignité, in- troduites dans Tusage ecclésiastique pendant le qua- trième siècle, analogues à celles que le Code théodo- sien prescrit à certaines catégories de fonctionnaires. L'église romaine , pour une raison ou pour une au- tre j refusa de les accepter, ou plutôt s'en tint au pal- lium du pape , qui prit bientôt une signification toute spéciale. Ailleurs, on adopta l'insigne pour les trois degrés supérieurs de la hiérarchie, en le diversifiant un peu suivant le degré ; le diacre le porta sur l'épaule gauche, le prêtre et l'évoque autour du cou; le diacre sur la tunique qui est son vêtement des- sus , le prêtre sous la planète, l'évêque par-dessus (3).

(1) Cf. la peinture de Saint-Clément (De Rossi, Bull.y 1865, p. 2), qui représente le pape Nicolas transférant les restes de saint Clément ; le pape a le pallium sans l'étole ; saint Méthode et un autre évéque qui l'assistent, ont l'étole sans le pallium. Cette peinture est du dou- zième siècle.

(2) Voy. la reproduction publiée par M. L. Delisle, dans la Gazette archéologique de 1884 , pi. 20.

(3) Cependant , pour cette différence entre le prêtre et l'évêque , nous sommes assez peu renseignés. Le canon du troisième concile de

380 ORIGINES DU GULTB CHRÉTIEN.

Le palliuiïi, sauf les croix qui en ornaient les ex- trémités, était toujours de couleur blanche; il en était de môme de l'étole diaconale et aussi de Tétole près- bytérale ou épiscopale. Le pallium a toujours et par- tout été en laine ; en Orient, l'étole diaconale était de lin ; je ne saurais dire en quelle matière était cette étole et celle du prêtre dans les pays occidentaux.

6" Les souliers et la coiffure.

Les souliers et la coiffure devinrent aussi matière à particularités distinctives. Tous les clercs n'avaient pas le droit de porter les campagi^ espèce de mule qui ne couvrait que le talon et l'extrémité du pied. C'était déjà, au sixième siècle, la chaussure de céré- monie du haut clergé de Rome et de Ravenne (1). Pour la porter, il fallait une permission du pape (2).

Braga (ci-dessus , p. 377) , qui prescrit aux prêtres de croiser Tora- rium sur la poitrine, suppose , par même , qu'il se portait sous la planète. Le concile no dit pas que cette disposition soit propre aux prôtres ordinaires et que les évéquos en doivent observer une autre. Le terme sacerdoles , dont il se sert , peut comprendre les évéquos aussi bien que les prêtres. Par ailleurs , Tancienne littérature ecclé- siastique d'Espagne ne fournit aucun renseignement. En Gaule, saint Germain do Paris parle du p&llium épiscopal après avoir décrit la chasuble, ce qui donne lieu de croire qu'il se mettait par-dessus. J'ai déjà dit que l'évoque Ecclesius de Ravenne est représenté avec l'étole ou orarium pondant par devant , sous la planète, et en même temps avec le pallium par-dessus, et que cet usage fut adopté en France aux temps carolingiens. Les évoques grecs portent aussi à la fois répitrajchilion et l'omophorion. Ce cumul d'insignes était interdit on Espagne au septiômo siècle (Cono. Toi, /V, c. 39), et nous consta- tons que le pape s'en abstint jusqu'au douzième siècle environ, se contentant do son pallium, sans y joindre Tétole.

(1) On peut la voir représentée dans les mosaïques du temps, oa particulier dans celles do B. Vital de Ravenne, oh elle est portée par l'empereur, les officiers de sa cour, l'évéque de Ravenne et ses dia- cres. L'un des Ordines romani la mentionne comme celle des prêtres et des diacres romains ; l'autour de la fausse donation do Constantin en parle aussi, quoique on termes assoz peu clairs.

(?) Saint Grégoire [Ep. VIII, 27) intordit aux diacres de Catano de

LE G08TUMB LITURaïQUB. 381

Dans les histoires de dépositions relatives au pape Martin et à Tantipape Constantin (1), on voit que, en pareil cas, non seulement on enlevait le pallium, mais on coupait les courroies des campagi,

La tiare parait avoir été, à Torigine, un insigne tout à fait particulier au pape. Au moins ne le ren- contre-t-on nulle part ailleurs en Occident. Il n'y en a aucun document antérieur à la vie du pape Cons- tantin (708-715) (2), Ton voit le pape faire son en- trée à Constantiuople cum camelauco^ ut solitus est Roma procedere, La similitude du mot camelaucum avec le terme grec de xatxtjXauxiov , montre qu'il s*agit ici d'un couvre-chef. Soixante ans plus tard, l'auteur de la fausse donation constantinienne en donne la des- cription et en explique l'origine. L'empereur Cons- tantin a voulu donner sa couronne impériale à saint Silvestre ; mais celui-ci s'y étant refusé par humilité , il lui posa sur la tête une coiffure phrygienne (3) de couleur blanche , frigium candido nitore , et lui ac- corda, à lui et à ses successeurs, le droit de la porter dans les processions, à l'imitation de la pompe souve- raine. Cet insigne n'apparaît, à ma connaissance, sur aucun monument antérieur aux peintures de l'an- cienne église de Saint-Clément, à Rome (XIP s.). Dans ces peintures, le bonnet, de forme à peu prés conique, s'appuie sur une couronne gemmée; cette couronne

porter le campagus ; il déclare que, dans toute la Sicile, les diacres de Messine sont les seuls qui en aient le privilège, à eux concédé par ses prédécesseurs.

(1) a Cum incidisset psachnion (pallium) beati viri excubitor et cor- rigiam compagiorum eius... » (Hardouin, Conc, t. III, p. 682 ; L. P., t. I, p. 472).

(2) L. P., t. I, p. 390, 1. 15.

(3) La tiare du pape et le bonnet phrygien ont ainsi une parenté réelle, quoique éloignée. La mitre des évéques, qui n*est qu'un capu- chon sublime, dérive d'un vêtement {cuculla) qui était autrefois celui des gens de peine et des pauvres paysans.

382 ORiaiNBS DU gultb chrétien.

doit avoir été ajoutée postérieurement au huitième siècle, car la fausse donation constantinienne sup- pose qu'elle n'était pas en usage alors. La deuxième couronne ne se rencontre pas sur les monuments avant le temps de Boniface VIII; la troisième a été ajoutée par Tun des papes d'Avignon.

7" La housse blanche des clercs romains.

La donation de Constantin mentionne un autre m- signe , particulier non plus au pipe seul , mais aux membres du clergé romain , c'est celui de la housse blanche {mappula ou mappulum) (1), en toile de lin, soyeuse , qu'ils avaient lo droit de mettre sur la selle de leurs chevaux, les jours de procession. Les clercs romains étaient fort jaloux de ce privilège. Au temps de saint Grégoire (2), ils protestèrent vive- ment contre les usurpations que le clergé de Ravenne se permettait sur ce point. Le biographe du pape Co- non (3) (687) lui fait un grand crime d'avoir autorisé un diacre de Syracuse à user du mappulum. A Rome les moindres clercs , même avant d'être entrés dans les ordres mineurs, en avaient la jouissance (4).

8" La crosse et Tanneau.

La crosse et l'anneau, comme insignes de la di- gnité épiscopale, sont mentionnés dans le quatrième concile de Tolède (c. 27) et dans le De ecclesiasticis

(1) a Decernlmus et hoc ut clerici eiusdem sanctae Romanae ecde- siae mappulis et linteaminibus , id est candidissimo colore decorari equos et ita equitari. »

(2) Ep. III, 56, 57.

(3) L. P., t. I, p. 369.

(4) Ordo Rom,t IX ^ 1 : « Accipient primam benedictionem ab archi- diacoao, ut liceat eis super linteum vellosum sedere , quod mos est ponere super sellam equi, »

LB GOSTUMB LITURGIQUE. 383

officiis (II, 5) de saint Isidore. Ils étaient donc entrés dans l'usage, en Espagne, dès le commencement du septième siècle. Au onzième siècle, on s'en servait à peu près partout , comme le prouve l'histoire de la querelle des investitures. Du reste, bien avant cette date, certaines vies de saints, rédigées en pays galli- can , donnent lieu de croire qu'ils n'étaient pas parti- culiers à l'Espagne. C'est ce qui résulte encore de remploi de la crosse, sous le nom de cambuta, dans la cérémonie de la dédicace suivant le rit gallican. A Rome, au contraire, cet insigne était inconnu. Quand la crosse épiscopale eut été adoptée partout, avec son symbolisme si naturel , on s'étonna que le pape , le pasteur des pasteurs, fût le seul qui ne fit pas usage du bâton pastoral. Pour expliquer cette particularité, qui n'est que l'ancien usage romain mieux conservé à Rome qu'ailleurs, on eut recours à des légendes sans aucune autorité (1).

Quant à la mitre, comme il n'en est nulle part ques- tion avant le onzième siècle, il n'y a aucune raison d'en parler ici. Du reste, pas plus au onzième siècle qu'à présent, elle ne constituait un insigne épiscopal proprement dit.

La tradition des vêtements ou insignes ecclésiasti- ques eut sa place dans le rituel de l'ordination. Les textes, cités plus haut, de saint Isidore et du quatrième concile de Tolède en parlent expressément, mais sans dire à quel moment de la cérémonie elle avait lieu. Les autres documents du rituel gallican sont muets

(1) C'est l'histoire du bàtoa de saint Pierre, qui est confié à un évoque missionnaire pour ressusciter un de ses compagnons mort en route. Innocent III (De ait. myst.f I, 62) est le premier qui ait donné cette explication. Il la rattache à la légende de saint Eucher de Trêves. Au temps il écrivait, on racontait la même histoire à propos de beaucoup d'autres saints.

384 0RiaiNB8 DU CULTE CHRÉTIEN.

sur ce détail. Dans les Ordines romains du neuvième siècle on voit Tarchidiacre revêtir les ordinands du costume de l'ordre qui va leur être conféré , puis les présenter au pape ainsi habillés , pour recevoir la bé- nédiction du diaconat, du presbytérat ou de Tépisco- pat. Cette cérémonie se fait en avant de l'autel, dans l'enceinte réservée ou presbyterium , en dehors de Tabside siège le pontife entouré des clercs majeurs. Les vêtements qui sont l'objet d'une collation solen- nelle sont : Torarium, avec la dalmatique pour les dia- cres, et la planète pour les prêtres; Tévêque revêt à la fois la dalmatique et la planète, celle-ci par-dessus Tautre.

CHAPITRE XII.

LA DÉDICACE DES ÉGLISES.

S !•' Les édifices consacrés au culte chrétien.

Les églises primitives n'ont été d*abord que des "*^aisons ordinaires, spécialement affectées au culte ^lirétien, ou plutôt à l'ensemble des services de la Communauté chrétienne. Les maisons antiques se l>rô talent fort bien à cet usage. Elles comprenaient généralement une entrée sur la voie publique, une Oour entourée de portiques {atrium) \ en arrière, une a^utre cour ou une grande salle fermée , une salle de bains , des pièces d'habitation , des caves , des cel- liers, des dépendances de tout genre, disposées autour des cours intérieures. C'était ce qu'il fallait pour ins- taller les diverses catégories de personnes dont se composaient les réunions chrétiennes, catéchumènes, fidèles, pénitents, pour loger Tévôque et les clercs qui l'assistaient dans son administration, pour abriter et conserver les papiers , les livres , les vases sacrés , pour emmagasiner les vêtements , les objets de lite- rie, les provisions à Tusage des pauvres et des étran- gers. Une domus ecclesiae, en ces temps reculés, comprenait tout cela (1). C'était quelque chose d'as-

(1) Voy. le procès-verbal de saisie do Téglise de Cirta, en 303, dans les Gesta &pud Zenophilum (Migne, P. L., t. VIII, p. 731).

9?;

386 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

sez compliqué , à la fois église , évôché , réfectoire , dispensaire, hospice. Cependant la partie spécialement affectée au culte prit de bonne heure un relief spé- cial ; les autres parties du bâtiment s'en détachèrent peu à peu et ne participèrent point à son caractère sacré. La domus ecclesiae devint la dormis Dei , le lieu les chrétiens rencontraient le Seigneur , le domi- nicum (1).

L'idée de donner une solennité particulière à la prise de possession de ces édifices sacrés était trop naturelle pour ne pas rencontrer de bonne heure une expression. Dès le lendemain de la persécution de Dioclétien il est question de dédicaces d'églises , ac- complies avec une certaine pompe. Eusèbe décrit celle de l'église de Tyr, qui fut célébrée en 314. D n'y avait encore aucun rite spécial. Les évoques voi- sins étaient convoqués ; il se produisait un grand con cours, qui rehaussait la première célébration des saints mystères. Des discours d'apparat étaient prononcés : Eusèbe , qui fut chargé de porter la parole à la dédi- cace de l'église de Tyr, n'a pas négligé d'insérer dans son Histoire le discours qu'il fit à cette occa- sion.

L'église de Tyr était une église de ville , ou mieux l'église par excellence , la cathédrale de la ville de Tyr. Il est possible qu'il n'y en eût point d'autre au temps elle fut inaugurée. Dans les très grandes villes 5 à Rome , à Alexandrie , à Carthage, il y eut de fort bonne heure plusieurs églises , une seule étant insuffisante à contenir toute la population chrétienne. Ces églises avaient des prêtres spéciaux; elles n'en étaient pas moins considérées comme appartenant à

(1) Eupiaxév) en grec. De est venue TâppeUation en usage dans les langues germaniques, KirchCf Kirh, Church, Dans les langues néo- latines , c'est de l'ancien terme è%xky\aia que dérivent les désignations actuellement reçues.

I

LA DÉDIGAGB DES ÉGLISES. 387

l'Bnsemble de la communauté, et Tévéque se transpor- tât souvent de Tune à Tautre. Elles représentaient plutôt un épanouissement de la cathédrale que des PBiroisses. distinctes, au sens que nous attachons à ce lUot.

Outre les églises urbaines il y avait des églises ci- lUîtériales (1) , situées aux lieux de sépulture et ser- vant aux services funèbres, à la messe des funérailles, de l'anniversaire et autres commémorations, ainsi cpi'aux agapes funéraires, dont Tusage se conserva longtemps. Quelquefois ce n'était qu'une exèdre cou- verte, suffisante pour abriter le prêtre, l'autel et quel- ques assistants; si l'assemblée était nombreuse, elle s'installait en plein air , dans l'enceinte du cimetière. Mais il arrivait souvent que l'église cimitériale s'éle- vftt ^rès ou au-dessus du tombeau d'un martyr. Alors la dévotion populaire y amenait un concours qui -ne se bornait pas à la fête de l'anniversaire. On aimait à tenir des réunions, liturgiques ou autres, aux lieux dormaient les héros de la foi. La nécessité d'abri- ter ces réunions et le désir d'honorer le souvenir de ceux qui en étaient l'objet firent construire des édi- fices parfois considérables et somptueux sur les tom- bes des martyrs et des apôtres. Quand, pour une rai- son ou pour une autre , les restes du martyr ne se trouvaient pas déjà dans l'enceinte de l'édifice sacré, leur transfert à cette demeure nouvelle était accom- pagné d'une pompe solennelle (2). C'était encore un enterrement, une déposition^ mais un enterrement triomphal. En ces occasions, outre le service liturgi- que ordinaire, c'est-à-dire la prise de possession de l'édifice par le culte chrétien, la fête de dédicace

(1) Sur ceci, voy. De Rossi, Romasott., t. III, p. 454 et suiv.

(2) Je me borne à rappeler les translations de reliques célébrées par saint Ambroise.

388 0BI6INB8 DU CULTR CHRÉTIEN.

comportait la translation des reliques du saint , c'est- à-dire la prise de possession du monument par le saint qui devait l'habiter désormais.

Il y avait ainsi deux catégories d'églises , les égli- ses ordinaires, qui n'étaient que des lieux d'assem- blées liturgiques, et les églises reposaient les corps des saints. Les églises des villes appartenaient en général à la première catégorie , et , avec elles , beaucoup d'églises de campagne. Quant au second type, il n'eût été représenté que par un petit nombre d'édifices sacrés, si l'on s'était borné à y ranger les églises élevées réellement sur les tombes des martyrs, relativement peu nombreux , dont le souvenir et le ^ culte s'étaient conservés. Mais, par une sorte de fie tion légale, il fut bientôt admis qu'un même sainte: pouvait avoir un très grand nombre de tombeaux. Une relique quelconque, un linge imbibé de son sang^ une fiole d'huile puisée à la lampe de son sanctuaire^ un fragment d'étoffe coupé dans le voile qui recou- vrait son sarcophage , cela suffit pour le représenter au loin. Posséder un objet de ce genre, c'était possé- der le corps même du saint ; le transporter , le dépo- ser dans une église, c'était y enterrer le corps du saint (1). On obtenait ainsi des tombeaux représenta- tifs en aussi grand nombre que l'on voulait. De cette façon, les églises à reliques devinrent bientôt aussi nombreuses que les autres ; elles devinrent môme plus nombreuses, jusqu'au moment où, leur prestige étant tout à fait supérieur, il fut impossible de con-

(1) Je ne puis citer ici un exemple plus ancien que celui de la ba- ailica RomansL do Milan, dédiée par saint Ambroise avec des pignora, de saint Pierre et de saint Paul, apportés de Rome. Cette dédicace est antérieure à Tannée 386 {Ambros., Ep. 22 ; cf. Paulin, Vita Am6r., 33). n faut rappeler aussi la basilique des deux mêmes apôtres, con- struite par RuÛn dans sa villa du Chéno, auprès de Chalcédoine , et consacrée solennellement, en 394, avec des reliques venues aussi de Rome.

LA DÉDIGACB DES ÉGLISES. 389

c^^oir une église qui n'eût pas de reliques dans son ^"O^tel. A défaut de souvenirs des saints {pignora, ^Qt-^ic^t^orm) , on en vint à employer des fragments de '* évangile ou même des hosties consacrées (1).

§ 2. La dédicace suivant le rit romain.

Ni le sacramentaire léonien, ni celui du pape Ha- drien ne contiennent de formules pour la dédicace des églises (2). Le sacramentaire gélasien, comme tou- jours, est plus complet; mais on ne sait pas d'avance s'il correspond ici à Tusage romain ou à Tusage gal- lican , ou à un mélange des deux. On en peut dire autant des autres livres liturgiques d'origine franque, depuis le huitième siècle; ils sont d'ailleurs si peu d'accord entre eux, que l'on est en droit de se de- mander jusqu'à quel point le rituel de la dédicace était fixé lorsqu'ils ont été copiés. Il devait y avoir encore une très grande latitude.

Si l'on remonte au delà du huitième siècle, le plus ancien document de l'usage romain est la lettre du pape Vigile à Profuturus de Braga (538). Il en résulte que , vers le milieu du sixième siècle, l'église romaine n'avait encore aucun rituel pour la dédicace des égli- ses. Une église était dédiée par ce fait même que la messe y avait été célébrée solennellement. Cepen- dant, au cas cette église appartenait à la catégorie des sanctuaires à reliques, les reliques devaient y être déposées avant la première messe. Les aspersions

(1) Concile anglais de Celichyth, tenu en 816, c. 2 : a Eucharistia ... cum aliis reliquiis condatur in capsula ac servetur in eadem basi- lica. Et si alias reliquias intimare non potest, tamen hoc maxime proficere potest , quia corpus et sanguis est domini nostri lesu Christi. »

(2) n y a, dans le sacramentaire léonien, I, 34 (Muratori, p. 308), une messe do dédicace ; mais il ne faut pas confondre la messe de dédicace avec les rites et formules propres à la dédicace elle-même, qui doit avoir lieu avant la messe.

390 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

d'eau bénite , qui ont une si grande importance dans la cérémonie actuelle , sont mentionnées , mais pour être exclues : elles n'étaient pas d'usage à Rome (1).

Une soixantaine d'années plus tard , les lettres de saint Grégoire parlent assez souvent de dédicaces d'églises (2). Dans le diocèse métropolitain du pape, aucune église rurale ne pouvait être consacrée saus son autorisation. C'est ce qui fait qu'il est souvent question de ces cérémonies dans la correspondance pontificale. Le Liber diurnus contient une vingtaine de formules, à cet usage (3). Je ne vois rien dans ces documents qui , tout bien pesé , suppose un autre ri- tuel que celui dont s'inspirait le pape Vigile (4).

Ceci est confirmé par la comparaison des deux plus anciens Ordines de dédicace , suivant l'usage romain. Le premier est inédit (5), le second a été publié par F. Bianchini, dans le tome III de son Anastase, p. XL VIII. La cérémonie qu'ils décrivent est la même= au fond, bien qu'il y ait quelques différences prove-

(1) « De fabrica vero cuiuslibet ecclesiae, si diruta fuerit et si in eo loco consecrationis solemnltsis debeat iterari in quo sanctuaria non fuerint, nihil indicamus officere si per eam minime aqua exorcizata iactctur ; quia consecrationem cuiuslibet ecclesiae in qua sanctuaria non ponuntur celebritatem tantum scimus esse missarum. Et ideo, si qua sanctorum basilica a fundamentis etiam fuerit innovata, sine aliqua dubitatione, cum in ea missarum fuerit celebrata solemnitas» totius sanctificatio consecrationis impletur. Si vero sanctuaria quae habebat ablata sunt, rursus earum déposition^ et missarum solenmi- tate reverentiam sanctificationis accipiet. »

(2) Greg. M., Ep. I, 56; II, 5 ; III, 19; VI, 22, 45, 49; VIII, 4; IX, 25; cf. Dial., m, 30.

(3) Ed. Garnier, ch. V; Roziére, 10-31.

(4) Il est quelquefois question de dédicaces célébrées absque missis publicis ; il s'agit ici d'oratoires de monastères dans lesquels le pu- blic ne devait pas entrer et dans lesquels, par conséquent, on ne pouvait célébrer de missae publicae. Il est tout naturel que, l'édifice ne devant jamais servir aux messes publiques, on n'en célébrât point au moment de la dédicace.

(5) C'est celui du manuscrit de Saint-Amand. On le trouvera à la fin de ce volume.

LA DÉDIGAGB DES ÉaLISES. 391

nant de ce que l'un des deux insère les pièces de chant et néglige les prières prononcées par le célé- brant, tandis que l'auti^e fait justement le contraire. En somme , ils se suppléent. Leur titre est significa- tif ; il ne mentionne pas la dédicace , mais la transla- tion des reliques ; et , en effet , la translation des re- liques est à peu près le seul rite dont ils s'occupent. En dehors de ces deux rituels , le sacramentaire gé- lasien (1) nous a conservé une formule de convoca- tion intitulée Denunciatio cwn reliquiae ponendae sunt ma/rtyrum, qui correspond à la même cérémonie. Je vais la décrire brièvement.

L'évêque se rend avec son clergé au lieu sont les scmctuaria. Le chœur chante un répons, puis en- tonne la litanie, après laquelle Tévôque récite une oraison. Puis il dépose les reliques (2) sur une patène recouverte d'un linge , enveloppe le tout d'un voile de soie et la procession se met en route pour TégliBe à consacrer. Les reliques sont portées, soit par l'évo- que lui-môme , soit par un prêtre. Pendant le par- cours , le chœur chante un psaume ; à rapproche de Téglise , il recommence la litanie.

L'évêque laisse les reliques entre les mains des prê- tres, et, accompagné seulement de deux ou trois clercs, il pénètre dans l'église. Là, il procède à l'exorcisme de l'eau ; puis il y mêle quelques gouttes de chrême, et s'en sert aussitôt pour faire le mortier avec lequel il scellera bientôt la pierre de l'autel. Prenant alors une éponge, il la trempe dans l'eau exorcisée et lave l'au- tel, une fois seulement. Cela fait, il sort et termine la litanie par une deuxième oraison. Avant de rentrer

(1) II, 2, Muratori, t. I, p. 635.

(2) Les reliques étaient généralement déposées dans^une boîte en métal précieux. Voy, de Rossi, Bull. 1872, pi. x-xii ;|de Lauriére, Bulletin monumental, t. LIV (1888), Note sur deux reliquaires^ etc.

392 0RI0INR8 nu QULTR GHRiTlBN.

dans l*nfi[lise , il asporgn lo ptuiplo avoc ce qui rosle (le Toau lustrale (t).

L*(iv(^quo pnnul ensuite les reliques; la porte s'ou- vre ; il entre dans TcS^çlise, suivi eette fois de tout le peuph^ , au ehant d'une troisième litanie, qui se ter- mine encore par une oraison. Cela fait, pendant quo le chonir ext'uuite une anti[)hone, il se dc^pouille île sa plancNte et s'avance tout seul vers l'autel, il dé-- pose les sanctuaria. Avant de fermer la cavitô (sA-^ pulere, confession) il y fait des onctions de chrôin^^ aux quatre coins , i\ l'intrtrieur. Puis il place et scell^^ la pierre du tomlx^au , n^cite une oraison et fait eu--^ core des onctions sur la j)ierre, au milieu et aux qua--^ tre coins.

On couvre alors Tautel , TévAque reprend son vote- - ment et récite une derniôre oraison. On lui apporte à ^ bénir les linges et les vases sacrés, ainsi que la croix ^ de l'autel. Il se rend ensuite au saorariumy le ^ mansionnaire se présente, un cierge allumé à la main. L'ôvéque bénit en ce cierge tout le luminaire de -• Téglise qui est aussitôt allumé , et la messe com— - mence.

Il est facile de voir que ce rituel est exclusivement- funéraire. On prépare U) tombt^au du saint, on 1'^ transporte, on l'y enf(»rme, on répand un parfum à* l'intérieur et i\ l'extérieur du séj)ulcre. L'idée d'em- baumement est exj)rinu^e plus clainunent encore dans le rituel jmstériour, les fumigations d'encens se joignent aux onctions d'huih^ aromatisée.

UOrdo de Véroiu) uuintionne, h la fin de la cérémo- nie, l'aspersion do l'églists nuus ce passage peut étro soupçonné d'intcirpolation. Kn tout cas, il n'y a rien de semblable dans l'aulne Ordoy et, ménu^ dans celui de Vérone, le rite de l'aspersion n'est qu'un appen-

(1) Ootto e«u ott appoléo grégovUnne (UnH les rituoli povtôrieurt.

DÉDICACE DES ÉGLISES. 393

dice de peu de relief, ajouté à la cérémonie de la dé- position (1).

Il^n'y aurait, certes, rien d'étonnant à ce que Ton eût pratiqué ces aspersions sur les murs du nouvel édifice. Dès le temps du pape Vigile, les fidèles de Rome avaient l'habitude de répandre de Teau bénite dans leurs maisons. Le Liber pontificalis en fait foi (2). Cependant Tétat des documents ne permet pas , je crois, de conclure que cet usage se soit dès lors, et même de longtemps, étendu aux édifices consacrés au culte.

§ 3. La dédicace gallicane.

Une fois reconstitué , au moins dans ses lignes principales, le rituel de la dédicace suivant Tancien usage romain, je vais essayer de le reconstituer sui- vant l'ancien usage gallican (3). C'est une tâche fort délicate, car il ne subsiste aucune description, aucun texte liturgique, si ce n'est dans des livres les deux rituels, romain et gallican, se trouvent plus ou moins combinés.

Un ancien commentaire du rituel de la dédicace , publié d'abord par Martène, fut attribué par lui à Remy d'Auxerre, chef de l'école épiscopale de Reims

(1) Comme VOrdo de Vérone ne mentionne pas l'aspersion du peuple devant Téglise, avec le reste de Teau exorcisée, il est possible que ce rite soit celui qu'il a ici on vue. On asperge le peuple, non les murs de l'église ; cette aspersion a lieu à Tintérieur , au lieu de se faire à l'extérieur. Dans les autres rituels , on verse simplement au pied do l'autel ce qui reste de l'eau lustrale. U semble que l'on ait tenu à la faire disparaître, probablement pour empêcher qu'elle ne servît à quelque usage superstitieux.

(2) Tome I , p. 127.

(3) Dés le commencement du sixième siècle , on trouve trace d'un rituel gallican pour les dédicaces d'églises. Conc, Aurel, [511], c. 10: a Ecclesias [Gothorum] simili quo nostrae innovari soient placuit ordine consecrari. »

394 0RIOINB8 DU CULTE GHRÉTIBN.

à la fin du neuvième siècle. Bien que cette attribu- tion ne soit pas absolument sûre, elle est au moins vraisemblable. En tout cas, le texte auquel est ratta- ché le commentaire était certainement en usage au neuvième siècle, car il se retrouve, à peu près mot à mot , dans un autre Ordo du manuscrit de Vérone dont j'ai parlé ci-dessus. Il précède immédiatement, dans ce manuscrit, le rituel romain que je viens de décrire.

Le sacramentaire d'Angoulême (1), de la fin du hui- tième siècle ou du commencement du neuvième, contient, à propos de la dédicace, un Ordo semblable pour le fond au rituel de Remy; il n'en diffère que pour un point important que je signalerai bientôt. Les prières et autres formules contenues dans ce sacra- mentaire et dans celui de Gellone , qui est à peu près du même temps (2) , sont les mêmes que celles dont ce rituel donne la série et les premiers mots.

Enfin les deux anciens manuscrits appelés sacra- mentaire gélasien et Missale Francorum contiennent la plupart de ces prières et même quelques rubriques qui sont absolument identiques à celles que suppo- sent ou indiquent Remy et VOrdo de Vérone. On peut donc admettre que tout ce rituel était en usage en France au commencement du huitième siècle.

1* Entrée de Tévêque ; prières préparatoires.

Les reliques des saints sont dans un endroit à part. Toute la nuit on a fait vigile auprès d'elles. Quant à Téglise à consacrer , elle est vide ; douze cierges y brûlent le long des murs ; un clerc s'y enferme pour l'ouvrir au moment opportun. L'évêque se présente

(1) Parisinus 816. Voir cet Ordo à Tappendice.

(2) Delisle, Anciens sacramentaires y n" 7 et 15 (Mém. de VAc&d. des Inscr,, t. XXXII, part. 1).

LA'DÉDIGAGB DBS ÉGLISES. 395

3vant la porte ; de son bâton pastoral (cambuta) , il

)uche le linteau , en disant Tantienne Tollite portas,

rincipesvestras, etc. Le chœur chante alors le psaume

.nalogue : Domini est terra. Quand il est fini, la porte

s'ouvre et l'évêque dit en entrant : Fax huic domùi !

Puis il va devant l'autel, le clergé à sa suite, et tous se

prosternent, pendant que, dans l'édifice vide, retentit

pour la première fois le chant de la litanie. L'évêque

se relève et récite la première oraison :

Magnificare , Domine , Deus noster , in sanctis tuis ; et hoc in templo aedifîcationis appare, ut qui omnia in fîliis adoptionis ope- raris, ipse semper in tua haereditate lauderis.

2" Cérémonie de l'alphabet.

Le pontife se rend alors à l'angle oriental de gau- che et, traversant l'église en diagonale, il trace sur le pavé, du bout de son bâton pastoral, les lettres de l'alphabet; puis, remontant à l'angle oriental de droite, il accomplit le même rite sur l'autre diagonale du pavé(l).

Préparation de l'eau lustrale.

Il revient ensuite devant l'autel et appelle le secours de Dieu : Deus in adiutorium meum intende ! Puis il procède à la bénédiction de l'eau lustrale. Cette céré- monie commence par l'exorcisme et la bénédiction, séparés, de l'eau d'abord, puis du sel. Le sel est en- suite mêlé de cendre et ce mélange est répandu dans

(1) Actuellement l'usage est de tracer l'alphabet grec sur la pre- mière des deux lignes, Talphabot latin sur la seconde. Les rituels du neuvième siècle ne marquent pas cette distinction. On a soin de re- couvrir préalablement le pavé avec de la cendre , sur les deux dia- gonales, afin que les lettres apparaissent.

396 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Teau à trois reprises et en forme de croix. Alors Tévé- que y verse du vin et prononce la prière :

Creator et coDservator humani generis , dator gratiae spiritalis, latgitor aeternae salutis, tu permitte Spiritual tuum super vioum cum aqua mixtum ; ut armata virtute caelestis defeosionis ad consecratioDem huius ecclesiae vel altaris proficiat.

4* Lustration de l'autel.

Avec son doigt trerapé dans Teau lustrale, Tévéque trace la croix aux quatre angles de Tautel ; puis il en fait le tour sept fois, en Taspergeant avec un bouquet d'hysope. Le chœur exécute le psaume Miserere.

5* Lustration de Téglise.

Toujours armé de son bouquet d'hysope , Tévéque fait le tour de l'église par trois fois, jetant Feau lus- trale sur les murs, pendant que le chœur chante les trois psaumes Miserere^ Eœurgat Deus, Qui habitat in adiutorio Altissimi, Des clercs détachés par lui vont faire Taspersion de Téglise à l'extérieur (1). L'évêque asperge ensuite le pavé, en marchant de l'autel jus- qu'à la porte, puis au milieu, sur une ligne perpen- diculaire à la longueur de l'édifice.

6" Prières consécratoires.

L'évêque se place au milieu de l'église, face à l'au- tel, et récite successivement une oraison, puis une prière eucharistique.

Deus qui loca nomini tuo dicata sanctificas, effundc super haDC orationis domum gratiam tuam, ut ab omnibus hic iovocantibus te auxilium misericordiae sentiatur.

(1) Une fois seulement, dit VOrdo de Vérone. Actuellement, cette lustration est répétée trois fois ; c'est l'évêque lui-même qui la fait, avant d'entrer dans l'église.

1

LA DÉDICACE DES ÉGLISES. 397

XDomiDus vobiscum. Sursum corda. Gratias agamus, etc.

^ere dignum et iustum est, aequum et salutare, nos tibi semper t ubique gratias agere, Domine sancte, Pater omnipotens, aeterne ^eus , sanctificationum omnipotens dominator, cuius pietas sine ne sentitur ; Deus , qui caelestia simul et terrena complecteris , Brvans misericordiam tuam populo tuo ambulanti ante conspec- iim gloriae tuae; exaudi preces servoruoi [tuorum] , ut sint oculi ni aperti super domum istam die ac nocte , hancque basilicam 1 honorem sancti illius sacris mjsteriis institutam clementissi- lus dcdica, miserator inlustra, proprio splendore clarifica; om- emque hominem venientem adorare in hoc loco placatus admitte, »ropitius dignare respicere; et propter nomen tuum magnum et aanum fortem et brachium excelsum in hoc habitaculo suppli- santés libens protège , dignanter exaudi , aeterna defensione con- serva ; ut semper fe lices semperque tua religione iaetantes cons- ;anter in sanctae Trinitatis fide catholica persévèrent. ,

7"* Onction de l'autel.

Au chant de Tantiphone Introïbo ad altare Dei et du psaume ludica me Deus^ l'évêque s'avance vers Tautel, au pied duquel il verse le reste de Teau lustrale. Il en- cense alors l'autel et y faittrois séries d'onctions, au mi- lieu et aux quatre coins, les deux premières fois avec rhuile bénite ordinaire, la troisième fois avec le saint chrême. Pendant ce temps le chœur exécute trois an- tiphones analogues au rite :

Erexit Jacob lapidera in titulûm, fundens oleum de^ super ^etc, Psaume : Q'f^cini dilecta tabernacula tua.

Sanctificavit Dominus tabernaculum suum^ etc. Psaume : Deus noster refugium,

Ecce odor filii mei, etc. Psaume : Fundamenta eius.

Pendant les onctions, un prêtre circule constamment autour de Tautel, balançant Tencensoir, et continuant ainsi la fumigation commencée par Tévêque.

Onction de réglise.

L'évêque, ayant terminé les onctions de Tautel, va

398 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

en faire d'autres sur les murs, tout autour de l'église, mais une fois seulement, avec le saint chrême.

9* Prières consécratoiret.

L'évoque revient ensuite à l'autel, sur lequel il diî pose de l'encens allumé, en forme de croix. Pendan:»./ que l'encens brûle, il récite une prière consécratoiir^ de type gallican, précédée d'un invitatoire :

Dei Patris omnipotentis misericordiam , dilectissimi Fratres, deprecemur ; ut hoc altarium sacrificiis spiritalibus consecrândam, vocis nostrae exorandus offîcio praesenti benedictione sanctificet; ut in eo semper oblationes famulorum suorum studio suae devo- tionis impositas benedicere et sanctifîcare dignetur ; et spiritali placatus incenso, precanti familiae suae promptus exauditor adsistat.

Deus omnipotens , in cuius honorem altarium sub invocatione tui consecramus , démens et propitius preces nostrae iiumilitatis exaudi, et praesta ut in hac mcnsasint tibi libamina accepta, sint grata, sint pinguia, et Spiritus sancti tui semper rore perfusa, ut omni tempore in hoc loco supplicantis tibi familiae tuae anxietates relevés, aegritudines cures, preces exaudias, vota suscipias, desi- derata confirmes, postulata concédas.

10* Bénédiction des objets du culte.

Les sous-diacres apportent ensuite les linges, les vases sacrés, les objets servant à la décoration de l'église : l'évêque les bénit. Des formules spéciales sont indiquées pour les linges, pour le calice, pour la patène; celle-ci est consacrée par une onction avec le saint chrême.

11* Translation des reliques.

Le clergé, l'évêque en tête, quitte alors l'église et se rend au lieu le peuple est rassemblé autour des saintes reliques. On les prend et on les transporte

DÉDICACE DES ÉGLISES. 399

a grande pompe, en chantant des hymnes de triom- he : Ambulatis sancti Dei^ ingredimini in civitatem, etc. je peuple pénètre dans Téglise à la suite du cortège ;acfé, mais quand l'évêque est entré dans le sanc- tuaire, un voile retombe derrière lui. Il procède seul à la déposition des pignora ; pendant qu'il les enferme dans Tautel, le chœur chante, sur l'antienne Eœulta^ bunt scmcti in gloria^ le psaume Cantate domino can^ ou,m novum. La cérémonie est terminée (1). On illu- mine l'église, et Tévêque rentre au sacrarium pour se disposer à célébrer la messe.

Ce rituel offre en somme un dessin clair et logi- que. Il est calqué sur celui de l'initiation chrétienne. De même que le chrétien est dédié par Teau et par rhuile, par le baptême et la confirmation, ainsi. Tau- tel d'abord, puis l'église, sont consacrés par l'ablution et par Fonction. La consécration faite, on y introduit les saints représentés par leurs pignora, et, à leur suite, l'assemblée des fidèles. Cette dernière partie corres- pond à la cérémonie romaine de la depositio. Mais il y a dans cette dernière quelques détails qui res- semblent à ceux de la consécration de l'autel par Teau et l'onction. Les liturgistes franks du huitième et du neuvième siècle, qui s'ingérèrent à combiner les deux rituels, n'eurent pas toujours la main assez habile pour éviter les confusions et les répétitions. Il s'est produit ici plus de complications encore que dans le rituel de l'ordination. On ne procéda pas par- tout de la même manière ; les Ordines que je publie offrent des combinaisons très différentes. Quant au pontifical actuel, il est le résultat d'un travail beaucoup plus complexe. Dans l'ensemble, cependant, on y

(1) Remy mentionne ici l'oraison Deus qui ex omni couptione.

400 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

reconnaît fort bien la présence simultanée des deux^^i rituels que j'ai successivement décrits.

Jusqu'ici je ne me suis pas prononcé sur le secon( de ces deux rituels. Le premier est certainement et- purement romain. Peut-on dire que Tautre soit cer- tainement et purement gallican ?

Je crois qu'il y a lieu de distinguer. On trouve début et au milieu de cette cérémonie des prières di type et de style plutôt romain que gallican. Je veux: parler de l'oraison Magnificare et des prières cons6- cratoires que Tévéque prononce au milieu de la basili- que, l'oraison Deits qui loca et la prière eucharistique Deus sanctificationum. Il est possible que ces formules aient été empruntées à la liturgie romaine (1) pour être substituées à d'autres. Ici je ferai remarquer que l'oraison Magnificare est inconnue au sacramentaire gélasien et au Missale Francorum; que ce dernier ne commence la série des prières propres à l'officiant qu'au Creator et conservator , dont les répétitions sont conformes au style gallican, et qu'il omet absolument les deux prières consécratoires Deus qui loca et Deus sanctificationum, U y a donc lieu de supposer que ces prières étaient étrangères au rit gallican primitif. Cette élimination n'altère nullement le caractère de la cérémonie. La prière principale se trouve , il est vrai, reportée à la fin : Deu>s omnipotens, in cuius ho- norem ; mais le rite gagne ainsi en unité. Au lieu de deux prières consécratoires, il n'en a plus qu'une.

Quant au reste, nous le trouvons attesté, assez rapidement il est vrai, dans un récit de Grégoire de Tours (2) , il est question de la dédi-

(1) A quelque messe de dédicace, et non pas à un rituel spécial, puisque, comme on l'a vu plus haut, la dédicace romaine ne compor- tait pas de prières de ce genre, en dehors de la messe.

(2) Gl. conf,, 20.

LA DÉDICACE DBS ÉGLISES. 401

-ace d'un oratoire en l'honneur de saint AUyre (lUi- iitis). C'est Grégoire lui-même qui préside la céré- oaonie, dans sa ville épiscopale. La nuit précédente les reliques ont été « veillées » à la basilique de Saint-Martin. Le matin, Tévéque se rend à l'oratoire, oii il consacre l'autel (1). Il retourne ensuite à la ba- silique , y prend les reliques et les transporte en pro- liession à l'oratoire. Les cérémonies se présentent ici :ïans le même ordre que dans notre second rituel ; à Elome , on aurait commencé par aller chercher les re- liques à la basilique elles étaient déposées provi- soirement.

Mais nous trouvons une coïncidence tout à fait remarquable, c'est dans le rituel byzantin, tel que Tapu- llié Goar (2). Dans ce rituel, la dédicace et la déposition des reliques sont des cérémonies tout à fait distinc- tes , qui ont même lieu, en règle ordinaire, à des jours différents. L^évêque commence par sceller lui-même la table de l'autel, soit sur des colonnes, soit sur une base pleine. Il y fait le signe de la croix et la lave d'abord avec de l'eau baptismale , puis avec du vin; il y fait ensuite des onctions de chrême (|Aupov) (3), et enfin des fumigations d'encens. L'autel consacré, il fait le tour de l'église en balançant l'encensoir, tandis qu'un prê- tre, marchant derrière lui, fait des onctions crucifor- mes sur les murs, colonnes, etc. La cérémonie se ter- mine par la bénédiction des linges, vases sacrés, lampes et autres objets servant au culte.

La déposition, précédée d'une vigile solennelle, est accompagnée de toute la pompe possible (4). En arri-

(1) « Mane vero, venientes ad cellulam, altare quod erexeramus sanctificavimus. »

(2) Euchol., p. 832 et suiv., en suivant le texte du ms. Barberini.

(3) Denys l'Aréopagite (Eccl. Uier.^ IV, 12) mentionne l'usage du (iupov dans la consécration de l'autel.

(4) A Constantinople , l'empereur assistait à la procession , à pied ,

26

402 ORIGINES DU GULTB CHRÉTIEN.

vant à l'église, on chante le Tollite portas ^ principes, vestras. Avant de fermer le tombeau des reliques, révoque y met du chrême.

Cette description sommaire suffit à faire sentir la parenté qu'il y a entre le rituel grec et notre second rituel latin. Après tout ce que nous avons vu sur les rapports entre la liturgie byzantine et la liturgie galli- cane , il ne peut guère y avoir de doute : c'est bien un rituel gallican que nous avons sous les yeux (1).

Une question reste à résoudre : quelle est l'ori- gine du rite de l'alphabet? Il est inconnu en Orient; en Occident il n'a pas , on l'a vu , d'attestation anté- rieure au neuvième siècle, même dans la liturgie franque. Dès lors il est difficile d'indiquer sa prove- nance exacte, de dire s'il est romain ou gallican. M. de Rossi (2) a présenté d'intéressants rappro- chements entre ce rite singulier et les .monuments chrétiens l'alphabet parait avoir une significa- tion symbolique. Il a mis hors de doute Tidée généra- trice de la cérémonie. Elle correspond à la prise de possession du terrain et à sa délimitation. La croix oblique {cruœ decussata) sur laquelle l'évêque trace les lettres de l'alphabet correspond aux deux lignes transversales que les arpenteurs romains traçaient d'abord sur les terrains qu'ils voulaient mesurer. Les lettres que l'on y écrit sont un souvenir des signes numéraux que l'on combinait avec ces lignes pour dé-

derrière son char de cérémonie, sur lequel était assis le patriarche, tenant les reliques sur ses genoux. Théophane (p. 217", 227, 238, de Boor) décrit ainsi des dédicaces célébrées à Constantinople, sous Justinien, en 537, 550, 562. Il mentionne même le chant 'Apate uOXa;, ol àpyovxe;, 0{jl(J5v.

(1) Mais il est bien entendu que, pour lui restituer sa forme origi- naire, il faut en défalquer les parties indiquées ci-dessus comme ro- maines.

(2) Bull, 1881, p. 140.

LA DÉDICACE DBS ÉGLISES. 403

Inîr les dimensions du périmètre. De plus, la série lu'elles forment , l'alphabet dans son entier dévelop- pement, n'est qu'une sorte de dilatation du sigle mys- térieux ACt) , de même que le decussis , le X grec , est i'initiale du nom du Christ. Ainsi l'alphabet tracé en 3roix sur le pavé de l'église équivaut à l'impression l'un large signum Christi sur le terrain qui doit être consacré au culte chrétien.

Ce symbolisme profond, de môme que l'usage anti- \ie sur lequel il est greffé, doit remonter à un temps <i la barbarie n'était pas encore dominante, bien au- .elà dii huitième siècle, par conséquent. C'est tout e que Ton peut dire. Il y avait des arpenteurs ro- uaîns ailleurs qu'à Rome et en Italie. Rien ne prouve [ue cette curieuse transformation de leurs pratiques lit été imaginée en Italie plutôt qu'en Gaule ou en Sspagne.

CHAPITRE XIII.

LA CONSÉCRATION DES VIERGES.

S 1 . La profession virginale.

Les formes de la vie ascétique, dans Tantiquité chrétienne, se sont succédé ainsi qu'il suit (1). On a d'abord pratiqué individuellement Tascétisme, sans se séparer de la communauté ecclésiastique, sans quitter sa famille, sa cité, ses relations habituelles. Puis, l'expérience ayant montré les difficultés de cette combinaison, on s'est « retiré du monde », on a cher- ché en dehors des lieux habités le silence et la soli- tude. Ce second stade est celui des moines ou a/na- chorètes isolés. Enfin, des ascètes ou des anachorètes ont imaginé de se réunir, de former des groupes re- crutés uniquement parmi les personnes de leur pro- fession 5 isolés du « monde » , et môme des chrétiens ordinaires. Ainsi est née la vie cénobitique.

Je n'ai à considérer ici que le premier degré, celui de l'ascète vivant dans l'église locale, sans ségréga- tion d'aucune sorte. Il y en eut des deux sexes, et cela de très bonne heure; on en trouve, dès le deuxième siècle , sous des noms divers , ascètes , eu-

(1) J'indique ici l'ordre logique, auquel correspond, on somme, l'ordre chronologique.

LA G0N8ÉGRATI0N DBS YIBRGBS. 405

ques, continents, encratites, etc. Au quatrième

icle, le terme d'ascète ou de moine (aoxiî'niç, fxovaxoç)

ait le plus en usage pour les hommes dans les pays

3 langue grecque ; en latin , quand on ne se servait

as de ces termes eux-mêmes, on employait celui de

onfesseur, plus tard celui de religieux [confessor^ reli-

iosiÂs) (1). Quant aux femmes, on les désignait par le

lom de vierges^ ou vierges sacrées (mÉpôevot, virgines sa-

i>rae).

Ce tenne, comme du reste la plupart de ceux qui précè- dent, exprimait le genre de renoncement qui était surtout recherché et estimé. Il faut être très réservé dans les rapprochements que Ton fait entre les religieux ou re- ligieuses modernes et leurs ancêtres de la haute an- tiquité. Ceux-ci recherchaient Tascétisme pour lui- même, et non comme une condition favorable au recueillement (2) ou à Texercice des œuvres de charité, de prédication, d'enseignement. La vierge chrétienne qui était restée vierge avait rempli l'essentiel de ses obligations surérogatoires. On ne lui demandait ni ferveur spéciale , ni assiduité extraordinaire aux réu- nions de culte , ni dévouement particulier aux bonnes œuvres. Ce n'est que plus tard, quand la ferveur se ralentit dans l'ensemble des communautés chrétien- nes , que l'on eut l'idée d'attendre des continents une piété plus, grande que celle des autres. Il est vrai

(1) Confessor ost le terme de la liturgie romaine; voy. ci-dessous, p. 406, note 2 ; une épitapho (De Rossi, BulL, 1874, pi. vi) de Tarqui- nio8 mentionne un Eulicius confessor ; c'est dans ce sens que le terme est employé par les conciles d'Elvire (c. 25), d'Arles (314, c. 9), do Tolède (400, ce. G, 9).

(2) Saint Paul (I Cor,, VI) se place à un point do vue plus conforme au nôtre; noter que, dans ce qu'il dit de la virginité, il est tr('*s préoc- cupé du retour prochain du Christ : tempus brève eslj praelerit figura huius mundi. Ce n'est pas, il faut en être bien convaincu, de cette doctrine de l'Apôtre que dérive l'ascétisme chrétien. L'as- cèse est antérieure au christianisme et ne lui est nullement particu- lière.

406 ORiaiNBS DU GULTB CHRÉTIBN.

qu'on y arriva vite ; la léf,nslation ecclésiastique §S)it soutonuo ou m(^ine suppléée dans cette voie par les tendances de l'opinion. Los gens qui se relâchent ve sont pas fftch(^s do voir un petit nombre de courageujr se dévouer à porter les fardeaux qu'eux-mêmes n'osent plus remuer. Quant aux œuvres d'assistance charita- ble, elles étaient considérées comme incombant, soit aux fidèles, quels qu'ils fussent, soit à la commu- nauté, représentée par le clergé et ses auxiliaires^ évoques, diacres, diaconesses, ministres inférieurs.

L'idée génératrice de la profession virginale, c'est qu'une telle manière de vivre, supérieure aux forces do la nature, honore extrêmement le christianisme (1). Les vierges des deux sexes, surtout les femmes, à cause de leur fragilité spéciale, sont l'honneur de l'Eglise, les plus précieux joyaux de sa parure. Aussi, bien loin de les cacher derrière des murs et des gril- les, est-on heureux de les montrer. Les confesseurs et les vierges sacrées , auxquelles on adjoint les veu- ves restées fidèles, après un court mariage, à la pro- fession de viduité, forment comme une aristocratie dans la communauté des fidèles; ils ont une mention spéciale dans les prières (2), une place spéciale à l'église. On ne leur ménage pas les marques de res- pect; les matrones ne quittent pas la sainte assemblée sans venir demander le baiser aux vierges consa- crées.

La liberté la plus grande présidait à l'entrée dans l'état virginal. Aucune cérémonie n'en consacrait le

(1) Baint Ambroino compare volontiors los vierges chrétiennes aux vostalos romaines. U triomphe naturollomont du petit nombre de collofl-ci , du CRract()ro tomporairo ot forcé do leurs engagements.

(2) Dans la formule romaine de la pri(\re des fldi^Ies, telle que nous Ta conservée la liturgie du vendredi saint (ci-dessus, p. 104), les as- cètes des deux sexes sont marquéu aussitôt après le clergé : « Oré' mus fit pro omnibus episcopis.,, ostlariiSy confeaaoribuaf virginibuB, viduia et pro omni populo Dei. »

LA CONSÉCRATION DB8 VIERGBS. 407

iébut. On changeait de costume, on revêtait des vê- tements plus graves de forme et de couleur ; on adop- tait, si Ton avait vraiment Tesprit de sa vocation, une vie plus retirée du monde; on pratiquait le christia- nisme sérieusement, avec sévérité, sans se permet- tre aucun des relâchements autorisés ou tolérés ; au sa- crifice des plaisirs de la chair on ajoutait des austérités spéciales dans Tusage des aliments, des bains, du sonimeil (1).

Les vierges étaient , au bout d'un certain temps , Tobjet d'une cérémonie spéciale, la collation du voile ou velatiOy à laquelle on attachait Tidée d'une sorte de mariage mystique avec le Christ (2). Après cette cérémonie, l'engagement était regardé comme irrévo- vocable; il n'était plus possible de contracter ma- riage, et toute violation du vœu constituait une sorte d'adultère sacrilège. Au quatrième siècle, la lé- gislation de l'empire vint consacrer, sur ce point, les prescriptions ecclésiastiques (3). L'âge requis pour la velatio était d'abord assez indéterminé ; il variait sui- vant l'appréciation de l'évêque (4), ou suivant l'usage des différents pays. En Afrique, à la fin du quatrième siècle , on accordait le voile dès la vingt-cinquième

(1) Ainsi faisaient los ascètes sérieux; mais il y en avait d'un autre genre, en trop grand nombre. Les Pères de l'Eglise prêchent sans cesse contre les vierges sacrées qui compromettent leur profession par les dehors les plus mondains. On en voyait qui, n'ayant plus leurs parents, ou vivant, pour une autre raison, en dehors de leur famille, s'accordaient un « protecteur » qui partageait à tout le moins leur demeure. L'opinion paraît avoir été assez tolérante pour ces désordres, car les prédicateurs sont souvent obligés de les flétrir.

(2) Cette façon de concevoir la consécration virginale explique pourquoi cette cérémonie ne se faisait que sur les femmes.

(3) Cod. Theod., 1. IX, t. 25.

(4) Ambr. , De virg, ,7. Sa sœur Marcclline était encore jeune quand clic fut consacrée par le pape Libère. Le discours que saint Ambroise met, à cette occasion, dans la bouche de Libère, suppose que les vierges romaines recevaient d'ordinaire la consécration à un âge peu avancé.

408 ORIGINES DU GULTBv CHRÉTIEN.

année (1); en Espagne , vers le môme temps , on ai^Si tendait la quarantième année (2). Cette dernière limi-ZT te supprimait beaucoup, de difficultés ; une loi de Ta: née 458 (3) la sanctionna officiellement. De cette çon la velatio perdait beaucoup de sa signification. A.(/ lieu d'être Tinauguration d'une carrière, elle n'en était plus guère que le couronnement. Sous prétexte d'as- surer la fidélité des épouses du Christ, on ne M en donnait que d'un âge avancé. L'opinion popu- laire , il faut le reconnaître , était tout à fait favora- ble à cette combinaison ; elle eût môme été beaucoup plus loin. Certaines pièces apocryphes réclament soixante et môme soixante-douze ans (4).

La cérémonie de la velatio était réservée à l'évoque, comme l'ordination. Elle se faisait en grande pompe, les jours de fête solennelle. Dans son curieux discours id virginem lapsam, l'évoque de Remesiana (5), Nicétas, rappelle à une vierge déchue sa consécration solen- nelle à la fête de Pâques, au milieu des néophytes vê- tus de blanc et portant des cierges allumés. A Rome, on choisissait les solennités de Noël ou de l'Epipha- nie, du lundi de Pâques, de la Saint-Pierre (6), jours la station avait lieu dans la basilique du Vatican.

(1) Cod, can., 16.

(2) Concile de Saragosse (tenu en 380), c. 8.

(3) Nov, Afajoriani, VI, 1.

(4) Les soixante ans sont réclamés par l'auteur du L. P. (t. I, p. 239, 241) ; les soixante et douze par le faux Constituium Silvestri {ibid,).

(5) Localité de la province de Sardique (Dacia mediterranea) y ac- tuellement Palanka, en Serbie , entre Nisch et Pirot.

(6) Décrétalo do Gôlaso (JafTc, G36), c. 12, rapprochée d'une rubrique du sacramontairo gélasien (I, 103). Ces textes ne mentionnent pas la. fcte do Noël ; Marcclline fut cependant consacrée ce jour-là. U est possible que, lorsque l'Epiphanie fut introduite à Rome, ce qui n'eut lieu, je crois, qu'après Libère, on ait transporté à cotte fêto la cérémonie de la velatio virginum.

LA CONSÉCRATION DES YIBRaBS. 409

§ 2. Les rites de la Velatio virginum,

!• Usage romain.

Il ne subsiste aucun ancien rituel de la Velatio sui- vant l'usage de Rome ; mais les prières sont marquées dans les sacramentaires. Voici celles du sacramentaire léonien (1). Elles étaient, sans aucun doute, précédées d'une litanie :

Respice, Domine, propitius super bas famulas tuas, ut virgini- tatis sanctae propositum quod te inspirante suscipiunt, te guber- nante custodiant.

Yere dignum... aeterne Deus, castorum corporum benignus habitator et incorruptarum Deus araator animaram , Deus qui humanam substantiam, in primis bominibus diabolica fraude vitia- tam , ita in Yerbo tuo per quod omnia facta sunt reparas ut eam non solum ad primae origÎDis innocentiam revoces , sed etiam ad experientiam quorumdam bonorum quae in novo saeculo sunt habenda perducas , et obstrictos adbuc conditione mortalium iam ad similitudinem provebas angelorum ; respice , Domine , super bas famulas tuas quae in manu tua continentiae suae propositum coUocantes, ei devotionem suam oflferunt a quo ipsa vota sumse- runt. Quando enim animus mortali carne circumdatus legem na- turae , libertatem licentiae , vim consuetudinis et stimules aetatis evinceret, nisi tu banc flammam (2) clementer accenderes, tu banc cupiditatem (3) benignus aleres, tu fortitudinem ministrares? Effusa namque in omnes gentes gratia tua ex omni natione quae

(1) Muratori, t. I, p. 444. Celle du sacramentaire gélasien (ibid,, p. 629) est un peu plus longue, comme il est marqué plus loin ; celle du Missale Fr^ancorum est semblable à celle du sacramentaire géla- sien, sauf une omission de quelques lignes (t. II, p. 674). Dans les suppléments du sacramentaire grégorien figure une formule beau- coup plus courte, mais dérivée de celle du léonien, avec une finale qui ressemble à celle du sacram. gélasien et du Miss. Francorum. Cette circonstance me porte à croire que la formule a été écourtée à la fin dans le sacram. léonien.

(2) « Hanc flammam] per liberum arbitrium hune amorem virgini- tatis » GéL M. Fr.

(3) a Cupiditatem in eanim corde » GéL M, Fr,

410 ORIGINES DU GULTB CHRÉTIBN.

est sab caelo in stellanim innumerabilcm numerum Novi menti baercdibus adoptatis. intcr ceteras virtutes, quas filiis tL.^/> non ex sanguinibus ncque ex voluntatc carnis sed de tuo Spirm'Cff genitis indidisti, ctiam hoc donum in quasdam mentes de largi'Ctf- tis tuac fonte defluxit. Ut cum bonorem nuptiarum nuUa inter- dicta minuissent ac super sanctum coniugium initialis benedict/o permaneret, oxistcrcnt tamen sublimiores animae quae in viriac mulieris copula fastidirent connubium, conçu pisce rent sacramen- tum, nec imitarcntui* quod nuptiis agitur, sed diligcrent qaod nuptiis praenotatur. Agnovit auctorcm suum beata virginitas, et aemula integritatis angelicae illius thalamo, illius cubiculo, se de- vovit qui sic pcrpetuac virginitatis est sponsus quemadmodum perpetuae virginitatis est filius. Implorantibus ergo auxilium tuum, Domine , et confirmari se bencdictionis tuae consécrations cupientibus, da protcctionis tuae munimcn et rcgimen; no bostis antiquus qui cxccllentiora studia subtilioribus infestât insidiis ad obscurandnm pcrfcctae continentiac palmam per aliquam serpat mentis incuriam, et rapiat (ic proposito virginum quod etiam mo- ribus decet inesse nuptarum. Bit in eis, Domine, per donum 8pi- ritus tui, prudcns modcstin (1), sapiens bcnignitas, gravis lenitas, casta libertas. In caritatc fcrveant et nihil extra te diligant; lau- dabiliter vivant, laudnriqne non appetant. Te in sanctitate cor- poris, te in animi sui puritate glorificent. Amore te timeant, amore tibi serviant. Tu eis honor sis, tu gaudium^ tu voluntas, tu in maerore solatium, tu in ami)iguitate consilium, tu in iniuria defcnsio , in tribûlationc patientia , in paupcrtate abundantia, in ieiunio cibus , in infirmitate mcdicina. In te habeant omnia quem elegerc super omnia (2). Et quod sunt professae custodiant, scru- tatori pectorum non corpore placiturae sed mente. Transeant in numerum sapicntium puellarnm; ut caclestcm sponsum accensis lampndlbus cum oleo pracparatioiiis oxpcctent, nec turbatae im- provisi régis advcutu pracccdentium choro iungantur, occurrant, nec cxcludantur cum sinitis, rcgalem ianuam cum.sapicntibus virginibus liccnter introoant; et in Agni tiii perpétue comitatu probabiles maiisura castitato pcrmancant. »

2' Usage gallican.

La forme gallicane s^obtieiit par la comparaison des

(1) Ce qui suit , jusqu'à elegere super omnia , manque au Miss&le Francorum.

(2) Go qui suit no so trouve quo dans lo sacramontaire gélasien et le Missale Francorum.

LA CONSÉCRATION DBS VIBRaBS. 411

textes sûrement romains avec le Missale Francorum^ qui contient un mélange des deux formes, et avec le Missale gaUicanum vêtus. On récitait d*abord une prière, précédée de son invitatoire (1) :

Faventes, dilectissimi Fratres, his virtutibus quas praestare pau- corum est, Deum scmper pudicitiac castitatisquc custodcm acceptis eidem precibus orcmus, nt banc famulam suam omnibus saeculi inlecebris libcram carnaiibus ac spiritu intcgram , Régis aeterni thalamo reservandam addita caelestis propositi virtute corroboret, et ad sexagesimum fructum qucm propria devotione praesumit addat sua liberalitate centesimum.

Omnium quidem laudum atque virtutum sed praccipue casti- tatis adsertor » custos , auxiliator , eifector dicatae tibi in sanctis corporibus pariter ac mentibus puritatis; qui virginitatem ideo plus intueris et diligis quia tibi origo virginitas ; quique in hune mundum natus ex virgine idin aliis probasquodin matreclegisti, atque adeo aptissime tibi sponso viro sponsam virginem dedica- mus ; tu, Domine, tribue banc puellae iam tuae scmper optabilem magno proposito perse verantiam et contra multiformis inimici instantia spiritum agitantes insidias indeflexam inexpugnabilem- que constantiam , ut tibi debeat consummatione quae iam ante habuit bona voluntate.

Puis venait la tradition du voile, accompagnée de la bénédiction :

Accipe, puella, pallium, quod perforas sine macula ante tribunal domini nostri lesu Gbristi , cui flcctit omne genu caelestium et terrestrium. et infernorum.

Benedicat te conditor caeli et terrae , Deus Pater omnipotens , qui te eligere dignatus est ad instar sanctae Mariae matris Do- mini nostri lesu Gbristi ad integram et immaculatam virginitatem, quam professa es coram Deo et angelis sanctis. Idcirco serva propositum , serva castitatem per patientiam, ut coronam virgini- tatis tuae accipere merearis. Nunc exoro domini nostri lesu

(1) Je donne ici la formule du Missale gall. velus, Muratori, t. II, p. 701. Dans le Missale Franc, {ib., p. 673), le canon romain Deus caslorum est précédé d'une formule analogue de sens, cependant rinvitatoire est placé après Toraison.

412 OEiamBS du gultb gh,bétibm.

Christi divinam misericordiam ut hanc virginem oonsecrare sanctificare dignetur usque in finem. Benedicat te Deus Pater Fllius et Spiritus sanctus omni benedictione spiritali , ut man^ sine macula sub vestimento sauctae Mariae matris domini no^t iesu Christi.

CHAPITRE XIV.

LA BÉNÉDICTION NUPTIALE.

TertuUien (1) relève la félicité du mariage que TEglise concilie, que Toblation confirme, que scelle la béné- diction, que les anges proclament, que le Père céleste ratifie. Beaucoup d'autres anciens auteurs parlent aussi de mariages célébrés devant TEglise et bénis par elle avec plus ou moins de solennité. Cependant aucune loi ecclésiastique n'obligeait les chrétiens à faire bénir leur mariage. La bénédiction était affaire de coutume , de convenances ; elle finit par passer en règle, mais sans devenir jamais une condition de va- lidité. Le mariage est indépendant du rite.

Le rite a beaucoup varié, suivant les temps et les pays (2). Il n'y a rien à tirer ici des Ordines^ ni des anciens livres liturgiques, sauf les prières de la messe et de la bénédiction nuptiales. Il faut descendre jus- qu'au temps du pape Nicolas I pour trouver une des- cription un peu étendue des rites du mariage dans l'Eglise latine (3). Il en parle dans sa célèbre consul-

(1) Ad uxor., II, 9.

(2) Le Rituel romain actuellement en usage, après avoir indiqué un minimum de cérémonies et de formules, ajoute que , s'il y a dans tel ou tel pays d'autres usages ou cérémonies louables, le concile de Trente désire qu'on les maintienne.

(3) Responsa ad consulta Bulgarorurrif c. 3 : a Post sporisalia, quae futurarum sunt nuptiarum promiâsa foedera, quaeque consensn

414 . ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

tation aux Bulgares, délivrée en 866. Les actes qu'il mentionne se divisent en deux séries : les uns précè- dent, les autres accompagnent les nuptialia foedera : La première série contient :

1* Les épousailles [sponsalia) , expression du con- sentement des futurs et de leurs parents au mariage projeté ;

2* La subarrhation, ou tradition de Tanneau par le futur à la future ;

3* La tradition de la dot, par document écrit, en présence de témoins.

Tout ceci est préliminaire. La cérémonie matrimo- niale elle-même comprend :

1** La célébration de la messe, devant les époux, qui prennent part à l'offrande et à la communion;

2* La bénédiction prononcée pendant que Ton étend _ un voile sur leurs têtes ;

3** Le couronnement, à la sortie de Téglise (1).

Tous ces rites se retrouvent dans les usages mo- dernes. La cérémonie nuptiale comprend actuelle—

eorum qui haec contrahunt et eorum in quorum potostate sunt cele- brantur, et postquam arrhis sponsam sibi sponsus per digitum fidei a se annulo insignitum despondorit, dotem utrique placitam sponsus ei cum scripte pactutn hoc continente coram invitatis ab utraque parte tradiderit, aut mox aut apto tempore... ambo ad nuptialia foe- dera perducuntur. Et primum quidem in ecclesia Domini cujn obla- tionibus quas offerre debent Deo per sacerdotis manum statuuntur, sicque demum benedictionem et velamen caeleste suscipiunt.. Ve- rumtamen volamen illud non suscipit qui ad secundas nuptias mi- grât. Post haec autem do ecclesia cgrossi coronas in capitibus ges- tant, quae sempcr in ecclesia ipsa sunt solitac resorvari. Et ita festis nuptialibus cclebratis , ad ducendum individuam vitam Domino dis- ponente de caetero diriguntur. » Le pape continue en disant que rien do tout cela n'est essentiel au mariage, que le consentement suffit, et qu'il est la seule chose indispensable.

(1) Le pape note que ces couronnes sont ordinairement conservées dans Tcglise. On tenait sans doute à empêcher le port de couronnes profanées par quelque usage superstitieux.

LA BÉNÉDICTION NUPTIALE. 415

ment les rites des fiançailles aussi bien que ceux du mariage proprement dit. Elle commence par la décla- ration du consentement, qui, le mariage devant être célébré sur l'heure, a maintenant le caractère d'un engagement depraesenti. Les parties, interrogées par le prêtre, expriment publiquement leur intention de s'unir en mariage (1). Vient ensuite la subarrhation ^ accomplie par l'époux, avec un anneau préalablement bénit; puis, en bien des endroits, la tradition de la dot, représentée par une médaille ou une pièce de monnaie.

Tout ceci est l'ancien rituel des fiançailles , qui se célébraient autrefois en famille et sans l'intervention du prêtre. Quant au rituel du mariage lui-môme, l'usage actuel et celui du neuvième siècle se relient très bien avec celui que supposent les livres liturgi- ques les plus anciens. La messe nuptiale se rencontre dans tous les sacramentaires romains (2). Les formu- les de prière y sont naturellement analogues à la cir- constance. Il faut remarquer qu'elles supposent l'obla- tion faite pour l'épouse. Voici celle du Hanc igitur dans le sacramentaire léonien (3) :

Hanc igitur oblationem famulae tuae illius^ quam tibi offérimus pro famula tua illa^ quaesumus, Domine , placatus aspicias; pro qua maiestatem tuam supplices exoramus , ut sicut eam ad aeta-

(1) On a placé , au moyen âge , la formule Ego coniungo vos in matrimonium, etc., qui est, comme on le voit, une sorte d'interpo- lation de la cérémonie primitive. Cette formule , dont le sens littéral est excessif, n'a pas peu contribué à fausser les idées sur la nature du mariage religieux, et à faire croire que le lien matrimonial dérive de l'autorité du prêtre. Le concile de Trente (Sess, XXIV, De ref, matr. , c. 1) la mentionne sans l'imposer.

(2) Les livres gallicans n'en ont pas. Je n'y trouve qu'une benedic- tio thalami super nubenteSy composée d'un invitatoire et d'une orai- son, dans le sacramentaire de Bobbio (Murât., II, p. 956).

(3) Cf. les formules du sacramentaire gélasien (Murât., I, p. 722) et sacramentaire grégorien (partie ajoutée, ibid.y t. II , p. 245).

416 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

tem nuptiis congruentem pervenire tribuisti , sic consortio mari- tali tuo munere copulatam desiderata sobole gaudere perficias , atque ad optatam seriem cum suo coniuge provehas benignus annorum.

La bénédiction nuptiale a lieu après le Pater, avant la fraction du pain. On étend un voile sur les époux, et TofiBciant récite d'abord une simple oraison, puis une prière eucharistique :

Adesto (1) , Domine , supplicationibus nostris , et institutis tuif quibus propagationem humani genens ordinasti benignus assiste;, ut quod te auctore iungitur te auxiliante servetur.

Vere dignum Pater (2) , mundi conditor, nascentium ge-

nitor, multlplicandae originis institutor; qui Adae comitem tuii manibus addidisti, cuius ex ossibus ossa crescentia pareoa forma admirabili divei*sitate signaient. Hinc ad totius multitudinis incre

mentum coniugalis thori iussa consortia, quo totuQa inter s saeculum colligarent, humani generis foedera nexuerunt. Sic eni tibi placitum necessario ; ut quia longe esset infirmius quo<? homini simile quam quod tibi Deo feceras , additus fortiori sexus infirmior unum efficeret ex duobus, et pari pignore soboles mizta manaret, dum per ordinem flueret digesta posteritas, ac priores Ventura sequerentur, nec uiium sibi finem in tam brevi termino quamvis essent caduca proponerent. Ad haec igitur venturae huius famulae tuae, Pater, rudimenta sanctifica, ut bono et prospero sociata consortio legis aeternae iura custodiat. Meminerltque se, Domine, non tantum ad licentiam coniugalem scd ad observantiam Dei sanctorumque pignorum custodiae delegatam. Fidelis et casta nubat in Christo, imitatrixque sanctàrum permaneat femi- narum. Sit amabiiis ut Rachel viro, sapiens ut Rebecca, longaeva et fidelis ut Sarra. Nihil ex hac subcisivus iile auctor praevarica- tionis usurpet ; nixa fidei mandatisque permaneat; muniat infir- mitatem suam robore disciplinae ; uni thoro iuncta contactas vitet illicitos. Sit verecundia gravis, pudore venerabilis, doctrinis caelestibus erudita. Sit fecunda in sobole, sit probata et innoceus, et ad beatorum requiem atque ad caelestia régna perveniat.

Cette cérémonie est le principal rite religieux. C'est

(1) Sacramentaire léonien, Muratori, t. I, p. 446.

(2) Sacramentaire léonien et gélasien. II, ce.

LA BÉNÉDICTION NyPTIALp. 417

par le nom de velatiQ nuptialis que la bénédiction nuptiale est indiquée dans le vieux sacramentaire léo- nien ; à la fin du quatrième siècle , le pape Sirice (1) parle de la velatio coniugalis. Saint Ambroise (2) dit aussi que le mariage doit être sanctifié velamine sacer^ dotait et benedictione. Il n'y a pas bien longtemps, on avait encore, en France, la coutume de tenir le voile [pallium^ palen/m, poêlé) étendu sur les époux, pen- dant la bénédiction ; mais cet usage, n'étant pas mar- qué dans le rituel romain, disparait de plus en plus (3).

Le couronnement des nouveaux mariés , qui tient encore actuellement vme si grande place dans le rite grec, a été aussi abandonné en Occident.

Je disais tout à l'heure que les vieux livres méro- vingiens ne contiennent pas le rituel du mariage. Ce- pendant l'usage gallican a laissé, je crois, une trace dans les missels postérieurs, la bénédiction qui est prononcée, après la communion, sur les deux époux (4). Des trois anciens sacramentaires romains, le gélasien, si souvent mêlé de prières gallicanes, est le seul qui contienne une formule de ce genre. On a vu, d'ail- leurs, que les bénédictions, au moment de la commu- nion, tiennent une grande place dans le système li- turgique gallican. Voici la formule du sacramentaire gélasien :

Domine sancte, Pater omnipotens, aeterne Deus , iteratis pre- cibus te supplices exoramus, pro quibus apud te suppiicator est

(1) Décrétale à Himère, c. 4.

(2) Ep. XIX,7.

(3) C'est un de ces vieux rites romains que Ton avait mieux con- servés en France qu'en Italie, et qui ont disparu quand on a adopté, ces temps derniers , l'usage romain moderne.

(4) Actuellement la formule D0U8 AbraJiam,.. est prononcée api^ès Vite missa est , au moment marqué pour la bénédiction du peuple , dans l'usage romain. Dans le sacramentaire gélasien, la bénédiction des époux est marquée aussitôt afrés kt communion, avant l'oraison p/^st e^mrjAunionem,

27

418 ORiaiNES DU CULTE CHRÉTIEN.

Christus, coniunctiones famuloram tuorum fovere digneris, bene-^ dictiones tuas excipere inei*cantur, et filiorum successibus fecun- dentur. Nuptias eorum sicuti primi hominis confirmare dignare; avertantur ab eis inimici omoes insidiae, ut sanctitatem Patram etiam in ipso coniugio imitentur, qui providentia tua, Domine coDiuDgi tnci'uerunt.

Il est intéressant de constater que le rituel nuptial décrit par le pape Nicolas n'est autre chose que le rituel des anciens Romains, moins le sacrifice, ou plu- tôt avec la substitution de la messe au sacrifice ido- lâtrique. Les Romains distinguaient aussi l'engage- ment préliminaire , ou fiançailles , et la cérémonie nuptiale proprement dite. On commençait par s'enga- ger l'un à l'autre ; les parties contractaient en pré- sence l'une de l'autre,' par paroles expresses. L'en- gagement était consacré par la tradition de l'anneau ou subarrhatio ; puis venait la rédaction des conven- tions matrimoniales , accompagnée de présents offerts par le futur à la future. Tout ceci se passait en pré- sence des amis de la famille; leur réunion donnait lieu à un banquet.

Le matin des noces on interrogeait d'abord les dieux en prenant les auspices ; plus tard l'aruspicine, qui [supposait un sacrifice , fut substituée aux auspi- ces. Dès la veille au soir , la mariée avait quitté ses vêtements de jeune fille et revêtu ceux d'épouse. Sa tête était couverte d'un flammeum , voile de cou- leur rouge ; sauf la couleur , ce voile était le même que celui de toutes les femmes mariées ; c'est cette obnubilatio capitis qui a donné lieu aux termes nu- bere, nuptiae, noces. Ses cheveux étaient divisés en six tresses et sa tête couronnée de fleurs qu'elle-même avait cueillies ; l'époux aussi portait une couronne de fleurs.

Les invités étant rassemblés , les aruspices venaient donner le résultat de leur consultation. Alors les

LA BÉNÉDICTION NUPTIALE. 419

X^oux exprimaient leurjconsentement et Ton signait le ^Ontrat àé&nitiî {tabulae nuptiales); puis^ la. pronuba leur ^^^isait se donner la main. Ici se plaçait le sacrifice non ^snglant de la confarreatio , offrande de fruits et d'un I>ain de froment. Pendant le sacrifice, les époux étaient assis sur deux sièges liés ensemble et cou- "verts de la peau de la brebis qui avait été égorgée pour Taruspicine. Pendant que le prêtre récitait la prière, ils faisaient le tour de Tautel en marchant, ^ers la droite. Venait ensuite un sacrifice sanglant, Lœuf ou cochon, sur Tautel d*un temple. Les invités criaient Féliciter l Le père de la mariée leur donnait un grand festin. La nuit venue , la mariée était con- duite en grande pompe chez son mari.

De cette description rapide , il résulte que , sauf ce qui a un caractère nettement religieux, surtout Tarus- picine et les sacrifices, tout le rituel nuptial romain a été conservé dans Tusage chrétien. Il n'est pas jus- qu'au flammeum et aux couronnes qui n'y aient trouvé place. Cette sélection n'est pas isolée. Essen- tiellement conservatrice, l'Eglise ne modifiait, en ce genre de choses, que ce qui était incompatible avec ses croyances.

CHAPITRE XV.

LA RÉCONCILIATION DES PÉNITENTS.

Les pécheurs que l'autorité ecclésiastique avait e: dus de la société des fidèles, pour des fautes, avouées par eux à TEglise, avec plus ou moins de pw^ ^ blicité, soit établies d'une autre manière, ne pouvaieMi y rentrer que par la voie de la pénitence. Le pr«^ ^ mier pas dans cette voie était la demande de réint^ gration, c'est-à-dire d'admission au nombre des péiE=i

tents. On ne l'accordait pas sans difficulté; quelqu i

fois , en l'accordant , on faisait entendre au péniteiac?/

que l'expiation devait durer jusqu'à la mort. En toTJ/ cas il était de règle de ne l'accorder qu'une fois. Toxjt le temps que durait la pénitence on devait vivre à peu près dans les mêmes conditions que les ascètes profés. On ne pouvait ni se marier , ni user du mariage déjà contracté ; il fallait renoncer à l'état militaire, aux fonc- tions publiques, à la carrière ecclésiastique, pratiquer l'austérité dans le boire, le manger, le costume, l'usage des bains, être assidu à l'église, en un mot, vivre comme un moine. Toute la différence entre l'état de moine dans le monde et celui de pénitent, consistait en ce que le moine avait embrassé librement son genre de vie, tandis que, pour le pénitent, c'était une condition de réhabilitation (1).

(1) n faut noter aussi que le monachat n'était pas, comme la péni-

LA RÉCÔNGÎLIATION DB^^ÉIKITËNTS. 42t

Telle était la discipline au (Quatrième et au cin- ^t^ième siècle: elle ne tarda pas à- s'adoucir et à se ^^^cdifier de telle façon que, sauf des cas extrêmement res , la pénitence perdit toutes ses solennités exté- eures et qu'on ne lui assigna plus aucune place ^ans le culte public.

Autrefois elle avait son rituel, doiit les formel sef x^approchent beaucoup de celles de Tinitiatioïi chré- tienne. Le pénitent était considéré eii sfomme comme \in chrétien qui a perdu son initiation et qui travaille à la recouvrer. La pénitence est un recommencement dil noviciat, du catéchuménat. catéchisation , lèg scï'utins, les exorcismes, sont remplacés par les exer- cices de Tascétisme. De même qu'il y a un doctor âÀJir- dientium^ ou catéchiste en chef, assisté d'un person- nel d'exorcistes, de même il y a, en certaines égli- ses au moins, un prêtre pénitencier avec des clercs' sous ses ordres, chargé de surveiller les pénitents et responsable du sérieux de leur ex^piation. A l'église, les pénitents forment un groupe à part , comme les* catéchumènes, et sont congédiés en même temp^ qu'eux, avant la célébration des saints mystères. En- fin, leur temps d'épreuve terminé , ils sont réintégrés solennellement dans le corps des fidèles , comme ils

tence, un empêchement aux ordres. Les trois ou quatre stages la discipline pénitentielle d'Orient n'ont jamais été d'usage dans lés pays latins (Funk, TheoL Quartailschrift , 1886, p. 373 et suiv.)* On peut même se demander s'ils représentaient, en Orient, une institu- tion uhlverselle. Les constitutions et les candns apostoliques n'en parlent jamais , le concile d'Antiocbe (341) non plus , ni saint Jean Chrysostome. En Syrie , on le voit, tant par saint Chrysostomé que jkr le livre II des Constitutions apostoliques , on était particulière-» ment facile avec les pécheurs pénitents. Les Constitutions (II, IQ assignent , suivant les fautes , une durée pluis ou moins longue atpt exercices pénitentiels ; mais on ne va pas au delà de sept semaines. Cette durée est celle du carême orientai ; c'est aussi celle à laquelle on* se tenait, semble-t-il, à Rome, pendant le sepUème siècle. Voyez |Ati8 loin, pk 423;

422 ORiaiNBB DU CULTB CHR6TIBN.

y avaient été introduits solennellement, lors de leur initiation baptismale. Il y a même, pour les deux cé- rémonies, concordance de temps : toutes les deui ont lieu immédiatement avant la fête de Pâques.

Il ne s'est conservé que peu de traces du rituel suivi dans ces temps antiques pour l'admission au nombre des pénitents. On devait, au préalable, avouer les fautes pour lesquelles on demandait la pénitence. La vie de saint Hilaire d*Arles (1) (f 447) suppose que Tévéque prononçait une allocution, imposait les mains et récitait une prière. Le concile d'Agde (506), c. 15, parle aussi de l'imposition des mains (2) , à laquell était jointe celle du cilice. Après cette cérémonie, le pénitents devaient prendre le deuil, dont les forme variaient suivant les pays (3).

A Rome, les livres liturgiques parfaitement purs^ c'est-à-dire le sacramentaire léonien et celui d'Hadrien^ ne contiennent absolument rien sur les rites péniten- tiels (4). Le gélasien suppose que les pénitents sont, à l'entrée du carême , renfermés dans un monastère d'où ils ne sortent que le jeudi saint (5).

Le mercredi (6) in capite ieiuniiy que nous appelons

(1) III, 17,

(2) a Paenitentes, tempore quo paenitentiam petunt, impositionem manuum et cilicium super caput a sacerdote, sicut ubique constitu* tum est, consequantur. »

(3) En Oatile, on se rasait la tête (concile d'Agde, loc. cit.); en Es- pagne, on laissait pousser cheveux et barbe (Isidore» De eccl, o/f., II, 17).

(4) Pour le sacramentaire léonien , cela tient probablement à la mutilation du manuscrit.

(5) On peut se demander, en raison du silence des deux autres sa- cramentaires , si nous ne sommes pas ici en présence d'un rituel gallican plutôt que romain. Mais cette hypothèse est écartée par le style des prières et par la mention du mercredi in cap. ieiunii qui, au temps le sacramentaire gélasien fut transcrit, était encore ca- ractéristique de Tusage romain.

(6) Sacram, gél,t I, 16. Ordo agentibuê public&m paenitentiam. 8u8cipi8 eum IIII feria mane, in capite Quadragesimoêf et cooperi^

LA RÎÈGONGILIATION DBS PÉNITENTS. 423

'^^in tenant le mercredi des cendres (1), dés le matin, ^ ^st-à-dire bien avant la procession et la messe statîo- ^^e, le pénitent se présente à un prêtre, qui le revêt ^*\in cilice et fait une prière : le texte de cette prière ^*est pas indiqué. C'est en somme la même cérémo- nie que dans le concile d*Agde. Rien n*empêche de ^Toire qu'elle ne soit, à Rome, beaucoup plus ancienne cjue le septième siècle. Ce qui est moins ancien, c'est choix du mercredi avant le Carême et réclu- sion du pénitent dans un monastère. Au milieu du cin- cjuième siècle , les pénitents étaient encore, à Rome, laissés à eux-mêmes, sans réclusion et même sans surveillance officielle (2).

L'usage de la réclusion supprima naturellement ce- lui du congé solennel des pénitents {missa paeniten- tiu7n) à la messe publique. De cet usage les sacramen- taires latins n'ont conservé aucun vestige; il n'en est pas de même des livres grecs , et surtout des Consti- tutions apostoliques , nous voyons le groupe des pénitents assister au commencement de la réunion , se présenter à l'appel du diacre et sortir après une prière spéciale et la bénédiction de l'évêque. Cet usage était encore observé à Rome au milieu du cin-

eum ciliciOy oras pro eo et inclaudis usque ad Caenam Domini, Qui eodem die in gremio praesentatur ecclesiae: et prostrato eo omni corpore in /erra, dat or:\tionem pontifex super eum ad reconcilian- durrit in quinta feria Caenae Domini^ sicut ibi continetur,

(1) Ni le sacramentairo gélasien, ni VOrdo I de Mabillon, qui décrit la station du mercredi in capite ieiunii^ ne parlent de la bénédiction et de rimposition des cendres; mais la cérémonie actuelle figure tout au long dans les Ordines du douzième siècle. Elle correspond à une conception plus étendue de la pénitence. Tous les fidèles, clercs et laïques, se constituent pénitents pour la durée du Carême et se font imposer les cendres, qui sont, comme le cilice, le symbole de la condition pénitentielle. Une telle idée , surtout en ce qui re- garde le clergé, est inconciliable avec l'ancienne législation péniten- tiaire encore observée à Rome au neuvième siècle.

(2) Sozoraène, H. E., VII, 16*

424 ORIGINES DU GULTÂ GHRÊTtÈK.

quième siècle. Sozoméne (1) Fatteste expressément.

Quant à la cérémonie finale , celle de la réconci- liation, nous la trouvons dans le sacramentaire géla- sien (2), avec des formules très amples.

Nous sommes au jeudi saint, jour qui était consa- cré, à Rome, à la réconciliation des pénitents (3). La messe commence sans psalmodie , c'est-à-dire sans que Ton exécute le chant de Tlntroït (4) , et sans que le pape salué l'assistance par le Dominus vobis- cum. Il récite une prière d'ouverture (5), puis un diacre lui amène les pénitents (6), qui se prosternent tout du long au milieu de l'église. Le diacre prend alors la parole :

Adest, o venerabilis pontifex, tetnpus acceptum, dies propitia- tionis divinae et salutis humanae, qua mors interitum et vita aocepit aeterna priDcipium , quando in vinea Oomiui Sabaoth sic novorutn plantatio facienda est ut purgetur et curatio (?) vetustatis. QuamvJs enim a divjtiis bonitatis et pietatis Dei nihil temporis vacet, DUnc tamen et l'argior est per indulgentiam remissio pecca- tortim et copiosiûrr per gratiam adstimptio renascentium. Augemnr fègeDerandis, crescimits reversis; lavant aquae, lavant lacrjmae;

(1) Loc. cit. Cf., ci-dessus, p. 163.

(2) I, 38. nOrat. in quinta feria. Eodem die non psallitur, necsalu- tat, id est non dicit Dominus vobiscum ; etreconciliatio paenitentis. » Suivent trois oraisons, puis : « Ordo agenlibus publicam paeniten- tiam. Egreditur paenitens de loco ubi paenitentiam gessit et in gre- mio praesentatur ecclesiae, prostrato omni corpore in terra, et pos- tulat in bis verbis diaconus. »

(3) Lettre d'Innocent à Decentius, c. 7; cf. L. P., t. I, p. cxi.

(4) La litanie du Kyrie eleison est sans doute supprimée comme devant être exécutée peu après ; il en est de même du Gloria in excelsis. Tous ces détails , plus ou moins nettement indiqués , sont contredits par les Ordines du neuvième siècle, qui supposent que la messe commence comme à l'ordinaire ; ils n'ont d'ailleurs aucun vestige de la réconciliation des pénitents dans la journée du jeudi saint. Peut-être cette cérémonie avait-elle été abandonnée dans le courant du huitième siècle.

(6) Le sacramentaire gélasien en donne trois formules, qui sont évidemment des rechanges. (6) La rubrique et les formules ont toujours le singulier.

LA RÊCdNdTtiAtitm tik PÉtol*!^r*8. ^^

xndè gàudiuiri cfe addtiittpIttûDë vôdàforum , hïnc laètitia db^o-

Iviione paedltëntiuiti. Indé ë^ ^Uod suppfex inti^ , poètea q'aam

xn varias formas crirtiinutii he'glecttf mândat(yrutn caelestittm et

vnorum probabilium transgrèssione cecidit, humiliatiïsatque pros-

tràtus prophctica ad Dëiim voce clamât, dicens : Peccavi, impies

eçi, iniquiiatem feci, mUèrere mei tontine, evangelicam vocem ritfff

ffustratoria aure capiens : Èeati qui lurent, quoniam ipsi consola^

buntur. Manducavit, sicut scriptum est, panem dbloris; lacrymis^

siratum rigavit; cor suum luctu, corpus adfliitit ieiuniîs, ut

animae suae recipèret quam perdideràt sauitatem. Unicum itaqae

est paenitentiae su^àgium' , quod et singufis prodest et omnibUi^

in commune succùrrit. Hic ergo dum ad paenHudinis actiotieitf

taiitis excitatur exemplis, sub conspectu înTgeftoiscentis ecctësiaë,'

venerabilis Pontifëx, prôtestàtur et dicit : Iniquitates meas eg&

agnosco et deliclum. meum contra me eét semper, Averte faciem tuant

a peccatis meis^ Domine, et omnes iniquitates meas dele. Redde mihi

laetitiam salutaris tui et spiritu principali confirnta me, Quo' itâ

supplicante et miscricordiam Dei adflicto corde poscente , redin-

tégra in eo , apostolice Pontifex, quicquid diabolo scindente cor-

ruptum est ; et orationum tuarum patrocinantibus meritis , per

divinae reconciliationis gi*atiam fac hominem proximum Oeo; ut

qui antea in suis perversitatibus displicebat, nunc iam placere se

Domino in regione vivorum (1) devicto mortià âuae auctôi^ô

gfàtuletur.

Le pape (2) alors prend la parole ou la donne à un prêtre , qui admoneste le pénitent. Il récite (3) en- suite une oraison, puis une prière eucharistique :

Adesto, Domine, supplicafionibus nôstris et me, qui etiàm ttit-^ sfe'ricordia tua' primus ind^geb'^ clemfenter exaudi; ut quem nôYI élë^tioite mferiti sed doftto gratiae tuae constitnisti operis huiusi mim^trum, da fiduciam tui munerid exequendi, et ipse in nostro* ministerio quod tuae pietatis est operare (4).

(1) Ici le sacramentàire ajoute cum, qui forme un cotitresons.

(2) Post hoc admonetur ab episcopo sive alio sacerdote ut quod paenitendo diîuit iterando non rèvocet. Inde vero has^dicit orationes Bacerdos super eum.,

(3) Cette partie du formulaire est entrée dfans les suppléments dél sacramentàire grégorien (n" 99) , dont les variantes sont notée» ci-dessous.

(4) Il y a ici une deuxième oraison; mafs le styïé général des cé- rémonies romaines autorise à y voir un récfiange.

426 ORiaiNBS DU culte chrétien.

[Vere dignum ... aeteroe] Deus , humani geoeris benigpaissiine coDditor et misericordissime reformator; qui bominem invidk diaboli ab aeternitate deiectum unici Filii (1) tui sanguine rede- misti, vivifica bunc famulum tuum |2) quem tibi nullatenas mon desideras, et qui non derelinquis devium, adsume correptum. Moveant pietatem tuam , quaesucnus , Domine , buius famuli tui lacrymosa suspiria. Tu eius medere vulneribus, tu iacenti manum porrige salutarem , ne Ëcclesia tua aliqua sui corporis portione vastetur, ne grex tuus detrimentum sustineat, ne de familiae tuae danino inimicus exultet, ne renatum lavacm salutari mors secundi possideat. Tibi ergo, Domine, supplices preces, tibi fletum cordit effundimus. Tu parce confitenti, ut (3) in imminentes paenas sen tentiamque futuri iudicii te miserante non incidat. Nesciat quod^ terret in tenebris , quod stridet in flammis ; atque ab erroris viik ad iter reversus iustitiae, nequaquam ultra novis vulneribus sau— cietur; sed integrum sit ei atque perpetuum , et quod gratia tua contulit et quod misericordia reformavit (4).

Les livres gallicans ne nous fournissent, pour la réconciliation des pénitents, qu'une seule formule de prière, avec invitatoire. Elle s*est conservée, en fort mauvais état, à la fin du sacramentaire de Bobbio (5). Au temps ces livres ont été écrits, la discipline pénitentielle avait déjà subi, particulièrement en Gaule, des modifications extérieures très considéra- bles.

Aussi est-ce plutôt à titre de souvenir d'un usage ancien que je mentionnerai ici la cérémonie de Tlndul- gence, qui avait lieu, en Espagne, le vendredi saint, le même jour où, depuis un temps fort ancien,- sem- ble-t-il, on célébrait à Milan la réconciliation solen-

(1) Filii suppléé d'après le sacramentaire grégorien.

(2) hune famulum tuum Grég. : itaque Gél.

(3) Ut'incidat] Grég. : « Ut sic in hac mortalitate peccata sua te adiuvante defleat qualiter in tremendi iudicii die sententiam damna- tionis aoternae évadât, et nesciat, etc. »

(4) Ici le sacramentaire gélasien donne un nouveau groupe de for- mules , trois oraisons et une priéro eucharistique ; ces rechanges ne sont pas entrés dans le supplément grégorien.

(5) Muratori, t. II, p. 966.

LA RÉCONCILIATION DBS PÉNITENTS. 427

^^lle des pénitents (1). Cette cérémonie est prescrite Pa.r le quatrième concile de Tolède (633) (2) , et Ton ^H trouve tout le détail dans le missel mozarabique. Après quelques préliminaires, Ton trouve le Pliant de reproche, Popule métis , quid feci tibi, qui est filtré dans notre service du vendredi saint, TofiBce Ciommence par les trois leçons prophétiques {Isaïe, 52, 53), apostolique (/ Cor., 5, 6) et évangélique. L'usage gallican, dont témoigne aussi le lectionnaire de liuxeuilj était de lire la Passion dans un texte com- posite, une sorte de Diatessaron , les quatre évan- giles étaient combinés. Le récit était réparti entre les divers offices du jeudi et du vendredi saint. Au service de l'Indulgence on commençait par les mots Mane autem facto , cena pura^ consilium inie^ runt (3). Après ces lectures venait la cérémonie pro- prement appelée de Tlndulgence. Les assistants, qua- lifiés indistinctement de pénitents, sont par trois fois invités à se prosterner et à invoquer la miséricorde divine. Les formules conservées ressemblent beau- coup à celle de la missa paenitentiwm dans la liturgie des Constitutions apostoliques. L'archidiacre, s'adressant alors à l'assemblée, clercs

(1) Ceci résulte, je crois, de la lettre 20 de saint Ambroise : a Erat autem dies quo sese Dominus pro nobis tradidit, quo in Ecclesia paenitentia relaxatur. »

(2) Can., 6 : « Oportet eodem die mysterium crucis, quod ipse Do- minus cunctis annuntiandum voluit , praedicare atque indulgentiam criminum clara voce omnem populum postulare, ut paenitentiae compunctione mundati venerabilem diem dominicae Resurrectionis remissis iniquitatibus suscipere mereamur , corporisque eius et san- guinis sacramentum mundi a peccato sumamus. »

(3) Matth.. XXVII, 1. Les mots cena pura, qui n'appartiennent pas au texte biblique, sont une très ancienne désignation du vendredi saint. On la rencontre dans un livre de comput pascal rédigé à Rome au quatrième siècle (Krusch, Der Skjdhrige Ostercyclus^ p. 234). Le texte Mane autem facto est assigné , par le lectionnaire de Lu- xeuil , à l'ofiGice de Seconde , ofiGice matinal , correspondant à celui de Prime , dans Tusage romain.

4S8 ofRièl^iA tvvtfÉ Glitt(iK4i!l:

et fldèle<;, l'invite à crier IndùlgMtid/ (1) Quaiid Ifer acclamations se taisent, l'archrdiàfcrèf évoquô le son-, venir du « bon Pâ^tetii* qUi a doiiné âa Vie pour sô^ms brebis » ; puis il intité à îtt pflët^. L'ôveQûé lafôrmdl e

dans une sorte de litanie à lalqtïêlle on répond par d ^

nouveau cris : IndiÀlp&HticÉ /

Te precàraur, Domine, ^ Indctlgéntia \ Procédât ab Altissicncf Indulgentia 1 Succurrat nobis miseris ^ndulgentia I Delicta purget omnibus Indulgentia! P'raeRtetup paenitëntibuô ïn'diirgèVitia I Pat^oniEl sit liigèntibus Indulgentia:! Brranttcs fide oorrigat ~ Iiidufgenifa I Lapsos pcccatis erigat r— Indulgentia ! Te deprecamur, Domine, Indulgentia!

Vient ensuite une prière eii forme de collecte, pro- noncée au nom de tous par Tévôque seul ; il y fait appel à la clénlèhce divine en faveur des pénitents.

Les cris d'indulgence se font entendre de nouveai^, puis la litanie, puis la prière de Tévéque , avec dl'aù- tres formules, inais aans le mémo ordre. La série terminée, on la reprend une troisième fois.

La troisième fois, Torâisôn finale est omise ef le service continue par l'adoration de la croix et la messe des présarictïfi'és , à peu près comme daùs Tusage actuel.

La eérémoTiié de" Tlndùlgence s'isioîe aisément des autres parties du service. Elle comprend trois actes : le prière des pénitents eux-mêmes , Tintercession de l'assemblée en leur faveur, l'a prière a'drèësée' en soii nom, par l'évéque, à la miséricorde divine. Les livres

(1) La rubrique du missel mozarabique actuel supposé que ces ae-^ elamations étaient réglomontées ; la première fois on ne doit paë cf ier plus' de trois cents fois, la seconde pl\is de deuiC cékits ; la troisidiifté' plus do cent.

liturgique» bq . distinguent pas très uettpment les pé- xiitepts 4b rea$§Ufble (les a^$i$tant$. Tout le monde (1) parait être 4'^JpçI d^^T^s \a, situation de pénitent, puis <aiis celle (i'inti^pçeps^ur. Mftis l^s rôles doiveut être distingués si Ton veut ramener ce yituel à son sens primitif. A Torigine, les pénitents ne rentraient pas dans la communauté des fidèles sans le consentement exprimé de ceux-ci. Quand il ne se manifestait pas spontanément, Tévêque devait le provoquer. La scène est décrite dans un passage TertuUien (2) repré- sente le pape Calliste procédant à la réconciliation d'un pécheur repentant :

« Tu introduis dans Téglise Tadultère pénitent, qui » vient supplier l'assemblée des fidèles ; le voilà, vêtu » d'un cilice , couvert de cendre , dans un appareil » lugubre et propre à exciter l'épouvante. Il se pros- » terne au milieu de l'assistance, devant les veuves, » devant les prêtres ; il saisit la frange de leurs ha- » bits ; il baise les traces de leurs pas ; il les prend » par les genoux. Pendant ce temps là, tu harangues » le peuple, tu excites la pitié publique sur le triste » sort du suppliant. Bon pasteur, benoît pape, tu » racontes la parabole de la brebis perdue pour » qu'on te ramène ta bique égarée (3) ; tu promets » qu'elle ne s'échappera plus de la bergerie, etc.

Entre ce tableau et le rituel du missel mozarabi- que, il y a la différence qui sépare le troisième siècle du sixième, pour Içs choses de cet ordre. Mais les cris d'indulgence qui retentissaient autrefois le vendredi saint dans les églfses du royaume wisigoth dérivent

(1) Rapprocher ceci de ce qui a été dit plus haut , p. 423 , note 1 , sur Torigine de la cérémonie des Cendres.

(2) De pudicitia, 13.

(3) n ne faut pas oublier que cette description est une caricature. Tertullien, adversaire acharné de la pénitence, fait son possible pour la ridiculiser.

430 ORIMKBS DU CULTB GHBÉTIEir.

en droite ligne des cris de pitié que les fidèles per- sévérants proféraient jadis, soit spontanément, soi^ sur les exhortations de l'évéque, quand un pèche pénitent venait demander sa réhabilitation à 1' semblée chrétienne.

CHAPITRE XVI

L OFFICE DIVIN.

On a VU , au chapitre VIII , comment l'ancienne église avait organisé la sanctification de la semaine et ^e Tannée. Les réunions de culte du dimanche, du :ïnercredi, du vendredi, des fêtes, avec leurs services nocturnes ou diurnes, n'épuisaient pas toutes les res- sources de la piété des fidèles, ni même toutes leurs obligations. L'idéal de la vie chrétienne était une per- pétuelle communion avec Dieu, entretenue par une prière aussi fréquente que possible. Un chrétien qui n'aurait pas prié tous les jours, et même à diverses reprises , n'eût pas été un chrétien. Sans doute la prière commune, collective, faite au même endroit par toute l'église locale , n'avait lieu qu'aux jours et heures des synaxes. Mais on pouvait prier en parti- culier, en dehors des synaxes, soit isolément, soit en famille, soit avec des voisins, des amis. L'usage s'établit de bonne heure de consacrer à la prière pri- vée les derniers instants de la nuit, le temps qui s'écoule entre le chant du' coq et le lever du jour, puis , à la fin de la journée , l'heure mélancolique le soleil disparait , l'ombre se fait , il faut allu- mer les lampes de la maison. C'étaient les prières fondamentales, universellement en usage, la prière du matin et celle du soir, matines et vêpres. Dans la

432 ORIGINES DU GULTB CHRÉTIEN.

journée, certains moments étaient' indiqués, soit par la Bible, soit [)ar la tradition juive, soit même par- i'usaf^'<'. de la vie ordinaire et civile. Il était nature^# de prolittT du moment la famille se réunissai' ^ pour le re|)as, au milieu du jour, et, un peu plus tard.^ du moment elle se sé[)arait de nouveau pour va.^^ <{uer au travail quotidien. On obtenait ainsi deux priG^^ res régulières, deux heures y observées d'une faço ^, privée, mais habituelle. D'autres, se rap[)Plant qi^r:^ Danicil |»riait trois fois le jour, en concluaient qu' // était conv(niable d'en faire autant. Les trois heures étaient indi(pié(5S par les Actes des apôtres, Von voit les disciples réunis pour la prière à Theure de tierce, lorsque le Baint-Esprit drjsceud sur eux, le jour de la Pentecôte; saint Pierre monter à l'étage supérieur de sa maison pour y prier, k l'heure de sexte, avant de prendre son repas; eniin les apôtres Pierre et Jean entrer au temple pour y faire la prière, à l'heure de none. Ces heures, du reste, étaient les principales divisions du jour; on les observait pour les alfaires, elle sonnaient aux horloges publiques.

C'est Tertullien qui nous renseigne (1) ain.si sur l'usage des trois « heures » de jour et sur leur ori- gine. (Uément d'Alexandrie connaît aussi (2) cette di- vision de la journée chrétienne. Dans son Cathimeri- non y Prudence parait s'inspirer d'un usage un peu différent, celui que j'ai décrit en premier lieu, mais avec dédoublement des deux heures de matines et de vêpres. Il a une hymne pour l'heure le coq chante. Aies diei nuntius, une autre pour l'aurore, Nox et tenebrae ei nubila \ d'autres pour avant et après le repas, 0 crucifer bone^ lucis sator^ Pastis visceribus oiboque sumpto; d'autres enfin pour le soir, Inv^rUor

(1) De ieiun., 10.

(2) Btrom., VII, 40.

l'offksb ditin. 4(33

rutili^ du-œ bone luminis (1), et pour le moment Ton va s'abandonner au sommeil, Ades Pater suprême.

Encore une fois, ces prières, distribuées de façons un peu différentes dans le cours de la journée, sont essentiellement des prières privées. L'évéque, le clergé, les observent sans doute en particulier; mais on ne voit pas qu'elles se soient transportées , avant le quatrième siècle , dans les édifices se tenaient les réunions publiques du dimanche et des jours de station. Ce ne sont pas des exercices de communauté, j'entends de toute la communauté chrétienne d'une localité déterminée. Au quatrième siècle , une cir- constance spéciale les mit en relief, c'est qu'elles fu- rent adoptées par les congrégations d'ascètes, par les monastères. Il n'est pas de monastère qui n'ait ses heures de prière commune. Comme pour bien d'au- tres choses, il y eut d'abord de grandes différences entre monastères et monastères, entre pays et pays (2). Au cinquième siècle, les moines d'Egypte n'avaient encore que les deux heures primitives du matin et du soir , le Gallicinium et le Lucernaire. Les moines de Syrie et de Mésopotamie se réunissaient en outre aux trois heures do jour, tierce, sexte et none. On ajouta même, à Bethléem, et cet usage se répandit, une réunion à la première heure de jour, pour empêcher les moines de se recoucher après l'office de nuit et de dormir une partie de la matinée. Cela faisait six heures consacrées. Un texte du psaume cxviii le psalmiste dit à Dieu qu'il le prie sept fois par jour, fournit une sorte de type que l'on s'efforça de réaliser, en distinguant deux parties dans l'office de matines, les prières au chant du coq et celles de l'aurore (Lau-

(1) C'est bien à tort que l'on a vu , dans cette prière quotidienne, une pièce composée en Thonneur du cierge pascal.

(2) Sur tout ceci, voyez le livre III des Institutions de Gassien.

28

^

434 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

des). Beaucoup plus tard, le même résultat fut attein par l'office de compiles (1) , entre le repas du soir e le coucher. C'est le système de Prudence combin» avec celui de TertuUien.

L'étude de ces diversités rentre dans l'histoire spé ciale de la discipline monastique. Un point d'un in térêt plus général, c'est l'introduction des prier quotidiennes dans l'usage ecclésiastique propreme dit. L'auteur des Constitutions apostoliques insis déjà pour que Tévêque réclame des fidèles l'assistan aux offices du matin et du soir, même à ceux d trois heures du jour (2). Il suppose que ces offices se célèbrent dans l'église et que l'évêque y prend par^ avec son clergé. La Pérégrination de Silvie fournit ici, en ce qui regarde l'usage spécial de l'église de Jérusalem, des renseignements très précis. Sauf en carême, l'heure de tierce est célébrée en public, il se tient quatre réunions par jour dans l'église du Saint-Sépulcre, au chant du coq, à sexte, à none et à vêpres (lucernaire). L'édifice sacré, qui n'est pas, ceci est à noter, l'église-mère ou cathédrale de Jé- rusalem, mais seulement un sanctuaire de dimen- sions relativement restreintes, est ouvert à tout le monde, à toutes les personnes de bonne volonté. En fait, l'assistance est surtout composée d'ascètes des deux sexes {monazontes et parthenae). Ces personnes pieuses exécutent des psaumes, soit suivant le mode ancien du répons, soit à deux chœurs, en antiphones.

(1) Cet office n'a pas d'attestation plus ancienne que la régie de saint Benoît. Une fois Complies admis, on put encore, même en dis- tinguant Matines et Laudes , vérifier le Septies in die laudem dixi tibit car Matines peut être mis en dehors du compte, comme office nocturne.

(2) II, 59; VIII, 34-39; dans le premier de ces textes, il n'est pas encore question des heures diurnes ; l'autre no donne des formules que pour le matin et le soir, tout en recommandant les trois heures de tierce, sexte et none.

l'offigb divin. 435

Deux ou trois prêtres et autant de diacres sont de ser- "vice tour à tour auprès d'elles, pour réciter les priè- res. On admet, en eiBfet, que, dans les assemblées un peu importantes, les prières communes, litanies ou autres, ne peuvenl être dirigées que par le haut clergé ; une pratique différente est considérée comme entraînant quelques dangers au point de vue de l'unité ecclésiastique. Mais ce n'est pas la seule par- ticipation du clergé à l'office des ascètes. Quand les psaumes, entrecoupés de prières, tirent à leur fin, î'évêque et le clergé entrent dans l'église. A partir de ce moment, la réunion devient vraiment ecclésiastique. On y fait des prières, d'abord avec les catéchumènes, puis avec les fidèles seuls, les catéchumènes étant renvoyés au bout d'un certain temps, comme dans les synaxes liturgiques. L'assistance ne se sépare pas sans avoir reçu la bénédiction de I'évêque; il est même d'usage que chacun lui baise la main avant de se retirer.

Le dimanche et les jours de fêtes, les synaxes an- tiques reprennent leurs droits. L'office privé passe après et s'installe comme il peut dans l'intervalle entre la vigile et la messe. Au chant du coq, le clergé tout entier, évêque en tête, préside l'office de nuit, bien autrement fréquenté que les jours ordinaires. Au jour, la messe a lieu, dans la grande basilique (Martyriwm) voisine du Saint-Sépulcre. Elle est fort longue , aussi ne reste-t-il de temps que pour le lucernaire : sexte et noue sont sacrifiées.

Il va de soi qu'une assistance régulière à des offi- ces aussi fréquents ne pouvait être demandée à tout le monde. Saint Chrysostome (1) nous met en pré- sence des objections que faisaient valoir les laïques de son temps : « Est-il possible, fait-il dire à ses audi-

(1) Hom. lY de -Anna; Migne, P. G., t. LIV, p. 667.

'436 ORIGINES bu CULTE CHRÉTIEN.

» teurs, qu'un homme du monde, enchaîné aux'affai- » res des tribunaux , se dérange trois fois par jour » pour aller prier à Téglise ? » Il répond à cela que Ton peut prier en son particulier, et n'impoi*te où. En fait cependant^ il résulte de son témoignage comme 'de beaucoup d'autres auteurs contemporains, queM- 'flce était célébré tous les jours dans leségliseSj'auxheu- res, canoniques, avec la participation du clergé et sôus sa direction. Ce point est capital. Une fois installée dans l'église, la prière privée n'en devait plus sortir. Les ascètes isolés, les vierges vivant dans le monde, dis- parurent bientôt ou se rattachèrent aux monastères, * pourvus d'oratoires dans lesquels la congrégation cé- lébrait ses offices. Mais le pli était pris. Les fidèles, tout en n'y assistant pas, trouvèrent très convenable que les offices fussent célébrés dans leurs églises par le clergé, et celui-ci dut accepter la continuation d'un service assez onéreux dans sa régularité, auquel il âvfeit été d'abord étranger. L'obligation de l'office , comme celle du célibat, est un legs de l'ascétisme au clergé. On peut même dire que, sur ces deux points, il s'est produit une sorte de concordat tacite. La popularité des parfaits, des continents, des hommes de Dieu, comme on disait, était et se maintint si grande, qu'elle aurait pu mettre en question les titres du clergé à la direc- tion des communautés chrétiennes, si, sur les points principaux, le clergé ne s'était empressé d'adopter le programme des moines, s'il ne s'était pas arrêté, d'une façon nette et apparente, dans la voie du relâchement général.

Ainsi naquit pour le clergé l'obligation de célébrer, 'dans les églises publiques, dans les cathédrales de ville et dans les églises paroissiales des campagnes, l'office canonique de jour et de nuit. Quant à l'organisation précise de ces offices, quant à la distribution des psau- mes, antiphones ou répons, des prières, litaniques ou

L,'OFFJGg DIVIN. . 43^;

ciQllective&, des Jôclftires.même, entrft lep.hwJffts. de l'of- fij(î€> et les. temps de l'année, on varia, be>^uçpuix d*ut\e^ église à l'autre. Ici, coDfipie dans le secvicç, prioiitifj du dimanche et des stations, Tusage des grandes mé- tropoles s'icpipo^a anxi églisjas. sufifrç^gan^p^. Les, conci- les provinciaux s'efforcèrent de régler les. détails eJt* d'obtenir quelque uniformité. D'autre part , l'ordre des offices était une des parties principales des règles monastiques. Les couvents importants suivaient en ceci les règles qu'ils avaient adoptées ; d'autres accep- taient l'usage diocésain ou provincial, défini par les évoques. Jusqu'au neuvième siècle, eu Occident, il n'y eut guère d'uniformité dans ce domaine. Quand on arriva à l'y introduire, ce fut en s'inspirant de la rè- gle bénédictine et surtout (1) de l'usage des monastères de Rome, de ces grands couvents groupés autour des basiliques du Latran, du Vatican, de Sainte-Marie- Majeure, qui, à la longue, sont devenus des chai)itres, réguliers d'abord, puis séculiers, mais qui représen- tent, en somme, le principlum et fons de tout le dé- veloppement latin de l'office ecclésiastique et mona- cal (2).

(1) Je me bornerai à signaler quelques faits qui peuvent avoir leur intérêt pour Tétude des anciens livres d'oflSce. A Rome, jusqu'au neuvième siècle au moins, les hymnes étaient inconnus ; on s'en te- nait, pour le chant, aux psaumes et aux autres cantiques bibliques. Les lectures, réservées d'abord aux antiques services de la vigile et de la messe, ne s'introduisirent dans l'office qu'au bout d'un certain temps , vers le septième siècle. L'office se composait donc unique- ment de psaumes, antiphones ou répons, et de prières. Cet usage romain primitif concorde exactement avec celui qui était observé à Jérusalem au temps de Silvia. La règle de saint Benoît, au contraire, admet les hymnes et les lectures. Voy. la lettre de Théodemar, abbé du Mont-Cassin, à Charlemagne, dans Jaffé, Monum. Caroitna, p. 360; cf. Liber poiitif,, t. I, p. 231, note 1, j'ai eu tort de placer les ré- pons de l'office au nombre des parties ajoutées postérieurement.

(2) Ceci est dit, bien entendu, des temps postérieurs au septième siècle pour la Gaule , au dixième ou onzième pour l'Espagne. Dans ces pays , il y a lieu de tenir compte d'un développement indigène,

438 0RI0INB8 DU CULTR CHRÉTIEN.

On comprend aisément que , devant un sujet si vaste, je m'abstienne d'entrer dans le détail et même d'y toucher, si légèrement que ce soit.

qui a commencé sous l'influence directe des usage orientaux , et qui doit peu à l'imitation des monastères romains.

APPENDICE

LBS OR DINES ROMAINS DU MANUSCRIT DE SAINT-AMAND.

Le manuscrit d*où je tire ces textes, Parisinus 974, du neuvième siècle , contient les traités suivants de saint Augustin : De libero tMrbitrio et graiia Dei Uhri II ; Altercatio Feliciani arriani et heati ^ugustini, liber I : De praedestinatione, liber I. 11 provient de Saint- Amand en Puellc , comme en témoigne la note suivante , inscrite à la fin : Almae ecclesiae sancti Aviandi in Pabula liber. Avant et après le texte de saint Augustin , quelques feuillets étaient de- meurés blancs ; on en a profité pour y transcrire les Ordines.

Ceux-ci sont rédigés en latin vulgaire {non gramniatico sermone), ce qui , si Tauteur était un clerc frank , les reporterait à une date antérieure à Tan 800 environ. Si c'est un clerc romain qui a tenu la plume, la rédaction peut être un peu postérieure. Le manuscrit n'est sûrement pas original. 11 nous ofi're une copie exécutée sur un original rempli d'abréviations, qui n*ont pas été toutes déchif- frées avec un égal bonheur. Je le reproduis tel quel, sauf certains endroits les fautes sont manifestes et faciles à corriger; en ces cas 'là la leçon du manuscrit est indiquée au bas de la page.

440 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

In nomine Domini nostri lesu Christi incipit ordo quct- liter in sancta atque apostoiiea ecelesia Romana missa caelebratur, quam )ios cum summo studio atque cum diligentia maœima curavimus , non grammatico ser- mone, sed aperte loquendo veritatem indicare, id est qualiter pontifex proccdit in die sollemni cum honore magno; sicut investigatum est a sanctis patribus,

l

Primitus enim procedit omnis clerus ad ecclesiam vel omhis populus iibi missa caolebranda est, et ingreditur pon- tîfex in sacrario et induit se vestimentis sacerdotalibus. Quando dalmaticas induit, et diaconi similiter induunt se, et subdiaconi involvunt se anagolagio circa collo et indaunt se tonicas albas quales habent, sericas aut lineas. Et si pon- tifex dalmaticas non induerit, diaconi vel subdiaconi non se involvunt anagolagio, sed cum tonicis albis et planitis ambulant. Et intérim dum pontifex sedit in sacrario in sede sua, custodit ovangelium diaconus qui eum lectarus est, et postea tradit ad subdiaconum. Deinde portans eum sub- diaconus per médium presbiterio, et non présumât sedore quisquam quando eum viderint pretereuntem ; et pertran- siens subdiaconus ponat eum super altare. Et intérim stat quartus de scola ante pontificem et dicit ^ ad subdiacono regionario ^ : « Talis psallit responsorium et talis Alléluia. Deinde dicit pontifex scolae : « Intrate. » Et renuntiat ad primum scole, et dicit : « lubete. » Deinde venit subdiaconus suprascriptus ad auriculam pontiflcis et dicit secreto : « Ta- lis legit, talis et talis psallit. >

Deinde oblationarius inluminat duos cereos ante secre— tario pro luminaria pontificis ', quod est consuetudo omni

< diaconus. * regionaria 3 pontifex.

tempore, et antecaedit ante pontiâcam ^, et ponit.eos rétro altare, in duo candelabra, dextra levaque. Deinde inlaimit nant acolithi cereostata ^ aiite secrairium et aegreditur pon- tifex de secrario cum diaconibus , tenentes eum duo dexti^a levaque, et Vil caereostata procaedunt au te. eum. et subdiaT conus (1) temperita ^ cum thimiamasterium ante pontiâr cem. Et ipsi diaconi |Janitas habeant indutas super dalmar ticas, usque dum venerinit cum pontiôce ad summum pnesbiterium. Et cum introierint, exuent planitas.quas har hent, etrecipiunt eas miuistriipsorum. Et dum viderit subr diaconuS" primus de scola eos expoliare et pontificem ia-» titieuntem in presbiterio, expoliat se planita qua est iuidutUS) etreoipit eam accolitus descola. Et surgant sacerdotes et 8tant. Et subdiacoui qui antecaedunt pontificem non transi- eant per médium scolae , sed dextra levaque stantes subtus cancello, hinc et inde. Et cum adpropinquavorit pontifex scola, stant ibi acolithi cum cereostata, mutantes, novissimi primi. Et transit poutifcx cum diaconis per mediam scolam., et annuit primo * scolae ut dicatur Gloria. Et venit prior episcopus et prior presbiter ; dat ois pacem pontifex, deind^ et ad diaconos *. Et si pontifex minime fuerit, similiter dat diaconus pacem qui ipsa diae lecturus est evaugelium. Deinde psallit (2) ante altare, et stat inclinato rapite et dia-? coni similiter. Dum dixerit scola Sicut erat in prindpio^ eri- gunt se diaconi ab orationo, et osculant altare hinc et inde. Et dum dixerit scola vorsum ad repetendum., surgit pontir fex ab oracione et osculat evaugelium qui est super altare, et vadit de dextra parte altaris ad sedejn suam , et diaconi

» pontifex.

* ceor.

3 teperita.

* primum.

* diaconum

(l) Le. sous-diacre temperit& reparaît plus loin. Je ne sais ce quj» iiitgwAfi<o cette qualification.

(2). Dans, ce texte, le verbe psallere, outre le sens ordinaire da chanter un psaume, a aussi celui de monter.

442 ORIGINES DU GULTB CHRÉTIEN.

cum ipso hinc et inde , staiites et aspicientes contra orien- tem (1).

Deinde ponunt acolithi cereostata quas tenent in terram. Et dura compleverit scola antiphonam, annuit pontifex ut dicatur Kyrie eleison. Et dicit scola, et répétant regionarii (2) qui stant subtus ambone. Dum repetierunt tertio, iterum annuit pontifex ut dicatur Christae eleison. Etdicto tercio, ite- rum annuit ut dicatur Kirie eleison. Et dum compleverint novem vicibus, annuit ut finiantur. Et ro-piciens pontifex ad populum dicit Gloria in excelsis Deo et revolvit se ad orien- tem et diaconi cum ipso, usque dum expletur Gloria in «c- celsis Deo. Hune expleto, respicit populum et dicit : Pax vobis. Respondetur : Et cum spiritutuo. Deinde Oremus. Leventur aco- lithi caereostata et ponunt ea ante altare, sicut ordinem habent.

Oracione expleta, sedet pontifex in sede sua et diaconi stant hinc et indc. Et revertit scola subtus tabula qui est subtus ambone, et subdiaconi qui stant subtus cancellum psallunt circa altare ex utraque parte. Et annuit pontifex ut sedeant sacerdotes in presbyterio. Deinde legitur lectio a subdiacono in ambone, stans (3) in médium de scola, aut acolitbus planita et accipit cantorium et psallit in ambone et dicit responsorium ; similiter et alius Alléluia.

Hoc expleto, inclinât se diaconus ad pontificem, et iubet pontifex ut legatur evangelium ; et vadit ad altare, et osculat aevangelium et accipit eum. Deinde surgit pontifex a sede, seu et omnes sacerdotes stantes. Et antecedunt eum duo subdiaconi, unus dextra parte, alius de sinistra, et duo aco- lithi portantes ante ipsum dua caereostata. Et dum venerit subtus ambone, porrigit ei subdiaconus qui est dextra parte

(1) A condition , bien entendu , que l'orientation de l'église s'y prête. C'est le cas dans les deux basiliques du Latran et du Vatican; mais non dans celles de Sainte-Marie-Majeure, de Saint-Paul et bien d'autres.

(2) Les défenseurs régionnaires.

(3) Le texte est altéré ici. Cf. VOrdo de Mabillon : Subdiaconus,.. ascendit in ambonem et legit. Postquam. legerily cantor cum canta- torio ascendit et dicit responsum. Dans notre texte, il doit manquer quelques mots; je crois que l'on marquait ici que le chantre se dé- pouillait de sa planète avant de monter à l'ambon.

APPENDICE. 443

brachio sinistro, et recumbit super eum diaconus aevange- lium usque dum custodit signum. Deinde psallit in ambone, et revertunt cereostata ante ambonem et legitur aevange- lium. Et suscipit aevangelium subdiaconus , et tenens ^um contra pectus suum subtus ambone, usque dum osculantur omnes aevangelium. Inde retrudit eum in capsa sua. Et re- Yertit diaconus ad altare et ipsa caereostata ante eum , et possunt ea rétro altare, seu et reliqaa caereostata. Et si fuerit pallium super altare, roplicat eum in una parte ad orientem, et expanditur corporale super altare a diaconibus.

Deinde lavât pontifex manus suas et surgit a sede sua. Et revertitur scola in partae sinistra praesbiterii. Deinde des- cendit pontifex ad suscipiendum oblationes a populo, et an- nuit archidiaconus scolae ut dicatur ofifertorium. Et dum suscipit aeas pontifex , tradit a subdiacono et subdiaconus ponit eas in sindone quos acolithi tenent, sequentes eum. Et diaconi recipiunt amulas et portatur stationarius calix a subdiacono regionario, et refundit diaconus ammulas in ipso calice sancto; et dum repletus fuerit, devacuatur in sciffo quas portant acholithi. Deinde vadit pontifex ad partem mulierum ^ eum diaconibus et faciunt similiter. Deinde revertitur ad sedem suam et permanent diaconi ad amulas recipiendas. Et intérim stant ante pontificem primicaerius, secundicaerios, notarii et regionarii , dum presbiteri reci- piant oblaciones seu et amulas infra presbyterium, tam de parte virorum quam de muliaerum ; et acolithi tenentes sin- dones et sciffos ad recolligendum.

Deinde lavât archidiaconus manus suas et vadit ante al- tare, et ceteri diaconi lavant manus suas, et tenent acolithi sindone eum oblatas quas recepit pontifex a populo in dex- tro cornu altaris ; et eliguntur eas a subdiacono temperita, et tradit eas a subdiacono regionario et ipse porrigit eas ad archidiaconum , et ex eas facit très aut V ordines super altare, tantum ut sufflciat populo et exinde in crastino ré- manent, secundum auctoritatem canonicam. Et intérim te- neatur calix a subdiacono regionario , et accipit archidia- conus amula pontiflcis de manu oblationaris et devacuat ea

1 mulieris.

444 ORIGINES DU GDIiTB CHRÉTIEN.

in calicû sancto, simili ter ammula^ presbyiterorum seu et: diaconorum. Deinde teoet subdiacoai^ colatorium super calicem et mittitur de vino quod est io; spiffp quo& .offert, populus. Deinde portatur aquarum descola.foptem cuai, aqua munda, et datur ad oblacionarium , et.ol:\lacionariu^k porrigit eam archidiacono, et facit crucem de,aqua incaliça^. sancto, tenente a subdiacono in dex(ro cornu alLaris* Deinde. descendit pontifex a sede sua, veniens ante altare, et recipit archidiaconus oblatas pontiûcis a subdiacono oblaçionariO: et tradit eas pontifici^ et ponit eas pontifex; super, altare. EL recipit archidiaconus calicem a. subdiacono et ponit eum super altare.

Et annuit pontifex scola ut faciant finem ; et ravertitur scola subtus tabula. In Natale Dominisive in Aepyphania et in Sabbato sancto seu in Dominica sancta et in feria se^, cunda, in Ascensa Domini et in Pentecosten vel in na- tale sancti Pétri et sancti Pauli, stant epi^copi post pontifl- cem inclinato capite, presbiteri vero dextra levaque, et tenet unusquisque corporale in manu sua, et dantur eis ab archi- diacouo oblatas diias ad unumquemque ^, et dicit pontifex canon ut audiatur ab ois, et sanctiflcantur (1) oblaciones quas tencnt, : icut et pontifex (2). ...inclinato capite post episr copos et suhdiaconi ^ ante ipsum inclinato capite ad altare, usque dam dicit Nohis quoque. Et si isti dies solempni non sunt, dum calix ponitur supra altare, revertuntur piîesbiteri in presbiteiio ; similiter et alius clei^us revertitur subtus tabula; et si dominica evene«rit, presbiteri inclinato capite stant, et si cotidianis diebus^ genu^ flectant quando inchoant Sanclus, Et veniunt acolithi. stantes ante aUare post diaco- nos, dextra levaque, involuti cum sindqnibus. Et unus ex illis, involutus de palla cum cruce sirica, tenens pateuam contra pectus suum , stans primus,, et alii. tanentes sciffoa

* unumque. 2 subdiaconos.

(1) Pour sanctificant.

(2) Il manque ici quelque chose. On doit suppléer, d'après l'Ordo I de Mabillon, quelque chose comme Diaconi vero stant.

Alft»BNDIGE. 445

cum fontes, alii saccula. Et diim venerit pontifex ad omfiû hanor et gloria^ levât duas oblatas in manus suas, et diaconus calicem tenens et levans paululum usque dum dicit : Per ùmma taecula tUee^GfUm, omen.

Et surgunt ab oracione diaconi seu et sacerdotes, et dum dixerit pontifex : Pax Domini sit semper vobiscum. accipit sub- diaconus patenam ab acolitho et porriget eam archidiacono et tenet eam ad dexteram pontiflcis et frangit unam ex obla- tis quas offert pro se et diiliittit coronam ipsius super altare, et ponit unam integram et aliam mediam in patenam et reddit archidiaconus patenam ad accolitum, et pontifex vadit ad sedem suam. Deinde confranguntur alii diaconi in pa- tena, seu et episcopi in dextra parte abside. Deinde levât ar- chidiaconus calicem de altare et dat ad subdraconum, et stat cum ipso ad dextro cornu altaris, et psallunt acolilhi ad altare cum saccula, et stant circa altare, et ponit archi- diaconus oblatas per saccula , et revertuntur ad presbiteros ut confrangantur et (1) intérim psallunt Beati immaculati se- creto presbiteri vel diaconi; et si nécessitas ovenerit, rum- patitur primitus oblatae a presbitoro et sicut frangantur subdiaconi regionarii. Et revertitur scola in presbiterio, in parte sinistra, et annuit archidiaconus scola ul dicatur Agnus Dei, Et intérim, dum confranguntur, iterum respon- dunt acolithi qui sciffos et amulas * lenent, Agnus Dei, Et dum fractum habuerint, accipit archidiaconus calicem sanc- tum a subdiacono, et alius diaconus patenam ab acolitho, et vadunt ante pontificem.

Accipit pontifex sancta de patena, mordit ex ea particula, et de ipsa facit crucem super calicem, dicendo secreto : Fiat eonmixtioet consecracio et reliqua. Deinde confirmât pontifex, tenente calicae ab archidiacono. Deinde acci[)iunt aepiscopi vel presbiteri sancta de manu pontificis et vadunt in sinistra parte altaris, et ponunt manus cum sancta super altare et

1 amalas.

(1) Les mots et interim-dum confranguntur, omis d*abord, ont été supî^ééâ eiï' ïn&V^e du ms.

446 ORIGINES OU CULTB CHRÉTIEN.

sic communicant. Quando incipiunt episcopi vel presbiteri communicare» tune vadit archidiaconus in deztra parte altaris, stans ante eum acolitus cum sciffo priore, et adnun- ciat stacione, et respundunt omnes : Deo gracias. Et tune per- fundit de calicae in scifFo. Deinde dat calicem ad episcopum qui prius communicavit et vadit ad pontificem et accipit sancta de manu ipsius, similiter et alii diaconi. Et vadunt in dextra parte altaris et communicant. Deinde conflrmantur ab episcopo a quo et presbiteri conârmati sunt. Deinde communicat pontifex primicerios et secundicaerios. Deiade recipit archidiaconus calicem ab episcopo, et venions sub- diaconus, habens colatorio minore in manu sua, ezpellit sancta do calicae, et ponit ea in fonte priore unde archidia- conus débet conflrmare populo , et devacuat calicem archi- diaconus in secundo calice, et de ipso perfundit acolithus in fonte priorae. Deinde descendit pontifex ad communi- candum populum, et annuit archidiaconus scola ut dicatur antiphonaad communionem. Et dum dixerit scola, repetunt subdiaconi de sinistra parte cancello infra thronum. Et dum communicati fuerint primati, tribuni, comités et iudices et caeteros quos voluerit, vadit de parte mulierum infra can- cellum, et diaconi post ipsum, confirmantes populo. Deinde quando iubot revertitur ad sedem suam, et stant sacerdotes ad communicandum vel confii-mandam populum infra presbiterium. Et intérim pontifex sedet in sede sua, et stat ante eum acolitus cum sancta patena , et veniunt ad eum subdiaconi, notarii vel regionarii, et communicat eos, et conflrmantur a diacono.

Deinde stant notarii ante eum tenentes calamario et dhomum in manu, et cui voluerit pontifex invitare, iubet ut scribantur nomina ipsorum. Et descendunt notarii a sede et adnunciant ad ipsos qui scripti sunt.

Et intérim venit sacordos et communicat scola, et tenons quartus fontom in manu, quod impleta est do sciifo primo, et accipit eam presbiter de manu ipsius et facit crucem de sancta super fontem et ponit eam intro. Similiter et omnes presbiteri faciant quando confirmant populum et confirmât scola. Et dam viderit archidiaconus quod pauci sunt ad communicandum , annuit ut dicatur scola Gloria. Et repe-

APPENDICE. 447

tunt subdiaconi SiciU erat in principio et repetit scola versum i.

Deinde descendit pontifex a sede et vadit ante altare et revertuntur cereostata post ipsum. Et intérim lavant sacer- dotes vel diaconi manus suas et osculantur se per ordinem et subdiaconi in vicem ubi stant, similiter et scola in loco quo stat. Oracione expleta, dicit diaconus : Ite missa est, non ipse qui legit evangeliam, sed alius.

Deinde descendit pontifex ab altare et diaconi cum ipso , et subdiaconi ante eum cum thlmiamasterium qui supra scriptus est, sou et cereostata ante eum abacolitis portantes. Et transiens per médium praesbiterium, dicit subdiacono de scola : Iiibe^ domne^ henedicere. Et dat pontifex orationem^ et respondetur Amen, Et cum exierit de presbiterio, iterum dicunt indices : luhcy domncy henedicere. Et data benedictione respondetur Amen. Et venientes acolithi ante pontifice cum cereostata , stant ante ostium usque dum ingreditur pon- tifex sacrarium , et extinguunt cerea.

Et spoliât se pontifex et recipiunt vestimenta a subdiaco- nibus, et ipsi tradunt eas ad cubicularios. Et diaconi spo- liant se foras secrotario , et accipiunt vestimenta ipsorum acholiti. Et dum sedet pontifex, venit mansionarius prior de ecclesia cum bacea argentea cum pastilles, et si non fuerit argentea, cum catino, stat ante pontificem ; et veniunt per ordinem diaconi, deinde primicerius et secundicereus, sed 2 et vicaedominus vel subdiaconi ^ et accipiunt pastillos de manu pontificis. Deinde miscitur pontifici et ceteros suprascribtos. Omnia expleta , dat pontifex oracionom et egrediuntur de secrario.

Et hoc quod obmisimus ad memoriam reducimus, id est quod si pontifex non procosserit, diaconi sic procédant sicut superius dictum est. Et si diaconi minime fuerint , in loco ipsorum procédât presbitor de secrario cum cereostata ad * custodiendum sedem pontificis * et licet evangelium légère

' versum û.

^ se quicac dominus

3 subdiaconus.

*et.

s pontificem.

448 ORIGINES DU CULTB CHRÉTIEN.

in ambone prociiictus de planita, sicut et diaconus, ec d^is- rciidcns de amix)ne induit se planita. Et dum venerint au te cancellum diaconi aiit presbiteri, venit opiscopus aut pr<?»^ biter de parte sinistra presbiterii qui ipsa die missa caeia- bralurusest; dat ei dîaconus pacem qui evan^elium lec-^^ turus est ipsa diac. Et dum finierit scola Kirie deitm^ psallit episcopus in parte dextra throni infra cancello et dicit Glùria m exceUis Deo, Et si presbiter missa débet caele- brare, non dicit Ghria in excelm Deo, sed tautum fisallitet dicit oracione. Ifisa explela , revertitur in locum suum, usque dum legitur cvangelium. Ipso ezpleto, psallit ut supra, et dicit Dominus vobiscum; deinde Ormmu, et sequitur omnia sicut supra scriptum est. Et dum venerit ad omnii honor et gloria , non levât diacouus calicem , sicut ad poDti- ficem, sed ipse episcopus aut presbiter lerat duas oblatas et tangit ex ipsis calicem et dicit Per rnnnia saecula foeadantm. Et dum dixerit Pax Domini sit semper vobiscum , tenet subdia^ conus de sancta cuni corfiorale ad cornu altaris quod pon- tifex consecravit > . et accipit eam diaconus et tradit eam episcopo aut pi-eshitcro. Et exinde facit crucem 8ui)er cali- cem , dicendo Pax Domini sit semper vobiscum. Et osculatur altare, et diaconus <lat pacem ad subdiaconum. Deinde venietalius episcopus de parte sinistra : tenentambomanus suj>er oblata et frangunt ea, et episcopus revertitur ad locum suum. Et episcopus aut presbiter qui fecit missîi tradit una et média oblata qui partita est ad diacono, et ipse ponit medietate in patenam et qui intégra est in sacculo, tenente acholito. Et vadit ad archipresbitero ad confran- gendum ; et stat episcopus in sinistra parte altaris usque dum expensae ^ fuerint oblatae per saecula acholitorum, sicut mos est. Deinde revertitur episcopus ante altare et confrangendum medietate de oblata qui remansit. Et dum confractum habuerint, adnunciat diaconus stacione, sicut mos est. Et veniunt tam episcopi quam presbiteri ad com- municandum ante altare, et dat episcopus particulas duas ad primum ex illis episcopis in manu sua ; et ipse qui eis

1 coDsecrabit. '^ ex pensa.

APPENDICE. 449

ccipit, reddit unam ex illis ad eum ; et ipse parfcicula tenit

n manu dextra usque dum communicant sicut supra. Et

une ponit manus supra altare, et communicat ipse qui

^nnissa fecit. Deinde communicant diaconi et confirmantur

ab episcopo sive a presbitero qui prius comraunicavit et

calicem tenet et complet omnia sicut supra scriptum est.

II

Qualiter Feria V Caenae Domini agendum sit.

Media illa nocte surgendum, nec more solito Deus in

adiutorium meum nec ihvitatorium , sed in primis cum anti-

phonis III psalmi secuntur; deinde versus *; nec presbiter

dat oracionem. Deinde surgit lector ad legendum , et non

petat benedictionem ) et non dicit Tu autem Domine^ sed ex

^erbis leccionis iubet prier facere finem; III [lectiones] (1)

de tractatu sancti Augustini in psalmo Exaudi Deus oracionem

tnec.m dum trihulor^ III de Apostolo ubi ait ad Corinthios :

Et ego accepi a Domino quod et tradidi vohis. VIIII [psalmi] cum

antiphonis, VIIII lectiones, VIIII responsoria completi

sunt ; et non dicit Gloria nec in psalmis nec in responso-

riis. Sequitur matutrnum. Matutino complète non dicit

€hirie eleison, sed vâdunt per oratoria psalmis psallendo

cum antiphonis.

In eadem die, ora V, procedunt ad ecclesiam et mutant se vestimentis suis tim pontifex quam et diaconi ^ cum dal- maticis et subdiaconi non induunt planitas. Deinde egre- ditur pontifex de sacrario cum diaconibus et VII cereostata ante eum, et cetera sicut mos est in die soUempni. Dum transierit per médium scolae, annuit primum scolae ut di- catur Gloria. Et antequam ascendat ad altare, dat pacem priori episcopo et priori presbitero seu et diaconibus om- nibus. Et venions ante altare et reclinans se ad oracionem

^ u.

2 diaconus.

(1) Jo supplée ce mot, comme aussi psalmi, un peu plus bas.

29

450 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

prostratus in terram , usqiie dum dicit versum ad repeten- dum. Deinde psallit ad sedem. Et dum flxierit Kirie eleisim scola, dicit Dominus vohiscum et sequitur oracio Deus a qtto et ludas; deindo leccio Apostoli et responsorium, deinde evan- gelium. Offerente populo dicit scola Oflfertorium BeûGUra Domini.

Dura venerit ad finem, in verbis in quibus coeperit dicere intra quorum nos consortium non aestimator merili ^ , sei veniae ^ quaesumus , meritis hrgitor admitte , per Christum dominum noS' triim, tune vadunt diaconi et tollent ampullas cum oleo que ponuntur a diversis in podia et tenent eas super altare et benedicuntur a pontiôce; residue vero quae rémanent super cancellos dextra le vaque iuxta altare àscendunt episcopi et priores presbiteri : ab eis benedicuntur. Qua benedîctione olei compléta, subiungit pontifex et dicit : Per quem hee omnia^ Domine , semper bona creas^ et revocantur ampullae a diaconibus per loca sua. Hec autem benedictio dicitur super oleam secreto, tam a pontifice * quam et ab episcopis vel a presbi- teris : Emitte, Domine^ Spiritum sanctum, tuum Paraclitum^ ^(U oratione compléta dicit pontifex : Per quem hec omnta, Domine, et cetera, deinde oratione dominica, et sequitur Libéra no«, quaesumus, Domine, et dicit : Pax Domini eit semper vobiseum. Et vadit ad sedem et confrangunt sacerdotes sancta, seu et diaconi, et intérim psallitur Agniis Dei/Deindo communicat pontifex tantum , et diaconus cooperit sancta seu et calicae super altare cum corporale ; similiter et acoliti cooperiunt sciffos cum pallas, tenentes eos.

Et venit pontifex ante altare et habens suaiuva (2) duas ampuHas infra presbiterium , una cum balsamo confecto et alia cum oleo purissimo , et venit ad eum regionarius

» meritis. 2 poQtificibus.

(1) Entre et et orafione, le ms. intercale les mots ipse suum oleum ad unguendum infîrmum, qui sont un renvoi marginal, inséré mal à propos dans le texte. Ipse suum est, du reste, une abréviation mal déchififrco ; il faut lire ubi supra, sub verbo oleum, etc.

(2) C'est le terme suba,diuva.

APPENDICE. 451

secundus et accepit ah eo ampuUam * cum balsamo involuta

cum mafortio sirico; et de ipso ponit super scapula sinistra

caput unum qui eam recepturus est ; similiter recepit eam

regionarius primus a regionario ^ secundo. Deinde subdia-

conus regionarius et archidiaconus infra cancelllo stans

similiter recepit eam et vadet ante pontiflcem et stat ante

eum cum ampulla. Et exalat in eam pontifex tribus vicibus,

et faciens crucem super eam, dicendo : In noniine Pàtris et

Filii et Spiritus sancti. Et sequitur benedictio decantando

sicut et Vere dignum. Ipsa expleta , revocantur ampuUae per

ordinem sicut acceperunt. Similiter et alia ampulla cum

oleo purissimo portatur ante pontiflcem ab alio diacono,

sicut superius ; et alat in eam ter, sicut supra. Deinde bene-

dicit eam secreto , et iterum revocat eam ad suaiuva , per

ordinem, sicut superius. Deinde comraunicat cunctus clerus

seu et populi. Missa compléta, dicit diaconus : Ite, missa est.

Et reservantur sancta usque in crastinum.

III

Feria VI Parasceven.

Media nocte surgendum est ; nec more solito Deus in adiu- torium meum nec invitatorium dicuntur. VIIII psalmi cum antiphonis et responsoriis; lectiones III de lamentacione Hieremiae , III de tractatu sancti Augustini , III de psalmo LXIII, très de apostolo, ubi ait ad Ael)reos : Festi- nemus ergo ingredere in illam requiem. Et non dicit Gloria nec in psalmis nec in responsoriis; neclector petit benediccionem, sed sicut superius. Sed tantum inchoat ad matutinum anti- phona in primo psalmo , tuta lampada de parte dextra , in secundo psalmo de parte sinistra; similiter per omnes psalmos usque VI aut VFI, aut in finem evangelii, reser- vetur absconsa usque in Sabbato sancto.

Ipsa autem die, hora V, procedit ad ecclesiam omnis clerus et ingreditur archidiaconus cum aliis diaconibus in

> ampullas.

3 subregionario.

452 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

sacrario et induunt se planetas fuscas, et egrediuntur de sacrario, et duo cereostata ante ipsum cum cereis accensis, et yeniuQt ante altarae. Osculantur altare et vadunt ad sedem pontiflcis secundumconsuetudinem. Deindeannuit archidia- conus subdiacono ut legatur leccio prima. Sequitur respon- sorium Domine audivi; deinde alia leccio, et sequitur tractus Qui habitat, Deinde legitur passio Domini secundum lohan- nera. Hoc expletopsallitsacerdosde parte sinistra presbiterii* in partem dextram altaris infra thronum et dicit oraciones soUempnes. Deinde revertuntur presbiteri per titula sua, et hora nona tam de lectionibus quam respoiisoriis vel evan- gelium seu et oraciones soUemnes faciunt similiter, et adorant sanctam crucem et communicantur omnes.

IV

Ordo qualiter in Sabbato sancto agendum est.

Media nocte surgendum est, et sicut superius taxavimus ita fiât, excepte in lumiuaribus, sed tantum una lampada accendatur propter legendum.

Post hoc vero die illa , octava hora diaei procedit ad ec- desiam omnis clerus seu et omnis populus, et iiigrediturar- chidiaconus in sacrario cum aliis diaconibus et mutant se sicut in die sancta. Et aegrediuntur de sacrario et duae fa- culae ante ipsos accense ^ portantes a subdiacono, et ve- niunt ante altare diaconi , osculantur ipsum et vadunt ad sedem pontiflcis, et ipsi subdiaconi stant rétro altare, te- nentes faculas usque dum complentur lectiones. Deinde an- nuit archidiaconus subdiacono regionario ut legatur lectio prima, in greco sive in latino. Deinde psallit sacerdos infra thronum in dextra parte altaris et dicit Oremus , et diaconus Fleciamus gennuy et post paululum dicit Levate. Et sequitur oracio Deus qui mirahiliter creasti hominem, Deinde secun- tur lectiones et cantica seu et oraciones , tam grece quam latine, sicut ordinem habent.

1 presbiter. 3 ancense.

APPENDICE. 453

Lectionibus expletis, egrediuntur de ecclesia quae apella- tur Constantiniana et descendit archidiaconus cum aliis diaconibus, et ipsas faculas ante ipsos, usque in sacrarium qui est iuxta fontes, et ibi expectant pontiflcem. Et dum advenerit, quando iubet, dicit ad quartum de scola : Intrate. Et inchoant laetania ante fontes, repetentes ter. Qui dum dixerint Agnus Dei^ egreditur pontifex de sacrario cum dia- conibus, et ipsas faculas ante ipsum usque ad fontes. Leta- nia explota, dicit Doininus vohisciim , deinde Oremus^ et sequi- tur oratio his verbis : Omnipotens sempiteme Detis, adesto piaetatis tuae mysteriis. Deinde seqnitur benedictio his verbis : Deus qui invisibili potentia, decantando sicut prefatione. Ubi dixerit : Descendat in hanc pleniiudineyn fontis, ponunt faculas ipsas infra fontes. Benediccione conpleta, accipit pontifex crisma cum oleo mixto in vase ab archidiacono, et aspargit eam per médium fontis in tribus parlibus, et recepit vas ap- chidiaconas de manu pontificis et reddit eam acholitho qui eam detulit. Et pontifex aspargit cum manu de ipsa aqua super populum.

Et vadit ad locum ubi baptizaro débet, et diaconi intrant infra fontes, qui denominati sunt ad baptizandum, cum sindalia in pedibus, seu et subdiaconi exuti planitas suas. Deinde accipiunt subdiaconi infantes et tradunt ad diaco- nes et diaconi ad pontificem. Et pontifex baptizat quantos voluerit. Et stans presbiter infra fontes facit crucem de oleo exorcizato in verticae , tenentes ipsos infantes subdia- coni, et roddcntes per ordinem, sicut acceperunt.

Deinde re ver titur pontifex in consignatorio et archidiaco- nus * cum ipso , et ipsas faculas ante eum. Et alii diaconi stant ad baptizandum. Et vestiuntur infantes ab ipsis qui susceperunt eos de fonte, et ipsi portant eos in consignato- rium, et stant per ordinem, masculi in dextra parte et femi- nae in sinistra. Et surgit pontifex a sede de consignatorio et vadit in dextram partem masculorum, dicendo oracionem et tangendo capita ipsorum de manu; similiter et ad femi- nas. Deinde venit subdiacouus cum crisma in vase argen- teo ; stat ad dexteram pontificis et pontifex revertit ad in-

* archidiaconi.

454 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

fautes priorcs et facit crucom de crisma cum police, in frontibus ipsorum, diceiido : In nomine Patru et Filii et Spiri- iu8 sancti, pax tibi. Siiiiiliter et ad feminas.

Deiiide revertitiir j)0i)tifex in sacrarium qui est iuxta thronuni^ et ipsas faculas ante ipsum. Et stat unus do scola anto eum; et duin ei placuorit, dicit : Intrate. Et ineboant letania hoc ordiiie, id est prima VII vicibus répètent. Simi* liter, facto intervalle , dum iusserit ponlifex, dicunt tertia letania, ter répétant. Et dum dixerint Agnus Dei , egreditur pontifox de sacrario et diaconi cum ipso, bine et inde, et duae faculae anto eum portantur ab ois qui eas j:x)rtaverunt ad fontes. Et venions ante allare, siat inclinato capite, us* que dum repelunl A't/r/e eleison \ et osculatur altare et dia* coni similiter, bine et indc. Deinde revertitad sedem suam, et ipsi Hubdiaconi regionarii tenont ipsas faculas rotro ai- tare, dextra Icvaque. Et dicit ponlifox Gloria in excelm Deo, Sequilur oratio, inde loctio et Alléluia , Confitemini Domino et tractus Laudate Ihminuni, Et ipsa nocte non psallit ofTerto* rium ncc Agnus Dei noc anlipliona ad communionera. Et communicat omnis populus, sou et inl'antes qui in ipsa nocte baptizati sunt, similitoj' usque in octavas pascbae.

Ipsa nocte, omnos prcsbitori cardinales non ibi stant, sed unusquisque per titulum suum facit missa et babet licen- tiam sedere in sodé et dicore Gloria in excelsis Deo, Et trans- mittit unusquisque preshiter mansionarium de titulo suo ad ecclosiam Salvatoris, et expectant ibi usque dum frangi- tur sancta , habentes secuin corporales. Et venit oblationa- rius subdiaconus, et dat ois de sancta quod pontifex conse- cravit, etrocipiunteain corporales, et revertitur unusquisque ad titulum suum et tradif sancta i)resbitoro. Et de ipsa facit crucem supor calicom et ponil in oo et dicit Dominus vohis- cum. Et communicant omnos, sicut superius.

Et dicit diaconus lie. Missa est.

In vigilia Pentocoste sicut in Sabbato sancto itaagendum est ; sed tantum una letania ad fontom et alla pro int[roitu] ; ofTertorium seu Âlleluia vol antipbona ad communionem sicut continet in antifonarium.

In ipsa nocte sancta Rosurroctionis, post gallorum cantu surgendum est. Et dum venerint ad occlesiam et oraverint,

APPBNDIGB. 4i55

*^=::)sculant se invicem cum silentio. Deinde dicit Deus in adi^- •^orium meum. Sequitur invitatorium cum Alléluia; secfuun- i.ur III psalmi cum Alléluia : Beatus vir^ Quare fremuerunt gen^ -^es, Domincy quid multiplicatisunt. Sequitur versus, et orationem dat presbitor. Deinde secuntur III lectiones et responsoria, totidem, prima lectio de Actibus apostolorum ; inde secunda ; tertia de omiliis ad ipsum diem pertinentium. Sequitur ma- tutinum cum Alléluia.

Infra Albas Paschae, très psalmos per nocturne inpo- nuntur per singulas noctes usque in Octavas Paschae , id est, feria II«, Cum invocarem, Verba wèca, Domine ne in furore tuo; feria III*^^ Domine Deus meus, Domine Dominus nosler. In Domim confido ; feria IIII* , Salvum me fac Dotnine , Usquequo Domine , Diicit insipiens ; feria V«, Domine quis habitabit , Conserva me Do- mine, Exaudi Domine; feria VI*, Caeli enarrant, Exaudiat^te fla- minw , Domine in viriute tua ; sabbato , Domini est terra , Ad te Domine levavi , ludica me Domine^ In dominica vero Octabas Paachae vigiliam iplenam. faciunt, sicut mos est, cum VIIII lectionibils et totidem responsuriis.

(h^do qualiter in ehdomada Pasche usque in sabbato de

Albas vespera caelebrabitur.

In primis Dominica sancta ,* hora nona , convenit scola cum episcopis , presbiteris et diaconibus in ecclesia maiorô quae est catholica, et a loco cruciûxi incipiunt Chyrie eleison et veniunt usque ad altare. Ascendentibus diaconibus in poium , episcopi et presbiteri statuuntur locis suis in pres- byterio et sancto ante altare- stet (1). Finito Chyrie eleison^ annuit archidiaconus primo scolae, et ille, inclinans se illi, incipit Alléluia cum psalmo Dixit Dominus Domine meo. Hoc expleto, iterum annuit archidiaconus secundo vel cui vo- luerit de scola, sed et omnibus incipientibus hoc modo praecipit et dicit iterum Alléluia cum psalmo CX. Sequitur post hune primus scolae cum paraphonistis instantibus

(1) Je comprends comme si je Usais et sanclum a,nte aXtare sient»

456 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Alléluia et respondent paraphoniste. Sequitur subdiaconus cum infantibus versum Domimis regnavit décore induit ; et res- pondent paraphonistae Alléluia; item versum Parata sedes tua Deus^ et sequitur Alléluia a paraphonistis ; item versam Elevaverunt flumina Domine ^ et roliqua. Post hos versus salu- tat primus scolae archidiacono , et illo annueute incipit Alléluia cum melodias , simul cum infantibus. Qua expleta respondent paraphoniste prima Alléluia et fînitur. Post hanc incipit Alléluia tercius de scola in psalmo CXI; posthuuc sequitur Alléluia oi'dine quo supra : Alléluia. Pascha nostrum\ versus Aepulemur, Hanc expletam, ordinem quo supra, inci- pit archidiaconus in evangelio antiphonam Scio quod Ie$m queritis crucifixum. Ipsa expleta, dicit sacerdos orationem.

Dein descendit ad fontes psallendo antiphonam In die rc- surrectionis meae^ quam utfinierint inchoatur Alléluia; psalli- tur psalmus GXIL Ipso expleto , sequitur Alléluia , 0 Kyri» ebasileusen euprepian , et sequitur Alléluia a cantoribus ; item versus Ce gar estereosen tin icummeni lis {\); et finitur ordine quo supra. Post hanc sequitur diaconus secundus * in evangelium antiphonam Venite et videte locum ; deinde sequi tur oratio a presbitero.

Et tune vadunt ad sanctum Andream ad Grucem , ca- nentes antiphonam Vidi aquam egredientem de templo, Post hanc dicitur Alléluia cum psalmo CXIII. Quo finito, primus scolae incipit Alléluia, Venite exultemtis Domino, versus Preoc- cupemtis faciem eitis, Post hanc dicit diaconus in evangelio antiphonam Cito euntes dicite discipulis eius ; deinde sequitur oratio a presbitero.

Deinde descendunt primatus ecclesiae ad accubita , invi- tante notario vicedomini, et bibet ter, de greco una, depac- tisi una, de procumma [una]. Postquam biberint , omnes presbiteri et acholiti per singulos titulos redeunt ad facieu- das vesperas, et ibi bibunt de dato presbitero.

i secundum.

(1) Ce sont les premiers mots des vv. 1 et 2 du ps. 92 : a *0 Kupioç iSourUevxrev, suirpéireiav KolX yàp êvtepéoxrev ti^v okou[jivY)[v fixiç »

APPENDICE. 457

Hec ratio per totam ebdomadam servabitur usque in do- minica Albas.

VI

Quando letania maior débet fleri, adnuntiat eam diaconus in statione catholica et dicit : « Feria taie veniente, collecta » in basilica beat! illius, statio in bàsilica sancti illius. » Et respondet omnis clerus : « Deo gratias. » Die * nun- tiata, colligit se omnis clerus vel omnis populus in ecclesia supraiamdicta ; et ingreditur pontifex in sacrario , seu et diaconi, et induunt se planitas fuscas. Et stat unus de scola ante pontiflcem et dicit : « Intrate. » Et inchoant antipho- nam ad introitum. Et antecedit oblationarius cum duobus cereis in manu accensos, et ponit eos rétro altare, sicut mos est. Et egreditur pontifex de sacrario cum diaconibus et thi- miamasterium , portante ^ eam subdiacono temperita. Dum transit per scola, iubot ut dicatur Gloria. Et venit ante altare, et inclinât se ad oracionem, usque dum dicit versus ad re- petendum, et surgit ab oratione, osculatur altare, et diaconi similiter, hinc et inde. Ipsa antiphona expleta, non dicit scola Kyrie eleison , et pontifex, staus ante altare, aspiciens populum, dicit Dominus vohiscum et Or émus, et diaconus Flectamus gentuiy et facto intervallo, dicit Levate, Et dicit pon- tifex orationem. Ipsa expleta, annuit scolao ' ut inchoot an- tiphonam. Et intérim egrediuntar omnes do ecclesia. Pri- mitus.enim pauperes de xenodoxio, cum cruce lignoa picta, clamando Kyrie eleison^ deinde Christe eleison, inde Christe audi nos, deinde Sancta Maria ora pro nobis^ et ceteros. Et post ipsos egrediantur cruces VII stacionarias, portantes ab stauro- foros, habens in unaquaque III accensos cereos. Deinde secuntur episcopi vel presbiteri et subdiaconi, deinde pon- tifex cum diaconibus et due cruces ante eum , portantes a subdiaconibus et timiamasteria portantur a mansionariis ecclesiae, et scola post pontiflcem psallendo, et (1) dumcom-

* Deinde.

3 portant eam subdiaconi.

8 scoia.

(1) Passage altéré.

458 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

pleta non repelunt presbiteri vel subdiaconi qui antecedunt pontificem ; etadpropinquantes ecclesia prima, inchoant laa- taniam. Et intérim dum dixerint laetania ad fores ecclesiae, intrat pontifex, sacerdotes vol diaconi in ecclesia ad oratio- nem et revertunt ad scolam. Et percompletam letaniam, dicit pontifex Dominus vohiscum et Oremus; et diaconus FUo- iamus genua ; et post paululum Levait, Et sequitur oratio a pontifice. Oratione expleta, annuit ut dicatur alla anti- phona. Similiter faciant per omnem ecclesiam ubi cousue* tudo est.

Cum autem adpropinquaverint atrium ecclesiae ubi statio denunliata est, annuit pontifex in sacrario et diaconi cum ipso. Et scola complet letania infra presbyterium, Cyrie elemu repetentes ter, deinde Christe audi nos, Sancta Mana, ora prô nohis, sanctae Petre^ sanctae Paule , sanctae Andréas , sancte lohai^ nés, sancte Stéphane, sancte Laurenti, vel sancto illi in cuius ec- clesiae missa celebranda est ; deinde Omnes sancti oreni pro nohis, Propitius esfo, parce nohis Domine, Propitiusesio, libéra nùs Domine, Ah omni malo libéra nos Domine, Per crucem tuam libéra nos Domine, Peccatores te rogamus^ audi nos Filius. Dei, te rogamus, audi nos. Ut pacem dones te rogamus, audi nos. Et Agnus Dei, om- nia ter repetentes. Deinde Christe audi nos , Kyrie eleison, tan- tum ter ; et completum est.

Et ipsa die duo cereostata procedunt ante pontificem et non dicit scola Cyrie eleison post antiphonam, neque pontifex Gloria in excelsis Deo,

VII

Ordo qualiter in sancta atque apostolica sede, id est beati Pétri ecclesia , certis temporibus ordinatio fit, quod ab orthodoxis patribus institutum est y id est mense primo, IIII^ VII, X, hoc est in XII lectiones,

Primitus enim , secunda feria in ebdomada , quando XII lectiones debent fieri, vocat pontifex eloctos, et iurant ante eum super reliquias sanctorum, adstante primicereo et secundicerio et archidiacono et archipresbitero et eux vo-

APPENDICE. 459

luerit, de IIII * capitula quod canones prohibent. Deinde mi feria, statio in ecclesia sancte Dei genetricis Mariae; et procédant electi seu et omnis clerus, sicut mos est, l^ora YI. Et inchoat scola anlifona ad introitum. £t psallit sacerdos secundum consuaetudiuem ad altare, etdicit Domi^ nusvohiscun^ et Oremus ; et diaconus Flectamus genua\ et post paululum Levate, Et dicit sacerdos orationem et respondeant opQnes Amen. Et stant aelecti in presbyterio, induti planitas. Deindo ascendit scrininrius in ambonem et dicit : In nomine Domini nosÈri lesu Christi. Si igitur est aliquis qui contra hos viros Mquid scit de causa i^iminiSy absqiie duhitacione exeat et aient; tanto mémento communiotiis suae. Et hoc tertio repetit et descendit de ambone. Et psallit subdiaconus et legit loctionem ; et se- quitur responsorium. Et ipso complète psallit iteram sacer- dos et dicit Oremus et seqaitur oratio, lectio et responso- rium ; deinde evangelium, et complont missa sicut mos est,

VI feria veniente, stacio ad Saiictos Apostolos. Et procé- dant omnes, tam clerus quam et electi, hora VI. Post anti- phonam ad introitum psallit sacerdos et dicit orationem. Et iteram scriniarius in ambone sicut supra, et dicit ut * supra tertio, Deinde legitur lectio et sequitur responsorium et ce- tera ; et complent missa.

Sabbato autem veniente in XII lectiones, statio ad bea- tum Petrum.apostolum. Procedit pontifex hora VII et om- nis clerus, tam presbiteri quam diaconi et electi. Deinde quando iubet pontifex inchoat scola antiphonam ad introi- tum, et procedit pontifex de sacrario, et diaconi, et cereos- tata, sicut mos est ; et osculato altare psallit ad sedem, sicut mos est. Et dum conpleverit scola Kyr^e eleison y dicit ponti- fex : Dominus vohiscum ; dein Oremus ; et diaconus : Flectamus genua; et post paululum : Levate. Et dat pontifex orationem, et legitur lectio et sequitur responsorium. Similiter facit per omnes lectiones. Et sequitur benedictio et Apostolo et tracto. Ipsa expleta, stant aelecti in presbyterio, induti dal- maticas et campages in pedibus. Et vocat pontifex vocae magna unumquemque per nomina ipsorum ad sedem, et

^ m.

2 dicit ut] dicitur.

460 ORIGINES OU CULTE CHRÉTIEN.

dicit : Talis preshiter regionis tertiae, titulotale^ ille. Et descendat diaconus et ducit unumqueniqueadsedem pontiflcis, et sta- tuit eos ante aeum, sicut vocati sunt ab ipso, vestiti omnes dalmaticas et campages, stantes inclinato capite. Et dat pon- tifex orationem sicut continet in Sacramentorum.

Ipsa expleta, descendunt ipsi qui presbiteri futuri sunt ante altaro, et diaconi qui ordinati sunt stant ad latus pon- tiflcis iuxta sedem. Et archidiaconus induit orarios et pla- nitas ad presbiteros, stans ante altare, et iterum ducit eos ante pontificem, et accipiunt orationem presbiterii * ab ipso. Ipsa expleta, ducit eos archidiaconus osculando per ordinem episcopos, deinde presbiteros ; et stant in caput, supra om- nes presbiteros, per ordinem, sicut vocati sunt a pontiôce, eodem die. Deinde offerunt pontiflci ante omnes presbiteros et communicant similiter eodem die ante omnes. Et accipit unusquisque a pontifico firmata oblata de altare, unde et communicat XL diebus.

Missa expleta, sint parati mansionarii de titulis ipsorum cum cereostata et thimiamateriis ; et procedunt de ecclesia beati Pétri apostoli * unusquisque in titulo suo, habens unusquisque paranymfam presbiterum secum ; et stratores missi a pontifice duo ante eum euntes et tenentes caballo cum freno hinc et inde, et clamant voce magna : Tait près- bitero talis sanchis elegit ! Et respondunt mansionarii ipsum usque in titulo ipsius. Et vadit post eum sacellarius ipsius, faciendo*aelimosinam. Et cum pervenerit ad ecclesiam, po- nitur scdcs latus altare, et habet ibi licentiam sedere eodem die et in vigilia paschae tantum et dicere Gloria in excehis Deo, Similiter paranimfus presbiter stat a latere ipsius et legit evangclium in ambone. Deinde presbiter supradictus ' facit missa. Et complota ea, aegreditur de ecclesia et epulat cum amicis suis. In alia vero diae defert pontiflci presbiter X ce- rea, similiter et archipresbitero.

Similiter et diaconi habent stratores dominicos duos, qui antecedunt eos clamando et dicendo Tali diacono sandus Pe-

» presbiteri.

* aêpi.

3 supra dictus est.

APPENDICE. 461

trus elegitl Et respondit cunctus clerus, gui eum sequitur, similiter usque in domum suam. Et ipse aepulat cum ami- cis suis.

VIII

Incipit ad reliquias levandas sive deducendas seu

condendas.

Intrant cantores antiphonam Ecce popultis cmtodiens iudi- dum 1 ; psalmus Fundainenta eius, Dicit Gloria^ deinde repetit Sicut erat, versus Sicut Uietantium omnium nostrum. Finita autem antiphona, levât episcopus in brachia sua linteo, desaper patena, et mittit ibi reliquias et desuper coopertas olosyrico, et sustentant duo diaconi brachia episcopi, et tune dat primam orationem. Et post completam orationem, accendunt cereos et egrediuntur cum ipsis et turabula cum thymiama, et cantor inchoat antiphonam Cum incunditaie exibitis. Si autem via longinqua fuerit ad ducendum , dicit psalmum cum antiphonam.

Adpropinquantes autem prope ecclesia, faciunt laetaniam, et commendat episcopus reliquias ad presbiteros foras ^ ecclesia, et rémanent ibi cum cereis et turibula, facientes laetaniam.

Et tune episcopus intrat in ecclesiam solus, et facit omne instrumente aqua exorcizata, lavât altare cum spungia et non mittunt chrisma. Et exit ' episcopus foras et dat ora- tionem secundo. Et tune de aqua exorcizata quod remanet asperget super populum. Et mox aperiantur ianuae eeclesiae, et intrat universus populus eum laetania. Finita laetania , dat tertiam orationem.

Ipsa expleta, inchoat cantor antiphonam Sacerdos magne ^ pontifex summi Dei , ingredere templum Domini et hostias pacificas pro salute populi offeres Deo tuo. Hic est enim dies dedicationis sunc- torum Domini Dei tui. Psalmus : Gaudete iusti in Domino ; Gloria^

^ Et coD populus custodi.

2 faras.

s exiit et episcopus.

462 ORIGINES DU CULTE CHBÉTIE3V.

SiaU erai. Et eiuens .se episcopos planitam saaui e€ eooiîît reliquias ï[tse soIjs. Qiias dum po^aeriC. cantor ineboat antiphonam Sub allare Damim sedes acujût>i , mUm^t pw mbin per quem meruMs. Psalmum : Beati tnmmemUH Camdia < 'psallis usque dum condite fuerint reliipiie. Et sabsisîeiit cum silentio nihil canentes.

7 Et accipit episropus cbrisma et taDgit por qnattacv angiilos loci ubi i-eliqiiiae positae fuerint, simîIitDdinem cnicis, et dicit : In nomine Patris et Filii et Sphitms mmdi.pÊM tibi. TA res[>ondit omnis populus : Et ettm spiriiu f». Sic similitor et in quattuor cornua altaris eundem sennonem rei^etit per unumquemque.

His expletis induit se episcopus planitam suam et prooe» dunt lévite de sacrario cum veste altaris et coopeiinnt alKare una cum episcopo, et dat ipse orationem ad consecrandom altare seu ipsa vestimenta, deinde omoe ministerium altaris, sive patenam vel crucem.

Hec omnia expleta, intrat episcopus in sacrario et venit mansionarius cum cereo accenso ante episcopum et petit orationem et dicit : lube, domne , benedieere. Et dicit episco- pus : Inluminet Dominus domum suam in sempiterrmm. Et res- pondent omnes : Amen, Et sic accenduntur a mansionariis candele in ecclesia. Et incipit cantor antiphonam ad introi- tum. Et procedit episcopus de sacrario cum ordinibus sacris, sicut mos est, et celebratur missarum sollemnia sicut in Sacramentorum continetur.

IX

Ordo qualiter in Purificatione sanctae Mariae agendum

est.

Ipsa autem die, aurora ascendente, procedunt omnes de universas diaconias sive de titulis cum letania -}- vel anti- phonas psallendo, et cerea accensa portantes omnes in ma- nibus per turmas suas, et veniunt in ecclesia sancti Adriani martyris et expectant pontificem. Intérim ingreditur pon-

1 tamdum.

APPENDICE. 463

tifex sacrario et induit se vestimentis nigris, et diaconi similiter planitas indaunt nigras. Deinde intrant omnes ante pontificem et accipiant ab eo singula cerea. His exple- tiSy inchoat scola antiphonam Exsurge^ Domine^ adiuvanos. Et dicto versu egreditur pon tifex de sacrario cum diaconi- bus dextra levaque et an nuit pontifex scola ut dicatur Gloria, Deinde ascendens ante altare , inclinans se ad ora- tionem usque dum inchoat scola versum ad repetendum, surgit ab oratione, salutat altare et diaconus similiter hinc et inde. Ipsa antiphona expleta, non dicit scola Chyrie eleison^ sed pontifex stans ante altare dicit Dominm vohiscum , deinde Oremus^ et diaconus Fledamus genua; et facto intervallo dicit iterum Levaie. Et dat pontifex orationem.

Intérim egrediuntur cruces Vil, portantur ab stauroforo permixti cum populo. Deinde presbiteri vel subdiaconi * , deinde pontifex cum diaconibus ; et duo cerea accensa ante eum portatur et thimiamasterium a subdiacono et duae cruces ante ipsum. Deinde subsequitur scola pontiâcem psallendo antiphonas. Dum finit scola antiphonam, ropetit derus qui antecedit pontificem.

Cum autem adpropinquaverint atrium sanctae Dei gène- tricis ecclesiae *, innuit pontifex scola ut dicatur letania, repetentes ter vicissim. Postquam autem ingreditur pontifex in ecclesia, vadit in sacrario cum diaconibus suis et ceterus clerus vadit ante altare et percomplet letania sicut alibi scriptum est. Dein inchoat scola antiphonam ad introitum* Et ipsa die non psallitur Ghria in excelsis Deo.

1 diaconi.

2 ecclesiam.

RITUEL DE LA DÉDICACE DANS LE SACRAMENTAIRE D*AN60ULÊlfE«

Manuscrit 216 do la BibL nationale (Delisle, n* 15), du huitième siècle ou du commencement du neuvième, f* 141. La langue de ce morceau est bien le latin des derniers temps mérovingiens. Re- marquer surtout l'emploi du pronom ille comme article.

OROO CONSECRàTIONIB BA8ILICAE NOVAE.

In primis veniant sacerdotes et clerus cum sacris ordi- nibus ante fores templi quod benedicendum est, et introeunt clerici et sacerdotes intra ianuam templi. In ipso introitu incipiunt laetania; et ipsa finita, accipiat episcopus aqua cum vino mixta et benedicat eos, post haec faciens compar- sum per totam ecclesiam. Post haec benedicit eam. Nam illae cruces vel candelabra seu illae reliquiae foris stent dum altarium benedicitur. Et post benedictionem templi iterum clerici et sacerdotes accédant prope altare, et incipiant alia laetania. Ipsa finita, accédât sacerdos et accipiat illa aqua cum illo vino quod antea benedixit et aspergat altarium se- cundum traditionem suam , et benedicat. Ipso benedicto, accipiat chrysma et faciat cruceai in modio altaris et per cornua ipsius altaris, vel illo loco ubi reliquiae ponendae sunt. Similiter per totum templum in circuitu faciens cruces de ipsa chrysma. Post haec benedicit lenteamina vel vasa templi, et post haec revestientur altare seu et vêla templi penduntur et accondunt luminaria. Post haec omnia consummata , vadunt sacerdotes cum omni clero foris, ubi sunt illae reliquiae. Et intrant cum ipsis reliquiis cum sacris ofdinibus cum laetania, et veniunt ante altare et re-

APPENDICE. 465

condunt ipsas reliquias in ipso altario in suo loco , et inci- piat sacerdosmissa caelebrare de dedicationo basilicae novae. Quando ille comparsus benedicendus est, adferant ad epis- copum aqua in uno vas , vinum in aliud ; conmiscit eos inter ipsa vasa et sic benedicit sicut ordo continet, ubi dicit oratione Creator et conservator humant generis (1).

(1) P. 396.

30

3*

RITUEL DB LA DÉDICACE, A L'USAGE DE l'ÉVÉQUB DE METZ.

Sacramentaire de Drogon, évéque de Metz (826-855) ; Delisle, n* 17 Bibl. nationale, n* 9428, £• 100.

OROO DBOICATIONIS BCCLB8IAE.

Primo eundum est ad locum ubi reliquiae positae sun priori die, in quo etiam loco vigiliae prius sollempnite implendae sunt sub honore ipsorum sanctorum quorun^i:^^ reliquiae in novam ecclesiam ponendae sunt. Deinde sa cranda est aqua a pontifice et mittenda est chrisma in aqu cum hac benedictione :

Deu8 qui ad salutem humant generis maxima...

Et canenda est libi intérim laetania , post quam sequitu oratio

Aufer a nobk.., alia

Foc nos Domine..,

Hac finita subleventur reliquiae cum feretro a sacerdoti- bus, canente clero antifonam Cum iocunditateeœibttis\Ql cèle- ras anlifonas ad deducendas reliquias usque ad hostium novae edificationis ad occidentem , post quas dicit pontifex orationem

Deus qui ex omni coaptatione..,

Qua finita incipit pontifex aquam aspargere consecratam a foris sequendo feretro reliquiarum, cleroque canente anti- fonam Asperges me Domine cum psalmo L™", sed uno ex cle- ricis in nova ecclesia clausis hostiis quasi latente. Nam pontifex circumit ecclesiam ab hostio in partem aquilonarem

i

APPENDICE. 467

prima vice usque iterum ad idem hostium ; et cum illic perventum fuerit, puisât hostium tribus vicibus, dicendo : Tollite portas y principes, vestras et ekvamini portae aetemales et introibit Rex gloriae. Ille deintus respondens dicat : Quis est itte rex gloriae? Iterum circumienda est ecclesia secunda vice sicut prius, cum eadem antiphona et eodem psalmo, usquedum perveiiiatur ad hostium, atque iterum pulsetur sicut prius eisdem verbis et idem respondente deintus la- tente. Tune tertio iterum circumienda est eodem modo cum eodem cantu usque iterum ad hostium. Tune dicenti pon- tiôce et pulsanti respondendum est ei sicut prius : Quis est iste ref gloriaeT Pontifex respondeat : Dominus virtutum ipse est Rex gloriae.

Tune aperientur hostia et canenda est antiphona Ambu- late sancti Dei, ingredimini in domum Domini, cum psalmo Laeta- tus sum in his quae dicta sunt mihi et cetera. Et ille qui prius fuerat intus quasi fugiens egrediatur ad illud hostium fo- ras , iterum ingressurus per primum hostium vestitus ves- timentis ecclesiasticis.

Dum ingreditur pontifex ecclesiam dicit orationem

Domum tuam Domine clementer..,

Illa fini ta incipit iterum ab hostio ad partem aquilonarem ab intus aspargere aquam , antiphonam canente Beati qui habitant in domo tua Domine, cum psalmo Quam dilecta tabema" cula tua, Domine, usquedum prius circumeundo sicut a foris pervenerit ad hostium, et dicit orationem

Deus qui in omni loco.,.

Et sic iterum circumienda est cum supradicta antiphona et eodem psalmo usque ad idem hostium et dicenda est oratio

Deus qui loca nomini tuo.,.

Et cum tertio lustrata fuerit ab intus sicut primo et se- cundo, dicenda est oratio

Deus qui sacrandorum,,.

Tune iterum incipiet clerus laetaniam positis reliquiis extra vélum quod cxtensum est inter aedem et altare. Quo canente ingreditur pontifex cum deputatis ministris intra vélum et facit maldam de aqua sanctiflcata unde recludan- tur reliquiae in confessione. Tune venions ad altare, aspar-

468 ORIGINES DU CULTB GHRÉTIBN.

gens illud tribus vicibus aqua sanctiflcata , inde sequitar bonedictio tabulae < his verbis :

Si»gukre iUlud refra^tûUorwm.,.

Inde asparsio confessionis simul cum imctione chris* matis per guattuor angulos confessionis. Postea ponentar reliquiae in confessione cum tribus particulis corporis Do- mini ac tribus particulis thimiamatis canendo antiphonam Sub altare Domini sedes aecepisHs , intercedite pro nobis apud quem ghriari meruUtit.

His expletis , superponendus est lapis super quem infun- dendum est oleum sanctificatum et expandendum in mo- dum crucis. Similiter per quattuor angulos altaris modus crucis de eodem oleo significandus est. Inde b^iedictio al- tariB simul cum consecratione eiusdem :

Deprecamur misericordiam tuam.,.

Gonsecratio altaris.

Deus omnipotens, in cuius honore, . .

Inde benedictio linteaminum altaris et aliorum indumen- torum iiecnon et vasorum sacro ministerio usui apta his- verbis :

Exavdi Domine mpplicum.,. Et post hoc velatur altare. Post velatum vero dicitur oratio =

Descendat quaemmus.,. Ad missam :

Deuf qui invisibiliter...

> talae.

imORB DBS OFFICES A JÉRUSALEM VERS LA FIN DU QUATRIÈME

SIÈCLE.

(Extrait de la Pérégrination de Silvia).

Les pages qui suivent forment la dernière partie d'un livre fort curieux, découvert par M. I.-F. Gamurrini dans un manuscrit d'Arezzo et publié par lui à deux reprises, dans la Biblioteca delV Accademia storico giuridica, t. IV , Rome, 1887, et dans les Studi e documenti di storia ediriUo^ avril-septembre 1888. C*est le ré- cit d'un long pèlerinage accompli aux lieux saints d'Orient par une grande dame originaire de la Gaule méridionale. Il est adressé aux « sœui*s » de cette dame , c'est-à-dire probablement à des sœurs en profession religieuse. Son voyage semble avoir eu lieu.au temps de Théodose; des indices assez sérieux ont porté M. Gamurrini à reconnaître en elle Silvia , sœur du célèbre ministre Rufin. Bien que cette conjecture ne puisse être considérée comme ab- solument certaine , je l'ai acceptée dans mes citations, pour évi- ter les longueurs de rédaction auxquelles on est exposé quand on renvoie aux livres anonymes.

Je reproduis ici le texte (1) de la deuxième édition Gamurrini , en y introduisant des divisions qui en faciliteront l'intelligence, surtout aux personnes qui auront lu le présent livre , sans que j'aie besoin de reproduire l'annotation du premier éditeur ou de lui en substituer une autre. Il est cependant nécessaire de donner ici quelques éclaircissements sur la topographie ecclésiastique de Jérusalem et des environs.

L'église primitive, cathédrale, de Jérusalem, est celle du mont

(1) Çà et j'ai fait quelques corrections, indiquées expressément, sauf celles qui regardent la ponctoation; celles-ci supposent quelque- fois que j'ai compris le' texte autrement que le premier éditeur.

470 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

8ion , maintenant desservie par les Arméniens. Suivant la tradi- tion , c^était la maison les disciples se trouvaient réunis le soir de Pâques et huit jours après , lorsque le Sauveur ressuscité leur apparut. aussi avait eu lieu la descente du Saint-Esprit, le jour de la Pentecôte. Au temps de Tbéodose , elle avait cessé d'être le lieu ordinaire des réunions de culte. L'évéque demearait alors près du Saint-Sépulcre , à proximité des sanctuaires bâtis par Tempereur Constantin sur les lieux de la Passion et de la Ré- surrection.

Ces édifices sacrés étaient au nombre de trois, non compris les dépendances : VAnastasis , sanctuaire de la Résurrection , se trouvait le Saint> Sépulcre; 2<» le sanctuaire de la Croix, Ton conservait la vraie Croix avec quelques autres reliques; il était double : on y distinguait la partie appelée ante Cmcem, for- mée essentiellement d'une vaste cour entourée de portiques, et un édifice couvert , de proportions moindt*es , désigné par l'ex- pression post Crucem ; la grande basilique ou Martyrium , si- tuée . elle aussi , post Crucem, C'est dans VArmstasis que se fa^ saient les offices quotidiens; mais la messe du dimanche, et, eo général , les stations l'assemblée était nombreuse , se tenaient dans le Martyrium. On n'allait à la vieille église de Sion qu'aux stations du mercredi et du vendredi, et aussi les jours dePâqneSj de l'octave de Pâques et de la Pentecôte.

En dehors de Jérusalem , la basilique de Bethléem était dési- gnée comme lieu de réunion, d'abord pour la nuit de l'Epiphanie, puis pour le jour de l'Ascension. Des stations beaucoup plus fré- quentes avaient lieu aux sanctuaires du mont des Oliviers. Le plus important était ÏEleona (actuellement église de l'Ascension), l'on voyait une grotte dans laquelle , suivant la tradition d'alors, Notre-Soigneur aurait eu de fréquents entretiens avec ses disciples ; au delà , dans le village de Béthanie , le Lazarium , la maison de Lazare ; ces deux sanctuaires étaient des églises : on pouvait y célébrer la messe. Au-dessus de l'Eleona, à peu de dis- tance, se trouvait un troisième sanctuaire, qui ne paraît pas avoir été un édifice couvert. On l'appelait Imbomuh : c'était le lieu tra- ditionnel de l'Ascension. C'est sans doute ce qu'on appelle main- tenant le Viri Galiïaei. D'autres petites églises se voyaient en avant de Béthanie et auprès de Gethsémani , sur le flanc de la montagne des Oliviers.

Silvie écrit en latin vulgaire; mais sa langue n'est pas barbare comme celle des Ordines que l'on a vus plus haut. Le mot missa a encore pour elle son sens primitif de renvoi ; elle l'emploie pour toutes les réunions , celles de l'office comme celle de la liturgie,

APPENDICE. 471

tinguant toujours la missa des catcchumèiies et celle des fldè- Quand elle veut parler d'une réunion liturgique proprement , elle se sert des termes oblatio et procedere.

Offices quotidiens,

1* Matines.

Ut autem sciret afiFectio vestra quae operatio singulis diebus cotidie in locis sanctis habetur, certas vos facere de- bui; sciens, quia libenter baberetis haec cognoscere.

Nam singulis diebus, ante pullorum cantum , aperiuntur omnia hostia Anastasis, et descendent omnes monazontes et parthenae, ut hic dicunt; et non solum hii, sed et laici preterea, viri aut mulieres, qui tamen volunt maturius vi- gilare. Et ex ea hora usque in lucem dicuntur (1) ymni , et psalmi responduntur , similiter et antipbonae; et cata sin- gulos ymnos fit oratio. Nam presbyteri bini vel terni, similiter et diaCones, singulis diebus vices habent si- mul cum monazontes, qui cata singulos ymnos vel anti- phonas orationes dicunt. lam autem ubi ceperit luces- cere, tune incipiunt matutinos ymnos dicere. Ecce et supervenit episcopus cum clero , et statim ingreditur intro spelunca, et de intro cancellos primum dicet ora- tionem pro omnibus ; commémorât etiam ipse nomina , quorum vult; sic benedicet cathocuminos. Item dicet ora- tionem, et benedicet fidèles. Et post hoc , exeunte episcopo de intro cancellos, omnes ad manum ei accedunt; et ille eos uno et uno benedicet exiens iam , ac sic fit missa , iam luce.

2* Sexte et None.

Item hora sexta denuo descendent omnes similiter ad

(1) Sur ce passage, voy. ci-dessus, p. 109, 438. Le mot ymni n'a pas le sens d'hymne métrique ; il signifie la même chose que psaume ou cantique biblique. Cf. p. 166, note 1.

472 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

Ânastasim, et dicuntur psalmi et antîphonae, donec com xnonetur episcopus ; similiter descendet , et non sedet , statim intrat in cancellos iutra Anastasim, id est iutra luncam, ubi et mature; et inde similiter primum facitora tionem ; sic benedicet fidèles , et sic exiens de cancellos, si militer ei ad manum acceditar. Ita ergo et hora nona fit ^ sicuti et ad sezta.

3' Vêpres.

Hora autem décima (quod appellant hic licinicon (1), nain. Xios dicimus lucernare) , similiter se omnis multitudo colli^ get ad Anastasim , incenduntur omnes candelae et cerei , ^t fit lumen infinitum. Lumen autem de foris non affertur , sed de spelunca interiori eicitur , ubi noctu ac die semper lucerna lucet, id est de intro cancellos. Dicuntur otiain psalmi lucernares, sed et antiphonae diutius. Ecce et com-^ monetur episcopus , et descendet , et sedet susum , nec non etiam et presbiteri sedent locis suis ; dicuntur ymni vel an- tiphonae. Et ad ubi perducti fuerint iuxta consuetudinem , lebat se episcopus , et stat ante cancellum, id est ante spe- luncam , et unus ex diaconibus facit commemorationem singulorum, sicut solet esse consuetudo. Et diacono di- cente singulorum nomina, semper pisinni plurimi stant, respondentes semper : Kyrie eleyson, quod dicimus nos : Miserere Domine^ quorum voces infinitae sunt. Et at ubi dia- conus perdixerit omnia quae dicere habet, dicet ora- tionem primum episcopus, et orat pro omnibus : et sic oraiit omnes, tam fidèles, quam et cathecumini simul. Item mittet vocem diaconus ut unusquisque , quomodo stat , cathecuminus incJinet caput : et sic dicet episcO'- pus stans benedictionem super cathecuminos. Item fit ora- tio, et denuo mittet diaconus vocem; et commonet ut unusquisque stans fidelium inclinet capita sua; item bene- dicet fidèles episcopus, et sic fit missa Anastasi. Et inci- pient episcopo ad manum accedere singuli. Et postmodum de Anastasi usque ad Crucem ymnus dicitur ; episcopus si-

(1) Âuxvix6v.

APPENDICE. 473

mul et omnis populus vadet. Ubi cum perventum Xuerit , primum facit orationem, item benedicet cathecumioos , item ât alia oratio , item benedicit fidèles. Et post hoc de- nuo tam episcopus quam omnis tarba vadet denuo post Cru- cem, et ibi denuo similiter fit sicuti et aiUe Crucem. Et sîmiliter ad manum episcopi acceditur sicut ad Âiiastasim, ita et ante Crucem , ita et post Crucem. Candolae autem vi- treae ingénies ubique plurimae pendent, et cereofala plu- rima sunt, tam ante Anastasim, quam etiam ante Crucem , sed et post Crucem. Finiuntur ergo haec t||^nia cum te- nebris f

Haec operatio cotidie per dies swbift habétur ad Crucem et ad Anastasim.

II Offices du dimanche.

Vigile.

Septima autem die, id est dominica die, ante pullorum cantum colliget se omnis multitudo , quaecumque (1) esse potest in eo loco ac si per Pascha, in basilica quae est loco iuxta Anastasim, foras tamen, ubi luminaria per hoc ipsud pendent. Dum enim vorentur ne ad pullorum cantum non occurrant, antecessus veniunt et ibi sedent. Et dicuntur ymni nec non et antiphonae, et fîuntorationescatasingulos ymnos vel antiphonas. Nam et presbyteri et diacones sem- per parati sunt in eo loco ad vigilias propter multitudinem quae se colliget. Consuetudo enim talis est, ut ante pullo- rum cantum loca sancta non aperiantur. Mox autem primus puUus cantaverit, statim descendet episcopus, et intrat in- tro speluncam ad Anastasim. Aperiuntur hostia omnia , et intrat omnis multitudo ad Anastasim , ubi iam luminaria inflnita lucent. Et quemadmodum ingressus fuerit populus, dicet psalmum quicunque do presbyteris, et respondent om-

(1) Silvia veut dire, me semblet-il, que la foule qui se réunit alors est comparable à ce qu'on voit ailleurs le jour de Pâques.

474 0AI0INB8 OU GULTB GlinÉTIBN.

ne8 ; post hoc fit oratio. IUmti dicit psalmum (juiciimqiie de diaconibuB, aiinilitor flt oratio. Dicitur ot tortitis psalinus a quociiiiHiuo clorico, flt ot tertio oratio, otcoinnioinoratio om- nium. Dictis orgo lus tribus psalinis ot factis orationibus tribus, ocro otiani tliimiataria iuforuntur intro s(iolunca Anastasis, ut tota basilica Auastasis roploatur odoribus. Et tune ubi stat opiscopus intro rancollos, ))mndot ovaiif^- lium ot arcudot ad bostiuin , ot lo^^ot rosurrtM^.tiononi doin- nus opisr.oiHis ipso. Quoil ruin coporit lo^i, tantus rugitus ot mugitus fU oinninin hominuin ot tai.::ui lacriinao, ut quamvis durissiinus possit niovori in larrimis, Donûnum pro uobis tanta sustinuisso. Iam^Io orgo ovangolio oxit opis- copus, ot (lur.itur ouni yinnis ad ('ruroni« ot oninis populus cuni illo. Ibi donuo diritur unus ps.ilinus, ot fit oratio. Itoni bonodicit tldolos, ot lit niissa. Kt oxounto opiscopo, onnios ad inanuni arrodunt. Mox autoin rotûpit so opisro- pus in doinnni suani. Ktiani ox illa bora rovortuntur (1) onnios inonazontos nd Anast.isini, ol |)salnu diruntur ot an-^ tipbonao usquo ad luconi, ot rata singnlos |)salnios vol anti* pbonas \\l oratio; vioibus onini (juotidio prosbytori ot dia- conos vigilant ad Anastasini cun) populo. Do laioisotiam, viris aut muiioribus, si (|ui volunt usquo ad luconi, loco Bunt; si qui ntdunt, rovortuntur in donios suas, ot i*opo- iient so dorniito.

Cuiu luro autour (]uia doininira dios ost, ot procoditur in occlosi.'i maioro (|uain lor.it (^onstantinns ; (juao orclosia in Golgotha (^st |K)st(iru('oni ; ot sunt omnia socunthnn oonsno- tudinoni, (piao ubiipu) tlt di(^ doniinii^a. Sano (]uia hic (2) consuotudo sic. ost ut do omnibus prosbitoris (|ui sodont quanti volunt prodicont, ot |)ost illos omnos opis(*.optis pré- dicat; quao prodioationos proptoroa sompor dominicis dio- bus sunt, ut sompor orudiatur populus in Scripturis et in Doi dilootiono : quao prodicationos dum diruntur, grandis

(1) Lu vi^ilo (U'cIôsiHHiiqur ost ionuiiiôo; los moiiiOH roMtont pour chantor inutinoH. Cf. p. '213, 4:)f>. i'i) Cf. p. .'>7.

APPENDICE. 475

mora fit ut fiât missa ecclesiae ; et ideo ante quartam ho- ram, aut forte quintam, missa [non] fit. At ubi autem missa facta fuerit ecclesiae iuxta consuetudinem qua et ubique fit, tune de ecclesia monazontes cum ymnis ducunt episco- pum usque ad Anastasim. Cum autem ceperit episcopus ve- nire cum hymnis, aperiuntur omnia hostia de basilica Anastasis. Intrat omnis populus, fidelis tamen ; nam cathe- cumini non. Et at ubi intraverit populus , intrat episcopua, et statim ingreditur intra cancellos martyrii speluncae. Primum aguntur gratiae Deo, et sic fit oratio pro omnibus ; postmodum mittet vocem diaconus et inclinent capita sua omnes, quomodo stant ; et sic benedicet eos episcopus stans intro cancellos interiores , et postmodum egreditur. Egre- dienti autem episcopo omnes ad manum accèdent. Ac sic est, ut prope usque ad quintam aut sextam horam protraitur missa. Item et ad lucernares similiter fit iuxta consuetudi- nem cotidianam.

Haec ergo consuetudo singulis diebus ita per totum an- num custodiatur, exceptis diebus soUemnibus, quibus et ip- sis quemadmodum fiât infra annotavimus. Hoc autem in- ter omnia satis precipiium est quod faciunt, ut psalmi vel antiphonae apti semper dicantur, tam qui nocte dicun- tur, tam qui contra mature, tam etiam qui per diem vel sexta aut nona vel ad lucernare, semper ita apti et ita ratio- nabiles , ut ad ipsam rem pertineant quae agitur, Et cum toto anno semper dominica die in ecclesia maiore procedatur, id est quae in Golgotha est (id est post Crucem), quam fecit Constantinus ; una tantum die dominica, id est Quinqua- gesimarum per Pentecosten, in Syon proceditur, sicut infra annotatum invenietis ; sic tamen in Syon , ut antequam sit hora tertia et (1) illuc eatur, fiât primum missa in ecclesiam maiorem (2).

(1) Je supplée et. Sur ceci, voy. ci-dessous p. 494.

(2) Un feuillet manque ici. Outre la fin des observations relatives aux temps ordinaires, il comprenait le commencement de la descrip- tion des fêtes de la Nativité. Ces fêtes avaient lieu à Jérusalem, non le 25 décembre (cf. ci-dessus , p. 248) , mais le 6 janvier. Il y avait une messe de nuit à Bethléem , et une messe de jour à Jérusalem.

476 ORIGINES DU GVLTB CHRÉTIEN.

III

Fêtes de l'Epiphanie.

1* Station noctame à Bethléem.

BmifeUdM qni f entt in nomme Domini et cetera quae secuo- tur. Et quoniam per monazontes , qui pedibois vadent, ne^ cesse est leyius iri, ac sic pervenitur lerusolima ea hora qua incipit homo hominem posse cognoscere , id est prope luce, ante tamen qiiam lux ûat. Ubi cnm perventum fue* rit , statim sic in Ânastase ingreditur episcopus et omoee cum 60, ubi luminaria iam supra modo lucent. Dicitur ergo ibi unus psalmus, fit oratio, benedicuntur ab episcopo primum cathecumini , item fidèles. Recipit se episcopus, et vadent se unusquisque ad ospitium suum , ut se i^sumant. Monazontes autem usque ad lucem ibi sunt, et ymnos di- cunt.

2** Messe à Jérusalem.

At ubi tiutem resuiiipserit se populus, hora incipiente se- cunda , colligent se omnes in eccïesia maiore quae est in Golgotha. Qui autem ornatus sit illa die ecclesiae vel Anas- tasis, aut Crucis, aut in Bethléem, superfluum fuit scribi. Ubi extra aurum et gemmas aut sirico, nichil aliud vides; nam et si vêla vides, auroclava oloserica sunt ; si cortinas vides, similiter auroclavae olosericae sunt. Ministerium autem omno genus aureum gemmatum profertur illa die. Numerus autem vel ponderatio de ceriofalis , vel cicinde-

On revenait de Bethléem en procession. La messe do la nuit de No«fl s'introduisit à Rome dans le courant du cinquième siècle, probable- ment par imitation de l'usage de Jérusalem ; elle paraît être posté> rieure à la fondation de Bainte-Mario-Majeure (t. 435), église s'est toujours tenue cette station nocturne. J'ai expliqué ailleurs (MéL de l'Ecole de Rome , t. VII , p. 405 et suiv. ) l'origine do la troisième messe de Noël , qui a été d'abord une station en l'honneur de sainte Anastasie.

▲PPBNDIGB. 477

lis, aut lucernis, vel diverso ministerio , nunquid vel exis- timari aat scribi potest? Nam quid dicam de ornatu fabri- cae ipsius, quam Coustantiuus sub praeseutia matris suae, in quantum vires regni sui habuit , honoravit auro , mu- sivo et marmore pretioso , tam ecclesiam maiorem , quam Anastasim , vel ad Crucem , vel cetera loca sancta in leru- solima? Sed ut redeamus ad rem , fit ei'go prima die missa in ecclesia maiore, quae est in Golgotha. Et quoniam dum praedicant vel legent singulas lectiones vel dicunt ymnos, omnia tamen apta ipsi diei, et inde postmodum, cum missa ecclesiae facta fuerit , hitur cum ymnis ad Anastasim , iuxta consuetudinem : ac sic fit missa forsitan sexta hora. Ipsa autem die , similiter et ad lacemare, iuxta consuetu- dinem cotidianam fit.

3* Octave de la fête.

Alia denuo die similiter in ipsa ecclesia proceditur in Golgotha; hoc idem et tertia die; per triduo ergo haec omnis ^ laetitia in ecclesia quam fecit Constantinus cele- bratur usque ad sextam. Quarta die in Eleoiia, id est in ecclesia quae est in monte Oliveti, pulchra satis, similiter omnia ita ornantur, et ita celebrantur ibi. Quinta die in Lazariu, quod est ab lerusolima forsitan ad mille quingen- tos passus. Sexta die in Syon. Septima die in Anastase. Octava die ad Crucem. Ac sic ergo per octo dies haec om- nis laetitia et is hornatus celebratur in omnibus locis sanc- tis quos superius nominavi. In Bethléem autem per totoa octo dies cotidie is ornatus est et ipsa laetitia celebratur a presbyteris et ab omni clero ipsius loci , et a monazontes qui in ipso loco deputati sunt. Nam et illa hora , qua om- ues nocte in lerusolima revcrtuntur cum episcopo , tune loci ipsius monachi, quicumque sunt, usque ad lucem in ecclesia in Bethléem pervigilant, ymnos seu antiphonas dicentes ; quia episcopum necesse est hos dies semper in lerusolima tenere. Pro sollemnitate autem et laetitia ipsius diei infinitae turbae se undique colligent in lerusolima, non solum monazontes, sed et laici, viri aut mulieres.

' haec omnis] homines cod. *

478 ORI&INSS DU CULTE GHRÉTIBM.

4* Présentation (14 février).

Sane Quadragesimae de Epiphania (1) valde cum summo honore hic celebrantur. Nam eadem die processio est in Anastase, et omnes procedunt , et ordine aguntar omnia cum summa laetitia, ac si per Pascha. Predicant etiam om- nes presbyteri, et sic episcopus, semper de eo loco tractan- tes evangelii , ubi guadragesima die tulerunt Dominum in templo loseph et Maria, et viderunt eum Symeon vel Anna prophetissa filia Samuhel , et de verbis eorum quae dixe- runt viso Domino , vel de oblatione ipsa quam obtnlerunt parentes. Et postmodum celebratis omnibus per ordinem ^ quae consuetudine sunt, aguntur sacramenta, et sic fit missa.

IV

Le Carême,

Item dies paschales cum venerint , celebrantur sic. Nam sicut apud nos quadragesimae ante Pascha attenduntur, ita hic octo septimanas (2) attenduntur ante Pascha. Prop- terea autem octo septimane adtenduntur, quia dominicis diebus et sabbato non ieiunantur, excepta una die sabbati qua vigiliae paschales sunt et necesse est ieiunari ; extra ipsum ergo diem penitus numquam hic, toto anno, sab- bato ieiunatur. Ac sic ergo de octo septimanis deductis octo diebus dominicis et septem sabbatis (quia necesse est una sabbati ieiunari, ut superiusdixi), rémanent diesqua- draginta et unus, qui ieiunantur; quod hic appellant Eor- tae. id est Quadragesimas.

!• Services du dimanche.

Singuli autem dies singularum ebdomadarum aguntur * ordines cod,

(1) Cf. p. 260.

(2) Cf. p. 233.

APPENDICE. 47&

sic , id est ut die dominica de puUo primo légat episcopus intra Anastase locum rosurrectionis Domini de evangelio, sicut et toto anno dominicis diebus ûet ; similiter usque ad lucem agantur ad Anastasem et ad Grucem quae et toto anno dominicis diebus fiunt. Postmodum mane, sicut et semper dominica die , proceditur , et aguntur quae dominicis die- bus consuetudo est agi , in ecclesia maiore quae appella- tur Martyrio, quae est in Golgotha post Grucem. Et simili- ter, missa de ecclesia facta, ad Anastasi itur cum ymnis, sicut semper dominicis diebus fit. Haec ergo dum aguntur, facit se ora quinta. Lucernare hoc idem hora sua fit, sicut semper ad Anastasem et ad Grucem , sicut et singulis locis sanctis fit; dominica enim die nona non (1) fit.

2" Services de la semaine.

Item secunda feria similiter de pullo primo ad Anasta- sem itur sicut et toto anno, et aguntur usque ad mane quae semper. Denuo ad tertia itur ad Anastasim , et agun- tur quae toto anno ad sextam soient agi : quoniam in die- bus Quadragesimarum et hoc additur, ud ad tertiam eatur ; item ad sextam et nonam et lucernare ita aguntur, sicut consuetudo est per lotum aunum agi semper in ipsis locis sanctis. Similiter et tertia feria, similiter omnia aguntur sicut et secunda feria.

Mercredi et vendredi.

Quarta feria autem similiter itur de noctu ad Anastase, et aguntur ea quae semper usque ad mane ; similiter et ad tertiam et ad sexta ; ad nonam autem , quia consuetudo est semper, id est toto anno , quarta feria et sexta feria ad nona in Syon procedi , quoniam in istis locis , excepte si martiriorum dies evenerit, semper quarta et sexta feria etiam et a cathecuminis ieiunatur (2), et ideo ad nonam in Syon proceditur. Nam si fortuito in Quadragesimis mar-

(1) Je supplée non,

(2) ieiunarù Gamurr., 2* édit.

480 onioiNES DU culte chrétien.

tyrorum dios ovonorit qiiarta fcria au! soxta fcria, atque (1) ad noua in Syoïi |)rocoditiir. Diobns voro Qiiadragosirnariim, ut siijioriiis (lixi , qiiarta foria ad noua iii Syon proccditiir iiixta ('.onsiiotiidinuin tolius antii, cl oinnia agiintur (|uae roiisiietiido ost iul nonain aj<i i)ra(Uor oblalio : iiain ut som- [lor |K)|)ulus disent l<^«,'(îni, ot opisco|)UH ot prosbitor jiraedi- rant as»iduo. Cuin aulciii fac.ta Inorit inissa, indo ('um yrniiis j)Opulus doduc-ot opisc,oj)nni uscjuo ad Anastaaoni , iain ot li()ra(2) luconiari : sic dicuntnr yiuni ot aiitiphouae, iluiit oratioiiOR, ot lit jiiissa lurornaris in AnaRtaso ot ad Cruconi. Missa antoni lucernaris in isdoni diobus , id ost Quadra^^osiniaruni, sorins fit soniiiOr qnnni por toto auno. Quinta ioria anicrn siniililor oninia a^untnr sicut secunda foria ot torlia f(M'ia. Soxta foria auloni sinjililor onniia a^un- tur sicut (juarta foria, ot siniilitor î»d nonain in Syon itur, ot siniilitor indo cum yniiiis usijuo ad Anastaso adducotur opisc,oj)us.

4* Sainndi.

Sod soxta foria vij^iliao in Anaslaso colobrantur ad oa bora, (jua do Sion vontnni fnoril (Mini ynmis^ usifuo in mano, id ost do bora lurornari, (jncMnadnioduni intratuin fuorit, in alia dio innno , id ost sabbalo. Fit autoin oblatio in Anastaso matnrius, ita ut liât inissa anto solem. Tota autoin norto vicibus diruntur psabni rospunsorii, vicibus antii)bonao, vicibus Icîrtionos divnrsao, quao oinnia usque in mano protrabunlur. Missa auloni , «piao fit sabbato ad Anastaso, anto soioni fit, bor. ost oblatio, ut oa bora qua iiicii)it sol prooodoro, iani missa in Anastaso facta sit. Sic ergo singulao soptinianao rolobrantur Quadragosimanim. Quod autoin dixi, maturius fit missa sabbato, id ost ante soloni, proptoroa fit ut citius absolvant lii ({uos dicunt hic domadarios. Nam talis ronsuotndo ost liic ioiuniorum in Quadragesiniis, ut hi quos ai)i)ollant obdomadarios, id est

(1) M. Oam. (ioniie ru*quc. «ians sa l*** «ulil., atqua dans sa 2*. Ni l'uno ni l'autro do coh loçons n'olTro un Kons s.ilisfaisant.

(2) tota lucornari lie sic.., rod. Je corri^o loin on Iwra et jo sup- prime fie, qui scmbio ôtro un rodoublonionl do sic.

APPENDICE. 48i

qui faciunt septimaiias , dominica die , quia hora quinta fit missa, ut manducent. Et quemadmodum prandiderint do- minica die, iam non manducant, nisi sabbato mane, mox communicaverint iii Anastase. Propter ipsos ergo, ut citius absolvant, ante sole fit missa in Anastase sabbato. Quod au- tem dixi, propter illos fit missa mane, non quod illi soli communicent , sed omnes communicant qui volunt eadem die in Anastase communicare.

5' Le jeûne.

leiuniorum enim consuetudo hic talis est in Quadragesi- mis, ut alii, quemadmodum manducaverint dominica die post missa , id est hora quinta aut sexta, iam non mandu- cent per tota septimana , nisi sabbato veniente post missa Anastasis, hi qui faciunt ebdomadas. Sabbato autem, quod manducaverint mane, iam nec sera manducant, sed ad aliam diem, id est dominica, prandent post missa ecclesiae hora quinta vel plus ; et postea iam non manducent nisi sab- bato veniente, sicut superius dixi. Consuetudo enim hic ta- lis est : omnes, qui sunt, ut hic dicunt, Aputactite, viri vel feminae, non solum diebus Quadragesimarum , sed et toto anno, qua manducant, semel in die manducant. Si qui autem sunt de ipsis Aputactites, qui non possunt facere in- tégras septimanas ieiuniorum, sicut superius diximus, in totis Quadragesimis, in medio quinta feria cenanl ; qui au- tem nec hoc potest , biduanas facit per totas Quadragesi- mas ; qui autem nec ipsud , de sera ad seram manducant. Nemo autem exigit quantum debeat facere, sed unusquis- que ut potest id facit; nec ille laudatur qui satis fecerit, nec ille vituperatur qui minus. Talis est enim hic consuetudo. Esca autem eorum Quadragesimarum diebus haec est , ut nec panem, quod liberari (1) non potest, nec oleum gus- tent, nec aliquid quod de arboribus est, sed tantum aqua

(1) Il y a peut-être ici une altération du texte ; mais je ne vois pas pourquoi on corrigerait liberari en librari, comme le fait M. Gamur- rini. Le même éditeur ajoute ci-dessous leiunium avant Quadrage- simarum, — Sur ces jeûnes, v. p. 230 et suiv.

31

482 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

et sorbitione modica de farina. Quadragesimarum sic fit , ut diximus.

Et completo earum septimanarum vigiliae in Anastase sunt de hora lucernari sexta feria, qua de Syon veni- tur cum psalmis, usque in mane sabbato , qua oblatio fit in Anastase. Item secunda septimana et tertia et quarta et quinta et sexta similiter fiunt ut prima de Quadragesiniis.

La semaine sainte et les fêtes de Pâques.

1* Samedi avant les Rameaux. Station à Béthanie.

Septima autem septimana cnm venerit, id est quando iam due superant cum ipsa ut Pascha sit, singulis diebus om- nia quidein sic aguntur sicut et ceteris septimanis quae transienint. Tantummodo qnod vigiliae quae in illis sep- timanis in Anastase factae sunt, septima autem septimana, id est sexta feria, in Syon fiant vigiliae iuxta cousuetudi- nem , ea quae in Anastase factae sunt per sex septimanas. Dicuntnr autem toti singulis apti psalmi semper, vei anti- phonae, tam loco quam *diei.

At ubi autem ceperit se mane facere, sabbato illucescente, offeret episcopus, etfacit oblationem, mane sabbato. Iam ut fiât missa, mittit vocem archidiaconus, et dicit : « Omnes bo- die hora septima in Lazario parati simus. » Ac sic ergo cnm ceperit se hora septima facere, omnes ad Lazarium veiiiunt. Lazarium autem, id est Bcthania, est forsitan secundo mi- liario a civitate. Euntibus antem de lerosolima in Lazarium forsitan ad qningentos passas de eodem loco, ecclesia est in strata in eo loco in quo occurrit Domino Maria soi-or Lazari. Ibi ergo cum venerit episcopus, occurrent ibi om- nes monachi , et populas ibi ingreditar ; dicitur unus ym- nus et una antiphona, et legitur ipse locas do evangelio, ubi occurrit soror Lazari Domino. Et sic, facta oralioiie et benedictis omnibus, indc iam usque ad Lazarium cum ym- nis itur. In Lazario autem cnm ventum fuerit, ita se omnis

APPENDICE. 483

multitudo coUigit , ut non solum ipse locus , sed et campi omnes in giro pleui sint hominibus. Dicunlur ymni, etiam et antlphonae, apti diei et loco ; similiter et lectiones apte diei guaecumque leguntur. lam autem, ut ôat missa, de- nuntiatur Pascha. id est, subit presbyter in altiori loco, et leget illum locum qui scriptus est in evangelio : Cumvenisiet Itsus in Bethania ante sex dies paschae, et cetera. Lecto ergo eo loco, et annuntiata Pascha, fit missa. Propterea autem ea die hoc agitur , quoniam sicut in evangelio scriptum est, ante sex dies Paschae factum hoc fuisset in Bethania : de sabbato enim usque in quinta feria, qua post cena noctu comprehenditur Dominus, sex dies sunt. Reverluntur ergo omnes ad civiUitem, reclus ad Anastase, et fit lucernare iuxta consuetudinem.

2** Dimanche des Rameaux. a) Messe.

Alia ergo die, id est dominica, qua intratur in sepli- mana paschale, quam hic appellant septimana maior, cele- bratis de pulloruni cantu eis quae consuetudinis sunt in Anastase vcl ad Crucem , usque ad mane agitur. Die ergo dominica mane proceditur iuxla consuetudinem in ecclesia maiore, quae appellatur Martyrium. Propterea autem Mar- tyrium appellatur, quia in Golgotha est, id est post Crucem, ubi Dominus passus est, et ideo Martyrio. Cuui ergo ce- lebrata fuerint omnia iuxta consuetudinem in ecclesia maiore, etantequam fiai missa, mittet vocem archidiaco- nus, et dicit primum ; a Iuxta septimana omne, id est die crastino, hora nona, omnes ad Martyrium conveniamus, id est in ecclesia maiore. » Item mittet vocem alLeram, et dicit : a Hodie omnes hora septima in Eleona parati simus. Facta ergo missa in ecclesia maiore, id est ad Martyrium, deducitur episcopus cum ymnis ad Anastase, et ibi comple- tis quae consuetudo est diebus dominicis fîeri in Anastasi post missa Marfyrii, etiam unusquisque biens ad domum suam fcstinat manducare, ut horainquoante septima omnes in ecclesia parati sint quae est in Eleona, id est in mont(^ Oliveti ; ibi est spelunca illa, in qua docebat Dominas.

484 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

b) Procession du soir.

Hora ergo septima omnis populus ascendet in monte Oli- vetiy id est in Eleona ; in ecQlesia sedet episcopus ; dicuntur ymni et antiphonae apte diei ipsi vel loco, lectiones etiam similiter. Et cum ceperit se facere hora nona, subitur cum ymnis in Imbomon, id est in eo loco de quo ascendit Dominus in caelis^ et ibi seditur : nam omnis populus, semper présente episcopo, inbetur sedere; tantum quod diacones soli stant semper. Dicuntur et ibi ymni vel anti- phonae aptae loco aut diei, similiter et lectiones interpositae et orationes. Etiam cum ceperit esse hora undecima , legi- tur ille locus de evangelio, ubi infantes cum ramis vel palmis occurrerunt Domino, dicentes : Benedidus qui venit in nomine Domini, Et statim levât se episcopus et omnis populus porro; inde de summo monte Oliveti totum pedibus itur. Nam totus populus ante ipsnm cum ymnis vel antiphonis, respondentes semper : Bemdictus qui venit in nomifie Domini. Et quotquot sunt infantes in hisdem locis, usque etiam qui pedibus ambulare non possunt, quia teneri sunt, in coUo illos parentes sui tenent, omnes ramos tenentes, alii pal- marum, alii olivarum ; et sic deducitur episcopus in eo type quo tune Dominus deductus est. Et de summo monte usque ad civitatem , et inde ad Anastase per totam civitatem , to- tum pedibus, omnes, sed et si quae matronae sunt aut si qui domini, sic deducunt episcopum respondentes, et sic lente et lente, ne lassetur populus; porro iam sera pervenitur ad Anastase. Ubi cum ventum fuerit, quamlibet sero sit, totum fit lucernare ; fit denuo oratio ad Crucem et dimittitur po- pulus.

3** Lundi saint.

Item alia die, id est secunda feria, agunturquaeconsuetu- dinis sunt de puUo primo agi usque ad mane ad Anastase; similiter et ad tertia et ad sexta aguntur ea quae totis Qua- dragesimis. Ad nona autem omnes in ecclesia maiore, id est ad Martyrium, colligent se, et ibi usque ad horam pri- mam noctis semper ymni et antiphonae dicuntur, lectiones

APPBNDlé^ 485

etiam aptae diei et loco leguntur, interpositae semper ora- tiones. Lucernariam etiam agitiir ibi, cum ceperit hora esse ; sic est ergo ut nocte etiam fiât missa ad Martyrium. Ubi cum factum fuerit missa, inde cum ymnis ad Anastase ducitur episcopus. In quo autem ingressus fuerit in Anas- tase, dicitur unus ymnus, fit oratio, benedicuntur cathecu- mini, item fidèles, et fit missa.

4* Mardi saint.

Item tertia feria similiter omnia fiunt sicut secunda fe- ria. lUud solum additur tertia feria , quod nocte sera , pos- tea quam missa facta fuerit ad Martyrium, et itum fuerit ad Anastase, et denuo in Anastase missa facta fuerit , om- nes illa hora noctu vadent in ecclesia quae est in monte Eleona. In qua ecclesia cum ventum fuerit, intrat episco- pus intra spelunca (in qua spelunca solebat Dominus do- cere discipulos), et accipit codicem evangelii, et stans ipse episcopus leget verba Domini quae scripta sunt in evange- lio in cata Matheo , id est ubi dicitur : Videte ne quis vos seducat. Et omnem ipsam allocutionem perleget episcopus. At autem ubi illa perlegerit , fit oratio, benedicuntur ca- thecumini, item et fidèles; fit missa et revertuntur a monte unusquisque ad domum suam satis sera iam nocte.

5* Mercredi saint.

Item quarta feria aguntur omnia per tota die a puUo primo sicut secunda feria et tertia feria ; sed posteaquam missa facta fuerit nocte ad Martyrium et deductus fuerit episcopus cum ymnis ad Anastase , statim intrat episcopus in spelunca quae est in Anastase, et stat intra cancellos : presbiter autem ante cancellum stat, et accipit evangelium, et legit illum locum, ubi ludas Scariothes hivit ad ludeos, definivit qiiid ei darent ut traderet Dominum. Qui locus at ubi lectus fuerit, tantus rugi tus etmugitus est totius po- puli, ut nuUus sit qui moveri non possit in lacrimis. In ea hora postmodum fit oratio , benedicuntur cathecumini , postmodum fidèles , et fit missa.

486 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

6* Jeudi saint. a) Messes du soir.

Item quinta feria aguntur ea de puUo primo quae con- suetudiiiis est usque ad mane ad Anastase; similiter et ad terlia, et ad sexta. Octava autem hora iuxta consuetadinem ad Martyrium coUiget se omnis populus : propterea autem temporius quam ceteris diebiis, quia citius missa fleri necesse est. Itaque ergo collecto omni populo aguntur quae agenda sunt; fit ipsa die oblatio ad Martyrium, et facitur missa hora forsitan décima. Ibidem, antea autem quam flat missa, mittet vocem archidiaconus, et dicet : « Hora prima noctis omnes in ecclesia quae est in Eleona conveniamus, quoniam maximus labor nobis instat bodie nocte ista. > Facta ergo missa Martyrii venit post Grucem ; dicitur ibi unus yinnus taiitum ; ût oratio ; et offeret episcopus ibi oblaLionem, et communicant omnes. Excepta enim ipsa die una per totum annum nunquam offeritur [)ost Grucem, nisi ipsa die tantum. Facta ergo et ibi missa, itur ad Anastase; fit oratio; benedicuntur iuxta consuetudinem cathecumini et sic fidèles, et fit missa.

b) Station de nuit au mont dos Oliviers.

Et sic unusquisque festinat revorli in domum suam , ut manducet ; quia statim ut manducaverint, omnes vadent in Eleona, in ecclesia ea, in qua est spelunca in qua ipsa die Dominus cuin apostolis fuit. Et ibi uscjue ad hora noctis forsitan quinta, semper aut ymni, aut antiphonae aptae diei et loco, similiter et lectiones dicuntur; interpositae orationos flunt ; loca etiam ea de evangelio leguntur in quibus Dominus allocutus est discipulos eadem die, sedens in eadem spelunca quae in ipsa ecclesia est. Et inde iam hora noctis forsitan sexta iitur susu in Imbomon cum ym- nis in eo loco unde ascendit Dominus in caelis. Et ibi de- nuo similiter lectiones et ymni et antiphonae aptae diei dicuntur; orationes etiam ipsae quaecumque fiunt, quas dicet episcopus, semper et diei et loco aptas dicet.

APPENDICE. 487

. c) Stations à Gethsémani.

Ac sic ergo cum ceperit esse pullomm cantus, descendi- tur de Imbomon cum ymnis et accodit eodem loco ubi ora- vit Dominus, sicut scriptum est in evangelio : Et accestU quantum iactum lapidis, et oravit, et cetera. In eo enim loco ecclesia est elegans. Ingreditnr ibi episcopus et oranis po- pulus ; dicitur ibi oratio apta loco et diei ; dicitur etiam unus ymnus aptus, et legitur ipse locns de evangelio', ubi dixit discipulis suis : Vigilate, ne intrelis in temptationem. Et omnis ipse locus perlegitur ibi ; et fit denuo oratio.

Etiam inde cum ymnis usqne ad minimum infans in Gessamani pedibus cum episco[)0 descendent ; ubi prae tam magna turba multitudinis, et fatigati de vigiliis et ieiuniis cotidianis lassi, quia tam magnum montem necesse habent descendere, lente et lente cum ymnis venitur in Gessamani. Candelae autem ecclesiasticae super ducente paratae sunt propter lumen omni populo. Cum ergo perventum fuerit in Gessamani, fit primum oratio apta; sic dicitur ymnus; item legitur ille locus de evangelio, ubi comprehensus est Dominus. Qui locus ad quod lectus fuerit, tantus rugitus et mugitus totius populi est cum fletu, ut forsitan porro ad civitatem gemitus populi omnis anditus sit.

d) Retour à Jérusalem.

Etiam ex illa hora bitur ad civitatem pedibus cum ym- nis ; pervenitur ad portam ea bora qua incipit quasi homo hominem cognoscere ; inde totum per mediam civitatem omnes usque ad unum, maiores atque minores, divites, pauperes, toti ibi parati , specialiter illa die nullus recedit a vigiliis usque in mane. Sic deducitur episcopus a Gesse- mani usque ad portam, et inde per totam civitatem usque ad Crucem.

?• Vendredi saint. a) Service de l'aurore.

Ante Crucem autem at ubi ventum fuerit, iam lux quasi ■Clara incipit esse. Ibi denuo legitur ille locus de evangelio,

488 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

ubi adducitur Dominus ad Pilatum, et omnia quaecumque scripta sunt, Pilatum ad Dominum dixisse aut ad ludeos, totum legitur. Postniodum autem alloqaitur episcopus po- piilum, confortanseos, qiioniam et tota nocte laboraverint^ et adhuc laboraturi sint ipsa die, ut non lassentur, sed habeant spem in Deo, qui eis pro eo labore maiorem mer- cedem redditurus sit. Et sic confortans eos, ut ix)test ipse, alloquens dicit eis : « Ile intérim nunc unusquisque ad » domumcellas vestras, sedete vobis et modico, et ad horam » prope secundam diei omnes parati estoto hic, ut de ea » hora usque ad sexta sanctum lignuin crucis possitis vi- » dere, ad salutem sibi unusquisque nostruin credens » profuturum ; de hora enim sexta denuo nec3sse habe- » mus hic omnes convenire in isto loco, id est ante Crucem, » ut lectionibus et orationibus usque ad noctem operam » demus. »

b) La colonne de la Flagellation.

Post hoc ergo missa facta de Cruce , id est antequam sol procédât, statim unusquisque animosi vadent in Syoïi orare ad columnam illam ad quam flagellatus est Dominus. Inde reversi sedent modice in domibus suis, et statim toti parati sunt.

c) Adoration de la Croix.

Et sic ponitur cathedra episcopo in Golgotha post Cru- cem, quae stat nunc (l), residet episcopus hic catheira; ponitur ante eum mensa sublinteata ; stant in giro mensa diacones ; et aifertur loculus argeiiteus deauratus in quo est lignum sanctum crucis ; aperitur et profertur ; ponitur in mensa quam lignum crucis, quam titulus. Cum ergo positum fuerit in mensa, episcopus sedens de manibus suis summitates de ligno sancto promet ; diacones autem qui in giro stant custodent. Hoc autem propterea sic custoditur, quia consuetudo est ut unus et unus omnis populus ve-

(1) Je ne comprends pas ce quae stat nunc : il y a peut-être ici une faute de copiste.

APPENDIGB. 489

niens, tam ûdeles quam cathecumini, acclinant se ad men- sam, osculentur sanctum lignam, ot pertranseant. Et guo- niam, nescio quando, dicitur quidam flxisse morsum et furasset sancto ligno , ideo nunc a diaconibus qui in giro stant, sic custoditur, ne quis veniens audeat denuo sic facere. Ac [sic ergo omnis populus transit , unus et unus , toti acclinantes se, primum de fronte sic de oculis tangentes crucem et titulum, et sic osculantes crucem pertranseunt ; manum autem nemo mittit ad tangendum. At ubi autem osculati fuerint crucem, pertransierint, stat diaconus, tenet anulum Salomonis et cornu illud de quo reges ungueban- tur ; osculantur et cornu, attendent et anulum

minus secunda usque ad horam

sextam omnis populus transit, per unum ostium intrans, per (1) alterum perexiens, quoniam hoc in eo loco fit, in que pridie, id est quinta feria, oblatio facta est.

d) Station au Golgotha.

At ubi autem sexta hora se fecerit, sic itur ante Crucem, sive pluvia sive estus sit ; quia ipse locus subdivanus est, id est quasi atrium valde grandem et pulchrum satis quod est inter Gruce et Anastase : ibi ergo omnis populus se col- liget ita ut nec aperiri possit. Episcopo autem cathedra ponitur ante Gruce ; et de sexta usque ad nona aliud nichil fit, nisi leguntur lectiones sic, id est, ita legitur : primum de psalmis , ubicumque de passione dixit ; legitur et de apostolo sive de epistolis apostolorum , vel de actionibus, ubicumque de passione Domini dixerunt , nec non et de evangeJiis leguntur loca , ubi patitur ; item legitur de pro- phetis ubi passurum Dominum dixerunt ; item legitur de evangeliis ubi passionem dicit. Ac sic ab hora sexta usque ad horam nonarasemper sic leguntur lectiones aut dicuntur ymni, ut ostendatur omni populo quia quicquid dixerunt prophetaefuturum de passione Domini, ostendatur tam per evangelia quam etiam per apostolorum scripturas factum esse. Et sic per illas très horas docetur populus omnis nichil

(1) Per altevum est répété deux fois dans le ms.

490 ORI&INES DU GULTB CHRÉTIEN.

factum esse quod non prias dictum sit» et nihil dictum esset quod non totum completum sit. Semper autom inter- ponuntur orationes, quae orationes et ipsae aptae diei sunt. Ad singulas autem lectiones et orationes tantas affectas et gemitas totias popali est ut mirum sit ; nam n allas est neque maior neqae minor, qai in illa die illis tribas horis tantam ploret qaantam uec existimari potest, Dominam pro nobis ea passam faisse.

Post hoc cam ceperit se iam hora non:i facere , legitur iam ille locas de evangelio cata lohannem , ubi reddidit spiritam. Qao lectô, iam fit oratio et missa.

c) Offices du soir.

At abi aatem missa facta faerit de ante Cruce, statim omnia in ecclesia maiore ad Martyriam agantar ea quae per ipsa septimana de hora nona, qua ad Martyriam con- venitur, consueverunt agi usque ad sero per ipsa septimana. Missa autem facta de Martyriam venitur ad Anastase; et ibi cum ventum faerit, legitur ille locus de evangelio, ubi petit corpus Domini loseph a Pilato, ponet illud in sepulcro novo. Hoc autem lecto, fit oratio. benedicantur cathecu- mini ; sic fit missa.

Ipsa autem die non mittitur vox ut pervigiletur ad Anas- tase, quoniamscitpopulum fatigatum esse; sed consuetudo est ut pervigiletur ibi. Ac sic qui vult de populo, immo qui possunt, vigilant ; qui autem non possunt, non vigilant ibi usque in mane, Glerici autem vigilant ibi , id est qui aut fortiores sunt, aut iuveniores : et tota nocte dicuntur ibi ymni et antiphonae usque ad mane. Maxima autem turba pervigilant; alii de sera, alii de média nocte qui ut pos- sunt.

Vigile de Pâques.

Sabbato autem alia die iuxta consuetudinem fit ad tertia; item fit ad sexta; ad nonam autem iam non fit sabbato, sed paranturvigiliae paschales in ecclesia maiore, id est in Marty- rium. Vigiliae autem paschales sic sunt quemadmodum ad nos. Hoc solum hic amplius fit quod infantes, cum bap-

APPENDICE. 491

tidiati fuerint et vestiti^ quemadmodum exient de fonte, simul cum episcopo primum ad Anastase ducuntur. Intrat episcopus intro cancellos Anastasis ; dicitur unus ymnus; et sic facit orationem episcopus pro eis, et sic venit ad eccle- siam maiorem cum eis, ubi iuxta consuetudinem omnis populus vigilat. Aguntur ibi quae consuetudinis est etiam et aput nos, et facta oblatioue ôt missa. Et post facta missa vigiliarum in ecclesia maiore, statim cum ymnis venitur ad Anastase ; et ibi denuo legitur ille locus evangelii resur- rectionis. Fit oratio ; et denuo offeret episcopus ; sed totum ad momentum fit propter populum, ne diutius tardetur, et sic iam dimittetur populus. Ea autom hora fit missa vigi- liarum ipsa die, qua hora et aput nos.

9* Octave de Pâques.

Sero autem illi dies paschales sic attenduntur quemad- modum et ad nos, et ordine suo fiunt missae per octo dies paschales , sicut et ubique fit per Pascha usque ad octavas. Hic autem ipse ornatus est et ipsa compositio, et per octo dies Paschae, quae et per Epiphania, tam in ecclesia maiore, quam ad Anastase, aut ad Grucem, vel in Eleona , sed et in Bethléem, nec non etiam in Lazariu, vel ubique, quia dies paschales sunt. Proceditur autem ipsa die dominica prima in ecclesia maiore , id est ad Martyrium , et secunda feria , et tertia feria , ubi ita tamen, ut semper, missa facta de Martyrio, ad Anastase veniatur cum ymnis. Quarta feria autem in Eleona proceditur; quinta feria ad Anastase; sexta feria in Syon; sabbato ante Gruce; dominica autem die, id est octavis, denuo in ecclesia maiore, id est ad Marty- rium.

Ipsis autem octo diebus paschalibus quotidie post pran- dium episcopus cum omni clero et omnibus infantibus, id est qui baptidiati fuerint, et omnibus qui Aputactitae sunt viri ac feminae, nec non etiam et de plèbe quanti volunt, in Eleona ascendent. Dicuntur ymni, fiunt orationes, tam in ecclesia quae in Eleona est, in qua est spelunca, in qua docebat Tesus discipulos ; tam etiam in Imbomon , id est in eo loco de quo Dominus ascendit in caelis. Et postea-

492 ORIGINES OU GULTB CHRÉTIEN.

quam dicti fuerint psalmi et oratio facta fuerit, inde usgue ad Anastase cum ymnis descenditur hora lucernae. Hoc per totos octo dies fit.

10* Station vespérale à Sion , le dimanche de Pâques.

Sane dominica die per Pascha, post missa lucernarii id est de Anastase, omnis populus episcopum cum ymnis in Syon ducet. Ubi cum ventum fuerit, dicuntur ymni apti diei et loco, fit oratio, et legitur ille locus de evangelio, ubi eadem die Dominus in eodem loco, ubi ipsa ecclesia nunc in Syon est, clausis ostiis, ingressus est discipulis; id est guando tune unus ex discipulis ibi non erat, id est Thomas, qua re- versus est, et dicentibus ei aliis apostolis , quia Dominum vidissent , ille dixit : « Non credo, nisi videro. » Hoc lecto, fit denuo oratio; benedicuntur cathecumini, item fidèles, et revertuntur unusquisque ad domum suam sera, horafor- sitan noctis secunda.

11* Le dimanche après Pâques.

Item octavis Paschae , id est die dominica, statim post sexta omnis populus cum episcopo ad Eleona ascendit. Pri- mum in ecclesia quae ibi est aliquandiu sedetur ; dicun- tur ymni, dicuntur antiphonae aptae diei et loco; flunt ora- tiones similiter aptae diei et loco. Denuo inde cum ymnis itur in Imbomon susu similiter, et ibi ea aguntur quae et illic. Et cum ce périt hora esse, iam omnis populus et omnes Aputactitae deducunt episcopum cum ymnis usque ad Anas- tase. Ea autem hora pervenitur ad Anastase, qua lucerna- rium fteri solet. Fit ergo lucernarium tam ad Anastase quam ad Crucem ; et inde omnis populus usque ad unum cum ymnis ducunt episcopum usque ad Syon. Ubi cum ventum fuerit , similiter dicuntur ymni apti loco et diei ; legitur denuo et ille locus de evangelio, ubi octavis Paschae ingres- sus est Dominus , ubi erant discipuli , et arguet Thomam , quare incredulus fuisset. Et tune omnis ipsa lectio perlegi- tur ; postmodum fit oratio ; benedictis [tam] cathecuminis quam fidelibus, iuxta consuetudinem revertuntur unusquis-

f

■y-.

APPBNOICB. 493

que ad domum suam , similiter ut die dominica Paschae , hora noctis secunda.

VI

Fêtes de la Pentecôte.

1* Le temps pascal.

A Pascha autem usque ad Quinquagesima^ id est Pente- <X)sten , hic penitus nemo ieiunat ^ nec ipsi Aputactitae qui sunt. Nam semper ipsos dies sicut toto anno , ita ad Anas- tase, de pulio primo usque ad mane consuetudinaria agun- tur; similiter et ad sexta et ad lucernare. Dominicis autem diebus semper in Martyrio , id est in ecclesia maiore , pro- ceditur iuxta consuetudinem ; et inde itur ad Anastase cum ymnis. Quarta feria autem et sexta feria, quoniam ipsis diebus penitus nemo ieiunat, in Syon proceditur, sed mane ; fit missa ordine suo.

2* L'Ascension, fête à Bethléem.

Die eadem Quadragesimarum post Pascha , id est quinta feria , pridie omnes post sexta, id est quarta feria, in Beth- léem vadunt propter vigilias celebrandas. Fiunt autem vi- giliae in ecclesia in Bethléem, in qua ecclesia spelunca est ubi natus est Dominus. Alia die autem , id est quinta feria Quadragesimarum , celebratur missa ordine suo , ita ut et presbyteri et episcopus predicent, dicentes apte diei et loco ; et postmodum sera revertuntur unusquisqae in lerusolima.

3" Le dimanche de la Pentecôte. a) Station matinale.

Quinquagesimarum autem die , id est dominica, qua die maximus labor est populo , aguntur omnia sic de pullo qui- dem primo iuxta consuetudinem : vigilatur in Anastase, ut iegat episcopus locum illum evangelii qui semper domi- nica die legitur, id est resurrectionem Domini , et postmo- dum ea aguntur in Anastase quae consuetudinaria sunt, icut toto anno. Cum autem mane factum fuerit, procedit

494 ORIGINn DU CULTI GRRÉTI£N.

omnis populuB in ecclesia maiore, id est ad Martyrium; aguntur oliain omiiia quao consuetudinaria sunt agi ; prae- dicantprosbylori, ])OHlinodiim opiscopus; aguntur omnia lé- gitima, i(I osl oiïortur iuxta consuetudinem qua dominica dio coiiHuovil fiori; sod oadem adceleratur missa in Marty- riurri, ut auto hora tortia flat.

b) tStation à Sion.

QuGinadmodum onim missa facta fuerit ad Martyrium, omnis populns usquo ad unum cum ymnis ducont episco- pum in 8yon ; sed hora tertia plena in Syon sint. Ubi cum ventum fuorit, logitur illo locus de Actus apostolorum, ubi descendit Spiritus , ut omnes linguae intellegerent quae dicebantnr ; postmodum fit ordine suo missa. Nam presby- teri do hoc ipsud quod loctum est, quia ipse est locus in Syon ubi modo occlcaia est , ubi quondam post passionem Doniini collecta eral mnllitudo cum apostolis, qua hoc fac- tuni osl , ut suporius dixinuis legi ibi de Actibus apostolo- rum. l\)stniO(lum fit ordine suo missa ; offertur et ibi etiani; ut diininatur populus, mittit vocem archidiaconus, et dioot : a Ilodio statim post sexta omnes in Eleona parati simus in [lni]honion. »

c) Statiou au mont des Oliviers.

Uoverlitur or^ro omnis populus uuusquisque in domum suani rosuuiore so, et slatim post prandium ascenditur nions Olivou, iJ est in Eleona, uuusquisque quomodo potost, iui uuihis ohristianus remaneat in civitate, quo- niauionuios v.uionl. (JnomaJmoduui ergo subitum liierilin mor.to i>li\o 1, ^1 os. in Kiouna. primum ilur in hi;fco:iion, id osî \:\ Ov> !<=oo. un.!o asoonJit Dominus in caelis; ei ÎM soviot i\ ;>v\v -.is jirosl»y:ori. sod omnis lAi^pulus. Le*;ua- lur i»ii lc'^\: ::o>. .1: ;;î;;:;r iiîîor: i^siie vmni . iiou:::^.? et auîii'h.^ra'^ a. x^^ lî^oi i:>: et îooo; or^tiones cli^iu* ^j^ae inîo;-. .;:.;; :^:;;: >s\.::i-:- :alo> ::v:iun:iaîiones haI>o:'.î. jl: Aei et iv.\\^ i.\\;vo.. ..;..: ; lo^iMr oiia .; o: ille iocus ûeevà..-:-!;^, ubi lia vio as:o:.si; Doiiiini . le^iî^r ei deuuo de Acw<

APPBMIUCB. 49S

apostolorum ubi dicit de ascensu Domini in caelis post résurrection em. Cum autem hoc factum fuerit, bQnedicun* tur cathecumini, sic fidèles; et hora iam nona descenditiir Inde , et cum ymnis itur ad iliam ecclesiam , quae et ipsa in Eleona est , id est in qua speluoca sedens docebat Domi- nus apostolos. Ibi autem cum ventum fuerit, iam est hora plus décima; fit ibi lucernare, fit oratio, benedicuntur ca- thecumini, et sic fidèles etiam.

ci) Procession de nuit.

Inde descenditur cum ymnis omnis populus usque ad unum loti cum episcopo, ymnos dicentos vel antiphonas aplas diei ipsi; sic veiûtur lente et lente usque ad Mar- tyrium. Cum autem porvenitur ad portam civitatis, iam nox est, et occurrent candelae ecclesiasticae vel ducente, propter populo. De porta aulem, quoniam satis est usque ad ecclesia maiore, id est ad Martyrium, porro hora noc- tis forsitan secunda pervenitur ; quia lente et lente itur totum, pro populo , no fatiyentur pedibus. El apertis balvis maioribus , quae sunt de quintaiia parle , omnis populus intrat in Martyrium cum ymnis et episcopo. Ingressi au- tem iii ecclesia, dicuntur ymni, fit oratio, benedicuntur cathecumini, sic fidèles, et inde denuo cum ymnis itur ad Anaslase. Similiter ad Anastase cum ventum fuerit, dicun- tur ymni seu antiphonae, fit oratio, benedicuntur cathecu- mini, sic fidèles ; similiter fiet ad Crucem. Et denuo inde omnis poi)ulus christianus usque ad unum cum ymnis du- cunt opiscopum usque ad Syon. Ubi cum ventum fuerit, leguntur lecliones aptae, dicuntur psalmi vel antiphonae, fit oratio, benedicuntur cathecumini, et tjic fidèles, et fit missa. Missa aulem facta accedunt omnes ad manum epis- copi, et sic reverlunlur unusquisque ad domum suam hora noctis forsitan média.

Ac sic ergo maximus labor in ea die sufFertur ; quoniam de puUo primo vigilatum est ad Anastase , et inde per tota die nunquam cessatam est; et sic omnia quae celebrantur protrahuntur, ut nocte média post missa quae facta fuerit in Syon omnes ad domos suas revertantur.

496 ORIGINES DU CULTE CHRÉTIEN.

5* Reprise du service ordinaire.

lam autem de alia die Quinguagesimarum omnes ieiu- nant iuzta consuetudinem sicut toto anno , qui prout [iOtest , excepta die sabbati et dominica , qua nunqiiam ieiunatur in hisdem locis. Etiam postmodum ceterisdiebus ita singula aguntur ut toto anno ; id est semper de pullo primo ad Anastase vigiletur. Nam si dominica dies est, primum leget de pullo primo episcopus evangelium iuxta consuetudinem intro Anastase locum resurrectionis Do- mini, qui semper dominica die legitur; et postmodum ymni seu antiphonae usque ad lucem dicuntur in Anas- tase. Si autem dominica dies non est, tantum quod ymni vel antiphonae similiter de pullo primo usque ad lucem di- cuntur in Anastase. Aputactitae omrîcs varient; de plebe autem , qui quomodo possunt, vadont ; clerici autem coti- die vicibus. Vadent clerici autem de pullo primo, episcopus autem albescentc vadet semper, ut missa fiatmatutina cum omnibus clericis, excepta dominica die : quia necesse est il- lum de pullo primo ire , ut evangelium Icgat in Anastase. Denuo ad horam sextam aguntur quae consuetudinaria sunt in Anastase; similiter et ad nona, similiter et ad lu- cernare iuxta consuetudinem quam consuevit toto anno iieri. Quarta autem et sexta feria semper nona in Svon fit iuxta consuetudinem.

VII

Le baptême.

i* Inscription dos Compétents,

Et illud etiam scribere debui quemadmodum docentur hi qui baptidiantur por Pascha. Nam qui dat nomen suum, ante diem Quadragesimarum dat, et omnium nomina an- notât presbiter ; hoc est ante illas octo septimanas quibus dixi hic attendi Quadragesima. Cum autem an notaverit om- nium nomina presbyter, postmodum alia die de Quadragesi- mis, id est qua inchoantur octo ebdomadae, ponitur episcopo

« APPENOIGB. 497

cathedra média ecclesia maiore , id est ad Martyrium ; se- dent hinc et inde presbyteri in cathedris, et stant clerici omnes. Et sic adducuntur unus et unns conpetens; si viri sunt, cum patribus suis veniunt; si autem feminae, cum matribus suis. Et sic singulariter interrogat episcopus vici- nos eius qui intravit, dicens : « Si bonae vitae est hic, si pareutibus deferet, si ebriacus non est aut van us, » et sin- gula vitia, quae sunt tamen graviora in homine , requiret, ut si probaverit sine reprehensione esse de his omnibus quibus requisivit praesentibus testibus, annotât ipse manu sua nomen illius. Si autem in aliquo accusatur , iubet il- lum foras exire, dicens : « Emendet se, et cum emendaverit se, tune accedet ad lavacrum ». Sic de viris, sic de mulieri- bus requirons dicit. Si quis autem peregrinus est, nisi tes- timonia habuerit, (jui eum noverint, non tam facile acce- cedet ad baptismum.

»

2" Préparation au baptême. Catéchèses.

Hoc autem, dominae sorores, ne existimaretis sine ra- tione fieri, scribere debui. Gonsuetudo est enim hic talis, ut qui accedunt ad baptismum per ipsos dies quadraginta qui- bus ieiunatur , primum mature a clericis exorcizentur , mox missa facta fuerit de Anastase matutina. Et statim po- nitur cathedra episcopo ad Martyrium in ecclesia maiore , et sedent omnes in giro prope episcopo qui baptidiandi sunt , tam viri quam mulieres ; stant loco etiam patres vel matres , nec non etiam qui volunt audire de plebe om- nes intrant et sedent, sed fidèles. Cathecuminus autem ibi non intrat tune qua episcopus docet illos legem. Id est sic inchoans a Genèse per illos dies quadraginta percurret omnes Scripturas , primum exponens carnaliter , et sic il- lud solvens spiritualiter. Nec non etiam et de résurrection e, similiter et de fide omnia docentur per illos dies. Hoc au- tem cathecisis appellatur.

3* Tradition du symbole.

Etiam quando completae fuerint septimanae quinque a

32

498 ORIGINES DTJ CULTE CHRÉTIEN.

quo (locentur, lune accii)ieiit simbolum. Ciiius simboli ra- tionom, similitor omniiini Scripturarum ratione exponet eis, singulorum sormomim primum carnaliter, et sic spi- ritualitor; ita et simbolum exponet. Ac sic est ut iii his- dom locis ornnos fldoles soquantur Scripturas quando le- guntur in ecclcsia, quia omnos docentur per illos dies quadraginla, id est ab hora prirna usque ad horam tertiam, quoniani per très horas fit cathecisis. Deus autom scit, do- minae sororos , quoniam maiores voces sunt fldolium, qui ad audiondum intrant in cathecison ad ea qnae dicun- tur vol exponuntur per episcopum , quam (juando sedet et praedicat in ecclesia, ad singula (juac taliter exponuntur. Missaaulem facta cathecisis hora iam tortia, statim inde cum ymnis ducitur episcopus ad Anastase, et fit missa ad tertia; ac sic tribus horis docentur ad die per .sei)timanas septem. Oclava onim septimana Quadragesimarum , id est quae a[)poliatur septimana maior , iam vacat eos doceri ut im- ploanlur ea quae superius sunt.

4" Roddition du Hymbolo.

(ium autem iam transierint sei)tem septimanae, superat jlla una septimana paschalis quam hic appellant septimana maior. Tam tune venit episcopus mane in ecclesia maiore ad Martyrium ; rétro in absida post altarium ponitur cathe- dra episcopo, et ibi unus et unus vadet, viri cum pâtre suo, aut mulier cum matro sua, et reddet simbolum e^nscopo. Heddito autem simbolo episcopo, alloquilur omnes episco- pus, et dicet : « Per istas septem soi)timanas legem omnom y> edocti estis Scripturarum; noc non etiamde fideaudistis; » audistis etiam et de resurrcctione cai-nis , sed et singuli » omnem rationem, ut potuistis tamen adhuc cathecumini » audire ; verbum autem quae sunt mysterii allioris, id est ij)- j> siusbaptismi, qui adhuc cathecumini audire non poteatis; » et ne extimetis aliquid sine ratione fleri, cum in iiomine » Dei baptidiati fuoritis, per octo dies paschales, post missa » facta de ecclesia, in Anastase audietis. Qui adhuc cathe- » cumini estis, misteria Dei secretiora dici vobis non i^os- j> sunt ».

APPEiNDir.E. 190

S-* Cat«^.cfaèses uiysticiues,

Post autem venerint dies Paschae , por illos orto dios, id est a Pascha iisque ad octavas, «^uemadmodiim mi^-rsafacla fuerit de occlesia et itiir ciim ymnis ad Aiia.^tasc, inox lit oratio, hencdiruntnr fidèles, et sfat episcopus iiicunil)en« iii cancello iiiteriore , qui est iu s[)olanca Anaytasis, ot oxpo- net oiimin quae aguiitur in haptismo. lila enim liorn ca- Ihecuininus nulliis acredet ad Anastasfî : taiitum neofiti et fidèles qui volant audire njysteriaj in Anastase intrant; claudiintur auteni ostia ne (jui rathocniniaus se diiigat. Disputante aulem eiiisropo singn la. et narrante, tantae vo- ces sunt collandantiurn ut porro foras ecclesia audiantur voces eorum. Vere enini ita niistcria c)innia absuivcnt ut nullus non possit oommoveri .-A ea quae audit sir, exponi.

Et quoniam in ea provincia pars populi et grece et siriste novit, pars etiam alia i^er se .'jrere , aliqua etiaiu pars tau- tum siriste; itaque quoniam episcopus, lieet siriste noveril tamen seinpor grece loquitnr et numquani siriste, ita(]ue ergo stat senq^er preshyter, tjui, epis<;opo grece dicente, si- riste inlerpretatur, utomnes audiantquae exponuutur; lec- tiones eti.iai, quaecunique in e<v:]esia leguntui' , quia ne- cesse est grere legi , semper s!at <]ui siriste interpretatnr , propter po|.iuluni, ut semper discant. Sane quiruni([ue hir. la'ini sunt , id est qui nec siriste n»M- grece injverunt , ne contiislentur, et ipsis exponit episcjpus, quia suntalii IVa- tres et sorores ^^reci latini , ([ni latine exponunt eis. llluil auteni hie. ante oninia vaMe gratuni lit et valde meuiora- bile, ut sem])er tain ynini quani anti[)l;r'nae et lectiones , nec »h»n etiam et orationes quas dicot o[jisoopus, taies [>ro- nuntiationes ha]>eant, ut et iliei qui celehratur, et loeo in quo agi tu r. aptae et convenientes sunt sem[)er.

VIII

La dédicace.

Item dies Enceniarura aj)pellantur , qoando sancta eccle- sia quae in Golgotha e^st, quain Martyi'ium vocant, oonse- crata est Deo, >ed et sancta eMesia, quae es^ ad Anastase.

500 ORIGINEià DU CULTE CHRÉTIEN.

id GvSt iii eo loco iibi Dominiis resurrexit post passionom , oa flie ot ipsa consecrata est Dco. Hariim ergo eccîesiaruLn banctanirn enronia cam sumino honore celebrantiir , '(uo- iiiam ciiix nomiiii invoiita est ipsa die. Et ideo proptej hof ita urdinatiiiij est, ut ijuando priinum sanctae occlesi;î(^ *^n- î»rasrriptae cousecrahaiitur, ea dies essct cpia criix Doiinm l'iierat inventa , ut simiil omni laetitia eadeni di^ reiel-'' - rentur. Et hoc per Scripturas invenitiir,quod ca dies sit en- ceniarum, qua et sanctus Salonion, consummata domo l)*v quain edificaverat, steterit an te al tari um Dei et oraverit, si- cnt scriptum est in libris Parai ipomenon.

Hi ergo dies Enceniarura cum venerint, octo diebiis at- tenduntur. Nam ante plurimos dies inci])iunt se undique colligere ; ubi non solum monachorum vel actito (?) de di- versis provinciis, id est tam de Mesopotamia, vel Syria, vel de Egypto aut Thebaida, ubi plurimi monazontes sunl. sed et (le diversis omnibus locis vel provinciis; nuUus est enim qui non se eadem die in lerusolima tendat ad tan- tam laetitiam et tam honorabiles dies ; seculares autem t^ni viriquam feminae fldeli animo propter diem sanctum v<imi- liter, se ex ^ omnibus provinciis isdem diebus lerusolima colligunt. Episcopi autem, quando parvi fuerint, hisdem diebus lerusolima plus quadraginta aut quinquaginta sunt ; et cum illis veniunt multi clerici sui. Et quid plui a? pntat se maximum peccatum incurrisse, qui in hisdem die- bus tantae sollemnitati inter non fuerit; si tamen nulla né- cessitas contraria luerit , que hominem a borio proposito retinet. His ergo diebus Enceniarum ipse ornatus omnium ecclesiarum est, qui et per Pascha vel per P]piphania ; et ita per singulos dies diversis locis sanctis proceditur ut per Pascha vel Epiphania. Nam prima et secunda die in eccle- sia maiore quae appcUatur Martyrium proceditur. Itoni tertia die in Eleona, id e>t in ecclesia quae est in ipso monte a quo ascendit Dominus in caelis post passionem, intra qua ecclesia est spelunca illa in qua docebat Domi- nus apostolos in monte Oliveti. Quarta autem die. . . .

' sed et coll.

TABLE

PBÉi'ACb r

CHAPITRE PIIEMIKIÎ.

Los circortM-ripiions ctcU'siasli<|;i(»«: 1

^1. Jui\ rric.'» et chrôticnt^'s l

i? "v. -- l*]i;li .es Im-alos, (liixNMOs épiscnp^iux: !l

J^ 3. I^roviiicos occl(''siastiqucs 13

jJ 1. Patriairals , «"^^lises na(i«»nal«v>.. . 'ÎS

ciiAPiTiii: II.

liU i{ios>o ou Oiitiut \o

f. 1. -- La litnrfiçie nu\ temps primitifs \h

i^l. - - \a\ lilnr^;ic syrioun»^ au qiiatvivnic siAclo. ..... '.A

îl 3. - Les ]ii\ir{»it*s ir()ii('ni {\'l

!" La Syrie, p. 03; "2' I^a Mésopotamie ot. la Perse, j). '"7: .3" Oé<arro ef (Jonstantiriuple , p. ()i< ; 4" l'Arménie, }>. "ri.

p, 4. La liturpie Alo\aii(lnn«^

j^ ."). Modifications postcricures

. 1 >

«••••«■ i i

CHAPITRE III.

'^es dea\ iisaf^^es litur^iqnes «le rOccitient latin -SI

^ L -- L'nsa^^e romain et l'nsage ^iaHiran h\

^ "l. -- ('-iginc lie l'usage ^'allican Ni

P. ô. Fusion des doux usages Sî»

CHAPITRE IV. '' " -

...^

Formules et livres liturgiques '.*^^^. ... KM)

'■^. \. Les formules de prière 10('

^ i. Les lectures ;<'-

3. Les pièces de chant H'^

CHAPITRE V.

i.'*o a:K'n3n> iivrc^ de lilurgic lutine. 11 à

^ !. Ijivrvs roi'ïaiuh , lli

1" IjC .sacraiïieiuaire gn'îgoricn . p. 114; "2<» Le sacrn- MieuUtire Rolasicn, p. 119; 3** Lo Missule Franco- rum, p. 127 ; 4' Le sarramentaire léonien, 128 ;

ô" Lo rouleau do Raveune, p. 137: f»** Les Ordinrs Itomuni , p. 138.

j? i. liivres gallicans , 143

7' i.K Missolp (jotli!( urn, p. 143; S" Lo Missale gulli- cunuiii vetvs. p. 144; 0" les m-sses deMone, p. 145;

10 Le lectionnairo <le Luxeuil , p. 147; 11" Le-^ lettres de s. Gennaiu de Paris, p. 147; Vl' Livres lnr»toris, irlandais., etc., p. 148; 13° Le sacrameu- laiio gallican, p. \'.i); 14" Livres ambrosiens, p. L^L

CHAPITRE VI. La mesïje romaine 153

(CHAPITRE VII. Lm irie.s'- pallie. 'n<*. ISii

CHAPITRE VIII.

Los r- les chi'étitMiiu'ïS -'tS

^ l. La s:)maine religieuse 218

i '1. Les Quatre-Tom])s '22'^

i 3. La semaine sainic 223

g ']. Les ictes mobiles 225

l" Le comj'ut ]>ascal, p. 22(i ; 2" Le temps pascal, p. 229;

3" l.e Carême , p. '230; 4' La semaine sainte, p 237.

i b, Les létes fixes 2U

Norl et l'Epiphanie, p. 247; 2" Les fêtes d'après Norl. p. 2o4 ; 3" Les fctes de la Vierge et de s. Jean- Baptiste, p. 258; La fête du 1" janvier, p. 262; ~ a' Les fêtes de la Croix, p. 203; •— 6" Saint Michel, les Mâcha bées, p. 264; Les fêtes des Apôtres, p. 'Uth; 8' Los Martyrs, autres fétea locales, p. 272;

9' Joùnes, Octaves,. Litanies, p. 273; 10* Calen- driers et niartyj'ologes, p. 278.

CHAPITRE IX.

L'initiation chrétienne 2j>1

p. l. Le baptême suivant l'usage romain. ........ 283

1' Rites du catéchuménat, p. 284 ; 2* Préparation au

TAULE. j'j!;

l)M|ji<Miio, p. :J!8() ; -3" l^'iiùdiciioii <J<'.s saintes liuilc.^, |). vî'.li : 4" Le haptômo . p. '^[û ; ;V [.a co?i(i.'iiia tion, p. .'i()2; G" La prciniôro roinmuuiou, p. 'M\A.

'i '2. Le baptême gallican 304

1" Le catéchumoiial, p. 305; "2" La préparation au baptême, p. !jIî7: Ije baptême et la runfirTnation , p. 308. g 3. Les rites de rinitinlirm dnii«; los égliKi's orientales. . 'A\b

g 4. Comparaison dos rites, leur antiquité 3!8

J{ 5. La réconciliation dos liérétiquos. . 'M'^

(•nAPlTUK X.

L'ordination ?y:'J

JJ 1. La hiêi'aiThic eccl«Vsin'>li«iuo .T29

{{ "2. Le> rituels latins de rordinati<>n 337

î^ lî. Les ordinations à Rome X)\)

\" Les ordr(\^ mineurs, p. .130: '.'" (ordination dos <^ua- ti'C-Temps (prciros et diaiTos,, p, 34i>: - iV' Ordinatiou dos ov<'(|uos. p. 3'!.'): i" (Ji'dination du pape. p. 3i^.

{( 4. I^es ordination^ suivant le rit.- «;allican 3ii*

i h. Ijij^s orilin.uions en C^ritMit 'M'y"!

0

CHAPITRE XL

Le ctistume liturgique 3(J;'

l"' La tuniqiio et la planète, p. .■>(>5 ; 2" \.y dalmati«|ne, p. :')»)T: 3" La ma[)pula et l^^s manches, p. 309; '{'• Le p.dlium, p. 370; 5'^ l.'êtole, p. .Tf) ; (/' Los soiiiiors cl la coiiïure, p. 380: 7" La housse blan- che des cliM'CR romains, p. 38"J ; .S' Ij.i crosse et Pan- neau, p. :i>^2.

CHAPITRE Xll.

La dédicace Aç.9^ éj^dises , 3><ô

fj i. Les c<lifices coîisacrcs au cuit»' chr<'iion 385

\ 2. La dédicace suivant le rite roniain. ....... J8y

g 3. La dédicace gallicane .393

CHAPITRE XIII.

La consécr;dion des vierges '<04

\ 1. La profession virginale 404

j< 2. Les litesde la Ve/a/io virgininn. 'lOy

CHAPITRE XIV. La bénédiction nuptiale 413

304 TABLE.

CHAPITRE XV. La roconoiliHîion doz j»onitt'iits 4?0

CTTAinTRE XVÏ L'ortice duiii 431

APPENDICE.

Les Ordiitrf: rr-uiains »lu manuscrit de Saint- Aniand 439

'l" Uitiitîl df* la dédivaf»- (ians h^ sacraiiiontairc d'Angoulême. . 464

'V' UilTiol do. la d/Mlicace m l'usage de l'évèque de Metz 466

4" Ordic iïo.< offlcL-s à .Itrusalcm v<ms la fin du quatrième siècle, 469

lOl.i OISE. IMP. A. CHAUVIN ET FILS. U^E HES SALENQUKS, 28.

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Théodore MOMMSEN et Joachim MÂRQUARDT

TUADDIT DE l'aI.LEMAND SOUS LA DIRECTION DE

M. Gustave HUMBERT

Professeur honoraire k la F'aculté de droit de Ti^ulouse, ancien Procureur général près la Cour des Comptes, ancien Garde des Sceaux. Vice-Président du Sénat

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romain, partie : LE peuple kt le sénai, tome 1 , partie. IX. L'Administration romaine, l*^" partie : l'orga.msation de l'empiiie uomain, tome II. XL. L*Administra-

tion romaine, 2* partie : l'organisation .militaire. XIII. L'Administration ro- Mftine , S' partie : le cu;<te , tome II.

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